Icône Mot-clefnarration

« Les “Mabinogion” du Livre rouge de Hergest avec les variantes du Livre blanc de Rhydderch. Tome II »

éd. Fontemoing, Paris

éd. Fon­te­moing, Pa­ris

Il s’agit du «Ma­bi­nogi» 1, la perle de la prose mé­dié­vale gal­loise. Ce ré­cit se di­vise en quatre sec­tions connues sous le nom de «Quatre “Ma­bi­no­gion”» ou «Quatre Branches du “Ma­bi­nogi”» : Pwyll, Bran­wen, Ma­nawyd­dan et Math. «Ce sont [quatre] nobles et francs [hé­ros] agis­sant dans toute leur spon­ta­néité. Chaque ap­pa­raît comme une sorte de demi- ca­rac­té­risé par un sur­na­tu­rel; ce don est presque tou­jours at­ta­ché à un ob­jet , qui est en quelque sorte le sceau per­son­nel de ce­lui qui le pos­sède», dit Er­nest Re­nan 2. Le dia­lecte est ce­lui du moyen , avec peut-être quelques traits ca­rac­té­ris­tiques du comté de Gla­mor­gan ou de ses en­vi­rons. Le «Ma­bi­nogi» nous a été conservé dans deux prin­ci­paux — le Livre rouge de Her­gest et le Livre blanc de Rhyd­derch — ré­di­gés à une époque où les rois de la mai­son Plan­ta­ge­nêt, tous fran­co­phones, ré­gnaient sur de vastes parts du . Face à eux, les nobles gal­lois («uchelwyr») et les bardes at­ta­chés à ces nobles («beirdd yr uchelwyr») op­po­saient les tra­di­tions an­ces­trales de leur . Le ma­nus­crit le plus an­cien n’est pas an­té­rieur au XIIIe siècle apr. J.-C.; mais les qui le com­posent ont cer­tai­ne­ment une bien plus res­pec­table. Plu­sieurs nous conduisent jusqu’au passé le plus loin­tain, à la pé­riode même de l’ des peuples cel­tiques. Le ca­rac­tère gé­né­ral de ces contes, qui fait à la fois le charme et le dé­faut du «Ma­bi­nogi», c’est l’emploi et l’abus du mer­veilleux. C’est par le «Ma­bi­nogi» que le sur­na­tu­rel cel­tique a exercé son sur les modes du conti­nent eu­ro­péen et a réa­lisé ce pro­dige qu’un peuple im­puis­sant et obs­tiné, res­serré aux confins du , au mi­lieu des ro­chers où ses n’ont pu le prendre de force, ait trans­formé l’ mé­dié­vale et im­posé ses mo­tifs lit­té­raires à toute la chré­tienté. «Ce pro­fond sen­ti­ment de l’avenir et des des­ti­nées éter­nelles qui a tou­jours sou­tenu le [pays de Galles], et le fait ap­pa­raître jeune en­core à côté de ses conqué­rants vieillis… c’est l’espérance des races cel­tiques. Les pe­tits peuples doués d’imagination prennent d’ordinaire ainsi leur re­vanche de ceux qui les ont vain­cus. Se sen­tant forts au-de­dans et faibles au-de­hors, une telle lutte les exalte, et dé­cu­plant leurs forces, les rend ca­pables de mi­racles. Presque tous les grands ap­pels au sur­na­tu­rel sont dus à des peuples vain­cus, mais es­pé­rant contre toute es­pé­rance», conclut Re­nan

  1. Le mot «ma­bi­nogi» dé­signe une forme de ré­cit ro­ma­nesque par­ti­cu­lière au pays de Galles. L’origine et le sens pre­mier de ce mot sont fort in­cer­tains. Icône Haut
  1. « de et de », p. 390. Icône Haut

« Les “Mabinogion” du Livre rouge de Hergest avec les variantes du Livre blanc de Rhydderch. Tome I »

éd. Fontemoing, Paris

éd. Fon­te­moing, Pa­ris

Il s’agit du «Ma­bi­nogi» 1, la perle de la prose mé­dié­vale gal­loise. Ce ré­cit se di­vise en quatre sec­tions connues sous le nom de «Quatre “Ma­bi­no­gion”» ou «Quatre Branches du “Ma­bi­nogi”» : Pwyll, Bran­wen, Ma­nawyd­dan et Math. «Ce sont [quatre] nobles et francs [hé­ros] agis­sant dans toute leur spon­ta­néité. Chaque ap­pa­raît comme une sorte de demi- ca­rac­té­risé par un sur­na­tu­rel; ce don est presque tou­jours at­ta­ché à un ob­jet , qui est en quelque sorte le sceau per­son­nel de ce­lui qui le pos­sède», dit Er­nest Re­nan 2. Le dia­lecte est ce­lui du moyen , avec peut-être quelques traits ca­rac­té­ris­tiques du comté de Gla­mor­gan ou de ses en­vi­rons. Le «Ma­bi­nogi» nous a été conservé dans deux prin­ci­paux — le Livre rouge de Her­gest et le Livre blanc de Rhyd­derch — ré­di­gés à une époque où les rois de la mai­son Plan­ta­ge­nêt, tous fran­co­phones, ré­gnaient sur de vastes parts du . Face à eux, les nobles gal­lois («uchelwyr») et les bardes at­ta­chés à ces nobles («beirdd yr uchelwyr») op­po­saient les tra­di­tions an­ces­trales de leur . Le ma­nus­crit le plus an­cien n’est pas an­té­rieur au XIIIe siècle apr. J.-C.; mais les qui le com­posent ont cer­tai­ne­ment une bien plus res­pec­table. Plu­sieurs nous conduisent jusqu’au passé le plus loin­tain, à la pé­riode même de l’ des peuples cel­tiques. Le ca­rac­tère gé­né­ral de ces contes, qui fait à la fois le charme et le dé­faut du «Ma­bi­nogi», c’est l’emploi et l’abus du mer­veilleux. C’est par le «Ma­bi­nogi» que le sur­na­tu­rel cel­tique a exercé son sur les modes du conti­nent eu­ro­péen et a réa­lisé ce pro­dige qu’un peuple im­puis­sant et obs­tiné, res­serré aux confins du , au mi­lieu des ro­chers où ses n’ont pu le prendre de force, ait trans­formé l’ mé­dié­vale et im­posé ses mo­tifs lit­té­raires à toute la chré­tienté. «Ce pro­fond sen­ti­ment de l’avenir et des des­ti­nées éter­nelles qui a tou­jours sou­tenu le [pays de Galles], et le fait ap­pa­raître jeune en­core à côté de ses conqué­rants vieillis… c’est l’espérance des races cel­tiques. Les pe­tits peuples doués d’imagination prennent d’ordinaire ainsi leur re­vanche de ceux qui les ont vain­cus. Se sen­tant forts au-de­dans et faibles au-de­hors, une telle lutte les exalte, et dé­cu­plant leurs forces, les rend ca­pables de mi­racles. Presque tous les grands ap­pels au sur­na­tu­rel sont dus à des peuples vain­cus, mais es­pé­rant contre toute es­pé­rance», conclut Re­nan

  1. Le mot «ma­bi­nogi» dé­signe une forme de ré­cit ro­ma­nesque par­ti­cu­lière au pays de Galles. L’origine et le sens pre­mier de ce mot sont fort in­cer­tains. Icône Haut
  1. « de et de », p. 390. Icône Haut

Rimbaud, « Œuvres : des Ardennes au désert »

