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Mizubayashi, « Croisements »

dans « Critique », vol. 42, nº 474, p. 1141-1146

dans «», vol. 42, nº 474, p. 1141-1146

Il s’agit de «Croi­se­ments» de M. , un d’expression fran­çaise (XXIe siècle). À l’âge de dix-huit ans, ra­conte M. Mi­zu­baya­shi, les in­times de M. Ari­masa Mori pro­vo­quèrent chez lui «un bou­le­ver­se­ment, un séisme in­té­rieur d’une force in­éga­lée» 1 et l’èrent d’une fa­çon dé­ci­sive vers le et la qui en est in­dis­so­ciable. M. Mori avait été le pre­mier qui avait vu, dans cette et cette culture, une re­traite pro­vi­soire où chaque Ja­po­nais pou­vait pui­ser des forces nou­velles pour faire ad­ve­nir un jour un État meilleur; le pre­mier qui avait fait le vœu so­len­nel de re­faire sa , de re­com­men­cer de zéro, en s’appropriant en­tiè­re­ment cette fran­çaise qui n’était pas la sienne, mais qu’il vé­né­rait. Dans «Ba­bi­ron no na­gare no ho­tori nite» 2, sous-ti­tré en fran­çais «Sur les fleuves de Ba­by­lone», M. Mori avait écrit : «Je dois avan­cer dans l’effort d’appropriation hum­ble­ment, pe­tit à pe­tit, même si j’ai à peine le ni­veau d’un pe­tit éco­lier ou d’un ga­min d’école ma­ter­nelle. Que les pa­roles pro­duites dans et à tra­vers la langue fran­çaise fi­nissent par de­ve­nir équi­va­lentes à la chose, tel est pour l’objectif à at­teindre. C’est seule­ment à ce mo­ment-là que le fond des choses se ré­vé­lera sous un nou­veau jour, s’incarnera dans une vie; un nou­veau poin­dra. Si je réus­sis à éprou­ver, un tant soit peu, ce sen­ti­ment-là, c’est ga­gné! Pour le reste, je dois ap­prendre comme un en­fant». Ainsi donc, de­vant l’exigence de la langue fran­çaise, qui lui ap­pa­rais­sait comme un moyen d’atteindre «le fond des choses», M. Mori avait ac­cepté — acte in­ouï pour un in­tel­lec­tuel formé au et en­sei­gnant à la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô — de tout ré­ap­prendre et de se re­con­naître dans la si­dé­rante d’«un pe­tit éco­lier». M. Mi­zu­baya­shi fut frappé comme par la foudre par ce texte. À peine avait-il lu le pas­sage dont j’ai ex­trait les lignes pré­cé­dentes, qu’il crut y en­tendre un ap­pel à naître à «une nou­velle vie» par l’apprentissage du fran­çais; à pen­ser au­tre­ment son rap­port à l’autre, au monde; à s’arracher à sa langue na­tale, aux codes du confor­misme, de la sou­mis­sion, du im­posé qu’elle vé­hi­cu­lait; à goû­ter au plai­sir de la  : «Le texte de Mori me de­man­dait, de­puis la hau­teur in­soup­çon­née d’un dis­cours phi­lo­so­phique et sur un ton aus­tère dé­fiant toute at­ti­tude vel­léi­taire, si j’étais prêt à me lan­cer dans une telle aven­ture…; à m’offrir le luxe ou le risque d’une deuxième nais­sance, d’une se­conde vie im­pure, hy­bride, sans plus longue, plus aléa­toire, plus ex­po­sée à des ébran­le­ments im­pré­vi­sibles, plus obs­ti­né­ment ques­tion­neuse que la pre­mière — [au­to­suf­fi­sante], peu­plée de cer­ti­tudes, ten­dan­ciel­le­ment re­pliée sur elle-même et, par cela même, par­fois in­fa­tuée d’elle-même. Ma ré­ponse fut, sans une se­conde d’hésitation, oui!»

  1. «Une Langue ve­nue d’ailleurs», p. 28. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «バビロンの流れのほとりにて», in­édit en fran­çais. Icône Haut

Mizubayashi, « Autour du bain : de l’intimité familiale à la sociabilité, [ou] Lettre à un ami français »

