Il s’agit d’une traduction partielle du « Tonneau de saule » (« Yanagidaru » 1), de la « Fleur du bout » (« Suetsumuhana » 2) et d’autres recueils de « senryû » 3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le « senryû » est un poème satirique ou érotique, de forme similaire au haïku. Mais si le haïku est la composition d’un gentilhomme sérieux, soucieux du qu’en-dira-t-on, le « senryû » est celle d’un bourgeois rieur et éhonté, livré à ses seuls plaisirs, passant des heures, à visage découvert, sous les lampions et les lanternes des quartiers de distraction. Ces quartiers, disparus seulement au XXe siècle, étaient de vraies curiosités à visiter, aussi intéressantes que les sanctuaires les plus fameux de l’Empire du Soleil levant. C’étaient des sortes d’îlots dans les villes mêmes, des coins soigneusement circonscrits « à la fois féeriques et lamentables… charmants, lumineux… et naïfs en leur immoralité » 4, où s’offraient aux yeux des passants, assises dans des cages dorées et sur des nattes éblouissantes, des femmes somptueusement parées. Chaque ville possédait un quartier affecté à ces étalages. Celui d’Edo (Tôkyô), nommé le Yoshiwara 5, était le plus beau de l’Empire japonais : noblesse oblige. On ne s’y rendait pas sur l’impulsion du moment. Seul un provincial égaré dans la ville, ou un soldat de garnison, pouvait s’imaginer trouver satisfaction de la sorte. Le bourgeois éclairé et rompu aux plaisirs délicats savait qu’il fallait commencer par l’achat et la lecture approfondie du « Catalogue », où figuraient, avec un système de description élaboré, les noms et les rangs des courtisanes disponibles. « Rien des “Entretiens de Confucius” [il] ne comprend, mais [il] sait tout lire dans le “Catalogue” », dit un « senryû ». Le Yoshiwara étant loin du centre-ville, on s’y rendait le plus souvent en chaise à porteurs : le voyage ne coûtait pas cher, et on évitait la fatigue du chemin à pied. Mais on prenait la précaution de monter et de descendre à quelque distance de chez soi, pour ne pas se faire surprendre par son épouse soupçonneuse : « En plein [chemin], nez à nez avec l’épouse ; ah, calamité ! », dit un « senryû ». On pouvait alors tenter de se justifier : « Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un parent », mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce « senryû » : « Au milieu [du chemin] “lettre de séparation tu m’écris de suite !” » Quant au fils prodigue, pris en flagrant délit par ses parents : « Bouclé dans sa chambre, en rêve encore il parcourt le quartier des filles », dit un « senryû », en parodiant ce célèbre haïku composé par Bashô avant sa mort : « En rêve encore je parcours les landes désolées ».
intrigues (narration)
sujet
« Haïku érotiques : extraits de la “Fleur du bout” et du “Tonneau de saule” »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Tonneau de saule » (« Yanagidaru » 1), de la « Fleur du bout » (« Suetsumuhana » 2) et d’autres recueils de « senryû » 3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le « senryû » est un poème satirique ou érotique, de forme similaire au haïku. Mais si le haïku est la composition d’un gentilhomme sérieux, soucieux du qu’en-dira-t-on, le « senryû » est celle d’un bourgeois rieur et éhonté, livré à ses seuls plaisirs, passant des heures, à visage découvert, sous les lampions et les lanternes des quartiers de distraction. Ces quartiers, disparus seulement au XXe siècle, étaient de vraies curiosités à visiter, aussi intéressantes que les sanctuaires les plus fameux de l’Empire du Soleil levant. C’étaient des sortes d’îlots dans les villes mêmes, des coins soigneusement circonscrits « à la fois féeriques et lamentables… charmants, lumineux… et naïfs en leur immoralité » 4, où s’offraient aux yeux des passants, assises dans des cages dorées et sur des nattes éblouissantes, des femmes somptueusement parées. Chaque ville possédait un quartier affecté à ces étalages. Celui d’Edo (Tôkyô), nommé le Yoshiwara 5, était le plus beau de l’Empire japonais : noblesse oblige. On ne s’y rendait pas sur l’impulsion du moment. Seul un provincial égaré dans