Ji Yun, «Passe-temps d’un été à Luanyang»

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Notes de la chau­mière de la sub­tile per­cep­tion» 1Yue wei cao tang bi ji» 2) de Ji Yun 3, éru­dit chi­nois, bi­blio­thé­caire de l’Empereur Qian Long. L’œuvre of­fi­cielle de Ji Yun, celle qui ins­cri­vit à ja­mais son nom dans les an­nales, ce fut la «Col­lec­tion in­té­grale des quatre ma­ga­sins» 4Si ku quan shu» 5) dont il fut l’éditeur en chef. En­tre­prise en 1772 sous le pa­tro­nage im­pé­rial, cette gi­gan­tesque col­lec­tion ras­sem­blait, sous la plume de quinze mille co­pistes, tous les livres chi­nois qui, soit par le su­jet qu’ils trai­taient, soit par la ma­nière dont ce su­jet était abordé, mé­ri­taient de pas­ser à la pos­té­rité. «À la tête d’une mi­nu­tieuse ar­mée de lec­teurs, com­pi­la­teurs, ré­dac­teurs, vé­ri­fi­ca­teurs, ré­vi­seurs, scribes, co­pistes et gref­fiers de haut vol, Ji Yun s’absorba dans cette tâche abys­sale du­rant près de quinze ans; et les ava­tars de cette col­lec­tion, dont seuls de ra­ris­simes exem­plaires sub­sistent de nos jours, ont fait rê­ver Borges», ex­plique M. Jacques Dars 6. Mais son autre œuvre, toute per­son­nelle et pour ainsi dire exu­toire à de si graves tra­vaux, ce fut un re­cueil de mille deux cents anec­dotes cu­rieuses, his­toires de fan­tômes et d’esprits-renards, sin­gu­la­ri­tés pi­quantes, gla­nées çà et là dans ses lec­tures. Ce re­cueil, qu’un dis­ciple de Ji Yun réunit plus tard sous le titre de «Notes de la chau­mière de la sub­tile per­cep­tion», fut pu­blié ori­gi­nel­le­ment en cinq livres suc­ces­sifs, pa­rus entre 1789 et 1798 : «Vil­lé­gia­ture d’été à Lua­nyang», («Luan yang xiao xia lu» 7), «Telle est l’histoire qui m’est par­ve­nue» («Ru shi wo wen» 8), «Mé­langes à l’Ouest du so­phora» («Huai xi za zhi» 9), «On peut tou­jours prê­ter l’oreille» («Gu wang ting zhi» 10) et «Suite à la “Vil­lé­gia­ture d’été à Lua­nyang”» («Luan yang xu lu» 11).

Les «Notes de la chau­mière de la sub­tile per­cep­tion» furent aussi cé­lèbres en leur temps que le re­cueil de contes fan­tas­tiques de Pu Son­gling, dont ils se dé­marquent, tou­te­fois, par le parti pris de s’en te­nir à la sim­pli­cité et de ban­nir tout em­bel­lis­se­ment in­utile. Ji Yun dit dans une de ses pré­faces 12 : «Les “Contes fan­tas­tiques du pa­villon des Loi­sirs” connurent une grande po­pu­la­rité; ce­pen­dant, bien qu’étant de la main d’un homme de ta­lent, ils ne re­pré­sentent pas pour au­tant une œuvre re­mar­quable… On trouve la re­pré­sen­ta­tion d’attitudes par trop fa­mi­lières avec les femmes; les des­crip­tions sont très mi­nu­tieuses et com­plexes, et la pein­ture de scènes in­times — fort sem­blable à la vie.» C’est pour mon­trer com­ment il en­ten­dait un bon re­cueil de contes que Ji Yun écri­vit le sien, «choi­sis­sant et consi­gnant “mi­ra­bi­lia”, anec­dotes, faits di­vers en tout genre; les rap­por­tant avec art et so­briété; les agré­men­tant de ré­flexions ori­gi­nales; et por­tant sou­vent, sur des phé­no­mènes en ap­pa­rence in­ex­pli­cables, un re­gard cri­tique ou iro­nique des plus per­son­nels et des plus in­té­res­sants», comme dit M. Dars 13.