dans « Critique », vol. 39, nº 428-429, p. 5-15

dans «», vol. 39, nº 428-429, p. 5-15

Il s’agit d’«Au­tour du bain» de M. , un d’expression fran­çaise (XXIe siècle). À l’âge de dix-huit ans, ra­conte M. Mi­zu­baya­shi, les in­times de M. Ari­masa Mori pro­vo­quèrent chez lui «un bou­le­ver­se­ment, un séisme in­té­rieur d’une force in­éga­lée» 1 et l’èrent d’une fa­çon dé­ci­sive vers le et la qui en est in­dis­so­ciable. M. Mori avait été le pre­mier qui avait vu, dans cette et cette culture, une re­traite pro­vi­soire où chaque Ja­po­nais pou­vait pui­ser des forces nou­velles pour faire ad­ve­nir un jour un État meilleur; le pre­mier qui avait fait le vœu so­len­nel de re­faire sa , de re­com­men­cer de zéro, en s’appropriant en­tiè­re­ment cette fran­çaise qui n’était pas la sienne, mais qu’il vé­né­rait. Dans «Ba­bi­ron no na­gare no ho­tori nite» 2, sous-ti­tré en fran­çais «Sur les fleuves de Ba­by­lone», M. Mori avait écrit : «Je dois avan­cer dans l’effort d’appropriation hum­ble­ment, pe­tit à pe­tit, même si j’ai à peine le ni­veau d’un pe­tit éco­lier ou d’un ga­min d’école ma­ter­nelle. Que les pa­roles pro­duites dans et à tra­vers la langue fran­çaise fi­nissent par de­ve­nir équi­va­lentes à la chose, tel est pour l’objectif à at­teindre. C’est seule­ment à ce mo­ment-là que le fond des choses se ré­vé­lera sous un nou­veau jour, s’incarnera dans une vie; un nou­veau poin­dra. Si je réus­sis à éprou­ver, un tant soit peu, ce sen­ti­ment-là, c’est ga­gné! Pour le reste, je dois ap­prendre comme un en­fant». Ainsi donc, de­vant l’exigence de la langue fran­çaise, qui lui ap­pa­rais­sait comme un moyen d’atteindre «le fond des choses», M. Mori avait ac­cepté — acte in­ouï pour un in­tel­lec­tuel formé au et en­sei­gnant à la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô — de tout ré­ap­prendre et de se re­con­naître dans la si­dé­rante d’«un pe­tit éco­lier». M. Mi­zu­baya­shi fut frappé comme par la foudre par ce texte. À peine avait-il lu le pas­sage dont j’ai ex­trait les lignes pré­cé­dentes, qu’il crut y en­tendre un ap­pel à naître à «une nou­velle vie» par l’apprentissage du fran­çais; à pen­ser au­tre­ment son rap­port à l’autre, au monde; à s’arracher à sa langue na­tale, aux codes du confor­misme, de la sou­mis­sion, du im­posé qu’elle vé­hi­cu­lait; à goû­ter au plai­sir de la  : «Le texte de Mori me de­man­dait, de­puis la hau­teur in­soup­çon­née d’un dis­cours phi­lo­so­phique et sur un ton aus­tère dé­fiant toute at­ti­tude vel­léi­taire, si j’étais prêt à me lan­cer dans une telle aven­ture…; à m’offrir le luxe ou le risque d’une deuxième nais­sance, d’une se­conde vie im­pure, hy­bride, sans plus longue, plus aléa­toire, plus ex­po­sée à des ébran­le­ments im­pré­vi­sibles, plus obs­ti­né­ment ques­tion­neuse que la pre­mière — [au­to­suf­fi­sante], peu­plée de cer­ti­tudes, ten­dan­ciel­le­ment re­pliée sur elle-même et, par cela même, par­fois in­fa­tuée d’elle-même. Ma ré­ponse fut, sans une se­conde d’hésitation, oui!»

  1. «Une Langue ve­nue d’ailleurs», p. 28. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «バビロンの流れのほとりにて», in­édit en fran­çais. Icône Haut

Mizubayashi, « Une Langue venue d’ailleurs »

éd. Gallimard, coll. L’Un et l’Autre, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Un et l’Autre, Pa­ris

Il s’agit d’«Une ve­nue d’ailleurs» de M. , un d’expression fran­çaise (XXIe siècle). À l’âge de dix-huit ans, ra­conte M. Mi­zu­baya­shi, les in­times de M. Ari­masa Mori pro­vo­quèrent chez lui «un bou­le­ver­se­ment, un séisme in­té­rieur d’une force in­éga­lée» 1 et l’èrent d’une fa­çon dé­ci­sive vers le et la qui en est in­dis­so­ciable. M. Mori avait été le pre­mier qui avait vu, dans cette langue et cette culture, une re­traite pro­vi­soire où chaque Ja­po­nais pou­vait pui­ser des forces nou­velles pour faire ad­ve­nir un jour un État meilleur; le pre­mier qui avait fait le vœu so­len­nel de re­faire sa , de re­com­men­cer de zéro, en s’appropriant en­tiè­re­ment cette fran­çaise qui n’était pas la sienne, mais qu’il vé­né­rait. Dans «Ba­bi­ron no na­gare no ho­tori nite» 2, sous-ti­tré en fran­çais «Sur les fleuves de Ba­by­lone», M. Mori avait écrit : «Je dois avan­cer dans l’effort d’appropriation hum­ble­ment, pe­tit à pe­tit, même si j’ai à peine le ni­veau d’un pe­tit éco­lier ou d’un ga­min d’école ma­ter­nelle. Que les pa­roles pro­duites dans et à tra­vers la langue fran­çaise fi­nissent par de­ve­nir équi­va­lentes à la chose, tel est pour l’objectif à at­teindre. C’est seule­ment à ce mo­ment-là que le fond des choses se ré­vé­lera sous un nou­veau jour, s’incarnera dans une vie; un nou­veau poin­dra. Si je réus­sis à éprou­ver, un tant soit peu, ce sen­ti­ment-là, c’est ga­gné! Pour le reste, je dois ap­prendre comme un en­fant». Ainsi donc, de­vant l’exigence de la langue fran­çaise, qui lui ap­pa­rais­sait comme un moyen d’atteindre «le fond des choses», M. Mori avait ac­cepté — acte in­ouï pour un in­tel­lec­tuel formé au et en­sei­gnant à la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô — de tout ré­ap­prendre et de se re­con­naître dans la si­dé­rante d’«un pe­tit éco­lier». M. Mi­zu­baya­shi fut frappé comme par la foudre par ce texte. À peine avait-il lu le pas­sage dont j’ai ex­trait les lignes pré­cé­dentes, qu’il crut y en­tendre un ap­pel à naître à «une nou­velle vie» par l’apprentissage du fran­çais; à pen­ser au­tre­ment son rap­port à l’autre, au monde; à s’arracher à sa langue na­tale, aux codes du confor­misme, de la sou­mis­sion, du im­posé qu’elle vé­hi­cu­lait; à goû­ter au plai­sir de la  : «Le texte de Mori me de­man­dait, de­puis la hau­teur in­soup­çon­née d’un dis­cours phi­lo­so­phique et sur un ton aus­tère dé­fiant toute at­ti­tude vel­léi­taire, si j’étais prêt à me lan­cer dans une telle aven­ture…; à m’offrir le luxe ou le risque d’une deuxième nais­sance, d’une se­conde vie im­pure, hy­bride, sans plus longue, plus aléa­toire, plus ex­po­sée à des ébran­le­ments im­pré­vi­sibles, plus obs­ti­né­ment ques­tion­neuse que la pre­mière — [au­to­suf­fi­sante], peu­plée de cer­ti­tudes, ten­dan­ciel­le­ment re­pliée sur elle-même et, par cela même, par­fois in­fa­tuée d’elle-même. Ma ré­ponse fut, sans une se­conde d’hésitation, oui!»

