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Joubert, « Carnets. Tome I »

éd. Gallimard, Paris

éd. Gal­li­mard, Pa­ris

Il s’agit de , un des plus grands sty­listes (XVIIIe-XIXe siècle). Cet sin­gu­lier ne pu­blia rien de son vi­vant, tant il te­nait peu à la gloire, et ne fit rien d’autre, lit­té­ra­le­ment par­lant, pen­dant toute sa , que de tra­vailler à ses «Pen­sées», écri­vant, ra­tu­rant, ajou­tant, re­tran­chant et n’en fi­nis­sant ja­mais. À sa en 1824, il lais­sait der­rière lui deux cent cinq car­nets, com­plé­tés par soixante liasses de pa­piers où se mê­laient, dans une grande confu­sion, des notes, des bribes d’, des brouillons de lettres. Ce n’est que bien des an­nées plus tard que Jean-Bap­tiste-Mi­chel Du­chesne, ne­veu de Jou­bert, en fit un mince re­cueil, qu’il re­mit à l’illustre Cha­teau­briand, le­quel se char­gea de le pré­fa­cer et d’y mettre un peu d’ordre. Du­chesne fit donc seul le choix de cette pre­mière édi­tion des «Pen­sées», écar­tant celles qui étaient dif­fi­ci­le­ment dé­chif­frables, re­tou­chant celles qui lui sem­blaient trop longues ou trop courtes. Bien qu’ami des lettres, il n’avait pas un es­prit as­sez exercé pour que ce choix fût sa­tis­fai­sant, et il est dom­mage que sur la re­com­man­da­tion du nom de Cha­teau­briand on se soit ha­bi­tué, pen­dant long­temps, à ju­ger Jou­bert sur une édi­tion qui, étant in­com­plète et fau­tive, ne le montre pas dans toute sa splen­deur lit­té­raire et phi­lo­so­phique. Mais qui est donc Jou­bert? Quel est cet in­connu, cet , cet in­édit qui s’était fait de la une cer­taine idée qui l’empêchait de rien ache­ver? Voici com­ment Sainte-Beuve ré­pond à cette ques­tion : «Ce fut un de ces heu­reux qui passent leur vie à pen­ser; à conver­ser avec leurs amis; à son­ger dans la ; à mé­di­ter quelque grand ou­vrage qu’ils n’accompliront ja­mais, et qui ne nous ar­rive qu’en frag­ments». Sur l’un de ses car­nets, Jou­bert écri­vait 1 : «Je suis comme Mon­taigne im­propre au dis­cours continu». On peut y lire un aveu d’impuissance; on peut y lire aussi la marque d’une chez cet homme qui se di­sait avare «de [son] encre» 2, et qui ne vou­lait «[se] don­ner la peine d’exprimer, avec soin, que des choses dignes d’être écrites sur de la soie ou sur l’airain» 3. Pen­sant pour la seule vo­lupté de pen­ser, pen­sant pa­tiem­ment, il at­ten­dait, pour cou­cher un mot, que la goutte d’encre qui de­vait tom­ber de sa plume se chan­geât en «goutte de lu­mière» 4, «tour­menté» qu’il était «par la mau­dite am­bi­tion de mettre tou­jours tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase et cette phrase dans un mot» 5.

  1. «Car­nets. Tome II», p. 240. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 101. Icône Haut
  3. id. Icône Haut
  1. «Car­nets. Tome I», p. 662. Icône Haut
  2. «Car­nets. Tome II», p. 485. Icône Haut

Joubert, « Essais (1779-1821) »

