Mot-clefjournaux intimes japonais

su­jet

Sei-shônagon, «Les Notes de l’oreiller, “Makura no soshi”»

éd. Stock-Delamain et Boutelleau, coll. Le Cabinet cosmopolite, Paris

éd. Stock-De­la­main et Bou­tel­leau, coll. Le Ca­bi­net cos­mo­po­lite, Pa­ris

Il s’agit des «Notes de l’oreiller» («Ma­kura no sô­shi» 1), la pre­mière ma­ni­fes­ta­tion dans les lettres ja­po­naises d’un genre de lit­té­ra­ture qui connaî­tra une grande vogue par la suite : ce­lui des «zui­hitsu» 2es­sais au fil du pin­ceau»). On n’y trouve ni plan ni mé­thode — un désordre fan­tai­siste ré­gnant ici en maître, mais un mé­lange d’esquisses sai­sies sur le vif, d’anecdotes, de choses vues, de re­marques per­son­nelles. Leur au­teur était une femme «mo­queuse, pro­vo­cante, inexo­rable» 3; une dame de la Cour, dont nous ne connais­sons que le pseu­do­nyme : Sei-shô­na­gon 4. Ce pseu­do­nyme s’explique (comme ce­lui de Mu­ra­saki-shi­kibu) par la com­bi­nai­son d’un nom de fa­mille avec un titre ho­no­ri­fique — «shô­na­gon» dé­si­gnant un di­gni­taire de la Cour, et «sei» étant la pro­non­cia­tion chi­noise du ca­rac­tère qui forme le pre­mier élé­ment du nom Kiyo­hara, fa­mille à la­quelle elle ap­par­te­nait. En ef­fet, son père n’était autre que le poète Kiyo­hara no Mo­to­suke 5, l’un des cinq let­trés de l’Empereur. Et même si quelques-uns sont d’avis que Mo­to­suke ne fut que le père adop­tif de Sei-shô­na­gon, il n’en reste pas moins cer­tain que le mi­lieu où elle passa sa jeu­nesse ne put que fa­vo­ri­ser les pen­chants lit­té­raires qui lui per­mirent, plus tard, de de­ve­nir dame d’honneur de l’Impératrice Sa­dako. En­trée donc à la Cour en 990 apr. J.-C. Sei-shô­na­gon s’y fit re­mar­quer par une pré­sence d’esprit trop vive pour n’être pas à la fois es­ti­mée, haïe et re­dou­tée. Car (et c’est là peut-être son dé­faut) elle écra­sait les autres du poids de son éru­di­tion qu’elle cher­chait à mon­trer à la moindre oc­ca­sion. On ra­conte que les cour­ti­sans, qui crai­gnaient ses plai­san­te­ries, pâ­lis­saient à sa seule ap­proche. La clair­voyante Mu­ra­saki-shi­kibu écrit dans son «Jour­nal» : «Sei-shô­na­gon est une per­sonne qui en im­pose en vé­rité par ses grands airs. Mais sa pré­ten­tion de tout sa­voir et sa fa­çon de se­mer au­tour d’elle les écrits en ca­rac­tères chi­nois, à tout bien consi­dé­rer, ne font que mas­quer de nom­breuses la­cunes. Ceux qui de la sorte se plaisent à se mon­trer dif­fé­rents des autres, s’attirent for­cé­ment le mé­pris et fi­nissent tou­jours très mal» 6. De fait, le mal­heur vint frap­per Sei-shô­na­gon quand, peu d’années après, l’ambitieux Fu­ji­wara no Mi­chi­naga par­vint à faire écar­ter l’Impératrice Sa­dako, à l’ombre de la­quelle fleu­ris­sait notre dame d’honneur.

  1. En ja­po­nais «枕草子». Au­tre­fois trans­crit «Ma­koura no ço­chi», «Ma­koura no sôci» ou «Ma­kura no soo­shi». Haut
  2. En ja­po­nais 随筆. Au­tre­fois trans­crit «zouï-hit­sou». Haut
  3. Mi­chel Re­von. Haut
  1. En ja­po­nais 清少納言. Au­tre­fois trans­crit Çei Cho­na­gon, Shei Sho­na­gun ou Seï Sô­na­gon. Haut
  2. En ja­po­nais 清原元輔. Au­tre­fois trans­crit Kiyo­wara-no-Mo­to­suke, Kiyo­wara no Mo­to­çouké ou Kiyo­hara no Mo­to­souké. Haut
  3. «Jour­nal; tra­duit du ja­po­nais par René Sief­fert», p. 67. Haut