  1. «Une Langue ve­nue d’ailleurs», p. 28. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «バビロンの流れのほとりにて», in­édit en fran­çais. Icône Haut

Mizubayashi, « Un Amour de “Mille-ans” : roman »

éd. Gallimard, Paris

éd. Gal­li­mard, Pa­ris

Il s’agit d’«Un de “Mille-ans”» de M. , un d’expression fran­çaise (XXIe siècle). À l’âge de dix-huit ans, ra­conte M. Mi­zu­baya­shi, les in­times de M. Ari­masa Mori pro­vo­quèrent chez lui «un bou­le­ver­se­ment, un séisme in­té­rieur d’une force in­éga­lée» 1 et l’èrent d’une fa­çon dé­ci­sive vers le et la qui en est in­dis­so­ciable. M. Mori avait été le pre­mier qui avait vu, dans cette et cette culture, une re­traite pro­vi­soire où chaque Ja­po­nais pou­vait pui­ser des forces nou­velles pour faire ad­ve­nir un jour un État meilleur; le pre­mier qui avait fait le vœu so­len­nel de re­faire sa , de re­com­men­cer de zéro, en s’appropriant en­tiè­re­ment cette fran­çaise qui n’était pas la sienne, mais qu’il vé­né­rait. Dans «Ba­bi­ron no na­gare no ho­tori nite» 2, sous-ti­tré en fran­çais «Sur les fleuves de Ba­by­lone», M. Mori avait écrit : «Je dois avan­cer dans l’effort d’appropriation hum­ble­ment, pe­tit à pe­tit, même si j’ai à peine le ni­veau d’un pe­tit éco­lier ou d’un ga­min d’école ma­ter­nelle. Que les pa­roles pro­duites dans et à tra­vers la langue fran­çaise fi­nissent par de­ve­nir équi­va­lentes à la chose, tel est pour l’objectif à at­teindre. C’est seule­ment à ce mo­ment-là que le fond des choses se ré­vé­lera sous un nou­veau jour, s’incarnera dans une vie; un nou­veau poin­dra. Si je réus­sis à éprou­ver, un tant soit peu, ce sen­ti­ment-là, c’est ga­gné! Pour le reste, je dois ap­prendre comme un en­fant». Ainsi donc, de­vant l’exigence de la langue fran­çaise, qui lui ap­pa­rais­sait comme un moyen d’atteindre «le fond des choses», M. Mori avait ac­cepté — acte in­ouï pour un in­tel­lec­tuel formé au et en­sei­gnant à la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô — de tout ré­ap­prendre et de se re­con­naître dans la si­dé­rante d’«un pe­tit éco­lier». M. Mi­zu­baya­shi fut frappé comme par la foudre par ce texte. À peine avait-il lu le pas­sage dont j’ai ex­trait les lignes pré­cé­dentes, qu’il crut y en­tendre un ap­pel à naître à «une nou­velle vie» par l’apprentissage du fran­çais; à pen­ser au­tre­ment son rap­port à l’autre, au monde; à s’arracher à sa langue na­tale, aux codes du confor­misme, de la sou­mis­sion, du im­posé qu’elle vé­hi­cu­lait; à goû­ter au plai­sir de la  : «Le texte de Mori me de­man­dait, de­puis la hau­teur in­soup­çon­née d’un dis­cours phi­lo­so­phique et sur un ton aus­tère dé­fiant toute at­ti­tude vel­léi­taire, si j’étais prêt à me lan­cer dans une telle aven­ture…; à m’offrir le luxe ou le risque d’une deuxième nais­sance, d’une se­conde vie im­pure, hy­bride, sans plus longue, plus aléa­toire, plus ex­po­sée à des ébran­le­ments im­pré­vi­sibles, plus obs­ti­né­ment ques­tion­neuse que la pre­mière — [au­to­suf­fi­sante], peu­plée de cer­ti­tudes, ten­dan­ciel­le­ment re­pliée sur elle-même et, par cela même, par­fois in­fa­tuée d’elle-même. Ma ré­ponse fut, sans une se­conde d’hésitation, oui!»

  1. «Une Langue ve­nue d’ailleurs», p. 28. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «バビロンの流れのほとりにて», in­édit en fran­çais. Icône Haut