éd. Pocket, coll. Pocket classiques, Paris

éd. Po­cket, coll. Po­cket clas­siques, Pa­ris

Il s’agit d’Arthur Rim­baud, poète (XIXe siècle). Les bê­tises se sont ac­cu­mu­lées sur le compte de Rim­baud, mais peut-être qu’il est cou­pable de les avoir per­mises, et de ne pas avoir rendu im­pos­sibles cer­taines in­ter­pré­ta­tions ex­tra­va­gantes, en se plai­sant, dans la se­conde par­tie de son œuvre, à faire des phrases sans suite, des phrases d’un es­prit fou, dé­tra­qué, dé­ré­glé, des phrases dont il se ré­ser­vait la tra­duc­tion, et dont il di­sait : «Ça dit ce que ça dit, lit­té­ra­le­ment et dans tous les sens» 1; «Je no­tais l’inexprimable, je fixais des ver­tiges» 2; «J’ai seul la clef de cette pa­rade sau­vage» 3; etc. Mais nous n’avons pas en­vie de nous dé­cou­ra­ger d’avance. Nous avons en­vie, au contraire, de sa­voir, très dé­ci­dé­ment, à quoi nous en te­nir sur cette se­conde par­tie si contro­ver­sée. La bonne est d’aller pas à pas, com­men­çant par le viol de Rim­baud. Et d’abord, qu’est-ce qui per­met de par­ler de viol? Un de ses poèmes le per­met, qui porte le titre du «Cœur v[i]olé», et qui re­pro­duit, avec des mots qui ne s’inventent pas, les scènes abo­mi­nables aux­quelles Rim­baud a été obligé de se sou­mettre sous la des ignobles in­di­vi­dus au mi­lieu des­quels il s’est trouvé en pleine Com­mune de Pa­ris (mai 1871), lui si jeune :

«Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur cou­vert de ca­po­ral :
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe :
Sous les quo­li­bets de la troupe
Qui pousse un gé­né­ral,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur cou­vert de ca­po­ral!
Ithy­phal­liques et piou­piesques,
Leurs quo­li­bets l’ont dé­pravé!
», etc.

  1. À sa mère, à pro­pos d’«Une Sai­son en en­fer». Icône Haut
  2. « du Verbe». Icône Haut
  1. «Pa­rade». Icône Haut

Galland, « Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), arabes. Ra­re­ment, la de la et les de l’ ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le de sa re­nom­mée, et de­puis, son n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces contes! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’ même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le qui les éclaire.»

  1. En «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Icône Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Icône Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le , se­ront les épouses des fi­dèles. Icône Haut

« Les Contes populaires de l’Égypte ancienne »

éd. E. Guilmoto, Paris

éd. E. Guil­moto, Pa­ris

Il s’agit des «Deux » et autres de l’ an­cienne. «Il y avait une fois deux frères d’une seule mère et d’un seul père 1 : Anu­bis était le nom du grand, tan­dis que Bata était le nom du ca­det…» Ainsi dé­bute, à la ma­nière d’un conte de Per­rault, le conte des «Deux Frères», ré­cit po­pu­laire trans­crit par les In­éna, Qa­ga­bou, Hori et Mé­re­mopê pour amu­ser l’enfance du prince Sé­thy-Mé­renp­tah, le fu­tur pha­raon Sé­thy II (XIIe siècle av. J.-C.). Le ma­nus­crit hié­ra­tique sur pa­py­rus qu’en pos­sède le Bri­tish Mu­seum est l’exemplaire même qui a ap­par­tenu au prince; on y lit au recto et au verso, en ca­rac­tères ex­trê­me­ment usés, cette sus­crip­tion : «le fla­bel­li­fère à la droite du roi… le gé­né­ral en chef, le fils du roi, Sé­thy-Mé­renp­tah» 2. Le texte re­late l’ de deux frères dont le plus jeune, en re­pous­sant les avances de la femme de l’autre, est ac­cusé faus­se­ment par celle-ci et contraint à la fuite. Cette idée d’une ten­tée par une femme adul­tère, qui en­suite se venge de ce­lui qu’elle n’a pu cor­rompre, est une idée suf­fi­sam­ment na­tu­relle pour s’être pré­sen­tée plus d’une fois à l’esprit des et des  : rap­pe­lons, dans la hé­braïque, Jo­seph et la femme de Pu­ti­phar; dans la , Hip­po­lyte et Phèdre; dans «Le Livre des rois» de Fir­dousi, Sia­wusch et Sou­da­beh. Mais un point que per­sonne de nos jours ne conteste, c’est que la ver­sion égyp­tienne est plus an­cienne que celle des autres peuples, et que les qu’elle dé­peint ont la tour­nure par­ti­cu­lière à celles des bords du Nil : «Tout y est du com­men­ce­ment jusqu’à la fin», dit Gas­ton Mas­pero 3, «et les dé­tails mêmes qu’on a in­di­qués comme étant de pro­ve­nance étran­gère nous ap­pa­raissent pu­re­ment in­di­gènes, quand on les exa­mine de près… Je conclus, de ces faits, qu’il faut consi­dé­rer l’Égypte, si­non comme un des pays d’origine des contes po­pu­laires, au moins comme un de ceux où ils se sont na­tu­ra­li­sés le plus an­cien­ne­ment et où ils ont pris le plus tôt une forme vrai­ment lit­té­raire».

  1. La po­ly­ga­mie exis­tant en Égypte dès l’époque pha­rao­nique, il n’était pas in­utile de pré­ci­ser, en nom­mant deux frères, qu’ils étaient «d’une seule mère et d’un seul père». Icône Haut
  2. Tra­duc­tion de M. Fré­dé­ric Ser­va­jean. Icône Haut
  1. p. LXXV-LXXVI. Icône Haut

Galland, « Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), . Ra­re­ment, la de la et les de l’ ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le de sa re­nom­mée, et de­puis, son n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces ! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’ même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le qui les éclaire.»

  1. En «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Icône Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Icône Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le , se­ront les épouses des fi­dèles. Icône Haut

Homère, « Odyssée »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «L’Odyssée» 1 d’ 2. «Le chantre des ex­ploits hé­roïques, l’interprète des , le se­cond dont s’éclairait la , la lu­mière des muses, la tou­jours jeune du en­tier, Ho­mère, il est là, étran­ger, sous le sable de ce ri­vage», dit une épi­gramme fu­né­raire 3. On sait qu’Alexandre de Ma­cé­doine por­tait tou­jours avec lui une co­pie des chants d’Homère, et qu’il consa­crait à la garde de ce tré­sor une cas­sette pré­cieuse, en­ri­chie d’ et de pier­re­ries, trou­vée parmi les ef­fets du roi Da­rius. Alexandre mou­rut; l’immense Em­pire qu’il avait ras­sem­blé pour un ins­tant tomba en ruines; mais par­tout où avaient volé les se­mences de la grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mys­té­rieux. Par­tout, sur les bords de la Mé­di­ter­ra­née, on par­lait , on écri­vait avec les lettres grecques, et nulle part da­van­tage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui por­tait le nom de son fon­da­teur : Alexan­drie. «C’est là que se fai­saient les pré­cieuses co­pies des chants, là que s’écrivaient ces , dont la plu­part ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fa­meuse bi­blio­thèque d’Alexandrie, que fit brû­ler le ca­life Omar, ce bien­fai­teur des éco­liers», dit Frie­drich Spiel­ha­gen 4. Les Ro­mains re­cueillirent, au­tant qu’il était pos­sible à un guer­rier et igno­rant, l’héritage du grec. Et c’était Ho­mère qu’on met­tait entre les mains du jeune comme élé­ment de son , et dont il conti­nuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Es­chyle dit que ses tra­gé­dies ne sont que «les re­liefs des grands fes­tins d’Homère» 5, on peut le dire avec en­core plus de des Ro­mains, qui s’invitent chez Ho­mère et re­viennent avec quelque croûte à gru­ger, un mor­ceau de car­ti­lage des mets qu’on a ser­vis.

  1. En grec «Ὀδύσσεια». Icône Haut
  2. En grec Ὅμηρος. Icône Haut
  3. En grec «Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις». An­ti­pa­ter de Si­don dans «An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin». Icône Haut
  1. «Ho­mère», p. 513. Icône Haut
  2. En grec «τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων». Athé­née, «Ban­quet des sa­vants». Icône Haut

Homère, « Iliade »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «L’Iliade» 1 d’ 2. «Le chantre des ex­ploits hé­roïques, l’interprète des , le se­cond dont s’éclairait la , la lu­mière des muses, la tou­jours jeune du en­tier, Ho­mère, il est là, étran­ger, sous le sable de ce ri­vage», dit une épi­gramme fu­né­raire 3. On sait qu’Alexandre de Ma­cé­doine por­tait tou­jours avec lui une co­pie des chants d’Homère, et qu’il consa­crait à la garde de ce tré­sor une cas­sette pré­cieuse, en­ri­chie d’ et de pier­re­ries, trou­vée parmi les ef­fets du roi Da­rius. Alexandre mou­rut; l’immense Em­pire qu’il avait ras­sem­blé pour un ins­tant tomba en ruines; mais par­tout où avaient volé les se­mences de la grecque, les chants d’Homère avaient fait le voyage mys­té­rieux. Par­tout, sur les bords de la Mé­di­ter­ra­née, on par­lait , on écri­vait avec les lettres grecques, et nulle part da­van­tage que dans cette ville à l’embouchure du Nil, qui por­tait le nom de son fon­da­teur : Alexan­drie. «C’est là que se fai­saient les pré­cieuses co­pies des chants, là que s’écrivaient ces , dont la plu­part ont péri six ou sept siècles plus tard avec la fa­meuse bi­blio­thèque d’Alexandrie, que fit brû­ler le ca­life Omar, ce bien­fai­teur des éco­liers», dit Frie­drich Spiel­ha­gen 4. Les Ro­mains re­cueillirent, au­tant qu’il était pos­sible à un guer­rier et igno­rant, l’héritage du grec. Et c’était Ho­mère qu’on met­tait entre les mains du jeune comme élé­ment de son , et dont il conti­nuait plus tard l’étude dans les hautes écoles d’Athènes. Si Es­chyle dit que ses tra­gé­dies ne sont que «les re­liefs des grands fes­tins d’Homère» 5, on peut le dire avec en­core plus de des Ro­mains, qui s’invitent chez Ho­mère et re­viennent avec quelque croûte à gru­ger, un mor­ceau de car­ti­lage des mets qu’on a ser­vis.

  1. En grec «Ἰλιάς». Icône Haut
  2. En grec Ὅμηρος. Icône Haut
  3. En grec «Ἡρώων κάρυκ’ ἀρετᾶς, μακάρων δὲ προφήταν, Ἑλλάνων βιοτᾷ δεύτερον ἀέλιον, Μουσῶν φέγγος Ὅμηρον, ἀγήραντον στόμα κόσμου παντός, ἁλιρροθία, ξεῖνε, κέκευθε κόνις». An­ti­pa­ter de Si­don dans «An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin». Icône Haut
  1. «Ho­mère», p. 513. Icône Haut
  2. En grec «τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων». Athé­née, «Ban­quet des sa­vants». Icône Haut

Hérodote, « L’Enquête. Tome II »

éd. Gallimard, coll. Folio-Classique, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Fo­lio-Clas­sique, Pa­ris

Il s’agit de l’«En­quête» («His­to­riê» 1) d’ d’Halicarnasse 2, le pre­mier des grecs dont on pos­sède les ou­vrages. Car bien qu’on sache qu’Hécatée de Mi­let, Cha­ron de Lamp­saque, etc. avaient écrit des his­to­rio­gra­phies avant lui, la sienne néan­moins est la plus an­cienne qui res­tait au de Ci­cé­ron, le­quel a re­connu Hé­ro­dote pour le «père de l’» 3, tout comme il l’a nommé ailleurs, à cause de sa pré­séance, le «prince» 4 des his­to­riens.