Michinaga, «Notes journalières. Tome III»

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du «Midô kan­pa­kuki» 1Notes jour­na­lières», ou lit­té­ra­le­ment «Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga 2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). «Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune» 3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’«Eiga mo­no­ga­tari» 4Dit de ma­gni­fi­cence») et l’«Ôka­gami» 5Grand Mi­roir»). «C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour», dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais «御堂関白記». Par­fois trans­crit «Midô kam­pa­kuki». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, «Poèmes», p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais «栄花物語». Au­tre­fois trans­crit «Eigwa mo­no­ga­tari». Haut
  2. En ja­po­nais «大鏡». Au­tre­fois trans­crit «Oh-ka­gami». Haut

Michinaga, «Notes journalières. Tome II»

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du «Midô kan­pa­kuki» 1Notes jour­na­lières», ou lit­té­ra­le­ment «Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga 2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). «Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune» 3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’«Eiga mo­no­ga­tari» 4Dit de ma­gni­fi­cence») et l’«Ôka­gami» 5Grand Mi­roir»). «C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour», dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais «御堂関白記». Par­fois trans­crit «Midô kam­pa­kuki». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, «Poèmes», p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais «栄花物語». Au­tre­fois trans­crit «Eigwa mo­no­ga­tari». Haut
  2. En ja­po­nais «大鏡». Au­tre­fois trans­crit «Oh-ka­gami». Haut

Michinaga, «Notes journalières. Tome I»

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du «Midô kan­pa­kuki» 1Notes jour­na­lières», ou lit­té­ra­le­ment «Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga 2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). «Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune» 3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’«Eiga mo­no­ga­tari» 4Dit de ma­gni­fi­cence») et l’«Ôka­gami» 5Grand Mi­roir»). «C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour», dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais «御堂関白記». Par­fois trans­crit «Midô kam­pa­kuki». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, «Poèmes», p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais «栄花物語». Au­tre­fois trans­crit «Eigwa mo­no­ga­tari». Haut
  2. En ja­po­nais «大鏡». Au­tre­fois trans­crit «Oh-ka­gami». Haut

Michinaga, «Poèmes»

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit des poèmes de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga 1, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). «Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune» 2. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’«Eiga mo­no­ga­tari» 3Dit de ma­gni­fi­cence») et l’«Ôka­gami» 4Grand Mi­roir»). «C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour», dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  2. p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais «栄花物語». Au­tre­fois trans­crit «Eigwa mo­no­ga­tari». Haut
  2. En ja­po­nais «大鏡». Au­tre­fois trans­crit «Oh-ka­gami». Haut

mère de Fujiwara no Michitsuna, «Mémoires d’une éphémère (954-974)»

éd. Collège de France-Institut des hautes études japonaises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris

éd. Col­lège de France-Ins­ti­tut des hautes études ja­po­naises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris

Il s’agit du «Jour­nal d’une éphé­mère». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le «nikki» («jour­nal»), fut inau­guré (chose étrange!) par un homme, Ki no Tsu­rayuki 1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son «Tosa nikki» 2Jour­nal de Tosa»), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «on­nade» 3main de femme»), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «oto­kode» 4main d’homme»). C’est non seule­ment en «on­nade» qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : «[D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère», dit le «Jour­nal de Tosa» 5, «mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main?» Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le «Ka­gerô (no) nikki» 6Jour­nal d’une éphé­mère»); le «Mu­ra­saki-shi­kibu nikki» 7Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu»); l’«Izumi-shi­kibu nikki» 8Jour­nal d’Izumi-shikibu»); le «Sa­ra­shina nikki» 9Jour­nal de Sa­ra­shina»); le «Jô­jin-ajari (no) haha no shû» 10Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin»); en­fin le «Sa­nuki no suke (no) nikki» 11Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki»).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais «土佐日記». Au­tre­fois trans­crit «Toça nikki» ou «Tossa nikki». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit «won­nade». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit «wo­to­kode» ou «wo­toko no te». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais «蜻蛉日記». Au­tre­fois trans­crit «Ka­gherô nikki». Haut
  1. En ja­po­nais «紫式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki» ou «Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki». Haut
  2. En ja­po­nais «和泉式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Izoumi-shi­ki­bou nikki». Haut
  3. En ja­po­nais «更級日記». Haut
  4. En ja­po­nais «成尋阿闍梨母集». Haut
  5. En ja­po­nais «讃岐典侍日記», in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit «Sa­nouki no souké no nikki». Haut

mère du révérend Jôjin, «Un Malheur absolu»