Mizubayashi, « L’Île du bonheur entre le français et le japonais »

dans « L’Atelier du roman », nº 71, p. 186-196

dans «L’Atelier du », nº 71, p. 186-196

Il s’agit de «L’Île du entre le et le » de M. , un Ja­po­nais d’expression fran­çaise (XXIe siècle). À l’âge de dix-huit ans, ra­conte M. Mi­zu­baya­shi, les in­times de M. Ari­masa Mori pro­vo­quèrent chez lui «un bou­le­ver­se­ment, un séisme in­té­rieur d’une force in­éga­lée» 1 et l’èrent d’une fa­çon dé­ci­sive vers le fran­çais et la qui en est in­dis­so­ciable. M. Mori avait été le pre­mier qui avait vu, dans cette et cette culture, une re­traite pro­vi­soire où chaque Ja­po­nais pou­vait pui­ser des forces nou­velles pour faire ad­ve­nir un jour un État meilleur; le pre­mier qui avait fait le vœu so­len­nel de re­faire sa , de re­com­men­cer de zéro, en s’appropriant en­tiè­re­ment cette fran­çaise qui n’était pas la sienne, mais qu’il vé­né­rait. Dans «Ba­bi­ron no na­gare no ho­tori nite» 2, sous-ti­tré en fran­çais «Sur les fleuves de Ba­by­lone», M. Mori avait écrit : «Je dois avan­cer dans l’effort d’appropriation hum­ble­ment, pe­tit à pe­tit, même si j’ai à peine le ni­veau d’un pe­tit éco­lier ou d’un ga­min d’école ma­ter­nelle. Que les pa­roles pro­duites dans et à tra­vers la langue fran­çaise fi­nissent par de­ve­nir équi­va­lentes à la chose, tel est pour l’objectif à at­teindre. C’est seule­ment à ce mo­ment-là que le fond des choses se ré­vé­lera sous un nou­veau jour, s’incarnera dans une vie; un nou­veau poin­dra. Si je réus­sis à éprou­ver, un tant soit peu, ce sen­ti­ment-là, c’est ga­gné! Pour le reste, je dois ap­prendre comme un en­fant». Ainsi donc, de­vant l’exigence de la langue fran­çaise, qui lui ap­pa­rais­sait comme un moyen d’atteindre «le fond des choses», M. Mori avait ac­cepté — acte in­ouï pour un in­tel­lec­tuel formé au et en­sei­gnant à la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô — de tout ré­ap­prendre et de se re­con­naître dans la si­dé­rante d’«un pe­tit éco­lier». M. Mi­zu­baya­shi fut frappé comme par la foudre par ce texte. À peine avait-il lu le pas­sage dont j’ai ex­trait les lignes pré­cé­dentes, qu’il crut y en­tendre un ap­pel à naître à «une nou­velle vie» par l’apprentissage du fran­çais; à pen­ser au­tre­ment son rap­port à l’autre, au monde; à s’arracher à sa langue na­tale, aux codes du confor­misme, de la sou­mis­sion, du im­posé qu’elle vé­hi­cu­lait; à goû­ter au plai­sir de la  : «Le texte de Mori me de­man­dait, de­puis la hau­teur in­soup­çon­née d’un dis­cours phi­lo­so­phique et sur un ton aus­tère dé­fiant toute at­ti­tude vel­léi­taire, si j’étais prêt à me lan­cer dans une telle aven­ture…; à m’offrir le luxe ou le risque d’une deuxième nais­sance, d’une se­conde vie im­pure, hy­bride, sans plus longue, plus aléa­toire, plus ex­po­sée à des ébran­le­ments im­pré­vi­sibles, plus obs­ti­né­ment ques­tion­neuse que la pre­mière — [au­to­suf­fi­sante], peu­plée de cer­ti­tudes, ten­dan­ciel­le­ment re­pliée sur elle-même et, par cela même, par­fois in­fa­tuée d’elle-même. Ma ré­ponse fut, sans une se­conde d’hésitation, oui!»

  1. «Une Langue ve­nue d’ailleurs», p. 28. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «バビロンの流れのほとりにて», in­édit en fran­çais. Icône Haut

Mizubayashi, « Mélodie : chronique d’une passion »

éd. Gallimard, coll. L’Un et l’Autre, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Un et l’Autre, Pa­ris

Il s’agit de «Mé­lo­die : chro­nique d’une pas­sion» de M. , un d’expression fran­çaise (XXIe siècle). À l’âge de dix-huit ans, ra­conte M. Mi­zu­baya­shi, les in­times de M. Ari­masa Mori pro­vo­quèrent chez lui «un bou­le­ver­se­ment, un séisme in­té­rieur d’une force in­éga­lée» 1 et l’èrent d’une fa­çon dé­ci­sive vers le et la qui en est in­dis­so­ciable. M. Mori avait été le pre­mier qui avait vu, dans cette et cette culture, une re­traite pro­vi­soire où chaque Ja­po­nais pou­vait pui­ser des forces nou­velles pour faire ad­ve­nir un jour un État meilleur; le pre­mier qui avait fait le vœu so­len­nel de re­faire sa , de re­com­men­cer de zéro, en s’appropriant en­tiè­re­ment cette fran­çaise qui n’était pas la sienne, mais qu’il vé­né­rait. Dans «Ba­bi­ron no na­gare no ho­tori nite» 2, sous-ti­tré en fran­çais «Sur les fleuves de Ba­by­lone», M. Mori avait écrit : «Je dois avan­cer dans l’effort d’appropriation hum­ble­ment, pe­tit à pe­tit, même si j’ai à peine le ni­veau d’un pe­tit éco­lier ou d’un ga­min d’école ma­ter­nelle. Que les pa­roles pro­duites dans et à tra­vers la langue fran­çaise fi­nissent par de­ve­nir équi­va­lentes à la chose, tel est pour l’objectif à at­teindre. C’est seule­ment à ce mo­ment-là que le fond des choses se ré­vé­lera sous un nou­veau jour, s’incarnera dans une vie; un nou­veau poin­dra. Si je réus­sis à éprou­ver, un tant soit peu, ce sen­ti­ment-là, c’est ga­gné! Pour le reste, je dois ap­prendre comme un en­fant». Ainsi donc, de­vant l’exigence de la langue fran­çaise, qui lui ap­pa­rais­sait comme un moyen d’atteindre «le fond des choses», M. Mori avait ac­cepté — acte in­ouï pour un in­tel­lec­tuel formé au et en­sei­gnant à la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô — de tout ré­ap­prendre et de se re­con­naître dans la si­dé­rante d’«un pe­tit éco­lier». M. Mi­zu­baya­shi fut frappé comme par la foudre par ce texte. À peine avait-il lu le pas­sage dont j’ai ex­trait les lignes pré­cé­dentes, qu’il crut y en­tendre un ap­pel à naître à «une nou­velle vie» par l’apprentissage du fran­çais; à pen­ser au­tre­ment son rap­port à l’autre, au monde; à s’arracher à sa langue na­tale, aux codes du confor­misme, de la sou­mis­sion, du im­posé qu’elle vé­hi­cu­lait; à goû­ter au plai­sir de la  : «Le texte de Mori me de­man­dait, de­puis la hau­teur in­soup­çon­née d’un dis­cours phi­lo­so­phique et sur un ton aus­tère dé­fiant toute at­ti­tude vel­léi­taire, si j’étais prêt à me lan­cer dans une telle aven­ture…; à m’offrir le luxe ou le risque d’une deuxième nais­sance, d’une se­conde vie im­pure, hy­bride, sans plus longue, plus aléa­toire, plus ex­po­sée à des ébran­le­ments im­pré­vi­sibles, plus obs­ti­né­ment ques­tion­neuse que la pre­mière — [au­to­suf­fi­sante], peu­plée de cer­ti­tudes, ten­dan­ciel­le­ment re­pliée sur elle-même et, par cela même, par­fois in­fa­tuée d’elle-même. Ma ré­ponse fut, sans une se­conde d’hésitation, oui!»

