Maupertuis, «Œuvres. Tome IV»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de l’«Ac­cord des dif­fé­rentes lois de la na­ture qui avaient jusqu’ici paru in­com­pa­tibles» et autres œuvres de Pierre-Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe fran­çais qui dé­mon­tra que la Terre était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa car­rière dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le feu de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa vie mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des ma­thé­ma­tiques, et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des sciences, où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… Or, en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand homme; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en France, comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la phy­sique [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un cou­rage dont on doit lui sa­voir gré».

la dis­pute sur la fi­gure de la Terre

C’est alors qu’éclata, au sein de l’Académie des sciences, la dis­pute sur la fi­gure de la Terre. Les new­to­niens, avec Mau­per­tuis à leur tête, es­ti­maient que cette fi­gure de­vait être celle d’une sphère apla­tie aux pôles; les car­té­siens, eux, vou­laient qu’elle fût al­lon­gée aux pôles. Le Roi prit la dé­ci­sion d’envoyer une mis­sion pour tran­cher cette grosse ques­tion qui agi­tait les géo­mètres et les phi­lo­sophes. En 1736, Mau­per­tuis fut choisi, avec Clai­raut, pour al­ler au cercle po­laire dans le but d’y me­su­rer le de­gré du mé­ri­dien, alors qu’une autre équipe, ayant La Conda­mine pour chef, al­lait faire la même opé­ra­tion à l’équateur. À son re­tour du cercle po­laire, Mau­per­tuis s’attribua seul toute la gloire des cal­culs et des opé­ra­tions; il se fit peindre avec le globe ter­restre, qu’il apla­tis­sait; il dit : «C’est là sans toute la plus fa­meuse époque que ja­mais les sciences aient eue» 3, et : «La France a exé­cuté la plus grande chose qui ait ja­mais été faite pour les sciences, lorsqu’elle a en­voyé à l’équateur et au pôle des troupes de ma­thé­ma­ti­ciens» 4. Il eut tort de mettre en évi­dence ce mau­vais côté de son ca­rac­tère qu’on ap­pelle l’orgueil; mais nous au­rions un tort plus grand de ne pas par­don­ner à un sa­vant qui avait, par ailleurs, en­duré tant de fa­tigues et souf­fert tant d’oppositions.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style de l’«Ac­cord des dif­fé­rentes lois de la na­ture qui avaient jusqu’ici paru in­com­pa­tibles» : «Je connais la ré­pu­gnance que plu­sieurs ma­thé­ma­ti­ciens ont pour les “causes fi­nales” [c’est-à-dire “l’idée de fi­na­lité, de des­sein di­vin”] ap­pli­quées à la phy­sique, et [je] l’approuve même jusqu’à un cer­tain point; j’avoue que ce n’est pas sans pé­ril qu’on les in­tro­duit. L’erreur où sont tom­bés des hommes tels que Fer­mat en les sui­vant, ne prouve que trop com­bien leur usage est dan­ge­reux. On peut ce­pen­dant dire que ce n’est pas le prin­cipe qui les a trom­pés; c’est la pré­ci­pi­ta­tion avec la­quelle ils ont pris pour le prin­cipe ce qui n’en était que des consé­quences. On ne peut dou­ter que toutes choses ne soient ré­glées par un Être su­prême qui, pen­dant qu’Il a im­primé à la ma­tière des forces qui dé­notent Sa puis­sance, l’a des­ti­née à exé­cu­ter des ef­fets qui marquent Sa sa­gesse…» 5

Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF

Voyez la liste com­plète des té­lé­char­ge­ments Voyez la liste complète

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Haut
  2. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 262-263. Haut
  1. id. p. 372. Haut
  2. p. 20-21. Haut