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su­jet

Attila József, « Aimez-moi : l’œuvre poétique »

éd. Phébus, coll. D’aujourd’hui-Étranger, Paris

éd. Phé­bus, coll. D’aujourd’hui-Étranger, Pa­ris

Il s’agit de «L’Œuvre » de M. At­tila Józ­sef, poète hon­grois, re­belle so­li­taire, n’acceptant pas le tel qu’il est, s’y at­ta­quant avec la seule arme des mots, en proie à l’obsession de la . La , les coups et la fuite d’un père in­ca­pable de par­ta­ger et de sou­la­ger les mi­sères de sa ont été pour quelque chose dans cette ob­ses­sion, ce goût qui han­tait M. At­tila Józ­sef et qui le pous­sera au bout du compte à se sui­ci­der à trente-deux ans. Y a été éga­le­ment pour quelque chose le cli­mat d’oppression ma­té­rielle et qui pe­sait sur la en­tière. Mais com­men­çons par le com­men­ce­ment! Notre poète na­quit en 1905 d’un père fa­bri­cant de sa­von et d’une mère blan­chis­seuse, sixième en­fant du couple. Son père ayant dis­paru un beau ma­tin (comme l’«écume de sa­von sur l’océan…», ra­conte un des poèmes 1), M. At­tila Józ­sef dut sé­cher ses cours pour al­ler ga­gner les de­niers dont sa mère et ses sœurs avaient le be­soin le plus in­dis­pen­sable. Il fut ré­duit, tour à tour, à gar­der des pour­ceaux, la­ver des chau­dières, trier des foins, vendre des jour­naux aux coins des rues, ba­layer des bu­reaux et cha­par­der du bois. Son atout, c’était la de ses vingt ans, et il s’en ser­vait : «Je n’ai rien que je rêve ou j’espère… Ma puis­sance, c’est [mes] vingt ans, et pour peu que nul n’en veuille, que le , lui, l’accueille! Je vo­le­rai, l’ pure», ra­conte un autre des poèmes 2. Ven­deur à la sau­vette, vo­leur au cœur étreint de , il re­dou­tait les agents, les contrô­leurs, et cette crainte de l’autorité, de l’ordre, qui le pour­sui­vra jusqu’à la fin de sa , s’étendait à tout ce qui por­tait l’uniforme, aux che­mi­nots et aux dé­bar­deurs :

«Est-ce vous, que j’ai craints, dé­bar­deurs in­tré­pides
Qui m’en im­po­siez tant, lan­ceurs de gros ron­dins?
Comme du bois volé, je vous em­porte vite
Dans ce monde sans [lu­mière] et rem­pli de gar­diens…
»

  1. Poème «Áron Józ­sef m’engendra». Icône Haut
  1. Poème «Cœur pur». Icône Haut

Hô Chi Minh (Nguyên Ai Quôc), « Le Procès de la colonisation française et Autres Textes de jeunesse »

éd. Le Temps des cerises, Pantin

éd. Le des ce­rises, Pan­tin

Il s’agit du « de la fran­çaise», des «Re­ven­di­ca­tions du an­na­mite» et autres textes de d’Hô Chi Minh 1. Ainsi que l’a re­mar­qué un bio­graphe d’Hô Chi Minh 2, «tout ce qui touche à la du fu­tur pré­sident de la dé­mo­cra­tique du jusqu’en 1941 est frag­men­taire, ap­proxi­ma­tif, contro­versé». À ce jour, au­cune étude sys­té­ma­tique n’a été en­tre­prise, au­cune pu­bli­ca­tion ex­haus­tive n’a été faite sur la pé­riode pa­ri­sienne du cé­lèbre ré­vo­lu­tion­naire , pé­riode pour­tant dé­ci­sive en ce qui concerne sa for­ma­tion idéo­lo­gique — la vie dans un en­tre­sol de la rue du Mar­ché-des-Pa­triarches, la fré­quen­ta­tion as­si­due de la Bi­blio­thèque na­tio­nale, «où il s’installait de 10 à 17 heures, presque chaque jour» 3, les mee­tings guet­tés par la po­lice, les ar­ticles pour «L’», «La Re­vue com­mu­niste», «Le Li­ber­taire», etc., en­fin, la fon­da­tion du «Pa­ria», jour­nal an­ti­co­lo­nia­liste, dont il fut à la fois le di­rec­teur et le plus fé­cond des contri­bu­teurs 4. Les dates mêmes de cette pé­riode sont pleines d’obscurités, si étrange que cela puisse pa­raître, s’agissant d’une des per­son­na­li­tés les plus en vue de tout le XXe siècle. Re­joi­gnit-il Pa­ris en 1917, comme le sup­posent la plu­part de ses bio­graphes, ou en 1919, an­née de ses pre­miers ar­ticles si­gnés? En tout cas, la pre­mière qu’il eut en ar­ri­vant, c’est qu’en aussi il y avait des ou­vriers ex­ploi­tés — des gens qui pou­vaient prendre parti pour le peuple viet­na­mien. C’est là que lui vint à l’esprit cette de la sang­sue ca­pi­ta­liste, si fa­meuse de­puis «Le Pro­cès» : «Le ca­pi­ta­lisme est une sang­sue ayant une ven­touse ap­pli­quée sur le pro­lé­ta­riat de la mé­tro­pole, et une autre sur le pro­lé­ta­riat des . Si l’on veut tuer la bête, on doit cou­per les deux ven­touses à la fois». Alors, il s’attacha aux pro­lé­taires par le double lien de l’intérêt et de l’affection; et le jour où, après de longues dé­cen­nies, la sé­pa­ra­tion fa­tale, in­évi­table, se fit entre les co­lo­ni­sa­teurs et les co­lo­ni­sés, la France per­dit en lui un su­jet, mais conserva un ami, un al­lié, un confrère. «En se ré­cla­mant de la pro­tec­tion du peuple fran­çais», dit Hô Chi Minh dans «Les Re­ven­di­ca­tions du peuple an­na­mite», «le peuple an­na­mite, bien loin de s’humilier, s’honore au contraire : car il sait que le peuple fran­çais re­pré­sente la et la , et ne re­non­cera ja­mais à son de uni­ver­selle. En consé­quence, en écou­tant la des op­pri­més, le peuple fran­çais fera son de­voir en­vers la France et en­vers l’humanité».

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Nguyên Ai Quôc. «Nguyên, c’est le pa­tro­nyme le plus ré­pandu en An­nam…; “Ai”, le pré­fixe qui si­gni­fie l’affection; “Quôc”, la pa­trie», dit M. Jean La­cou­ture. Au­tre­fois trans­crit Nguyen Ai Quac. Icône Haut
  2. M. Jean La­cou­ture. Icône Haut
  1. Louis Rou­baud, «Viêt-nam : la in­do­chi­noise; suivi d’autres sur le co­lo­nia­lisme». Icône Haut
  2. Les contri­bu­teurs du «Pa­ria» se com­po­saient en­tiè­re­ment de mi­li­tants ori­gi­naires des co­lo­nies, qui ve­naient, bé­né­vo­le­ment, après leurs heures de tra­vail. Icône Haut

Sayyâb, « Le Golfe et le Fleuve : poèmes »

éd. Sindbad-Actes Sud, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-La Petite Bibliothèque de Sindbad, Arles

éd. Sind­bad-Actes Sud, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-La Pe­tite Bi­blio­thèque de Sind­bad, Arles

Il s’agit de M.  1, poète , qui a af­fran­chi la de deux mille ans de mé­trique pour la sou­mettre aux contraintes de la (XXe siècle). À l’âge de six ans, il perd sa mère; et son père s’étant re­ma­rié, il est re­cueilli par son grand-père. Ce sera pour le poète un pre­mier choc dont il ne se re­met­tra ja­mais, et le dé­but d’une dé­marche nos­tal­gique qui l’accompagnera tout au long de sa vie, abré­gée su­bi­te­ment par la ma­la­die. Cette dé­marche, c’est la de sa mère, et au-delà, celle de son pe­tit vil­lage na­tal de Djay­koûr 2 qu’il as­si­mile à l’authenticité, à la «[de] l’enfance, [de] l’adolescence qui une fois fut» 3. Cette terre pa­rée de rires, de chants et de par­fums re­pré­sente pour M. Sayyâb une sorte d’ dont il n’a été éloi­gné que par «le choc mé­tal­lique de l’argent» et «la des ma­chines» 4. Comme Sind­bad le Ma­rin ou Ulysse sur son ba­teau, hanté par le du re­tour, M. Sayyâb s’imagine la em­bar­quer sur le crois­sant de lune et «pé­ré­gri­ner avec des nuages pour voiles et l’impossible pour tout port» 5. Comme Achille qui ai­me­rait mille fois mieux être, sur terre, aux gages d’un pauvre , que de ré­gner sur les ombres, M. Sayyâb pré­fère être «un en­fant af­famé, en larmes dans la nuit d’, [plu­tôt que] ce qui n’eut ja­mais de la vie qu’un spec­tacle» 6. On voit que c’est en mé­lan­geant an­tique et mo­dernes que M. Sayyâb pro­duit l’alliage de sa poé­sie : «L’expression di­recte de ce qui n’est pas poé­sie», dit-il 7, «ne peut de­ve­nir . Où est alors la so­lu­tion? En ré­ponse, le poète ira vers le mythe, [les] qui ont gardé leur in­ten­sité et leur fraî­cheur; il s’en ser­vira comme ma­té­riaux pour bâ­tir les mondes qui dé­fie­ront la de l’ et de l’acier». En­fin, no­tons le contraste que M. Sayyâb se plaît à faire entre la ville et le vil­lage : Pa­ris, le pa­ran­gon des , la cité des ci­tés, est un lieu du , où «des hommes pris de sortent leurs cou­teaux», où «l’air se crispe sous l’éclat de des pu­tains»; tan­dis que Djay­koûr est une source de l’innocence «avec un de dans un vase, astres bleus et rouges d’un rêve d’enfant»

  1. En arabe بدر شاكر السياب. Au­tre­fois trans­crit Badr Šā­kir al-Sayyāb, Badr Sha­ker al-Sayyab, Badr Cha­kir al-Sayyab ou Badr Sha­kir as-Sayyab. Icône Haut
  2. En arabe جيكور. Par­fois trans­crit Ǧaykūr, Jay­kour ou Jay­kur. Icône Haut
  3. Poème «La Mai­son de mon grand-père». Icône Haut
  4. Poème «L’Élégie de Djay­koûr». Icône Haut
  1. Poème «La Mai­son de mon grand-père». Icône Haut
  2. Poème «Iq­bâl et la Nuit». Icône Haut
  3. Dans «Les Ca­hiers de l’Oronte», p. 90. Icône Haut

Sayyâb, « Les Poèmes de Djaykoûr »

éd. Fata Morgana, Saint-Clément-de-Rivière

éd. Fata Mor­gana, Saint-Clé­ment-de-Ri­vière

Il s’agit de M.  1, poète , qui a af­fran­chi la de deux mille ans de mé­trique pour la sou­mettre aux contraintes de la (XXe siècle). À l’âge de six ans, il perd sa mère; et son père s’étant re­ma­rié, il est re­cueilli par son grand-père. Ce sera pour le poète un pre­mier choc dont il ne se re­met­tra ja­mais, et le dé­but d’une dé­marche nos­tal­gique qui l’accompagnera tout au long de sa vie, abré­gée su­bi­te­ment par la ma­la­die. Cette dé­marche, c’est la de sa mère, et au-delà, celle de son pe­tit vil­lage na­tal de Djay­koûr 2 qu’il as­si­mile à l’authenticité, à la «[de] l’enfance, [de] l’adolescence qui une fois fut» 3. Cette terre pa­rée de rires, de chants et de par­fums re­pré­sente pour M. Sayyâb une sorte d’ dont il n’a été éloi­gné que par «le choc mé­tal­lique de l’argent» et «la des ma­chines» 4. Comme Sind­bad le Ma­rin ou Ulysse sur son ba­teau, hanté par le du re­tour, M. Sayyâb s’imagine la em­bar­quer sur le crois­sant de lune et «pé­ré­gri­ner avec des nuages pour voiles et l’impossible pour tout port» 5. Comme Achille qui ai­me­rait mille fois mieux être, sur terre, aux gages d’un pauvre , que de ré­gner sur les ombres, M. Sayyâb pré­fère être «un en­fant af­famé, en larmes dans la nuit d’, [plu­tôt que] ce qui n’eut ja­mais de la vie qu’un spec­tacle» 6. On voit que c’est en mé­lan­geant an­tique et mo­dernes que M. Sayyâb pro­duit l’alliage de sa poé­sie : «L’expression di­recte de ce qui n’est pas poé­sie», dit-il 7, «ne peut de­ve­nir . Où est alors la so­lu­tion? En ré­ponse, le poète ira vers le mythe, [les] qui ont gardé leur in­ten­sité et leur fraî­cheur; il s’en ser­vira comme ma­té­riaux pour bâ­tir les mondes qui dé­fie­ront la de l’ et de l’acier». En­fin, no­tons le contraste que M. Sayyâb se plaît à faire entre la ville et le vil­lage : Pa­ris, le pa­ran­gon des , la cité des ci­tés, est un lieu du , où «des hommes pris de sortent leurs cou­teaux», où «l’air se crispe sous l’éclat de des pu­tains»; tan­dis que Djay­koûr est une source de l’innocence «avec un de dans un vase, astres bleus et rouges d’un rêve d’enfant»

