Abû al-Faraj, «La Femme arabe dans “Le Livre des chants” : une anthologie»

éd. Fayard, coll. Bibliothèque Maktaba, Paris

éd. Fayard, coll. Bi­blio­thèque Mak­taba, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Livre des chants» («Ki­tâb al-Ag­hâni» 1) d’Abû al-Fa­raj 2, chro­ni­queur et homme de lettres arabe, éga­le­ment connu sous le sur­nom d’al-Isfahânî 3. Il na­quit, ainsi que son sur­nom l’indique, à Is­pa­han (en Iran), mais tout à fait par ha­sard, car il se rat­ta­chait à la li­gnée des Omeyyades, maîtres de l’Andalousie, et il était de pure race arabe. Trans­porté de bonne heure à Bag­dad (en Irak), il s’attela à l’étude de la poé­sie, de la gram­maire, de l’historiographie; il se consti­tua, en outre, un so­lide ba­gage mé­di­cal, as­tro­lo­gique, mu­si­cal. Il de­vint, en un mot, un vrai homme d’«adab», c’est-à-dire un éru­dit tou­chant de près ou de loin à tous les do­maines de la connais­sance. À un âge avancé, il per­dit peu à peu la rai­son et mou­rut en 967 apr. J.-C. Il laissa der­rière lui plu­sieurs beaux ou­vrages, entre autres ce­lui in­ti­tulé «Le Livre des chants», au­quel il consa­cra cin­quante ans de sa vie, et qu’on s’accorde una­ni­me­ment à re­gar­der comme le meilleur qui ait paru sur ce su­jet. Abû al-Fa­raj prit soin d’y réunir tout ce qu’il put trou­ver de chants arabes, tant an­ciens que mo­dernes. Il s’appliqua, pour cha­cun de ces chants, à dé­si­gner l’auteur des vers et ce­lui de la mu­sique; à in­di­quer, avec clarté et avec pré­ci­sion, l’occasion qui donna nais­sance au poème ou à l’air; le tout avec des dé­tails cir­cons­tan­ciés sur la langue, l’histoire, les gé­néa­lo­gies, la suc­ces­sion des dy­nas­ties, etc. Au ha­sard des cha­pitres, nous ac­com­pa­gnons un poète à la Cour du ca­life Hâ­roun al-Ra­chîd, as­sis­tons à une que­relle lit­té­raire dans une ta­verne de Bag­dad, pé­né­trons dans le sa­lon d’une chan­teuse de re­nom. C’est «une ma­tière luxu­riante, consi­dé­rable par le vo­lume, pré­cieuse dans le dé­tail; une ri­chesse pro­fuse, un pêle-mêle pa­pillo­tant, un gi­se­ment ou­vert à qui­conque veut s’instruire sur la culture, l’histoire et la vie des Arabes, de l’origine au Xe siècle apr. J.-C.; un fi­lon ex­ploi­table, et d’ailleurs ex­ploité jusqu’à nos jours, par la science orien­tale et orien­ta­liste», dit un tra­duc­teur 4. Bref, c’est une mine très riche et très com­plète sur tout ce qui concerne les Arabes, et c’est en mine que la pos­té­rité aura traité «Le Livre des chants» plu­tôt qu’en œuvre ayant une in­di­vi­dua­lité propre. Car, tout en re­con­nais­sant le mé­rite in­con­tes­table de cette col­lec­tion de plus d’une ving­taine de vo­lumes, et tout en ad­mi­rant l’abondance et la va­riété des faits qu’Abû al-Fa­raj a ac­cu­mu­lés en pré­pa­rant son su­jet, la pos­té­rité aura re­gretté que, dans bien des cas, il n’ait pas éla­gué tout ce qui est in­utile ou su­per­flu et uni en­semble tout ce qui ne dif­fère que par des dif­fé­rences as­sez lé­gères.

Abû al-Fa­raj prit soin d’y réunir tout ce qu’il put trou­ver de chants arabes, tant an­ciens que mo­dernes

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du «Livre des chants» : «Un cer­tain né­go­ciant de Kūfa ar­riva à Mé­dine trans­por­tant un char­ge­ment de voiles noirs dont per­sonne ne vou­lut. Il s’en plai­gnit à son ami ad-Dā­rimī. À l’époque, ce der­nier s’était re­tiré pour se consa­crer à la vie re­li­gieuse, dé­lais­sant le chant et la poé­sie. Il ré­pon­dit en ces termes à son ami le mar­chand : “Ne te pré­oc­cupe pas de cela, je vais louer la beauté du voile noir, et tu fi­ni­ras par écou­ler ton stock”. Il com­posa un poème, qu’il mit en mu­sique et chanta : “Dis à la belle au voile noir : Mais qu’as-tu fait à ce pieux moine? Il re­trous­sait ses ha­bits et s’apprêtait à prier, lorsque tu ap­pa­rus à la porte du temple”… Il ne resta à Mé­dine au­cune belle femme qui n’eût acheté de voile noir» 5.

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Ja­mel Ed­dine Ben­cheikh, «Iṣba­hânî (Abû l-Fa­radj al-)» dans «Dic­tion­naire uni­ver­sel des lit­té­ra­tures» (éd. Presses uni­ver­si­taires de France, Pa­ris)
  • Clé­ment Huart, «Lit­té­ra­ture arabe» (éd. A. Co­lin, Pa­ris) [Source : Google Livres]
  • Ma­ria Nal­lino, «Abū l-Fa­radj» dans «En­cy­clo­pé­die de l’islam» (éd. E. J. Brill, Leyde).
  1. En arabe «كتاب الأغاني». Par­fois trans­crit «Kit­tab el Aghani», «Ki­tâb Ala­gâni», «Ki­tâb Alag­hâny», «Ki­tab el Ag­hâ­niy» ou «Ke­tab el Aghani». Haut
  2. En arabe أبو الفرج. Au­tre­fois trans­crit Aboul­fa­rage, Abou el Fa­radj, Abou’l-Feredj, Abû’lfaraǵ, Aboul-Fa­radg ou Aboûl­fa­raj. Haut
  3. En arabe الأصفهاني. Au­tre­fois trans­crit al As­fa­hânî, Alis­fa­hâny, el-Es­fa­hani, el-Iç­fa­hâni ou el-Is­pa­hani. On ren­contre aussi la gra­phie الأصبهاني (al-Is­ba­hânî). Au­tre­fois trans­crit el-Iç­ba­hâni. Haut
  1. M. Jacques Berque. Haut
  2. p. 50. Haut