Le su­jet di­rect d’Hérodote est, comme il le dit dans sa pré­face, «les grands ex­ploits ac­com­plis soit par les Grecs, soit par les [Perses], et la du conflit qui mit ces deux peuples aux prises»; mais des cha­pitres en­tiers sont consa­crés aux di­verses na­tions qui, de près ou de loin, avaient été en contact avec ces deux peuples : les Ly­diens, les Mèdes, les Ba­by­lo­niens sou­mis par Cy­rus; puis les Égyp­tiens conquis par Cam­byse; puis les at­ta­qués par Da­rius; puis les In­diens. Leurs his­toires ac­ces­soires, leurs ré­cits la­té­raux viennent se fondre dans le foi­son­ne­ment de la prin­ci­pale, comme des cours d’ qui vien­draient gros­sir un tor­rent. Et ainsi, l’«En­quête» s’élargit, de proche en proche, et nous ouvre, pour la pre­mière fois, les an­nales de l’ensemble du ha­bité, en cher­chant à nous don­ner des le­çons in­di­rectes, quoique sen­sibles, sur notre condi­tion hu­maine. C’est dans ces le­çons; c’est dans l’habile pro­gres­sion des épi­sodes des­ti­née à te­nir notre at­ten­tion constam­ment en éveil; c’est dans la mo­ra­lité qui se fait sen­tir de toute part — et ce que j’entends par «mo­ra­lité», ce n’est pas seule­ment ce qui concerne la , mais ce qui est ca­pable de consa­crer la des morts et d’exciter l’émulation des vi­vants — c’est là, dis-je, qu’on voit la gran­deur d’Hérodote, mar­chant sur les traces d’Ho­mère

  1. En «Ἱστορίη». On ren­contre aussi la gra­phie «Ἱστορία» («His­to­ria»). Avant de de­ve­nir le nom d’un genre, l’«his­toire» dans son sens pri­mi­tif était une en­quête sé­rieuse et ap­pro­fon­die, une in­tel­li­gente de la . Icône Haut
  2. En grec Ἡρόδοτος ὁ Ἁλικαρνασσεύς. Icône Haut
  1. « des » («De le­gi­bus»), liv. I, sect. 5. Icône Haut
  2. «Dia­logues de l’orateur» («De ora­tore»), liv. II, sect. 55. Icône Haut

Hérodote, « L’Enquête. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Folio-Classique, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Fo­lio-Clas­sique, Pa­ris

Il s’agit de l’«En­quête» («His­to­riê» 1) d’ d’Halicarnasse 2, le pre­mier des grecs dont on pos­sède les ou­vrages. Car bien qu’on sache qu’Hécatée de Mi­let, Cha­ron de Lamp­saque, etc. avaient écrit des his­to­rio­gra­phies avant lui, la sienne néan­moins est la plus an­cienne qui res­tait au de Ci­cé­ron, le­quel a re­connu Hé­ro­dote pour le «père de l’» 3, tout comme il l’a nommé ailleurs, à cause de sa pré­séance, le «prince» 4 des his­to­riens.

Le su­jet di­rect d’Hérodote est, comme il le dit dans sa pré­face, «les grands ex­ploits ac­com­plis soit par les Grecs, soit par les [Perses], et la du conflit qui mit ces deux peuples aux prises»; mais des cha­pitres en­tiers sont consa­crés aux di­verses na­tions qui, de près ou de loin, avaient été en contact avec ces deux peuples : les Ly­diens, les Mèdes, les Ba­by­lo­niens sou­mis par Cy­rus; puis les Égyp­tiens conquis par Cam­byse; puis les at­ta­qués par Da­rius; puis les In­diens. Leurs his­toires ac­ces­soires, leurs ré­cits la­té­raux viennent se fondre dans le foi­son­ne­ment de la prin­ci­pale, comme des cours d’ qui vien­draient gros­sir un tor­rent. Et ainsi, l’«En­quête» s’élargit, de proche en proche, et nous ouvre, pour la pre­mière fois, les an­nales de l’ensemble du ha­bité, en cher­chant à nous don­ner des le­çons in­di­rectes, quoique sen­sibles, sur notre condi­tion hu­maine. C’est dans ces le­çons; c’est dans l’habile pro­gres­sion des épi­sodes des­ti­née à te­nir notre at­ten­tion constam­ment en éveil; c’est dans la mo­ra­lité qui se fait sen­tir de toute part — et ce que j’entends par «mo­ra­lité», ce n’est pas seule­ment ce qui concerne la , mais ce qui est ca­pable de consa­crer la des morts et d’exciter l’émulation des vi­vants — c’est là, dis-je, qu’on voit la gran­deur d’Hérodote, mar­chant sur les traces d’Ho­mère