la ville, ou un soldat de garnison, pouvait s’imaginer trouver satisfaction de la sorte. Le bourgeois éclairé et rompu aux plaisirs délicats savait qu’il fallait commencer par l’achat et la lecture approfondie du « Catalogue », où figuraient, avec un système de description élaboré, les noms et les rangs des courtisanes disponibles. « Rien des “Entretiens de Confucius” [il] ne comprend, mais [il] sait tout lire dans le “Catalogue” », dit un « senryû ». Le Yoshiwara étant loin du centre-ville, on s’y rendait le plus souvent en chaise à porteurs : le voyage ne coûtait pas cher, et on évitait la fatigue du chemin à pied. Mais on prenait la précaution de monter et de descendre à quelque distance de chez soi, pour ne pas se faire surprendre par son épouse soupçonneuse : « En plein [chemin], nez à nez avec l’épouse ; ah, calamité ! », dit un « senryû ». On pouvait alors tenter de se justifier : « Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un parent », mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce « senryû » : « Au milieu [du chemin] “lettre de séparation tu m’écris de suite !” » Quant au fils prodigue, pris en flagrant délit par ses parents : « Bouclé dans sa chambre, en rêve encore il parcourt le quartier des filles », dit un « senryû », en parodiant ce célèbre haïku composé par Bashô avant sa mort : « En rêve encore je parcours les landes désolées ».
« Courtisanes du Japon »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Tonneau de saule » (« Yanagidaru » 1), de la « Fleur du bout » (« Suetsumuhana » 2) et d’autres recueils de « senryû » 3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le « senryû » est un poème satirique ou érotique, de forme similaire au haïku. Mais si le haïku est la composition d’un gentilhomme sérieux, soucieux du qu’en-dira-t-on, le « senryû » est celle d’un bourgeois rieur et éhonté, livré à ses seuls plaisirs, passant des heures, à visage découvert, sous les lampions et les lanternes des quartiers de distraction. Ces quartiers, disparus seulement au XXe siècle, étaient de vraies curiosités à visiter, aussi intéressantes que les sanctuaires les plus fameux de l’Empire du Soleil levant. C’étaient des sortes d’îlots dans les villes mêmes, des coins soigneusement circonscrits « à la fois féeriques et lamentables… charmants, lumineux… et naïfs en leur immoralité » 4, où s’offraient aux yeux des passants, assises dans des cages dorées et sur des nattes éblouissantes, des femmes somptueusement parées. Chaque ville possédait un quartier affecté à ces étalages. Celui d’Edo (Tôkyô), nommé le Yoshiwara 5, était le plus beau de l’Empire japonais : noblesse oblige. On ne s’y rendait pas sur l’impulsion du moment. Seul un provincial égaré dans la ville, ou un soldat de garnison, pouvait s’imaginer trouver satisfaction de la sorte. Le bourgeois éclairé et rompu aux plaisirs délicats savait qu’il fallait commencer par l’achat et la lecture approfondie du « Catalogue », où figuraient, avec un système de description élaboré, les noms et les rangs des courtisanes disponibles. « Rien des “Entretiens de Confucius” [il] ne comprend, mais [il] sait tout lire dans le “Catalogue” », dit un « senryû ». Le Yoshiwara étant loin du centre-ville, on s’y rendait le plus souvent en chaise à porteurs : le voyage ne coûtait pas cher, et on évitait la fatigue du chemin à pied. Mais on prenait la précaution de monter et de descendre à quelque distance de chez soi, pour ne pas se faire surprendre par son épouse soupçonneuse : « En plein [chemin], nez à nez avec l’épouse ; ah, calamité ! », dit un « senryû ». On pouvait alors tenter de se justifier : « Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un parent », mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce « senryû » : « Au milieu [du chemin] “lettre de séparation tu m’écris de suite !” » Quant au fils prodigue, pris en flagrant délit par ses parents : « Bouclé dans sa chambre, en rêve encore il parcourt le quartier des filles », dit un « senryû », en parodiant ce célèbre haïku composé par Bashô avant sa mort : « En rêve encore je parcours les landes désolées ».