  1. En arabe بدر شاكر السياب. Au­tre­fois trans­crit Badr Šā­kir al-Sayyāb, Badr Sha­ker al-Sayyab, Badr Cha­kir al-Sayyab ou Badr Sha­kir as-Sayyab. Icône Haut
  2. En arabe جيكور. Par­fois trans­crit Ǧaykūr, Jay­kour ou Jay­kur. Icône Haut
  3. Poème «La Mai­son de mon grand-père». Icône Haut
  4. Poème «L’Élégie de Djay­koûr». Icône Haut
  1. Poème «La Mai­son de mon grand-père». Icône Haut
  2. Poème «Iq­bâl et la Nuit». Icône Haut
  3. Dans «Les Ca­hiers de l’Oronte», p. 90. Icône Haut

Mao Tsé-toung, « Poésies complètes »

éd. Parti pris, Montréal

éd. Parti pris, Mont­réal

Il s’agit des poèmes au­to­bio­gra­phiques de Mao Tsé-toung 1. Alors que son «Pe­tit Livre rouge» a été pu­blié à des cen­taines de mil­lions d’exemplaires; alors que des trai­tés théo­riques aussi in­si­pides, avouons-le, que ses «De la pra­tique» et «De la contra­dic­tion» ont été les Bibles d’un mil­liard de ; ce que Mao Tsé-toung a écrit de plus beau peut-être a été le moins im­primé : ses poèmes. Ils sont l’œuvre d’un qui fut d’abord bi­blio­thé­caire, cal­li­graphe, stra­tège de la Longue Marche, avant d’être le fa­na­tique re­li­gieux d’une qui se pré­ten­dra mar­xiste et ne le sera ja­mais le moins du . En dé­pit de leur ca­rac­tère na­tio­nal, et même na­tio­na­liste, Mao Tsé-toung hé­sita lon­gue­ment avant de di­vul­guer ces poèmes : sans tra­his­saient-ils quelque op­po­si­tion, et même quelque dé­chi­re­ment, dans la du chef d’État qu’il était de­venu : «Je n’ai ja­mais é qu’ils soient of­fi­ciel­le­ment pu­bliés», se jus­ti­fie-t-il 2, «à cause de leur an­tique; et j’ai de se­mer une mau­vaise graine, qui pour­rait in­fluen­cer de fa­çon in­cor­recte notre . En outre, il y a dans mon tra­vail très peu de , et rien que de très or­di­naire». Re­pla­cés sur la carte, ces poèmes jouent le rôle de stèles éri­gées en des lieux don­nés, pour sou­li­gner, com­mé­mo­rer, cé­lé­brer la geste ré­vo­lu­tion­naire de Mao Tsé-toung, de­puis son dé­part du vil­lage na­tal :

«Fra­giles images de mon dé­part — mau­dite l’ qui passe! —
Du vieux jar­din, il y a trente-deux ans
Le dra­peau rouge alors s’enroulait aux lances des serfs
Et les mains noires te­naient haut le fouet des ty­rans
» 3

jusqu’à son re­tour aux monts Jing gang 4, qui avaient servi de pre­mier bas­tion de l’Armée rouge et de ber­ceau de la ré­vo­lu­tion com­mu­niste

  1. En chi­nois 毛澤東. Par­fois trans­crit Mao Tsö-tong, Mao Tsö-toung, Mao Tse-tung, Mao Ce Dun, Mao Ce-tung, Mao Ze­tong, Mao Tze Dong ou Mao Ze­dong. Icône Haut
  2. Dans le nu­méro inau­gu­ral de la re­vue «Shi­kan» («诗刊»), c’est-à-dire «». Icône Haut
  1. p. 89. Icône Haut
  2. En chi­nois 井岡山. Icône Haut