« Les Doinas : poésies moldaves »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des doi­nas 1 re­cueillies par Va­sile Alec­san­dri 2 (XIXe siècle), vrais de la de la . Qu’est-ce que des doi­nas? Ce sont de pe­tites pièces de vers, qui ne portent pas de d’auteurs, parce qu’elles sont l’œuvre de tous, l’expression la plus di­recte et la plus sin­cère du du . Elles ren­ferment des in­es­ti­mables de tendres, de croyances su­per­sti­tieuses, de cou­tumes an­ces­trales et, sur­tout, de beau­tés poé­tiques pleines d’originalité. Elles gardent pro­fon­dé­ment mar­quée l’empreinte du ca­rac­tère lo­cal : «elles ex­halent», dit un  3, «ce par­fum des et des na­tales, qui ne se peut ni contre­faire, ni em­prun­ter». Elles abondent, en­fin, en com­pa­rai­sons pit­to­resques, en images gra­cieuses et ter­ribles; c’est ainsi qu’elles ap­pellent l’argent «l’ du » («ochĭul dra­cu­luĭ»); la «la fian­cée du » («mi­résa lu­meĭ»), parce que tout le monde lui est pro­mis en en­trant dans la ; elles com­parent la à la  : «bon comme le sein d’une mère» («bun ca si­nul ma­meĭ»); elles disent d’un su­pé­rieur qu’«il porte une étoile au front» («cu stea în frunte»); d’une belle femme qu’elle est «un de » («ruptă din sóre»); etc.

«elles ex­halent ce par­fum des mon­tagnes et des val­lées na­tales, qui ne se peut ni contre­faire, ni em­prun­ter»

Alec­san­dri était trop poète pour ne pas être frappé de la beauté de cette pri­mi­tive dont les ac­cents l’avaient, pour ainsi dire, bercé; il avait trop l’ de son pays pour ne pas dé­si­rer que ces bal­lades et ces chants, qui en re­tra­çaient la gloire et la pas­sées, fussent re­cueillis avant que le les eût com­plè­te­ment dis­per­sés ou dé­fi­gu­rés. Lorsqu’il se voua à la pieuse tâche de ras­sem­bler ces lam­beaux épars de la poé­sie et de la po­pu­laires, Alec­san­dri fut dou­ble­ment bien ins­piré — car, en même temps qu’il res­ti­tuait à la Rou­ma­nie ses titres lit­té­raires sur le point d’être per­dus, la fré­quen­ta­tion as­si­due de ces pures re­trempa à la fois sa et son , et la pa­trie lui ren­dit ainsi ce qu’elle avait reçu de lui. «Que de fois», dit un ami d’Alecsandri 4, «il m’a ra­conté les épi­sodes de ses poé­tiques ex­cur­sions, ses haltes dans les ruines qui avaient abrité au­tre­fois quelque bri­gand fa­meux, ses conver­sa­tions avec les an­ciens des , les re­cueillies… de la bouche des jeunes files, la ma­ma­liga 5 goû­tée dans la ca­bane des pay­sans, et le soir — car de tels contrastes ne sont point rares dans ces contrées où l’on trouve tous les raf­fi­ne­ments de la à côté des as­pé­ri­tés de la vie sau­vage — l’arrivée dans quelque châ­teau où règnent le confort, l’élégance… et jusqu’à la langue de Pa­ris».

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style des doi­nas : «À cette heure du soir, où l’oiseau vole à son nid en je­tant un pe­tit cri plain­tif comme un sou­pir; à cette heure du cré­pus­cule où il re­plie sa tête sous son aile et s’endort dou­ce­ment parmi les feuilles;

Zam­fira, triste et pen­sive, sor­tait de sa tente et fixait des re­gards hu­mides de larmes sur la lune qui ré­pan­dait sa blanche lu­mière sur le front de la jeune fille.

De­puis que la char­mante en­fant sou­riait dans le monde comme la fleur des champs, le so­leil seul avait dé­posé des bai­sers sur son sein vierge et sur ses yeux brillants…

Mais un soir, là-haut, sur la col­line, une vieille sor­cière consulta les qua­rante et un grains de maïs 6, et dit tout à coup en fré­mis­sant : “Ô ma fille, que te pré­serve du bel étran­ger à la ca­res­sante!”» 7

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  1. En rou­main «doină» (sin­gu­lier) et «doine» (plu­riel). Par­fois trans­crit «doïne». Icône Haut
  2. Au­tre­fois trans­crit Ba­sile Alec­san­dri, Va­si­lie Alec­san­dri, Va­sili Alexan­dri ou Vas­sili Alexan­dri. Icône Haut
  3. Al­phonse Grün. Icône Haut
  4. Ab­do­lo­nyme Ubi­cini. Icône Haut
  1. Pu­rée de maïs. Icône Haut
  2. Les di­seuses de bonne aven­ture se servent de grains de maïs, qu’elles jettent sur un ta­mis ou même par ; d’après la dis­po­si­tion de ces grains, elles disent l’horoscope. Icône Haut
  3. p. 34-36. Icône Haut
  4. Par­fois trans­crit Jean Voï­nesco, Ioan Voi­nescu ou Ion Voi­nescu. Icône Haut