éd. A. G. Nizet, Paris

éd. A. G. Ni­zet, Pa­ris

Il s’agit de , un des plus grands sty­listes (XVIIIe-XIXe siècle). Cet sin­gu­lier ne pu­blia rien de son vi­vant, tant il te­nait peu à la gloire, et ne fit rien d’autre, lit­té­ra­le­ment par­lant, pen­dant toute sa , que de tra­vailler à ses «Pen­sées», écri­vant, ra­tu­rant, ajou­tant, re­tran­chant et n’en fi­nis­sant ja­mais. À sa en 1824, il lais­sait der­rière lui deux cent cinq car­nets, com­plé­tés par soixante liasses de pa­piers où se mê­laient, dans une grande confu­sion, des notes, des bribes d’, des brouillons de lettres. Ce n’est que bien des an­nées plus tard que Jean-Bap­tiste-Mi­chel Du­chesne, ne­veu de Jou­bert, en fit un mince re­cueil, qu’il re­mit à l’illustre Cha­teau­briand, le­quel se char­gea de le pré­fa­cer et d’y mettre un peu d’ordre. Du­chesne fit donc seul le choix de cette pre­mière édi­tion des «Pen­sées», écar­tant celles qui étaient dif­fi­ci­le­ment dé­chif­frables, re­tou­chant celles qui lui sem­blaient trop longues ou trop courtes. Bien qu’ami des lettres, il n’avait pas un es­prit as­sez exercé pour que ce choix fût sa­tis­fai­sant, et il est dom­mage que sur la re­com­man­da­tion du nom de Cha­teau­briand on se soit ha­bi­tué, pen­dant long­temps, à ju­ger Jou­bert sur une édi­tion qui, étant in­com­plète et fau­tive, ne le montre pas dans toute sa splen­deur lit­té­raire et phi­lo­so­phique. Mais qui est donc Jou­bert? Quel est cet in­connu, cet , cet in­édit qui s’était fait de la une cer­taine idée qui l’empêchait de rien ache­ver? Voici com­ment Sainte-Beuve ré­pond à cette ques­tion : «Ce fut un de ces heu­reux qui passent leur vie à pen­ser; à conver­ser avec leurs amis; à son­ger dans la ; à mé­di­ter quelque grand ou­vrage qu’ils n’accompliront ja­mais, et qui ne nous ar­rive qu’en frag­ments». Sur l’un de ses car­nets, Jou­bert écri­vait 1 : «Je suis comme Mon­taigne im­propre au dis­cours continu». On peut y lire un aveu d’impuissance; on peut y lire aussi la marque d’une chez cet homme qui se di­sait avare «de [son] encre» 2, et qui ne vou­lait «[se] don­ner la peine d’exprimer, avec soin, que des choses dignes d’être écrites sur de la soie ou sur l’airain» 3. Pen­sant pour la seule vo­lupté de pen­ser, pen­sant pa­tiem­ment, il at­ten­dait, pour cou­cher un mot, que la goutte d’encre qui de­vait tom­ber de sa plume se chan­geât en «goutte de lu­mière» 4, «tour­menté» qu’il était «par la mau­dite am­bi­tion de mettre tou­jours tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase et cette phrase dans un mot» 5.

  1. «Car­nets. Tome II», p. 240. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 101. Icône Haut
  3. id. Icône Haut
  1. «Car­nets. Tome I», p. 662. Icône Haut
  2. «Car­nets. Tome II», p. 485. Icône Haut

Macrobe, « Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome II »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du «Com­men­taire au “Songe de Sci­pion”» («In “Som­nium Sci­pio­nis”») de  1, éru­dit de la fin du IVe siècle et du dé­but du Ve siècle apr. J.-C., com­pi­la­teur au sa­voir en­cy­clo­pé­dique, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du . Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire , comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de . En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» in­di­quait l’appartenance à l’ordre des sé­na­teurs, «illus­tris», lui, était en­core au-des­sus, et il n’y avait guère qu’une poi­gnée de hauts aux­quels il était at­ta­ché. Ces dif­fé­rentes charges n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. Et d’ailleurs, bien qu’à cette époque les et les fussent déjà dans leur , ils avaient néan­moins l’avantage d’être plus que ja­mais culti­vés par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — pré­fets, maîtres de la mi­lice, di­gni­taires du im­pé­rial, pa­trices, consuls —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la face au en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fait par­tie, et qu’il met en scène dans ses «Sa­tur­nales» en qua­lité de convives. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la , si nous avons quelque ; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une et une abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un  4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres » («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis  : en cette qua­lité, je crois avoir sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Icône Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Icône Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Icône Haut
  2. Mar­tin Schanz. Icône Haut

