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Sénèque le philosophe, « De la clémence »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit de «De la clé­mence» («De cle­men­tia») de  1, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 2. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 3. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 4. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  2. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome V. Livres XIX-XX »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome IV. Livres XIV-XVIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome III. Livres VIII-XIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome II. Livres V-VII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome I. Livres I-IV »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

« Petites Sagas islandaises »

éd. Les Belles Lettres, coll. Vérité des mythes-Sources, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des mythes-, Pa­ris

Il s’agit du «Dit de Gun­narr meur­trier de Þið­randi» («Gun­nars þáttr Þið­ran­da­bana») et autres sa­gas is­lan­daises. Du­rant le siècle et demi de leur ré­dac­tion, entre les an­nées 1200 et 1350 apr. J.-C., les sa­gas s’imposent par leur in­ten­sité dra­ma­tique, par leur ra­massé et presque bourru, par leur réa­lisme dur, tem­péré d’ et d’exemples de , comme la lec­ture fa­vo­rite des hommes du Nord et comme le fleu­ron de l’art nar­ra­tif eu­ro­péen. Le mot «» vient du verbe «segja» («dire», «ra­con­ter»), qu’on re­trouve dans toutes les langues du Nord : da­nois, «sige»; , «säga»; , «sa­gen»; néer­lan­dais, «zeg­gen»; , «say». On au­rait tort ce­pen­dant d’attribuer à la en­tière la pa­ter­nité de ce genre qui, à une ou deux ex­cep­tions près, est ty­pi­que­ment et ex­clu­si­ve­ment . Il faut avouer que l’ est peu connue, en de­hors de quelques spé­cia­listes. Il n’est donc pas éton­nant que le vul­gaire re­garde les ha­bi­tants de cette île loin­taine presque avec dé­dain. Il les consi­dère comme des demi- ha­billés de peaux de bêtes. Et puis, lorsqu’on vient lui dire que ces mi­sé­rables sau­vages nous ont donné l’ensemble des sa­gas et tout ce que nous li­sons de plus an­cien sur les ci­vi­li­sa­tions nor­diques, à telle en­seigne que la vieille de ces ci­vi­li­sa­tions est sur­nom­mée «le vieil is­lan­dais», cela lui pa­raît un . Mais es­sayons de ré­ta­blir la vé­rité! En 874 apr. J.-C. les Nor­vé­giens prirent pied en Is­lande, où ils ne tar­dèrent pas à éta­blir une aris­to­cra­tique. Quel était le nombre des pre­miers co­lons? C’est ce que rien n’indique. On sait seule­ment que, parmi ceux qui y construi­sirent leur de­meure, on comp­tait une ma­jo­rité de fa­milles nobles fuyant le des­pote Ha­rald Ier 1, trop lasses de sa ou trop fières pour l’accepter : «Vers la fin de la de Ke­till», dit une saga 2, «s’éleva la puis­sance du roi Ha­rald à la Belle Che­ve­lure, si bien qu’aucun [sei­gneur], non plus qu’aucun autre d’importance, ne pros­pé­rait dans le pays si le roi ne dis­po­sait à lui seul de [toutes les] pré­ro­ga­tives… Lorsque Ke­till ap­prit que le roi Ha­rald lui des­ti­nait le même lot qu’aux autres puis­sants hommes, [il dit à ses proches] : “J’ai des in­for­ma­tions vé­ri­diques sur la haine que nous voue le roi Ha­rald…; j’ai l’impression que l’on nous donne à choi­sir entre deux choses : fuir le pays ou être tués cha­cun chez ». Tous ceux qui ne vou­laient pas cour­ber la tête sous le sceptre du roi, s’en al­laient à tra­vers les flots cher­cher une heu­reuse « de glace» où il n’y avait en­core ni au­to­rité ni mo­narque; où chaque chef de pou­vait ré­gner en dans sa de­meure, sans avoir du roi : «Il y avait là de bonnes terres, et il n’y avait pas be­soin d’argent pour les ache­ter…; on y pre­nait du et d’autres pois­sons à lon­gueur d’année», ajoute la même saga. Les émi­gra­tions de­vinrent en peu de si fré­quentes et si nom­breuses, que Ha­rald Ier, crai­gnant de voir la Nor­vège se dé­peu­pler, im­posa un tri­but à tous ceux qui la quit­te­raient et par­fois s’empara de leurs biens.

