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su­jet

Hugo, «Les Chants du crépuscule • Les Voix intérieures • Les Rayons et les Ombres»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Rayons et les Ombres» et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Haut

Hugo, «Les Orientales • Les Feuilles d’automne»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Feuilles d’automne» et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Haut

Hugo, «Odes et Ballades»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Odes et Bal­lades» et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Haut

Maupertuis, «Œuvres. Tome IV»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de l’«Ac­cord des dif­fé­rentes lois de la na­ture qui avaient jusqu’ici paru in­com­pa­tibles» et autres œuvres de Pierre-Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe fran­çais qui dé­mon­tra que la Terre était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa car­rière dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le feu de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa vie mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des ma­thé­ma­tiques, et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des sciences, où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… Or, en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand homme; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en France, comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la phy­sique [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un cou­rage dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Haut

Maupertuis, «Œuvres. Tome III»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la «Re­la­tion du voyage fait par ordre du Roi au cercle po­laire» et autres œuvres de Pierre-Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe fran­çais qui dé­mon­tra que la Terre était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa car­rière dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le feu de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa vie mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des ma­thé­ma­tiques, et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des sciences, où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… Or, en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand homme; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en France, comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la phy­sique [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un cou­rage dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Haut

Maupertuis, «Œuvres. Tome II»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la «Lettre sur le pro­grès des sciences» et autres œuvres de Pierre-Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe fran­çais qui dé­mon­tra que la Terre était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa car­rière dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le feu de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa vie mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des ma­thé­ma­tiques, et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des sciences, où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… Or, en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand homme; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en France, comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la phy­sique [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un cou­rage dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Haut

Maupertuis, «Œuvres. Tome I»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit du «Dis­cours sur les dif­fé­rentes fi­gures des astres» et autres œuvres de Pierre-Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe fran­çais qui dé­mon­tra que la Terre était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa car­rière dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le feu de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa vie mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des ma­thé­ma­tiques, et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des sciences, où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… Or, en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand homme; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en France, comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la phy­sique [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un cou­rage dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Haut

Galland, «Journal, [pendant] la période parisienne. Volume IV (1714-1715)»

éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain

éd. Pee­ters, coll. As­so­cia­tion pour la pro­mo­tion de l’histoire et de l’archéologie orien­tales-Mé­moires, Lou­vain

Il s’agit du «Jour­nal» d’Antoine Gal­land, orien­ta­liste et nu­mis­mate fran­çais (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui mo­di­fièrent le plus l’imagination lit­té­raire, si­non pro­fon­dé­ment, du moins dans la fan­tai­sie, je veux dire les «Mille et une Nuits». Toute sa vie, Gal­land vé­cut seul, presque sans autres amis que ses livres — les seuls qui ne le dé­çurent ja­mais. Sa­vant de pre­mier ordre, il s’attachait à étu­dier les langues orien­tales et les mé­dailles an­tiques, propres à je­ter quelque lu­mière — si in­fime fût-elle — sur les an­nales du passé. Voya­geur, il cher­chait les traits né­gli­gés par ses de­van­ciers. Sou­vent heu­reux dans ses re­cherches, simple et la­bo­rieux, il était, ce­pen­dant, d’une cer­taine hu­meur dans la lec­ture de ses contem­po­rains, qu’il ne pou­vait souf­frir d’y voir im­pri­mées des er­reurs sans prendre la plume pour les cor­ri­ger. «J’y trou­vai», écrit-il au su­jet d’un livre 1, «des ex­pli­ca­tions si fort hors du bon sens, que je fus contraint de ces­ser la lec­ture pour la re­prendre le ma­tin, de crainte que je n’en puisse dor­mir. Mais je fus plus d’une heure et de­mie à m’endormir, non­obs­tant les ef­forts que je pus faire pour chas­ser de mon es­prit ces ex­tra­va­gances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se fai­sait néan­moins as­sez connaître». Ses écrits res­tèrent tou­jours, pour le nombre et l’importance, au-des­sous de son éru­di­tion. Un jour, il eut une dis­cus­sion très vive à l’Académie des ins­crip­tions; dans une de ses ré­pliques, on re­marque ce pas­sage qui montre l’étendue de son ac­ti­vité in­las­sable et sa haute ri­gueur : «Py­tha­gore ne de­man­dait à ses dis­ciples que sept ans de si­lence pour s’instruire des prin­cipes de la phi­lo­so­phie avant que d’en écrire ou d’en vou­loir ju­ger. Sans que per­sonne l’eût exigé, j’ai gardé un si­lence plus ri­gide et plus long dans l’étude des mé­dailles. Ce si­lence a été de trente an­nées. Pen­dant tout ce temps-là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres ha­biles, de lire et d’examiner leurs ou­vrages; j’ai en­core ma­nié et dé­chif­fré plu­sieurs mil­liers de mé­dailles grecques et la­tines, tant en France qu’en Sy­rie et en Pa­les­tine, à Smyrne, à Constan­ti­nople, à Alexan­drie et dans les îles de l’Archipel»

  1. «Jour­nal», 4 juin 1711. Haut

Galland, «Journal, [pendant] la période parisienne. Tome III (1712-1713)»

éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain

éd. Pee­ters, coll. As­so­cia­tion pour la pro­mo­tion de l’histoire et de l’archéologie orien­tales-Mé­moires, Lou­vain