« Une Journée de nô »
Il s’agit de « Sanemori » 1 et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 2 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 3. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
« Choix de pièces du théâtre lyrique japonais »

dans « Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient », vol. 26, p. 257-358 ; vol. 27, p. 1-147 ; vol. 29, p. 107-259 ; vol. 31, p. 449-483 ; vol. 32, p. 23-69
Il s’agit de « Yo-uchi Soga » 1 (« Les Soga au combat de nuit » 2) et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 3 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 4. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- En japonais « 夜討曽我 ».
- Les deux frères Soga sont les héros d’une célèbre vendetta. On sait que Gorô (« cinquième fils ») et Jûrô (« dixième fils »), de leurs vrais noms Tokimune et Sukenari, aidés par la maîtresse de ce dernier, pénétrèrent dans la tente de Kudô Suketsune, leur parent et l’assassin de leur père, et qu’ils le tuèrent. On sait moins la suite de l’histoire ; dans le tumulte qui s’ensuivit, Sukenari fut massacré, et Tokimune fut fait prisonnier.
- En japonais 能. Parfois transcrit « noh » ou « nou ».
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
« Nô et Kyôgen. Tome II. Automne • hiver »

éd. Publications orientalistes de France, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris
Il s’agit de « Haku Rakuten » 1 (« Bai Juyi ») et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 2 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 3. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
« Nô et Kyôgen. Tome I. Printemps • été »

éd. Publications orientalistes de France, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris
Il s’agit de « Senju » 1 et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 2 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 3. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- En japonais « 千手 » ou « 千寿 ». Également connu sous le titre de « Senju Shigehira » (« 千手重衡 »).
- En japonais 能. Parfois transcrit « noh » ou « nou ».
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
« La Lande des mortifications : vingt-cinq pièces de nô »
Il s’agit de « Matsukaze » 1 et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 2 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 3. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- En japonais « 松風 ». Également connu sous le titre de « Matsukaze Murasame » (« 松風村雨 »).
- En japonais 能. Parfois transcrit « noh » ou « nou ».
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
« Le Livre des nô : drames légendaires du vieux Japon »
Il s’agit de « Hagoromo » 1 (« La Robe de plumes ») et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 2 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 3. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
« Études sur le drame lyrique japonais “nô” »

dans « Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient », vol. 9, nº 2, p. 251-284 ; vol. 9, nº 4, p. 707-738 ; vol. 11, nº 1-2, p. 111-151 ; vol. 12, nº 5, p. 1-63 ; vol. 13, nº 4, p. 1-113 ; vol. 20, nº 1, p. 1-110
Il s’agit de « Sotoba Komachi » 1 (« Komachi et le stûpa » 2) et autres nô. Les Japonais ont le rare privilège de posséder, en propre, une forme de drame lyrique — le « nô » 3 (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — qui malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, peut être comparée, sans trop de paradoxe, à la tragédie grecque du siècle de Périclès. Comme cette tragédie, le nô fut tout d’abord le développement et comme l’annexe des chants, danses et chœurs qui accompagnaient la célébration des cérémonies religieuses. Une déesse, disent les Japonais, inaugura cette forme théâtrale, et voici dans quelles circonstances, si l’on en croit le « Kojiki ». Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, irritée des méchancetés de son frère, décida, un jour, de se cacher dans la grotte rocheuse du ciel dont elle barra la porte. De ce fait, le ciel et la terre furent plongés dans de profondes ténèbres. Et chacun, on le pense bien, était fort inquiet. Les huit millions de dieux se rassemblèrent alors sur les bords de la Voie lactée, pour délibérer des mesures qu’il convenait de prendre, afin de faire cesser cette situation critique. Conformément à leur avis, on essaya bien des ruses pour forcer Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel à sortir de sa grotte, mais aucune ne réussit. C’est alors que Majesté-Féminine-Uzu-Céleste eut l’idée d’exécuter une danse originale : « Se coiffant de branches de fusain céleste… elle renversa un fût vide devant la porte de la grotte et claqua des talons. Tout en dansant jusqu’au paroxysme elle découvrit sa poitrine et baissa la ceinture de son vêtement jusqu’à son sexe. Alors la Haute-Plaine-du-Ciel devint bruyante, et les huit millions de “kamis” se mirent à rire » 4. Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel, intriguée, entr’ouvrit la porte de sa prison volontaire. La lumière reparut au ciel et sur terre. Le divertissement divin de ce temps-là fut, dit-on, le premier des nô.