éd. Le Promeneur-Gallimard, coll. Le Cabinet des lettrés, Paris

éd. Le Pro­me­neur-Gal­li­mard, coll. Le Ca­bi­net des let­trés, Pa­ris

Il s’agit du «Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le «nikki» («jour­nal»), fut inau­guré (chose étrange!) par un homme, Ki no Tsu­rayuki 1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son «Tosa nikki» 2Jour­nal de Tosa»), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «on­nade» 3main de femme»), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «oto­kode» 4main d’homme»). C’est non seule­ment en «on­nade» qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : «[D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère», dit le «Jour­nal de Tosa» 5, «mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main?» Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le «Ka­gerô (no) nikki» 6Jour­nal d’une éphé­mère»); le «Mu­ra­saki-shi­kibu nikki» 7Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu»); l’«Izumi-shi­kibu nikki» 8Jour­nal d’Izumi-shikibu»); le «Sa­ra­shina nikki» 9Jour­nal de Sa­ra­shina»); le «Jô­jin-ajari (no) haha no shû» 10Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin»); en­fin le «Sa­nuki no suke (no) nikki» 11Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki»).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais «土佐日記». Au­tre­fois trans­crit «Toça nikki» ou «Tossa nikki». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit «won­nade». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit «wo­to­kode» ou «wo­toko no te». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais «蜻蛉日記». Au­tre­fois trans­crit «Ka­gherô nikki». Haut
  1. En ja­po­nais «紫式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki» ou «Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki». Haut
  2. En ja­po­nais «和泉式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Izoumi-shi­ki­bou nikki». Haut
  3. En ja­po­nais «更級日記». Haut
  4. En ja­po­nais «成尋阿闍梨母集». Haut
  5. En ja­po­nais «讃岐典侍日記», in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit «Sa­nouki no souké no nikki». Haut

Murasaki-shikibu, «Journal»

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Journaux poétiques de l’époque de Héian, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Les Jour­naux poé­tiques de l’époque de Héian, Pa­ris

Il s’agit du «Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le «nikki» («jour­nal»), fut inau­guré (chose étrange!) par un homme, Ki no Tsu­rayuki 1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son «Tosa nikki» 2Jour­nal de Tosa»), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «on­nade» 3main de femme»), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «oto­kode» 4main d’homme»). C’est non seule­ment en «on­nade» qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : «[D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère», dit le «Jour­nal de Tosa» 5, «mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main?» Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le «Ka­gerô (no) nikki» 6Jour­nal d’une éphé­mère»); le «Mu­ra­saki-shi­kibu nikki» 7Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu»); l’«Izumi-shi­kibu nikki» 8Jour­nal d’Izumi-shikibu»); le «Sa­ra­shina nikki» 9Jour­nal de Sa­ra­shina»); le «Jô­jin-ajari (no) haha no shû» 10Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin»); en­fin le «Sa­nuki no suke (no) nikki» 11Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki»).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais «土佐日記». Au­tre­fois trans­crit «Toça nikki» ou «Tossa nikki». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit «won­nade». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit «wo­to­kode» ou «wo­toko no te». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais «蜻蛉日記». Au­tre­fois trans­crit «Ka­gherô nikki». Haut
  1. En ja­po­nais «紫式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki» ou «Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki». Haut
  2. En ja­po­nais «和泉式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Izoumi-shi­ki­bou nikki». Haut
  3. En ja­po­nais «更級日記». Haut
  4. En ja­po­nais «成尋阿闍梨母集». Haut
  5. En ja­po­nais «讃岐典侍日記», in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit «Sa­nouki no souké no nikki». Haut

fille de Sugawara no Takasue, «Le Journal de Sarashina»