  1. En «Ἱστορίη». On ren­contre aussi la gra­phie «Ἱστορία» («His­to­ria»). Avant de de­ve­nir le nom d’un genre, l’«his­toire» dans son sens pri­mi­tif était une en­quête sé­rieuse et ap­pro­fon­die, une in­tel­li­gente de la . Icône Haut
  2. En grec Ἡρόδοτος ὁ Ἁλικαρνασσεύς. Icône Haut
  1. « des » («De le­gi­bus»), liv. I, sect. 5. Icône Haut
  2. «Dia­logues de l’orateur» («De ora­tore»), liv. II, sect. 55. Icône Haut

« L’Épopée de Gilgameš : le grand homme qui ne voulait pas mourir »

éd. Gallimard, coll. L’Aube des peuples, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Aube des peuples, Pa­ris

Il s’agit de l’«Épo­pée de Gil­ga­meš», connue dans l’ par ses mots li­mi­naires «Ce­lui qui a tout vu…», qui, par son am­pleur, par sa force, par l’éminent et l’universel de ses thèmes, par la vogue per­sis­tante dont elle a joui pen­dant plus d’un mil­lé­naire, mé­rite as­su­ré­ment d’être consi­dé­rée comme l’œuvre la plus re­pré­sen­ta­tive de la an­cienne 1. Lit­té­rai­re­ment, elle contient la re­la­tion d’un , d’un Noé, d’un ser­pent per­ni­cieux, pa­reils à ceux qui sont ra­con­tés dans notre «»; elle an­nonce et pré­pare les épo­pées d’idéale , telles que «L’Iliade» et «Râmâyaṇa». Mais contrai­re­ment à ces œuvres, qu’elle pré­cède de nom­breux siècles, l’«Épo­pée de Gil­ga­meš» n’est pas le pro­duit d’une seule époque, ni même d’un seul . Exis­tant sous forme de poèmes sé­pa­rés dans la la plus re­cu­lée (IIIe mil­lé­naire av. J.-C.), elle prit dans une ré­dac­tion ak­ka­dienne (IIe mil­lé­naire av. J.-C.) et dé­borda lar­ge­ment les de la et l’, puisque, par de mys­té­rieuses in­fluences, elle fut co­piée et adap­tée de­puis la jusqu’au cœur de l’Anatolie, à la Cour des rois hit­tites. Sous sa forme dé­fi­ni­tive et la plus com­plète, celle sous la­quelle on l’a re­trou­vée à Ni­nive, dans les ves­tiges de la bi­blio­thèque d’Assurbanipal 2 (VIIe siècle av. J.-C.), elle comp­tait douze , de quelque trois cents vers cha­cune. À notre grand re­gret, «il ne nous en est par­venu, à ce jour, qu’un peu moins des deux tiers», ex­plique M. Jean Bot­téro 3. «Mais ces frag­ments, par pure , ont été si rai­son­na­ble­ment dis­tri­bués tout au long de sa trame que nous en dis­cer­nons en­core as­sez bien la sé­quence et la tra­jec­toire; et même ainsi en­tre­coupé, ce che­mi­ne­ment nous fas­cine.»

  1. Ce pays que les An­ciens nom­maient Mé­so­po­ta­mie («entre-fleuves») cor­res­pond à peu près à l’ ac­tuel. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit As­sour­ba­ni­pal, Ashur­ba­ni­pal, Aschur­ba­ni­pal, Achour-bani-pal ou Asur­ba­ni­pal. Icône Haut
  1. p. 17. Icône Haut