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Ha­ral­dur et Ha­raldr. Icône Haut
  1. «Saga des gens du Val-au-Sau­mon». Icône Haut

le comte de Maistre, « Mémoires politiques et Correspondance diplomatique »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut

le comte de Maistre, « Œuvres complètes. Tome XIV. Correspondance, part. 6 (1817-1821) »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut

« Les Années de formation [ou : un véritable stoïcien, Attale] »

dans Pierre Grimal, « Sénèque, ou la Conscience de l’Empire » (éd. Fayard, Paris), p. 247-262

dans Gri­mal, «Sé­nèque, ou la de l’Empire» (éd. Fayard, Pa­ris), p. 247-262

Il s’agit d’Attale le phi­lo­sophe 1 (ou At­tale le stoï­cien 2) dont Sé­nèque parle tou­jours avec im­mense . Il était, nous dit Sé­nèque le père 3, un « de grande , et entre les que nous avons vus de notre âge, le plus sub­til et le mieux-di­sant». Ce pré­di­ca­teur d’origine grecque laissa une im­pres­sion pro­fonde et un du­rable chez le jeune Sé­nèque, qui sui­vit ses le­çons à et qui ci­tera pieu­se­ment des bribes de son dans ses œuvres de , et tout par­ti­cu­liè­re­ment dans ses «Lettres à Lu­ci­lius», comme si les belles d’Attale gra­vées dans son cœur d’adolescent lui re­ve­naient plus vi­vaces et plus pré­gnantes que ja­mais. Voici com­ment il en parle : «Je me rap­pelle ce que nous di­sait le maître At­tale au où nous as­sié­gions son école — pre­miers à nous y rendre, der­niers à en sor­tir — l’attirant même du­rant ses pro­me­nades en quelque dis­cus­sion… “Il faut que [vous] soyez exempts de tout be­soin, si vous vou­lez dé­fier Ju­pi­ter, qui n’a be­soin de rien”» 4. At­tale fai­sait l’éloge, à tous ceux qui vou­laient l’entendre, de la pu­reté des mœurs, de la fru­ga­lité, de l’indépendance in­té­rieure, de la fer­meté in­vin­cible, du dé­dain des choses su­per­flues. Il s’évertuait à prou­ver que tout ce qui dé­passe les bornes du be­soin est un far­deau in­utile et ac­ca­blant pour ce­lui qui le porte. Ses élèves sor­taient de son école plus mo­destes, plus tem­pé­rants, plus amis de la conti­nence qu’ils ne l’étaient en y en­trant. Il leur ra­con­tait vo­lon­tiers com­ment, un jour de fête, il avait vu pas­ser tout ce qu’il y avait de «» à Rome : des vais­selles ci­se­lées dans l’ et l’argent, des ten­tures sur­pas­sant le prix de ces mé­taux, des étoffes ap­por­tées des les plus re­cu­lées, une double file d’, mâles et fe­melles, dans tous les at­traits de leur pa­rure; bref, toutes les ma­gni­fi­cences dont s’était ac­ca­paré l’Empire le plus puis­sant qui vou­lait, pour ainsi dire, pas­ser en re­vue sa gran­deur. «[À quoi sert] cette pompe triom­phale de l’or?», s’était dit At­tale 5. «Est-ce pour ap­prendre [la cu­pi­dité et] l’ que nous sommes ve­nus de toutes parts ici? Mais, ma … mon mé­pris des ri­chesses tient non pas à leur in­uti­lité seule­ment, mais à leur fu­ti­lité! As-tu vu», avait-il pensé, «comme il a suffi de peu d’heures pour qu’un dé­filé ce­pen­dant bien lent, bien com­passé, ache­vât de s’écouler? Et nous rem­pli­rions notre en­tière de ce qui n’a pu rem­plir une jour­née?… Tourne-toi bien plu­tôt vers la vraie . Ap­prends à te conten­ter de peu! Écrie-toi avec toute la fierté d’une grande  : “Ayons seule­ment de l’, de la [bouillie]; par là, ri­va­li­sons de fé­li­cité avec Ju­pi­ter même”!» At­tale avait aussi l’habitude de faire cette com­pa­rai­son ima­gée, qui frap­pait éner­gi­que­ment l’esprit de ceux qui l’écoutaient : «Tu as bien vu un chien guet­tant, gueule ou­verte, les bouts de pain ou de que lui lance son maître? Tout ce qu’il at­trape est tout de suite avalé tel quel; et il de­meure béant, dans l’espérance du mor­ceau qui va ve­nir. La même chose nous ad­vient. Nous at­ten­dons… tout ce que la for­tune nous jette, nous l’engloutissons aus­si­tôt sans le sa­vou­rer, sur le qui-vive, l’esprit an­xieu­se­ment tendu vers la conquête d’une autre proie. Au , cela ne sau­rait ad­ve­nir : il est ras­sa­sié» 6.

  1. En At­ta­lus phi­lo­so­phus. Icône Haut
  2. En la­tin At­ta­lus stoi­cus. Icône Haut
  3. «Les et Sua­soires», ch. II, sect. 12. Icône Haut
  1. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre CVIII, sect. 3, lettre CX, sect. 20. Icône Haut
  2. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre CX, sect. 15-18. Icône Haut
  3. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre LXXII, sect. 8. Icône Haut

le comte de Maistre, « Œuvres complètes. Tome XIII. Correspondance, part. 5 (1815-1816) »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut

le comte de Maistre, « Œuvres complètes. Tome XII. Correspondance, part. 4 (1811-1814) »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut

le comte de Maistre, « Œuvres complètes. Tome XI. Correspondance, part. 3 (1808-1810) »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut