« Amour et Politique dans la Chine ancienne : cent poèmes de Li Shangyin (812-858) »

éd. de Boccard, Paris

éd. de Boc­card, Pa­ris

Il s’agit de Li Shang yin 1, de son vrai nom Yi shan 2, poète sym­bo­liste de la fin des Tang (IXe siècle apr. J.-C.). «Au­cun poème , par dé­fi­ni­tion, ne peut se ré­duire à son sens lit­té­ral.» 3 Cette ne s’est ja­mais mieux fait sen­tir que dans les poèmes de Li Shang yin. Le moindre de ses vers a be­soin de pour être bien com­pris. Les sont peu connus. L’action où ils sont en­ga­gés est aussi obs­cure pour les gens du que pour les éru­dits. L’ du lec­teur, au lieu de s’attacher tout en­tière aux idées qui animent le poète, cherche à de­vi­ner le sens des sym­boles. Que si­gni­fie, par exemple :

«Lorsque le cé­leste des Han eut en­gen­dré Pu­shao,
La lu­zerne et la gre­nade furent plan­tées par­tout dans les fau­bourgs.
Les jar­dins du ne sur­ent que conser­ver le bec du phé­nix;
Les chars de la suite n’ont plus dressé les longues plumes du fai­san…
Qui avait prévu que Su Wu, de­venu vieux, re­vien­drait au pays?
À Mou­ling, sur les pins et les cy­près, la pluie tombe en sif­flant, lu­gubre
» 4?

cette luxu­riance d’images, d’îlots de sens, d’allusions his­to­riques et fa­bu­leuses

Et pour­tant, Li Shang yin a conquis les cœurs des let­trés chi­nois, qui l’ont imité jusqu’à l’abus. Il y a eu sû­re­ment dans ce un peu de sur­prise lit­té­raire. Il faut faire une part à l’étonnement causé chez leurs ri­gides par l’étrangeté dé­li­cieuse de Li Shang yin, par cette luxu­riance d’images, d’îlots de sens, d’allusions his­to­riques et fa­bu­leuses, par ces rap­pro­che­ments si her­mé­tiques, si ori­gi­naux, si ca­den­cés. Mais pour ex­pli­quer que Li Shang yin soit de­venu chez les let­trés chi­nois ce qu’il est, il a fallu plus que cela. La for­tune lit­té­raire de ses poèmes tient à Li Shang yin lui-même. Sa n’a été qu’une longue suite de dé­cep­tions qu’aggravait tou­jours le de voir in­em­ployés ses ta­lents. C’est ce cha­grin, com­pa­rable à ce­lui d’un amou­reux contra­rié dans ses dé­sirs, que par­ta­geaient en tout point les let­trés chi­nois. «Ce qui est ca­rac­té­ris­tique de la de Li Shang yin et a at­tiré sur lui l’attention», ex­plique M.  5, «est [l’]ambiguïté, par exemple, d’un cer­tain nombre de poèmes d’, qui ont sou­vent été in­ter­pré­tés comme des poé­sies à la fois po­li­tiques et per­son­nelles sur la si­tua­tion pré­caire du poète dans le man­da­ri­nat. Que le prince ou le haut fonc­tion­naire puisse être re­pré­senté par une belle femme est un fré­quent dans la de­puis les “Élé­gies de Chu”, et les du poète avec lui se­ront évo­quées sur le des re­la­tions entre amants».

Il n’existe pas moins de douze tra­duc­tions fran­çaises des poèmes, mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. Her­vouet.

「君問歸期未有期,
巴山夜雨漲秋池.
何當共剪西窗燭,
卻話巴山夜雨時.」

 Poème dans la ori­gi­nale

«Vous me de­man­dez le jour de mon re­tour. Je ne sais.
Dans les monts de Ba 6, la pluie de la a gon­flé l’étang de l’automne.
Quand pour­rons-nous en­semble mou­cher la chan­delle à la fe­nêtre [de] l’Ouest?
Lors, je vous conte­rai la pluie, la nuit, des monts de Ba.»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Her­vouet

«Pour quand est mon re­tour? Ré­pondre est ha­sar­deux.
Nuit de pluie au mont Ba! L’étang d’automne monte.
Quand donc mou­che­rons-nous la chan­delle tous deux
Pour que ma nuit de pluie au mont Ba je vous conte?»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Paul Ja­cob (dans «Va­cances du pou­voir : poèmes des Tang», éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris)

«Vous me de­man­dez quand je re­vien­drai. Je l’ignore.
La nuit, la pluie sur les monts Ba hausse l’étang d’automne.
Quand pour­rons-nous cou­per la chan­delle à la fe­nêtre d’Ouest
Et de nou­veau par­ler par une nuit de pluie sur les monts Ba?»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Guil­hem Fabre (dans «Ins­tants éter­nels : cent et quelques poèmes connus par cœur en », éd. La Dif­fé­rence, Pa­ris)

«Vous me de­man­dez le jour de mon re­tour? Je ne sais.
Dans la mon­tagne, sous la pluie noc­turne, le lac d’automne dé­borde.
Puis­sions-nous, réunis un jour sous la chan­delle de­vant la fe­nêtre de l’Ouest,
Évo­quer en­semble le de cette nuit de pluie sur la mon­tagne!»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Lo Ta-kang (dans «Cent Qua­trains des T’ang», éd. O. Ze­luck, Pa­ris)

«Tu me de­mandes la date de mon re­tour. Il n’y en a pas.
Aux monts Ba, la pluie noc­turne gonfle le lac au­tom­nal.
Quand, tous deux, de­vant la bou­gie à la fe­nêtre de l’Ouest,
Par­le­rons-nous, la nuit, de la pluie dans les monts Ba?»
— Poème dans la tra­duc­tion de Mme Flo­rence Hu-Sterk (dans « de la poé­sie chi­noise», éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris)

«Je ne peux pas te dire quand je re­vien­drai :
Par la pluie, les étangs sont déjà dé­bor­dés.
Oh! quand pour­rons-nous mou­cher la chan­delle fine
Et par­ler de la pluie inon­dant les col­lines?»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Xu Yuan chong (dans «Choix de poèmes et de ta­bleaux des Tang», éd. 五洲传播出版社, coll. de , Pé­kin)

«Vous me de­man­dez quand je re­vien­drai. La date n’est pas dé­ci­dée.
La pluie, la nuit sur les monts Ba­shan, enfle les étangs à l’automne.
Quand en­semble mou­che­rons-nous la bou­gie à la fe­nêtre de l’Ouest,
Et te ra­con­te­rai-je ce mo­ment de pluie sur les monts Ba­shan?»
— Poème dans la tra­duc­tion de M.  (dans «An­tho­lo­gie de la clas­sique», éd. Ph. Pic­quier, Arles)

«Vous me de­man­dez la date de mon re­tour. , ja­mais cette date ne fut fixée.
Ce soir, seul dans la mon­tagne de Pa, la pluie d’automne aug­mente l’ de l’étang.
Quand nous nous re­ver­rons de­vant la fe­nêtre, mou­chant la mèche de la chan­delle,
Quel plai­sir de cau­ser en­semble sur la pluie de cette triste soi­rée dans cette si­len­cieuse mon­tagne.»
— Poème dans la tra­duc­tion de Tseng Tchong ming (dans «Es­sai his­to­rique sur la poé­sie chi­noise», éd. J. De­prelle, Lyon)

«Tu me de­mandes : “Quand re­viens-tu?” Je ne sais pas.
La pluie noc­turne des­cend du mont Pai trou­blant le lac d’automne.
Quand se­rons-nous tous deux au­tour de la chan­delle à la fe­nêtre de l’Ouest
En train de par­ler en­semble de cette nuit où la pluie des­cen­dait du mont Pai?»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Claude Roy (dans «Le Vo­leur de poèmes : Chine», éd. Mer­cure de , Pa­ris)

«Tu de­mandes la date du re­tour
Au­cune date n’est fixée en­core.
La nuit dans les du Si­chuan
La pluie d’automne — les points d’eau dé­bordent.
Oh! quand de­vant la fe­nêtre de l’Ouest
Res­te­rons-nous en­semble à la bou­gie
En de­vi­sant de ce que fut la pluie
La nuit dans les mon­tagnes du Si­chuan?»
— Poème dans la tra­duc­tion in­di­recte de M. An­dré Mar­ko­wicz (dans «Ombres de Chine», éd. In­culte-Der­nière Marge, Pa­ris)

Icône Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

«Quand se­rai-je chez ?
Je ne le sais pas.
Dans les mon­tagnes, par cette nuit plu­vieuse
Le lac d’automne est en crue.
Un jour, nous nous re­trou­ve­rons
À la lu­mière de la bou­gie près de la fe­nêtre qui donne à l’Ouest,
Et je te di­rai quel sou­ve­nir j’ai eu de toi
Ce soir sur la mon­tagne ora­geuse.»
— Poème dans la tra­duc­tion in­di­recte de Mme Cé­line Le­roy (dans Pe­ter Hel­ler, «La Constel­la­tion du chien : », éd. Actes Sud, Arles)

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«Vous me de­man­dez quand je vais ve­nir :
Hé­las, pas en­core…
Comme la pluie fouet­tait les mares,
La nuit de notre ren­contre!
Ah! quand mou­che­rons-nous en­semble en­core
Des chan­delles fu­mantes
En nous rap­pe­lant les heures gaies
De cette nuit de pluie?»
— Poème dans la tra­duc­tion in­di­recte d’Henri- Ro­ché («Poèmes chi­nois» dans «Vers et Prose», vol. 9, p. 35-43)

Icône Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • , «Les Notes de Li Yi-chan» dans «Bul­le­tin de la Mai­son franco-ja­po­naise», sér. 2, vol. 4, nº 3
  • Yves Her­vouet, «Li Shan­gyin (813-858)» dans «En­cy­clopæ­dia uni­ver­sa­lis» (éd. élec­tro­nique).
  1. En chi­nois 李商隱. Au­tre­fois trans­crit Li-chang-yn, Li Chang-yin ou Li Shang ying. Icône Haut
  2. En chi­nois 義山. Au­tre­fois trans­crit Yi-chan. Icône Haut
  3. M. An­dré Mar­ko­wicz. Icône Haut
  1. p. 225. Icône Haut
  2. «Li Shan­gyin (813-858)». Icône Haut
  3. Dans la pro­vince du Si­chuan. Icône Haut