- En japonais 能. Parfois transcrit « noh » ou « nou ».
- « Le “Kojiki” », p. 83-84.
Homère, « Odyssée »
Il s’agit de « L’Odyssée » 1 d’Homère 2. « Le chantre des exploits héroïques, l’interprète des dieux, le second soleil dont s’éclairait la Grèce, la lumière des muses, la voix toujours jeune du monde entier, Homère, il est là, étranger, sous le sable de ce rivage », dit une épigramme funéraire 3. On sait qu’Alexandre de Macédoine portait toujours avec lui une copie des chants d’Homère, et qu’il consacrait à la garde de ce trésor une cassette précieuse, enrichie d’or et de pierreries, trouvée parmi les effets du roi Darius. Alexandre mourut ; l’immense Empire qu’il avait rassemblé pour un instant tomba en ruines ; mais partout où avaient volé les semences de la culture grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mystérieux. Partout, sur les bords de la Méditerranée, on parlait grec, on écrivait avec les lettres grecques, et nulle part davantage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui portait le nom de son fondateur : Alexandrie. « C’est là que se faisaient les précieuses copies des chants, là que s’écrivaient ces savants commentaires, dont la plupart ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, que fit brûler le calife Omar, ce bienfaiteur des écoliers », dit Friedrich Spielhagen 4. Les Romains recueillirent, autant qu’il était possible à un peuple guerrier et ignorant, l’héritage du génie grec. Et c’était Homère qu’on mettait entre les mains du jeune Romain comme élément de son éducation, et dont il continuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Eschyle dit que ses tragédies ne sont que « les reliefs des grands festins d’Homère » 5, on peut le dire avec encore plus de raison des Romains, qui s’invitent chez Homère et reviennent avec quelque croûte à gruger, un morceau de cartilage des mets qu’on a servis.
- En grec « Ὀδύσσεια ».
- En grec Ὅμηρος.
- En grec « Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις ». Antipater de Sidon dans « Anthologie grecque, d’après le manuscrit palatin ».
Homère, « Iliade »
Il s’agit de « L’Iliade » 1 d’Homère 2. « Le chantre des exploits héroïques, l’interprète des dieux, le second soleil dont s’éclairait la Grèce, la lumière des muses, la voix toujours jeune du monde entier, Homère, il est là, étranger, sous le sable de ce rivage », dit une épigramme funéraire 3. On sait qu’Alexandre de Macédoine portait toujours avec lui une copie des chants d’Homère, et qu’il consacrait à la garde de ce trésor une cassette précieuse, enrichie d’or et de pierreries, trouvée parmi les effets du roi Darius. Alexandre mourut ; l’immense Empire qu’il avait rassemblé pour un instant tomba en ruines ; mais partout où avaient volé les semences de la culture grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mystérieux. Partout, sur les bords de la Méditerranée, on parlait grec, on écrivait avec les lettres grecques, et nulle part davantage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui portait le nom de son fondateur : Alexandrie. « C’est là que se faisaient les précieuses copies des chants, là que s’écrivaient ces savants commentaires, dont la plupart ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, que fit brûler le calife Omar, ce bienfaiteur des écoliers », dit Friedrich Spielhagen 4. Les Romains recueillirent, autant qu’il était possible à un peuple guerrier et ignorant, l’héritage du génie grec. Et c’était Homère qu’on mettait entre les mains du jeune Romain comme élément de son éducation, et dont il continuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Eschyle dit que ses tragédies ne sont que « les reliefs des grands festins d’Homère » 5, on peut le dire avec encore plus de raison des Romains, qui s’invitent chez Homère et reviennent avec quelque croûte à gruger, un morceau de cartilage des mets qu’on a servis.
- En grec « Ἰλιάς ».
- En grec Ὅμηρος.
- En grec « Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις ». Antipater de Sidon dans « Anthologie grecque, d’après le manuscrit palatin ».