Il s’agit du philosophe platonicien Théon de Smyrne 1, également connu sous le surnom de Théon l’Ancien 2 (Ie-IIe siècle apr. J.-C.). On ignore tout de sa biographie. Cependant, le hasard a voulu que le buste authentique du philosophe ait survécu aux vicissitudes des Empires et soit parvenu jusqu’à nous. Ce buste, trouvé à Smyrne par un marchand français, puis acheté à Marseille par le cardinal Alessandro Albani, puis enfin, cédé au pape Clément XII, peut être vu à Rome, dans le musée du Capitole. L’inscription placée sur son socle nous fait connaître celui que ce marbre représente : « Le prêtre Théon (consacre aux dieux l’image de) Théon, philosophe platonicien, son père » 3. On en déduit que Théon eut un fils du même nom, et que ce dernier était assez riche pour recevoir un de ces sacerdoces dont les villes grecques n’investissaient que les citoyens les plus considérés et les mieux pourvus. Quoi qu’il en soit, Théon le père dont je veux rendre compte ici est l’auteur d’un manuel de vulgarisation scientifique portant l’intitulé : « Des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon » 4 (« Tôn kata to mathêmatikon chrêsimôn eis tên Platônos anagnôsin » 5). Ismaël Boulliau l’a édité et traduit, à Paris, sous le titre d’« Exposition » (« Expositio ») qui lui est resté. Ce manuel, important pour l’histoire des sciences antiques, comportait primitivement cinq parties : 1º l’arithmétique ; 2º la géométrie (plane) ; 3º la stéréométrie (géométrie de l’espace) ; 4º l’astronomie ; 5º la musique. Il visait à faciliter la lecture de tout ce qui concernait ces sciences dans les œuvres de Platon ; ou, en d’autres mots, à rédiger un cours élémentaire de mathématiques à l’usage des philosophes : « Tout le monde conviendra assurément qu’il n’est pas possible de comprendre ce que Platon a écrit sur les mathématiques, si l’on ne s’est pas adonné à leur étude », dit Théon 6. « Je vais commencer [par] l’explication des théorèmes nécessaires : non pas tous ceux qui seraient nécessaires aux lecteurs pour devenir de parfaits… géomètres, musiciens ou astronomes, car ce n’est pas le but que se proposent tous ceux qui veulent lire les écrits de Platon ; mais j’expliquerai les théorèmes qui suffisent pour comprendre le sens de ses écrits. »
Il n’existe pas moins de deux traductions françaises de l’« Exposition », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de Jean Dupuis.
« Πρῶτον δὲ μνημονεύσομεν τῶν ἀριθμητικῶν θεωρημάτων, οἷς συνέζευκται καὶ τὰ τῆς ἐν ἀριθμοῖς μουσικῆς· τῆς μὲν γὰρ ἐν ὀργάνοις οὐ παντάπασι προσδεόμεθα, καθὰ καὶ αὐτὸς ὁ Πλάτων ἀφηγεῖται λέγων ὡς οὐ χρὴ ὥσπερ ἐκ γειτόνων φωνὴν θηρευομένους πράγματα παρέχειν ταῖς χορδαῖς· ὀρεγόμεθα δὲ τὴν ἐν κόσμῳ ἁρμονίαν καὶ τὴν ἐν τούτῳ μουσικὴν κατανοῆσαι· ταύτην δὲ οὐχ οἷόν τε κατιδεῖν μὴ τῆς ἐν ἀριθμοῖς πρότερον θεωρητικοὺς γενομένους· διὸ καὶ πέμπτην ὁ Πλάτων φησὶν εἶναι τὴν μουσικήν, τὴν ἐν κόσμῳ λέγων, ἥτις ἐστὶν ἐν τῇ κινήσει καὶ τάξει καὶ συμφωνίᾳ τῶν ἐν αὐτῷ κινουμένων ἄστρων. »
— Passage dans la langue originale
« Nous allons commencer par les théorèmes arithmétiques, auxquels se rattachent de très près les théorèmes musicaux qui se traduisent par des nombres. Nous n’avons nul besoin de musique instrumentale, ainsi que l’explique Platon lui-même, lorsqu’il dit 7 qu’il ne faut pas tourmenter les cordes des instruments, (l’oreille tendue) comme des curieux qui sont aux écoutes. Ce que nous désirons, c’est de comprendre l’harmonie et la musique célestes ; cette harmonie, nous ne pouvons l’examiner qu’après avoir étudié les lois numériques des sons. Quand Platon dit 8 que la musique occupe le cinquième rang (dans l’étude des mathématiques), il parle de la musique céleste, laquelle résulte du mouvement, de l’ordre et du concert des astres qui cheminent dans l’espace. »
— Passage dans la traduction de Dupuis
« Nous commencerons par rappeler les énoncés théoriques arithmétiques, auxquels sont liés aussi ceux de la musique des nombres. Car nous n’avons pas du tout besoin de la musique instrumentale, comme aussi Platon l’explique en disant qu’il ne faut pas maltraiter les cordes, (comme le font ceux qui tendent l’oreille) comme pour surprendre ce que disent les voisins. Ce que nous désirons au contraire comprendre, c’est l’harmonie du monde et la musique qui est en lui ; or, il n’est pas possible de la connaître sans être d’abord devenu capable de spéculer sur la musique des nombres. C’est précisément pourquoi elle est cinquième pour Platon la musique, parce qu’il veut parler de celle du monde, qui consiste dans le mouvement, l’ordre et la consonance des astres qui se meuvent en lui. »
— Passage dans la traduction de Mme Joëlle Delattre (« Lire Platon : le recours au savoir scientifique », éd. Anacharsis, coll. Essais-Série philologie, Toulouse)
« Primum itaque theoremata arithmetica trademus, quibus connexa sunt musica, quæ in numeris, siquidem nobis omnino opus non est istis, quæ musicis instrumentis continentur ; secundum ea, quæ docet ipse Plato quod non oportet, tamquam ex proximo vocem aucupantes molestiam fidibus arcessere. Harmoniam vero, quæ in mundo est, atque musicam comprehendere cupimus, quam penitus inspicere non possumus, nisi prius numeros contemplati fuerimus. Quapropter Plato musicam dicit esse quintam rationum illarum, quæ in mundo reperiuntur constantem motu, ordine et concentu stellarum, quæ in ipso moventur. »
— Passage dans la traduction latine d’Ismaël Boulliau (« Expositio eorum, quæ in arithmeticis ad Platonis lectionem utilia sunt », XVIIe siècle)
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- Édition et traduction de Jean Dupuis (1892) [Source : Canadiana]
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- Édition et traduction de Jean Dupuis (éd. électronique) [Source : Remacle.org]
- Édition et traduction latine partielles d’Ismaël Boulliau (1827) [Source : Google Livres]
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- Édition et traduction latine partielles d’Ismaël Boulliau (1644) [Source : Google Livres]
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- Édition et traduction latine partielles de Thomas-Henri Martin (1849) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction latine partielles de Thomas-Henri Martin (1849) ; autre copie [Source : Google Livres]
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- Édition et traduction latine partielles de Thomas-Henri Martin (1849) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction latine partielles de Thomas-Henri Martin (1849) ; autre copie [Source : Google Livres].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Charles-Benoît Hase, « Compte rendu sur “Theonis Smyrnæi, Liber de astronomia” » dans « Journal des savants », 1850, p. 129-136 & 270-284 [Source : Google Livres]
- Wolfgang Helbig, « Guide dans les musées d’archéologie classique de Rome. Tome I. Le Musée de sculpture du Vatican • Les Musées du Capitole et du Latran » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Paul Tannery, « Sur Théon de Smyrne » dans « Revue de philologie, de littérature et d’histoire anciennes », vol. 18, p. 145-152 [Source : Google Livres].
- En grec Θέων Σμυρναῖος. Autrefois transcrit Théon Smyrnéen.
- En grec Θέων ὁ παλαιός. On le surnomme l’Ancien pour le distinguer du père d’Hypatie, Théon d’Alexandrie, qui lui est postérieur.
- En grec « ΘΕΩΝΑ ΠΛΑΤΩΝΙΚΟΝ ΦΙΛΟϹΟΦΟΝ Ο ΙΕΡΕΥϹ ΘΕΩΝ ΤΟΝ ΠΑΤΕΡΑ ».
- Parfois traduit « De ce qui est utile du point de vue scientifique à la lecture de Platon » ou « Des choses qui en mathématiques sont utiles pour la lecture de Platon ».