Photius, « Bibliothèque. Tome II »

éd. Les Belles Lettres, coll. byzantine, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. by­zan­tine, Pa­ris

Il s’agit de la «Bi­blio­thèque» («Bi­blio­thêkê» 1) ou la «My­riade de » («My­rio­bi­blon» ou «My­rio­bi­blos» 2) de  3, vé­né­rable pa­triarche de (IXe siècle apr. J.-C.). Ce pré­tendu hé­ré­tique, à qui l’ ro­maine at­tri­buera les aveu­gle­ments ayant mené au schisme des deux chré­tien­tés, celle d’ et celle d’, fai­sant men­tir son beau nom de Pho­tius («lu­mière») — ce pré­tendu hé­ré­tique, dis-je, était l’ le plus sa­vant de son . Doué d’une pro­di­gieuse et d’une grande ar­deur pour le tra­vail, il avait de l’érudition en tout genre. Ses connais­sances étaient uni­ver­selles; et contrai­re­ment à l’habitude de ceux qui s’appliquent à tant de choses, il sa­vait bien ap­pro­fon­dir les ques­tions par­ti­cu­lières quand il les trai­tait. Le re­cueil qui a mon­tré l’étendue de tout ce qu’il avait lu, de tout ce qu’il avait étu­dié, et qui a im­mor­ta­lisé son nom à titre de sa­vant, est sa «Bi­blio­thèque». Y sont ré­su­més deux cent quatre-vingts ou­vrages an­ciens, parmi les­quels il y a plus de cent trente qui n’existent plus en en­tier ou en par­tie, et dont les au­teurs nous sont à peine connus de nom. Pho­tius écri­vit ces ré­su­més avant son ac­ces­sion au siège pa­triar­cal, et dans le temps où, en­voyé en am­bas­sade au­près des As­sy­riens, il trou­vait as­sez de loi­sir pour s’occuper de lit­té­ra­ture. On ap­prend, par sa lettre à son frère Ta­ra­sius 4, qu’étant à Constan­ti­nople, les deux li­saient en­semble à haute ; mais que, ne pou­vant plus, à cause de leur éloi­gne­ment, faire ces sortes de lec­tures en com­mun, Ta­ra­sius pria son frère de lui en­voyer les ré­su­més ou les «ar­gu­ments» («hy­po­the­seis» 5) des livres à la lec­ture des­quels il n’avait pas pu par­ti­ci­per, pour se conso­ler un peu de cette longue et pé­nible sé­pa­ra­tion. Voilà le pré­texte et le mo­bile de la «Bi­blio­thèque».

Y sont ré­su­més deux cent quatre-vingts ou­vrages an­ciens, parmi les­quels il y a plus de cent trente qui n’existent plus en en­tier ou en par­tie

La «Bi­blio­thèque» nous fait connaître, au moins par des abré­gés, des au­teurs de tous les ho­ri­zons de la grecque : des de l’Église, des , des ju­ris­con­sultes, des , des , des ou des . Il n’y a guère que les que Pho­tius ait com­plè­te­ment né­gli­gés. En plus de ré­su­mer les ou­vrages, Pho­tius avait cou­tume d’en faire la , en por­tant un sur le des au­teurs, leur doc­trine, leur . Ra­re­ment il s’est trompé là-des­sus. Cer­tains se plaignent qu’il ait passé sous si­lence des consi­dé­rables; qu’au contraire, il ait in­séré dans sa «Bi­blio­thèque» des au­teurs qui n’en va­laient pas la peine. Mais il faut se que son frère ne lui avait de­mandé des no­tices que sur les livres qu’ils n’avaient pas lus en com­mun; il en ré­sulte cette consé­quence heu­reuse que Pho­tius a porté le plus sou­vent son at­ten­tion sur des rares. «En », ex­plique dom d’Argonne 6, «la “Bi­blio­thèque” m’a tou­jours paru être une nef in­stable et fra­gile qui, à la ma­nière de l’ancienne Arche [de Noé] parmi les eaux, pour le de tous les ex­perts en an­ti­qui­tés, [s’étant] ar­ra­chée au bel­li­queux , ayant sur­vécu aux mas­sacres et aux in­cen­dies, vaut aujourd’hui pour nous comme ves­tige des livres per­dus, ainsi que comme ven­ge­resse de ceux qui sont re­trou­vés!» Et ce­pen­dant, la «Bi­blio­thèque» au­rait été en­core plus es­ti­mable si sa fin avait ré­pondu à son com­men­ce­ment. On ne re­trouve plus dans ses der­nières no­tices la même ap­pli­ca­tion et le même zèle qu’on re­marque dans ses pre­mières. Fa­ti­gué, semble-t-il, de par­ler en cri­tique des ou­vrages qu’il a lus, Pho­tius n’en donne plus que de longs ex­traits. Ce chan­ge­ment cause un peu de dé­pit au lec­teur. Mais pour peu qu’il ait quelque ju­ge­ment, il re­con­naît com­bien l’on est re­de­vable à ce la­bo­rieux écri­vain, sans le­quel une in­fi­nité d’excellents mor­ceaux de l’ ne se­raient ja­mais jusqu’à nous.

Il n’existe pas moins de deux tra­duc­tions fran­çaises de la «Bi­blio­thèque», mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. .

«Ἀνεγνώσθη Ἰαμϐλίχου δραματικόν, ἔρωτας ὑποκρινόμενον. Ἔστι δὲ τῇ αἰσχρολογίᾳ τοῦ μὲν Ἀχιλλέως τοῦ Τατίου ἧττον ἐκπομπεύων, ἀναιδέστερον δὲ μᾶλλον ἢ ὁ Φοῖνιξ Ἡλιόδωρος προσφερόμενος· οἱ γὰρ τρεῖς οὗτοι σχεδόν τι τὸν αὐτὸν σκοπὸν προθέμενοι ἐρωτικῶν δραμάτων ὑποθέσεις ὑπεκρίθησαν, ἀλλ’ ὁ μὲν Ἡλιόδωρος σεμνότερόν τε καὶ εὐφημότερον, ἧττον δὲ αὐτοῦ ὁ Ἰάμϐλιχος, αἰσχρῶς δὲ καὶ ἀναιδῶς ὁ Ἀχιλλεὺς ἀποχρώμενος.»
— Pas­sage dans la ori­gi­nale

«Lu, de Jam­blique 7, un qui met en scène une d’. Il y fait un éta­lage d’indécence moins com­plai­sant qu’Achille Ta­tius, mais il té­moigne de plus d’impudeur que le Phé­ni­cien Hé­lio­dore. Ces trois écri­vains se sont, en somme, as­si­gné le même but : mettre en scène des in­trigues amou­reuses, mais Hé­lio­dore l’a fait avec plus de sé­rieux et plus de re­te­nue dans son ; Jam­blique — avec moins de ces qua­li­tés; et Achille — avec une in­dé­cence, un manque de pu­deur qui dé­passent les bornes.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Henry

«J’ai lu le ro­man où Jam­blique ra­conte des amou­reuses. Cet au­teur af­fiche moins l’obscénité qu’Achilles Ta­tius; mais il n’est pas aussi dé­cent que le Phé­ni­cien Hé­lio­dore; il est vrai que ces , s’étant pro­posé le même but, ont choisi tous trois, pour su­jet de leurs fic­tions, des in­trigues d’amour. Mais Hé­lio­dore est plus grave et plus ré­servé; Jam­blique l’est moins qu’Héliodore; et Achilles Ta­tius… pousse l’obscénité jusqu’à l’impudence.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Si­mon Char­don de La Ro­chette (XIXe siècle)

«Lecta est Jam­bli­chi ac­tio fic­ti­tia, amores re­præ­sen­tans. Qui etsi ho­nes­tius paulo Achille Ta­tio, fur­to­rum ar­cana de­te­git, longe ta­men im­pu­den­tius He­lio­doro illo Phœ­nice. Hi enim tres, eo­dem fere sibi pro­po­sito scopo, ama­to­rium ar­gu­men­tum trac­ta­runt : at­ta­men He­lio­do­rus gra­vius atque de­cen­tius : mi­nus vero quam ille de­cen­ter hic Jam­bli­chus : obs­cene vero atque in­ve­re­cunde Achilles ille»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine du père An­dré Schott (XVIIe siècle)

Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF

Voyez la liste com­plète des té­lé­char­ge­ments Icône Voyez la liste complète

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En «Βιϐλιοθήκη». Icône Haut
  2. En grec «Μυριόϐιϐλος». Ni le titre de «Bi­blio­thêkê» ni ce­lui de «My­rio­bi­blos» ne sont de l’auteur. Dans les ma­nus­crits, le titre est ce­lui qu’on lit en tête de la lettre de Pho­tius à Ta­ra­sius : «In­ven­taire et Énu­mé­ra­tion des livres que nous avons lus, et dont notre bien-aimé frère Ta­ra­sius nous a de­mandé d’avoir une idée som­maire» («Ἀπογραφή καὶ Συναρίθμησις τῶν ἀνεγνωσμένων ἡμῖν βιϐλίων, ὧν εἰς κεφαλαιώδη διάγνωσιν ὁ ἠγαπημένος ἡμῶν ἀδελφός Ταράσιος ἐξηιτήσατο»). Icône Haut
  3. En grec Φώτιος. Par­fois trans­crit Phô­tios. Icône Haut
  4. En grec Ταράσιος. Par­fois trans­crit Ta­raise ou Ta­ra­sios. Icône Haut
  1. En grec ὑποθέσεις. Icône Haut
  2. Dans Lu­ciano Can­fora, «La Bi­blio­thèque du pa­triarche» (éd. Les Belles Lettres, coll. L’Âne d’, Pa­ris), p. 224-227. Icône Haut
  3. Il s’agit de Jam­blique le ro­man­cier. À ne pas confondre avec Jam­blique le phi­lo­sophe, l’auteur de la «Vie de Py­tha­gore», qui vé­cut un siècle plus tard. Icône Haut