Il s’agit du «Jour­nal» d’Antoine Gal­land, orien­ta­liste et nu­mis­mate fran­çais (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui mo­di­fièrent le plus l’imagination lit­té­raire, si­non pro­fon­dé­ment, du moins dans la fan­tai­sie, je veux dire les «Mille et une Nuits». Toute sa vie, Gal­land vé­cut seul, presque sans autres amis que ses livres — les seuls qui ne le dé­çurent ja­mais. Sa­vant de pre­mier ordre, il s’attachait à étu­dier les langues orien­tales et les mé­dailles an­tiques, propres à je­ter quelque lu­mière — si in­fime fût-elle — sur les an­nales du passé. Voya­geur, il cher­chait les traits né­gli­gés par ses de­van­ciers. Sou­vent heu­reux dans ses re­cherches, simple et la­bo­rieux, il était, ce­pen­dant, d’une cer­taine hu­meur dans la lec­ture de ses contem­po­rains, qu’il ne pou­vait souf­frir d’y voir im­pri­mées des er­reurs sans prendre la plume pour les cor­ri­ger. «J’y trou­vai», écrit-il au su­jet d’un livre 1, «des ex­pli­ca­tions si fort hors du bon sens, que je fus contraint de ces­ser la lec­ture pour la re­prendre le ma­tin, de crainte que je n’en puisse dor­mir. Mais je fus plus d’une heure et de­mie à m’endormir, non­obs­tant les ef­forts que je pus faire pour chas­ser de mon es­prit ces ex­tra­va­gances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se fai­sait néan­moins as­sez connaître». Ses écrits res­tèrent tou­jours, pour le nombre et l’importance, au-des­sous de son éru­di­tion. Un jour, il eut une dis­cus­sion très vive à l’Académie des ins­crip­tions; dans une de ses ré­pliques, on re­marque ce pas­sage qui montre l’étendue de son ac­ti­vité in­las­sable et sa haute ri­gueur : «Py­tha­gore ne de­man­dait à ses dis­ciples que sept ans de si­lence pour s’instruire des prin­cipes de la phi­lo­so­phie avant que d’en écrire ou d’en vou­loir ju­ger. Sans que per­sonne l’eût exigé, j’ai gardé un si­lence plus ri­gide et plus long dans l’étude des mé­dailles. Ce si­lence a été de trente an­nées. Pen­dant tout ce temps-là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres ha­biles, de lire et d’examiner leurs ou­vrages; j’ai en­core ma­nié et dé­chif­fré plu­sieurs mil­liers de mé­dailles grecques et la­tines, tant en France qu’en Sy­rie et en Pa­les­tine, à Smyrne, à Constan­ti­nople, à Alexan­drie et dans les îles de l’Archipel»

  1. «Jour­nal», 4 juin 1711. Haut

Galland, «Journal, [pendant] la période parisienne. Tome II (1710-1711)»

éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain

éd. Pee­ters, coll. As­so­cia­tion pour la pro­mo­tion de l’histoire et de l’archéologie orien­tales-Mé­moires, Lou­vain

Il s’agit du «Jour­nal» d’Antoine Gal­land, orien­ta­liste et nu­mis­mate fran­çais (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui mo­di­fièrent le plus l’imagination lit­té­raire, si­non pro­fon­dé­ment, du moins dans la fan­tai­sie, je veux dire les «Mille et une Nuits». Toute sa vie, Gal­land vé­cut seul, presque sans autres amis que ses livres — les seuls qui ne le dé­çurent ja­mais. Sa­vant de pre­mier ordre, il s’attachait à étu­dier les langues orien­tales et les mé­dailles an­tiques, propres à je­ter quelque lu­mière — si in­fime fût-elle — sur les an­nales du passé. Voya­geur, il cher­chait les traits né­gli­gés par ses de­van­ciers. Sou­vent heu­reux dans ses re­cherches, simple et la­bo­rieux, il était, ce­pen­dant, d’une cer­taine hu­meur dans la lec­ture de ses contem­po­rains, qu’il ne pou­vait souf­frir d’y voir im­pri­mées des er­reurs sans prendre la plume pour les cor­ri­ger. «J’y trou­vai», écrit-il au su­jet d’un livre 1, «des ex­pli­ca­tions si fort hors du bon sens, que je fus contraint de ces­ser la lec­ture pour la re­prendre le ma­tin, de crainte que je n’en puisse dor­mir. Mais je fus plus d’une heure et de­mie à m’endormir, non­obs­tant les ef­forts que je pus faire pour chas­ser de mon es­prit ces ex­tra­va­gances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se fai­sait néan­moins as­sez connaître». Ses écrits res­tèrent tou­jours, pour le nombre et l’importance, au-des­sous de son éru­di­tion. Un jour, il eut une dis­cus­sion très vive à l’Académie des ins­crip­tions; dans une de ses ré­pliques, on re­marque ce pas­sage qui montre l’étendue de son ac­ti­vité in­las­sable et sa haute ri­gueur : «Py­tha­gore ne de­man­dait à ses dis­ciples que sept ans de si­lence pour s’instruire des prin­cipes de la phi­lo­so­phie avant que d’en écrire ou d’en vou­loir ju­ger. Sans que per­sonne l’eût exigé, j’ai gardé un si­lence plus ri­gide et plus long dans l’étude des mé­dailles. Ce si­lence a été de trente an­nées. Pen­dant tout ce temps-là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres ha­biles, de lire et d’examiner leurs ou­vrages; j’ai en­core ma­nié et dé­chif­fré plu­sieurs mil­liers de mé­dailles grecques et la­tines, tant en France qu’en Sy­rie et en Pa­les­tine, à Smyrne, à Constan­ti­nople, à Alexan­drie et dans les îles de l’Archipel»

  1. «Jour­nal», 4 juin 1711. Haut

Hugo, «Notre-Dame de Paris. Tome II»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Notre-Dame de Pa­ris» et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Haut

Hugo, «Notre-Dame de Paris. Tome I»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Notre-Dame de Pa­ris» et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Haut

Hugo, «Han d’Islande»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Han d’Islande» et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Haut