  1. «Une Langue ve­nue d’ailleurs», p. 28. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «バビロンの流れのほとりにて», in­édit en fran­çais. Icône Haut

Nosaka, « Nosaka aime les chats »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit de «No­saka aime les chats» («Wa­ga­hai wa neko ga suki» 1) de M.  2, écri­vain de ta­lent, mais qui, har­celé par le sen­ti­ment de , a semé dans presque toutes les pages de ses ré­cits l’obscénité la plus gro­tesque et la plus ani­male. Ce sen­ti­ment de culpa­bi­lité est né en lui au len­de­main de la Se­conde mon­diale, quand il a vu mou­rir sa sœur âgée d’un an et quatre mois, toute dé­char­née après des mois de fa­mine : «Quand je pense com­ment ma sœur, qui n’avait plus que les os et la peau, ne par­ve­nait plus à re­le­ver la tête ni même à pleu­rer, com­ment elle mou­rut seule, com­ment en­fin il ne res­tait que des cendres après sa cré­ma­tion, je me rends compte que j’avais été trop pré­oc­cupé par ma propre sur­vie. Dans les hor­reurs de la fa­mine, j’avais mangé ses parts de nour­ri­ture» 3. Son tra­vail d’écrivain s’est en­tiè­re­ment construit sur cette qu’il a ce­pen­dant tra­ves­tie, nar­rée en se fai­sant plai­sir à lui-même, dans «La Tombe des lu­cioles». Car, en , il n’était pas aussi tendre que l’adolescent du ré­cit. Il était cruel : c’est en man­geant le dû de sa sœur qu’il a sur­vécu, et c’est en re­fou­lant cette qu’il a écrit «La Tombe des lu­cioles» qui lui a per­mis par la suite de ga­gner sa  : «J’ai tri­ché avec cette — la plus grande, je crois, qui se puisse ima­gi­ner — celle d’[un pa­rent plongé] dans l’incapacité de nour­rir son en­fant. Et qui suis plu­tôt d’un na­tu­rel al­lègre, j’en garde une dette, une bles­sure pro­fonde, même si les sou­ve­nirs à la longue s’estompent» 4. C’est cette bles­sure in­fec­tée, sa­tu­rée d’odeurs nau­séa­bondes, que M. No­saka ouvre au dans ses ré­cits et qu’il met sous le nez de son pu­blic, en criant aussi haut qu’il peut, la bouche en­core amère des ab­sinthes hu­maines : Re­gar­dez!

  1. En ja­po­nais «吾輩は猫が好き». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 野坂昭如. Icône Haut
  1. Akiyuki No­saka, «五十歩の距離» («La Dis­tance de cin­quante pas»), in­édit en . Icône Haut
  2. Phi­lippe Pons, «“Je garde une bles­sure pro­fonde” : un en­tre­tien avec le ro­man­cier». Icône Haut

Ôé, « Le Centre de recherches sur la jeunesse en déroute »

dans « Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines. Tome I. Jeunesse » (éd. du Rocher, coll. Série japonaise, Monaco)

dans « de contem­po­raines. Tome I. » (éd. du Ro­cher, coll. Sé­rie ja­po­naise, Mo­naco)