his­toires de fan­tômes et d’esprits-renards, sin­gu­la­ri­tés pi­quantes, gla­nées çà et là dans ses lec­tures

Voici un pas­sage qui don­nera une idée de la ma­nière de Ji Yun : «Par une nuit d’été, Ma Da­huan… dor­mait tout nu dans le pa­villon des Soû­tras du temple de l’Aide-à-la-victoire quand il sen­tit quelqu’un lui ti­rer le bras en di­sant : “De­bout, de­bout! Pas d’obscénité de­vant les soû­tras du Boud­dha!” Éveillé, il vit à son côté un vieil homme et lui de­manda qui il était. “Je suis l’esprit gar­dien de la col­lec­tion de soû­tras.” Ma Da­huan était d’un na­tu­rel dé­sin­volte et ne s’effraya pas le moins du monde; le clair de lune éclai­rait alors comme en plein jour, et il in­vita le vieillard à s’asseoir pour ba­var­der» 14.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. Par­fois tra­duit «Anec­dotes de l’ermitage Yue­wei», «Notes de la chau­mière sub­tile», «Notes de la chau­mière des ob­ser­va­tions sub­tiles», «Notes au fil du pin­ceau de la chau­mière où scru­ter les mys­tères sub­tils», «Notes de la chau­mière de re­vues mi­nu­tieuses» ou «Notes du stu­dio de chaume sur de me­nues re­marques». Haut
  2. En chi­nois «閱微草堂筆記». Par­fois trans­crit «Yue-wei-ts’ao-t’ang-pi-ki» ou «Yüeh-wei ts’ao-t’ang pi-chi». Haut
  3. En chi­nois 紀昀. Au­tre­fois trans­crit Ki Yun ou Chi Yün. Haut
  4. Au­tre­fois tra­duit «Bi­blio­thèque com­plète en quatre sec­tions», «Bi­blio­thèque com­plète des quatre tré­sors», «Col­lec­tion des quatre gre­niers», «Re­cueil de tous les livres qui rem­plissent les quatre ma­ga­sins», «Somme des livres des quatre cor­pus» ou «Col­lec­tion com­plète des œuvres écrites ré­par­ties en quatre ma­ga­sins». Par «quatre ma­ga­sins», il faut com­prendre les quatre ca­té­go­ries tra­di­tion­nelles : ou­vrages ca­no­niques (), ou­vrages his­to­riques (), ou­vrages phi­lo­so­phiques (), ou­vrages lit­té­raires ou mé­langes (). Haut
  5. En chi­nois «四庫全書». Au­tre­fois trans­crit «Sseu-k’ou ts’iuan-chou», «Sée-kou-tsiuen-chou», «Ssu-k’u ch’üan-shu» ou «Szu k’u ch’üan shu». Haut
  6. «Pré­face à “Des Nou­velles de l’au-delà”» (éd. Gal­li­mard, coll. Fo­lio, Pa­ris). Haut
  7. En chi­nois «灤陽消夏錄». Au­tre­fois trans­crit «Luan-yang hsiao-hsia lu». Haut
  1. En chi­nois «如是我聞». Par­fois trans­crit «Ju-shih wo-wen». Haut
  2. En chi­nois «槐西雜志». Par­fois trans­crit «Huai-hsi tsa-chih». «À l’Ouest du so­phora» était le nom d’une ré­si­dence de fonc­tion que Ji Yun oc­cupa dans la ban­lieue Ouest de Pé­kin. Haut
  3. En chi­nois «姑妄聽之». Par­fois trans­crit «Ku-wang t’ing-chih». Haut
  4. En chi­nois «灤陽續錄». Par­fois trans­crit «Luan-yang hsü-lu». Haut
  5. Dans «Brève His­toire du ro­man chi­nois», p. 273. Haut
  6. «Ji Yun et son “Yue­wei cao­tang biji”, les “Notes de la chau­mière de la sub­tile per­cep­tion”», p. 363-364. Haut
  7. p. 358-359. Haut