Macrobe, « Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome I »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du «Com­men­taire au “Songe de Sci­pion”» («In “Som­nium Sci­pio­nis”») de  1, éru­dit de la fin du IVe siècle et du dé­but du Ve siècle apr. J.-C., com­pi­la­teur au sa­voir en­cy­clo­pé­dique, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du . Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire , comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de . En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» in­di­quait l’appartenance à l’ordre des sé­na­teurs, «illus­tris», lui, était en­core au-des­sus, et il n’y avait guère qu’une poi­gnée de hauts aux­quels il était at­ta­ché. Ces dif­fé­rentes charges n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. Et d’ailleurs, bien qu’à cette époque les et les fussent déjà dans leur , ils avaient néan­moins l’avantage d’être plus que ja­mais culti­vés par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — pré­fets, maîtres de la mi­lice, di­gni­taires du im­pé­rial, pa­trices, consuls —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la face au en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fait par­tie, et qu’il met en scène dans ses «Sa­tur­nales» en qua­lité de convives. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la , si nous avons quelque ; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une et une abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un  4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres » («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis  : en cette qua­lité, je crois avoir sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Icône Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Icône Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Icône Haut
  2. Mar­tin Schanz. Icône Haut

Macrobe, « Les Saturnales. [Tome I.] Livres I-III »

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à , Pa­ris

Il s’agit des «Sa­tur­nales» («Sa­tur­na­lia») de  1, éru­dit de la fin du IVe siècle et du dé­but du Ve siècle apr. J.-C., com­pi­la­teur au sa­voir en­cy­clo­pé­dique, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du . Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire , comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de . En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» in­di­quait l’appartenance à l’ordre des sé­na­teurs, «illus­tris», lui, était en­core au-des­sus, et il n’y avait guère qu’une poi­gnée de hauts aux­quels il était at­ta­ché. Ces dif­fé­rentes charges n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. Et d’ailleurs, bien qu’à cette époque les et les fussent déjà dans leur , ils avaient néan­moins l’avantage d’être plus que ja­mais culti­vés par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — pré­fets, maîtres de la mi­lice, di­gni­taires du im­pé­rial, pa­trices, consuls —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la face au en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fait par­tie, et qu’il met en scène dans ses «Sa­tur­nales» en qua­lité de convives. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la , si nous avons quelque ; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une et une abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un  4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres » («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis  : en cette qua­lité, je crois avoir sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Icône Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Icône Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Icône Haut
  2. Mar­tin Schanz. Icône Haut

« Sentences de Publius Syrus »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « du mime Pu­bli­lius Sy­rus» («Pu­bli­lii Syri mimi Sen­ten­tiæ»). J’imagine que beau­coup de lec­teurs, même parmi les ama­teurs des lettres la­tines, n’ont ja­mais en­tendu par­ler de Pu­bli­lius Sy­rus 1. Et pour­tant, le nom de cet au­teur de co­mé­dies bouf­fonnes nous est venu es­corté des de la pos­té­rité; car quatre siècles après sa , on le fai­sait lire en­core dans les écoles pu­bliques, pour ini­tier la aux beau­tés de la la­tine. Au dire de saint Jé­rôme, Pu­bli­lius «ré­gna sur la scène de » («Romæ sce­nam te­net») de Cé­sar à Au­guste, et sa re­nom­mée fut loin de pé­rir avec lui. Sé­nèque lui fait plu­sieurs em­prunts et re­vient sou­vent sur ses qua­li­tés : c’est, dit-il 2, «un poète plus vi­gou­reux que les tra­giques et les co­miques, quand il re­nonce aux plates bouf­fon­ne­ries du mime et aux mots faits pour le pu­blic des [der­niers] gra­dins». «Com­bien de vers», écrit-il ailleurs 3, «d’une frappe ad­mi­rable, en­fouis dans la col­lec­tion de nos mimes! Que de pen­sées de Pu­bli­lius qui de­vraient avoir pour in­ter­prètes non des pitres dé­chaus­sés, mais des tra­gé­diens en co­thurnes!» (Les de co­mé­dies bouf­fonnes jouaient pieds nus.) Ma­crobe et Aulu-Gelle, qui ont le plus contri­bué, avec Sé­nèque, à nous conser­ver ces «Sen­tences», ne les vantent pas moins que lui. Pé­trone, qui en ad­mire l’auteur jusqu’à le mettre en pa­ral­lèle avec Ci­cé­ron, n’accorde à ce der­nier que la su­pé­rio­rité de l’ : «Je crois», dit-il, «que Pu­bli­lius était plus hon­nête» («ho­nes­tio­rem fuisse»). En­fin, La Bruyère a semé dans ses «Ca­rac­tères», qui sont sans contre­dit l’un des plus beaux ou­vrages que nous ayons en langue fran­çaise, la meilleure par­tie de ces «Sen­tences» : il en a tra­duit quelques-unes, il a donné aux autres un peu plus d’étendue, en les pré­sen­tant sous plu­sieurs angles dif­fé­rents. Je n’en rap­por­te­rai ici que deux exemples. 1º Pu­bli­lius : «La crainte de la mort est plus cruelle que la mort elle-même» («Mor­tem ti­mere cru­de­lius est quam mori»). La Bruyère : «Il est plus dur d’appréhender la mort que de la souf­frir». 2º Pu­bli­lius : «La , par elle-même, est courte, mais les mal­heurs la rendent bien longue» («Bre­vis ipsa vita est, sed ma­lis fit lon­gior»). La Bruyère : «La vie est courte, si elle ne mé­rite ce nom que lorsqu’elle est agréable».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Pu­blius Sy­rus, Pu­bli­lius Lo­chius et Pu­blia­nus, dit Pu­blian. Icône Haut
  2. «Dia­logues. Tome IV. De la Pro­vi­dence • De la constance du sage • De la tran­quillité de l’âme • De l’oisiveté», liv. IX, ch. XI, sect. 8. Icône Haut
  1. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre VIII, sect. 8. Icône Haut