Il s’agit de la «Le Centre de re­cherches sur la jeu­nesse en dé­route» («Kô­tai sei­nen ken­kyûjo» 1) de M.  2, un des der­niers re­pré­sen­tants de la lit­té­ra­ture d’après-. Il na­quit dans une pé­ri­phé­rie du ap­pe­lée , et qui plus est, dans un vil­lage pé­ri­phé­rique de ce pays. C’était un beau vil­lage perdu au cœur des grandes fo­rêts de l’île de Shi­koku, où sa ha­bi­tait de­puis des cen­taines d’années sans que per­sonne ne s’en fût ja­mais éloi­gné; son père ve­nait d’y mou­rir. «L’ de la et de la fo­lie m’avait saisi pour ne plus me lâ­cher, de­puis la mort sou­daine de mon père», dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ou­vrage d’un pro­fes­seur de Tô­kyô in­ti­tulé «Fu­ransu ru­ne­sansu dan­shô» 4Frag­ments de la fran­çaise»), M. Ôé dé­cou­vrait, avec un en­thou­siasme dé­bor­dant, les et le com­bat qu’ils avaient mené pour ré­pandre leurs idées. Et c’est pour étu­dier ces idées-là — ca­pables, pen­sait-il, de le pro­té­ger des ten­ta­tions ni­hi­listes d’un Mi­shima — qu’il quitta les fo­rêts na­tales et qu’il se ren­dit en ville pour prendre un train de pour Tô­kyô. L’idée de de­ve­nir le dis­ciple de M. Ka­zuo Wa­ta­nabé 5, ce pro­fes­seur de dont il fai­sait d’ores et déjà son maître à pen­ser pour la , était là pour le sou­te­nir dans l’épreuve que re­pré­sen­tait ce voyage. Dans l’immense mé­tro­pole, M. Ôé se mon­tra un étu­diant brillant, mais ren­fermé, so­li­taire, et bé­gayant à cause de son ac­cent pro­vin­cial dont il avait . La nuit, l’ennui le dé­pri­mait, et tout en pre­nant des tran­quilli­sants avec du whisky, il fai­sait des es­quisses de ro­mans. «Quand j’ai com­mencé à écrire des ro­mans, je me suis dit qu’un jour ils se­raient pu­bliés en par les édi­tions Gal­li­mard et que j’offrirais ce­lui qui me sem­ble­rait le mieux tra­duit à mon pro­fes­seur. Tout en gar­dant cette idée à l’esprit, j’ai tenté di­verses d’ ro­ma­nesque… C’est ce que j’ai tou­jours tenté de faire, et je ne le re­grette pas, mais j’ai aussi tou­jours eu le sen­ti­ment en pa­ral­lèle de ne ja­mais [avoir écrit] un li­béré de cette ob­ses­sion, équi­li­bré, bien construit», dit-il

  1. En «後退青年研究所». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 大江健三郎. Icône Haut
  3. «L’, être fra­gile» («壊れものとしての人間»), in­édit en fran­çais. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «フランス・ルネサンス断章». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 渡辺一夫. Icône Haut

Ôé, « Tribu bêlante, “Ningen no hitsuji” »

dans « Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines. [Tome I] » (éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris)

dans « de contem­po­raines. [Tome I]» (éd. Gal­li­mard, coll. Du en­tier, Pa­ris)

Il s’agit de la «Tribu bê­lante» («Nin­gen no hit­suji» 1, lit­té­ra­le­ment «Hommes de­ve­nus mou­tons») de M.  2, un des der­niers re­pré­sen­tants de la lit­té­ra­ture d’après-. Il na­quit dans une pé­ri­phé­rie du monde ap­pe­lée , et qui plus est, dans un vil­lage pé­ri­phé­rique de ce pays. C’était un beau vil­lage perdu au cœur des grandes fo­rêts de l’île de Shi­koku, où sa ha­bi­tait de­puis des cen­taines d’années sans que per­sonne ne s’en fût ja­mais éloi­gné; son père ve­nait d’y mou­rir. «L’ de la et de la fo­lie m’avait saisi pour ne plus me lâ­cher, de­puis la mort sou­daine de mon père», dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ou­vrage d’un pro­fes­seur de Tô­kyô in­ti­tulé «Fu­ransu ru­ne­sansu dan­shô» 4Frag­ments de la fran­çaise»), M. Ôé dé­cou­vrait, avec un en­thou­siasme dé­bor­dant, les et le com­bat qu’ils avaient mené pour ré­pandre leurs idées. Et c’est pour étu­dier ces idées-là — ca­pables, pen­sait-il, de le pro­té­ger des ten­ta­tions ni­hi­listes d’un Mi­shima — qu’il quitta les fo­rêts na­tales et qu’il se ren­dit en ville pour prendre un train de pour Tô­kyô. L’idée de de­ve­nir le dis­ciple de M. Ka­zuo Wa­ta­nabé 5, ce pro­fes­seur de dont il fai­sait d’ores et déjà son maître à pen­ser pour la , était là pour le sou­te­nir dans l’épreuve que re­pré­sen­tait ce voyage. Dans l’immense mé­tro­pole, M. Ôé se mon­tra un étu­diant brillant, mais ren­fermé, so­li­taire, et bé­gayant à cause de son ac­cent pro­vin­cial dont il avait . La nuit, l’ennui le dé­pri­mait, et tout en pre­nant des tran­quilli­sants avec du whisky, il fai­sait des es­quisses de ro­mans. «Quand j’ai com­mencé à écrire des ro­mans, je me suis dit qu’un jour ils se­raient pu­bliés en par les édi­tions Gal­li­mard et que j’offrirais ce­lui qui me sem­ble­rait le mieux tra­duit à mon pro­fes­seur. Tout en gar­dant cette idée à l’esprit, j’ai tenté di­verses d’ ro­ma­nesque… C’est ce que j’ai tou­jours tenté de faire, et je ne le re­grette pas, mais j’ai aussi tou­jours eu le sen­ti­ment en pa­ral­lèle de ne ja­mais [avoir écrit] un li­béré de cette ob­ses­sion, équi­li­bré, bien construit», dit-il

  1. En «人間の羊». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 大江健三郎. Icône Haut
  3. «L’, être fra­gile» («壊れものとしての人間»), in­édit en fran­çais. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «フランス・ルネサンス断章». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 渡辺一夫. Icône Haut

Ôé, « Une Famille en voie de guérison »