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Journaux poétiques de l’époque de Héian-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Les Jour­naux poé­tiques de l’époque de Héian-Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du «Jour­nal de Sa­ra­shina». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le «nikki» («jour­nal»), fut inau­guré (chose étrange!) par un homme, Ki no Tsu­rayuki 1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son «Tosa nikki» 2Jour­nal de Tosa»), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «on­nade» 3main de femme»), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «oto­kode» 4main d’homme»). C’est non seule­ment en «on­nade» qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : «[D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère», dit le «Jour­nal de Tosa» 5, «mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main?» Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le «Ka­gerô (no) nikki» 6Jour­nal d’une éphé­mère»); le «Mu­ra­saki-shi­kibu nikki» 7Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu»); l’«Izumi-shi­kibu nikki» 8Jour­nal d’Izumi-shikibu»); le «Sa­ra­shina nikki» 9Jour­nal de Sa­ra­shina»); le «Jô­jin-ajari (no) haha no shû» 10Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin»); en­fin le «Sa­nuki no suke (no) nikki» 11Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki»).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais «土佐日記». Au­tre­fois trans­crit «Toça nikki» ou «Tossa nikki». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit «won­nade». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit «wo­to­kode» ou «wo­toko no te». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais «蜻蛉日記». Au­tre­fois trans­crit «Ka­gherô nikki». Haut
  1. En ja­po­nais «紫式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki» ou «Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki». Haut
  2. En ja­po­nais «和泉式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Izoumi-shi­ki­bou nikki». Haut
  3. En ja­po­nais «更級日記». Haut
  4. En ja­po­nais «成尋阿闍梨母集». Haut
  5. En ja­po­nais «讃岐典侍日記», in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit «Sa­nouki no souké no nikki». Haut

Izumi-shikibu, «Journal»

éd. Publications orientalistes de France, coll. Poètes du Japon-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Poètes du Ja­pon-Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du «Jour­nal d’Izumi-shikibu». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le «nikki» («jour­nal»), fut inau­guré (chose étrange!) par un homme, Ki no Tsu­rayuki 1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son «Tosa nikki» 2Jour­nal de Tosa»), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «on­nade» 3main de femme»), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «oto­kode» 4main d’homme»). C’est non seule­ment en «on­nade» qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : «[D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère», dit le «Jour­nal de Tosa» 5, «mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main?» Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le «Ka­gerô (no) nikki» 6Jour­nal d’une éphé­mère»); le «Mu­ra­saki-shi­kibu nikki» 7Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu»); l’«Izumi-shi­kibu nikki» 8Jour­nal d’Izumi-shikibu»); le «Sa­ra­shina nikki» 9Jour­nal de Sa­ra­shina»); le «Jô­jin-ajari (no) haha no shû» 10Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin»); en­fin le «Sa­nuki no suke (no) nikki» 11Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki»).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais «土佐日記». Au­tre­fois trans­crit «Toça nikki» ou «Tossa nikki». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit «won­nade». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit «wo­to­kode» ou «wo­toko no te». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais «蜻蛉日記». Au­tre­fois trans­crit «Ka­gherô nikki». Haut
  1. En ja­po­nais «紫式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki» ou «Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki». Haut
  2. En ja­po­nais «和泉式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Izoumi-shi­ki­bou nikki». Haut
  3. En ja­po­nais «更級日記». Haut
  4. En ja­po­nais «成尋阿闍梨母集». Haut
  5. En ja­po­nais «讃岐典侍日記», in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit «Sa­nouki no souké no nikki». Haut

Tsurayuki, «Le Journal de Tosa»

éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Tama, Cergy

Il s’agit du «Jour­nal de Tosa». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le «nikki» («jour­nal»), fut inau­guré (chose étrange!) par un homme, Ki no Tsu­rayuki 1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son «Tosa nikki» 2Jour­nal de Tosa»), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «on­nade» 3main de femme»), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment «oto­kode» 4main d’homme»). C’est non seule­ment en «on­nade» qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : «[D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère», dit le «Jour­nal de Tosa» 5, «mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main?» Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le «Ka­gerô (no) nikki» 6Jour­nal d’une éphé­mère»); le «Mu­ra­saki-shi­kibu nikki» 7Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu»); l’«Izumi-shi­kibu nikki» 8Jour­nal d’Izumi-shikibu»); le «Sa­ra­shina nikki» 9Jour­nal de Sa­ra­shina»); le «Jô­jin-ajari (no) haha no shû» 10Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin»); en­fin le «Sa­nuki no suke (no) nikki» 11Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki»).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais «土佐日記». Au­tre­fois trans­crit «Toça nikki» ou «Tossa nikki». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit «won­nade». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit «wo­to­kode» ou «wo­toko no te». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais «蜻蛉日記». Au­tre­fois trans­crit «Ka­gherô nikki». Haut
  1. En ja­po­nais «紫式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki» ou «Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki». Haut
  2. En ja­po­nais «和泉式部日記». Au­tre­fois trans­crit «Izoumi-shi­ki­bou nikki». Haut
  3. En ja­po­nais «更級日記». Haut
  4. En ja­po­nais «成尋阿闍梨母集». Haut
  5. En ja­po­nais «讃岐典侍日記», in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit «Sa­nouki no souké no nikki». Haut