« Histoire d’Haïkar le Sage, d’après les manuscrits arabes »

dans « Revue de l’Orient chrétien », sér. 2, vol. 3, p. 367-388 ; vol. 4, p. 50-70 & 143-154

dans «Re­vue de l’ chré­tien», sér. 2, vol. 3, p. 367-388; vol. 4, p. 50-70 & 143-154

Il s’agit des ver­sions arabes de l’« et d’Aḥikar l’Assyrien», un conte qui existe dans presque toutes les langues du an­tique (VIIe av. J.-C.). Voici le ré­sumé de ce conte : Aḥi­qar 1 était un ver­tueux et un conseiller des rois d’. N’ayant pas de fils, il adopta le fils de sa sœur, Na­dan. Il l’éleva et lui adressa une pre­mière sé­rie de le­çons, sous forme de et de . Plus tard, em­pê­ché par les in­fir­mi­tés de la de rem­plir ses fonc­tions, Aḥi­qar pré­senta Na­dan comme son suc­ces­seur. Com­blé d’honneurs, Na­dan ne tarda pas à faire preuve de la plus noire in­gra­ti­tude. Il tra­hit in­di­gne­ment son père adop­tif et bien­fai­teur : il le ca­lom­nia au­près du roi As­sa­rhad­don (de l’an 680 à l’an 669 av. J.-C.), le­quel or­donna sa . Ce­pen­dant, le bour­reau était un obligé d’Aḥiqar et ne rem­plit pas l’ordre donné. Il exé­cuta un autre cri­mi­nel, dont il ap­porta la tête au roi, et tint Aḥi­qar ca­ché. En­hardi par la de la mort du conseiller royal, le pha­raon d’ lança au roi le défi de ré­soudre plu­sieurs per­fides, sous peine d’avoir à lui payer un tri­but. Sorti de sa ca­chette, Aḥi­qar alla en Égypte, ré­pon­dit aux énigmes du pha­raon et, à son re­tour, de­manda que Na­dan lui fût li­vré. Il le frappa de mille coups, pour faire en­trer la sa­gesse «par der­rière son dos» 2 puisqu’elle n’avait pu en­trer par les oreilles, et lui adressa une deuxième sé­rie de le­çons, sous forme de fables, et des­ti­nées à prou­ver qu’il va­lait mieux vivre dans une hutte en homme juste que dans un en cri­mi­nel.