éd. Gallimard, Paris

éd. Gal­li­mard, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion in­di­recte du «Une en voie de » («Kai­fuku suru ka­zoku» 1) de M.  2, un des der­niers re­pré­sen­tants de la lit­té­ra­ture d’après-. Il na­quit dans une pé­ri­phé­rie du ap­pe­lée , et qui plus est, dans un vil­lage pé­ri­phé­rique de ce pays. C’était un beau vil­lage perdu au cœur des grandes fo­rêts de l’île de Shi­koku, où sa fa­mille ha­bi­tait de­puis des cen­taines d’années sans que per­sonne ne s’en fût ja­mais éloi­gné; son père ve­nait d’y mou­rir. «L’ de la et de la fo­lie m’avait saisi pour ne plus me lâ­cher, de­puis la mort sou­daine de mon père», dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ou­vrage d’un pro­fes­seur de Tô­kyô in­ti­tulé «Fu­ransu ru­ne­sansu dan­shô» 4Frag­ments de la fran­çaise»), M. Ôé dé­cou­vrait, avec un en­thou­siasme dé­bor­dant, les et le com­bat qu’ils avaient mené pour ré­pandre leurs idées. Et c’est pour étu­dier ces idées-là — ca­pables, pen­sait-il, de le pro­té­ger des ten­ta­tions ni­hi­listes d’un Mi­shima — qu’il quitta les fo­rêts na­tales et qu’il se ren­dit en ville pour prendre un train de pour Tô­kyô. L’idée de de­ve­nir le dis­ciple de M. Ka­zuo Wa­ta­nabé 5, ce pro­fes­seur de dont il fai­sait d’ores et déjà son maître à pen­ser pour la , était là pour le sou­te­nir dans l’épreuve que re­pré­sen­tait ce voyage. Dans l’immense mé­tro­pole, M. Ôé se mon­tra un étu­diant brillant, mais ren­fermé, so­li­taire, et bé­gayant à cause de son ac­cent pro­vin­cial dont il avait . La nuit, l’ennui le dé­pri­mait, et tout en pre­nant des tran­quilli­sants avec du whisky, il fai­sait des es­quisses de ro­mans. «Quand j’ai com­mencé à écrire des ro­mans, je me suis dit qu’un jour ils se­raient pu­bliés en par les édi­tions Gal­li­mard et que j’offrirais ce­lui qui me sem­ble­rait le mieux tra­duit à mon pro­fes­seur. Tout en gar­dant cette idée à l’esprit, j’ai tenté di­verses d’ ro­ma­nesque… C’est ce que j’ai tou­jours tenté de faire, et je ne le re­grette pas, mais j’ai aussi tou­jours eu le sen­ti­ment en pa­ral­lèle de ne ja­mais [avoir écrit] un ro­man li­béré de cette ob­ses­sion, équi­li­bré, bien construit», dit-il

  1. En «恢復する家族». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 大江健三郎. Icône Haut
  3. «L’, être fra­gile» («壊れものとしての人間»), in­édit en fran­çais. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «フランス・ルネサンス断章». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 渡辺一夫. Icône Haut

Ôé, « Notes de Hiroshima »

éd. Gallimard, coll. Arcades, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Ar­cades, Pa­ris

Il s’agit de «Notes de Hi­ro­shima» («Hi­ro­shima nôto» 1) de M. . En 1963, le fils de M. Ôé, Hi­kari, nais­sait avec une im­por­tante mal­for­ma­tion crâ­nienne, et ses pers­pec­tives de étaient tout à fait im­pro­bables. D’autre part, un ami proche de M. Ôé, hanté par les d’une nu­cléaire qui mar­que­rait la fin du — vi­sions dont il rê­vait dans le som­meil comme il rai­son­nait dans la veille —, avait fini par se pendre à Pa­ris. L’écrivain était, en somme, com­plè­te­ment abattu. On lui de­manda alors un sur la Neu­vième Confé­rence mon­diale contre les nu­cléaires, qui se dé­rou­lait à Hi­ro­shima. Il s’y ren­dit, mais se dés­in­té­ressa vite de , pré­fé­rant al­ler, chaque jour, dans l’hôpital où étaient soi­gnés les ir­ra­diés et s’entretenir avec leur mé­de­cin-chef, Fu­mio Shi­getô 2, lui-même ir­ra­dié. C’est chez ce mé­de­cin-chef qu’il trouva le mo­dèle du « le plus au­then­tique qu’ait connu notre pays de­puis le bom­bar­de­ment» 3, ce­lui de l’ qui pour­suit ses tâches quo­ti­diennes en se gar­dant à la fois du déses­poir et de l’excès d’espérance, sans ja­mais se dé­cla­rer vaincu. En quit­tant la ville mar­ty­ri­sée une se­maine plus tard, M. Ôé avait revu de fond en comble son at­ti­tude à l’égard de son fils han­di­capé, ce qui al­lait abou­tir éga­le­ment à une trans­for­ma­tion ra­di­cale de sa lit­té­ra­ture. Il sa­vait dé­sor­mais qu’il te­nait une prise très ferme qui al­lait lui per­mettre, en se his­sant hors du trou de la où il était tombé, de s’acheminer à coup sûr vers la gué­ri­son. Et cela, il le de­vait en­tiè­re­ment à ses ren­contres avec «l’esprit de Hi­ro­shima» : «Une se­maine avait donc suffi pour que se pro­duise ce re­vi­re­ment si dé­ci­sif qui re­pré­sente à mes yeux une vé­ri­table “conver­sion” — abs­trac­tion faite de la conno­ta­tion re­li­gieuse que l’on peut don­ner à ce terme. À pré­sent, trente-deux ans plus tard, je re­con­nais de nou­veau le poids et la pro­fon­deur de cette », dit-il

  1. En ja­po­nais «ヒロシマ・ノート». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 重藤文夫. Icône Haut
  1. p. 230. Icône Haut

Kawabata, « Barques en bambou, “Sasabune” »

dans « [Nouvelles japonaises]. Tome II. Les Ailes, la Grenade, les Cheveux blancs (1945-1955) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 85-89

dans «[]. Tome II. Les Ailes, la Gre­nade, les Che­veux blancs (1945-1955)» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 85-89

