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Homère, « Iliade »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «L’Iliade» 1 d’ 2. «Le chantre des ex­ploits hé­roïques, l’interprète des , le se­cond dont s’éclairait la , la lu­mière des muses, la tou­jours jeune du en­tier, Ho­mère, il est là, étran­ger, sous le sable de ce ri­vage», dit une épi­gramme fu­né­raire 3. On sait qu’Alexandre de Ma­cé­doine por­tait tou­jours avec lui une co­pie des chants d’Homère, et qu’il consa­crait à la garde de ce tré­sor une cas­sette pré­cieuse, en­ri­chie d’ et de pier­re­ries, trou­vée parmi les ef­fets du roi Da­rius. Alexandre mou­rut; l’immense Em­pire qu’il avait ras­sem­blé pour un ins­tant tomba en ruines; mais par­tout où avaient volé les se­mences de la grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mys­té­rieux. Par­tout, sur les bords de la Mé­di­ter­ra­née, on par­lait , on écri­vait avec les lettres grecques, et nulle part da­van­tage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui por­tait le nom de son fon­da­teur : Alexan­drie. «C’est là que se fai­saient les pré­cieuses co­pies des chants, là que s’écrivaient ces , dont la plu­part ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fa­meuse bi­blio­thèque d’Alexandrie, que fit brû­ler le ca­life Omar, ce bien­fai­teur des éco­liers», dit Frie­drich Spiel­ha­gen 4. Les Ro­mains re­cueillirent, au­tant qu’il était pos­sible à un guer­rier et igno­rant, l’héritage du grec. Et c’était Ho­mère qu’on met­tait entre les mains du jeune comme élé­ment de son , et dont il conti­nuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Es­chyle dit que ses tra­gé­dies ne sont que «les re­liefs des grands fes­tins d’Homère» 5, on peut le dire avec en­core plus de des Ro­mains, qui s’invitent chez Ho­mère et re­viennent avec quelque croûte à gru­ger, un mor­ceau de car­ti­lage des mets qu’on a ser­vis.

  1. En grec «Ἰλιάς». Icône Haut
  2. En grec Ὅμηρος. Icône Haut
  3. En grec «Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις». An­ti­pa­ter de Si­don dans «An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin». Icône Haut
  1. «Ho­mère», p. 513. Icône Haut
  2. En grec «τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων». Athé­née, «Ban­quet des sa­vants». Icône Haut

« Abou ṭ-Ṭayyib al-Motanabbî, un poète arabe du Xᵉ siècle : essai d’histoire littéraire »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, Paris

éd. Li­brai­rie d’ et d’ A. Mai­son­neuve, Pa­ris

Il s’agit d’Abou’ltayyib 1, sur­nommé  2, or­gueilleux poète de Cour, rendu cé­lèbre en ser­vant dif­fé­rents princes arabes, en chan­tant leurs hauts faits et leurs bien­faits, en se brouillant avec eux, en se ven­geant par des sa­tires des louanges qu’il leur avait don­nées au­pa­ra­vant. Ses poèmes ont quel­que­fois de la beauté dans leur ; mais, plus sou­vent en­core, ils ne brillent que par ce sin­gu­lier mé­lange d’insolence et de po­li­tesse, de bas­sesse et d’ qui dis­tingue les cour­ti­sans; cet art de plaire aux grands en se mo­quant d’eux. Si l’on en croit ses ri­vaux, ce poète était le fils d’un simple por­teur d’ dans la ville de Koufa (en ), quoiqu’il se van­tât beau­coup de sa . Dès sa , il fut tour­menté par une am­bi­tion in­com­men­su­rable, ré­con­for­tée par les de sa , qui était payée très chè­re­ment par les princes aux­quels il s’attachait. Bien­tôt, la tête lui tourna, et il crut pou­voir pas­ser à un aussi juste titre pour pro­phète en vers, que Ma­ho­met l’avait été en prose; cela lui va­lut le sur­nom de Mo­té­nabbi («ce­lui qui se pré­tend pro­phète»). Mais, en­fin, quand il se vit dans l’impossibilité de réa­li­ser cet ; quand le et les oc­ca­sions le dé­trom­pèrent en le rap­pe­lant à une si brève, si or­di­naire, si fa­ta­le­ment hu­maine; quand il son­gea que des pans en­tiers de son am­bi­tieuse res­te­raient à ja­mais en­se­ve­lis dans l’ombre, ce fut un dé­bor­de­ment d’une amer­tume sans pa­reille. «De là, cet -propre qui, au lieu de re­cher­cher à bien faire pour ga­gner l’estime d’ et de­ve­nir , se trans­forme en égoïsme hai­neux et mal­veillant à l’égard des autres [ou en] quand ils ont échoué», dit M. Jo­seph Da­her 3. Té­moin les vers sui­vants où il dit aux hommes tout le mé­pris et toute la haine qu’ils lui ins­pirent : «Je les pe­tites gens de ce siècle, car le plus docte d’entre eux est un cré­tin, le plus éner­gique un lâche, le plus noble un chien, le plus clair­voyant un aveugle, le plus vi­gi­lant un loir, et le plus cou­ra­geux un singe».