  1. En ara­méen אחיקר, en ܐܚܝܩܪ. Par­fois trans­crit Achi­char, Achi­qar, Achi­kar, Aḥi­car ou Aḥi­kar. On ren­contre aussi la gra­phie Ḥi­qar (ܚܝܩܪ). Par­fois trans­crit Hai­qâr, Haï­kar, Hey­car, Hi­car, Khi­kar ou Ḥi­kar. Icône Haut
  1. «His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar l’Assyrien; tra­duc­tion des ver­sions sy­riaques par Fran­çois Nau», p. 236. Icône Haut

Diogène Laërce, « Vies et Doctrines des philosophes illustres »

éd. Librairie générale française, coll. La Pochothèque-Classiques modernes, Paris

éd. Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. La Po­cho­thèque-Clas­siques mo­dernes, Pa­ris

Il s’agit d’un ex­posé de Dio­gène Laërce 1 (IIIe siècle apr. J.-C.) sur les «Vies, et apoph­tegmes» 2 de quatre-vingt-quatre . À vrai dire, Dio­gène Laërce n’a qu’une connais­sance in­di­recte de la , qu’il trouve dans des an­tho­lo­gies tar­dives et qu’il ra­masse sans exa­men et avec cette in­dif­fé­rence pour la qui est un des ca­rac­tères de la mé­dio­crité d’esprit. Il ne se pose comme but qu’une po­pu­laire des , où leurs saillies, leurs ac­tions in­gé­nieuses, leurs pointes d’esprit, leur ac­ci­den­telle en man­geant un poulpe cru (Dio­gène de Si­nope) ou en tré­bu­chant de sur une cu­vette (Xé­no­crate) l’emportent presque sur leurs doc­trines. Non seule­ment les grandes étapes de la grecque lui échappent, mais il ignore les in­fluences su­bies d’une école à l’autre. «On le sent», dit un tra­duc­teur 3, «très sou­vent perdu, ne com­pre­nant les idées qu’à demi, émer­veillé par ce qu’il com­prend, l’expliquant alors pas à pas, avec des re­dites, sans faire grâce au lec­teur du moindre dé­tail». Et ce­pen­dant, l’utilité d’un ou­vrage ne se me­sure pas tou­jours à sa ré­gu­la­rité et sa gran­deur. Cette com­pi­la­tion in­forme ren­ferme des ma­té­riaux d’un prix in­es­ti­mable qu’on cher­che­rait vai­ne­ment ailleurs; elle re­trace la pré­sence concrète et vi­vante des phi­lo­sophes «à la Cour des princes, au mar­ché, à une table d’auberge, aux , à la pa­lestre, à l’école… là où les idées et la se re­joignent dans une forme de au quo­ti­dien», comme ex­plique Mme Ma­rie-Odile Gou­let-Cazé 4. Avec quelle net­teté Dio­gène Laërce des­sine par exemple la d’Aris­tote! Quel por­trait et fa­mi­lier il en donne par une heu­reuse ac­cu­mu­la­tion de ! Je ne sais la­quelle est la plus riche de sens et la plus mé­mo­rable, du «Rien ne vieillit plus vite que la gra­ti­tude» 5 ou de cette ré­ponse du phi­lo­sophe à quelqu’un qui lui re­pro­chait d’avoir fait l’aumône à un fai­néant : «Ce n’est pas à l’ que j’ai donné, mais à son »

  1. En Διογένης Λαέρτιος. Par­fois trans­crit Dio­gène Laërte, Dio­gène Laer­tien, Dio­genes Laër­tius ou Dio­gènes de Laërtes. Icône Haut
  2. Le titre au­then­tique de cet ex­posé est in­connu : So­pa­tros d’Apamée le cite comme «Vies des phi­lo­sophes» («Φιλοσόφων Βίοι»), tan­dis que, dans le ma­nus­crit de Pa­ris, il porte l’intitulé «Vies et de ceux qui se sont illus­trés en phi­lo­so­phie, et (Re­cueil) des doc­trines pré­va­lant dans chaque école» («Βίοι καὶ Γνῶμαι τῶν ἐν φιλοσοφία εὐδοκιμησάντων, καὶ τῶν ἑκάστῃ αἱρέσει ἀρεσκόντων (Συναγωγή)»). Icône Haut
  3. M. Ro­bert Ge­naille. Icône Haut
  1. p. 10-11 & 25. Icône Haut
  2. p. 572. Icône Haut