Il s’agit de «Barques en bam­bou» («Sa­sa­bune» 1) de  2, écri­vain qui mé­rite d’être placé au plus haut som­met de la . «Vos ro­mans sont si grands, si su­blimes, que dans ma pe­ti­tesse je ne puis que les vé­né­rer de loin, comme le jeune ber­ger qui, re­gar­dant les cimes bleues des à l’, rêve du jour où il sera en me­sure d’escalader même la plus haute», dit M. Yu­kio Mi­shima dans une lettre adres­sée à ce­lui qui fut pour lui le maître et l’ami 3. Ka­wa­bata na­quit en 1899. Son père, mé­de­cin let­tré, mou­rut de tu­ber­cu­lose en 1901; sa mère, sa grand-mère et sa sœur dis­pa­rurent à leur tour, em­por­tées par la même ma­la­die. Il fut re­cueilli chez son grand-père aveugle, son der­nier et unique pa­rent. Là, dans un vil­lage de cin­quante et quelques , il passa une en­fance so­li­taire, toute de si­lence et de . Levé à l’aube, il de­vait ai­der son grand-père à sa­tis­faire ses fonc­tions na­tu­relles, ti­raillé entre la et le dé­goût. Puis, il mon­tait sur un arbre du jar­din et, as­sis entre les grandes branches, il li­sait «jusqu’à ce que vînt à pas­ser une voi­ture ou un chien qui aboyait» 4; ou alors, un à la main, il écri­vait à ses pa­rents dé­funts des lettres d’une éru­di­tion et d’une ma­tu­rité de qu’on s’étonne de ren­con­trer chez un en­fant : «Père, vous vous êtes levé de votre lit de pour nous lais­ser, à et à ma sœur en­core in­no­cente, une sorte de tes­ta­ment écrit. Vous avez tracé les idéo­grammes de “Chas­teté” pour ma sœur, et de “Prends garde à toi” pour moi-même… Tan­dis que j’écris cette lettre, il me vient à l’esprit cette phrase de Jean Coc­teau :

Gra­vez votre nom dans un arbre
Qui pous­sera jusqu’au na­dir;
Un arbre vaut mieux que le marbre,
Car on y voit les gran­dir.

En fait, le poème reste un peu obs­cur… Mais si l’on ar­rive tout sim­ple­ment à gra­ver son nom dans le cœur d’un en­fant ou d’un être aimé, ce nom ne gran­dira-t-il pas, fi­na­le­ment, lui aussi?»

  1. En ja­po­nais «笹舟». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 川端康成. Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance», p. 61-62. Icône Haut
  2. «L’Adolescent : ré­cits au­to­bio­gra­phiques», p. 45. Icône Haut

Kawabata, « La Grenade, “Zakuro” »

dans « [Nouvelles japonaises]. Tome II. Les Ailes, la Grenade, les Cheveux blancs (1945-1955) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 79-84

dans «[]. Tome II. Les Ailes, la Gre­nade, les Che­veux blancs (1945-1955)» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 79-84

Il s’agit de «La Gre­nade» («Za­kuro» 1) de  2, écri­vain qui mé­rite d’être placé au plus haut som­met de la . «Vos ro­mans sont si grands, si su­blimes, que dans ma pe­ti­tesse je ne puis que les vé­né­rer de loin, comme le jeune ber­ger qui, re­gar­dant les cimes bleues des à l’, rêve du jour où il sera en me­sure d’escalader même la plus haute», dit M. Yu­kio Mi­shima dans une lettre adres­sée à ce­lui qui fut pour lui le maître et l’ami 3. Ka­wa­bata na­quit en 1899. Son père, mé­de­cin let­tré, mou­rut de tu­ber­cu­lose en 1901; sa mère, sa grand-mère et sa sœur dis­pa­rurent à leur tour, em­por­tées par la même ma­la­die. Il fut re­cueilli chez son grand-père aveugle, son der­nier et unique pa­rent. Là, dans un vil­lage de cin­quante et quelques , il passa une en­fance so­li­taire, toute de si­lence et de . Levé à l’aube, il de­vait ai­der son grand-père à sa­tis­faire ses fonc­tions na­tu­relles, ti­raillé entre la et le dé­goût. Puis, il mon­tait sur un arbre du jar­din et, as­sis entre les grandes branches, il li­sait «jusqu’à ce que vînt à pas­ser une voi­ture ou un chien qui aboyait» 4; ou alors, un à la main, il écri­vait à ses pa­rents dé­funts des lettres d’une éru­di­tion et d’une ma­tu­rité de qu’on s’étonne de ren­con­trer chez un en­fant : «Père, vous vous êtes levé de votre lit de pour nous lais­ser, à et à ma sœur en­core in­no­cente, une sorte de tes­ta­ment écrit. Vous avez tracé les idéo­grammes de “Chas­teté” pour ma sœur, et de “Prends garde à toi” pour moi-même… Tan­dis que j’écris cette lettre, il me vient à l’esprit cette phrase de Jean Coc­teau :

Gra­vez votre nom dans un arbre
Qui pous­sera jusqu’au na­dir;
Un arbre vaut mieux que le marbre,
Car on y voit les gran­dir.

En fait, le poème reste un peu obs­cur… Mais si l’on ar­rive tout sim­ple­ment à gra­ver son nom dans le cœur d’un en­fant ou d’un être aimé, ce nom ne gran­dira-t-il pas, fi­na­le­ment, lui aussi?»

  1. En ja­po­nais «ざくろ». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 川端康成. Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance», p. 61-62. Icône Haut
  2. «L’Adolescent : ré­cits au­to­bio­gra­phiques», p. 45. Icône Haut