  1. En أبو الطيب. Par­fois trans­crit Abou’l Tayib, Abou ṭ-Ṭayyib, Aboul Thaïeb ou Abū al-Ṭaiyib. Icône Haut
  2. En arabe المتنبي. Par­fois trans­crit Mo­ta­nabbî, Mo­ta­nabby, Mo­té­nabby, Mo­te­nabi, Mo­te­nebbi, Mou­ta­nabbi, Mou­ta­nabi, Mu­ta­nabi ou Mu­ta­nabbī. Icône Haut
  1. «Es­sai sur le chez le poète arabe al-Mu­ta­nabbī», p. 54. Icône Haut

Heredia, « Œuvres poétiques complètes. Tome I. Les Trophées »

éd. Les Belles Lettres, coll. Les Textes français, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Les Textes , Pa­ris

Il s’agit des «Tro­phées» de  1, poète de l’école du Par­nasse (XIXe siècle). On nomme par­nas­siens le groupe d’ fran­çais qui se consti­tua au­tour de la re­vue «Le Par­nasse contem­po­rain», et qui se pro­posa comme but l’admiration de l’antique : «Que j’entende par­ler de l’ ou de l’Inde, aus­si­tôt mon es­prit s’agite pour fran­chir l’ qui m’emprisonne; que le nom de la soit pro­noncé, et voilà mon par­tie : je vogue sur la Io­nienne, je dé­barque au Pi­rée, et je re­vois l’un après l’autre ces sen­tiers si sou­vent par­cou­rus sur le char des en com­pa­gnie des hé­ros ou des » 2. L’impression que fit l’ sur ces écri­vains fut très pro­fonde. Mé­con­tents du in­dus­triel où les poètes de­ve­naient d’heure en heure plus in­utiles, et où l’art res­tait pré­sent par et comme un dé­cor in­si­gni­fiant, les par­nas­siens cou­rurent en troupe vers les temples rui­nés de l’Antiquité. Ils s’attachèrent à elle; ils se firent ses ser­vi­teurs; ils se mon­trèrent in­justes pour tout ce qui ne la tou­chait pas : «Al­lons res­pec­tueu­se­ment de­man­der des le­çons à la muse io­nienne! C’est… une si grande que d’avoir, à l’abri des… fié­vreuses de l’art mé­lan­co­lique et tour­menté de nos époques mo­dernes, un re­fuge dans le monde jeune et se­rein de la an­tique. Plai­gnons ceux dont la ne pé­nètre ja­mais dans cette ré­gion à la fois hé­roïque et pai­sible où se meuvent les poètes, les et les !» 3 He­re­dia et Le­conte de Lisle furent les der­niers re­pré­sen­tants de cette école; ils en furent aussi les plus fi­dèles, car ils en ap­pli­quèrent la doc­trine avec le plus de fer­meté et d’imperturbable confiance, sans dé­faillance. C’est que pour ces deux créoles — na­tifs l’un de , l’autre de — l’Antiquité se mêle et se confond avec l’île na­tale, im­men­sé­ment agran­die par leur ima­gi­na­tion, aug­men­tée de tout pays où la , belle et ro­buste, a dé­ployé des éner­gies pri­mi­tives, que ce soit au pied de l’Himalaya ou dans les val­lons de la Grèce, dans les champs si­ci­liens ou sous le . «Il n’est pas be­soin d’être un grand psy­cho­logue pour com­prendre que [l’] sou­vent af­fi­ché par [He­re­dia et Le­conte de Lisle] n’est en qu’une es­pèce d’exorcisme, d’incantation, pour échap­per [au ] du dé­part, de l’, de la rup­ture avec la na­tale», dit avec M. Ed­gard Pich

  1. À ne pas confondre avec José María He­re­dia y He­re­dia, cou­sin ger­main de He­re­dia et au­teur de l’ode au «Nia­gara». Icône Haut
  2. Vic­tor de La­prade, «Ques­tions d’art et de ». Icône Haut
  1. id. Icône Haut