Il s’agit des « Natchez » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
religion
Chateaubriand, « Les Natchez. Tome I »
Il s’agit des « Natchez » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Chateaubriand, « Atala • René • Les Aventures du dernier Abencérage »
Il s’agit d’« Atala » et autres œuvres de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Hugo, « Les Misérables. Tome V »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome IV »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome III »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome II »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome I »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Blaga, « Manole, Maître bâtisseur : drame en cinq actes »
éd. Librairie bleue, coll. Théâtre, Troyes
Il s’agit de « Manole, Maître bâtisseur » (« Meșterul Manole ») de Lucian Blaga, poète, dramaturge et philosophe roumain, dont l’œuvre sublime se résume en un vers : « Je crois que l’éternité est née au village » 1. Né en 1895 au village de Lancrăm, dont le nom, dit-il, rappelle « la sonorité des larmes » (« sunetele lacrimei »), fils d’un prêtre orthodoxe, Blaga fit son entrée à l’Académie roumaine sans prononcer, comme de coutume, l’éloge de son prédécesseur. Son discours de réception fut un éloge du village romain, comme le fut aussi toute son œuvre. Pour l’auteur de « L’Âme du village » (« Sufletul satului »), les paysages campagnards, les chemins de terre et de boue sont « le seuil du monde » (« prag de lume »), le village-idée d’où partent les vastes horizons de la création artistique et poétique. Les regards rêveurs des paysans sondent l’univers, se perdant dans l’infini. L’homme de la ville au contraire vit « dans le fragment, la relativité, le concret mécanique, dans une tristesse constante et dans une superficialité lucide ». Cet éloge de l’âme du village comme creuset, comme âme de la nation est doublé de l’angoisse devant le mystère de ce que Blaga appelle « le Grand Anonyme » (« Marele Anonim »), c’est-à-dire Dieu. Face à cette angoisse-là, la solution qu’il ébauche, en s’inspirant des romantiques allemands, passe par le sacrifice de l’individu en tant qu’individu au profit d’une spiritualité collective, anonyme et spontanée. Puisque les grandes questions du monde restent sans réponse, la sagesse serait de se taire et de se fondre avec la terre dans les sillons de l’éternité :
« Regarde, c’est le soir », dit Blaga 2.
« L’âme du village palpite près de nous
Comme une odeur timide d’herbe coupée,
Comme une chute de fumée des avant-toits de paille… »
- Dans Constantin Ciopraga, « La Personnalité de la littérature roumaine ».
Blaga, « Poèmes »
Il s’agit des « Poèmes » (« Poeme ») de Lucian Blaga, poète, dramaturge et philosophe roumain, dont l’œuvre sublime se résume en un vers : « Je crois que l’éternité est née au village » 1. Né en 1895 au village de Lancrăm, dont le nom, dit-il, rappelle « la sonorité des larmes » (« sunetele lacrimei »), fils d’un prêtre orthodoxe, Blaga fit son entrée à l’Académie roumaine sans prononcer, comme de coutume, l’éloge de son prédécesseur. Son discours de réception fut un éloge du village romain, comme le fut aussi toute son œuvre. Pour l’auteur de « L’Âme du village » (« Sufletul satului »), les paysages campagnards, les chemins de terre et de boue sont « le seuil du monde » (« prag de lume »), le village-idée d’où partent les vastes horizons de la création artistique et poétique. Les regards rêveurs des paysans sondent l’univers, se perdant dans l’infini. L’homme de la ville au contraire vit « dans le fragment, la relativité, le concret mécanique, dans une tristesse constante et dans une superficialité lucide ». Cet éloge de l’âme du village comme creuset, comme âme de la nation est doublé de l’angoisse devant le mystère de ce que Blaga appelle « le Grand Anonyme » (« Marele Anonim »), c’est-à-dire Dieu. Face à cette angoisse-là, la solution qu’il ébauche, en s’inspirant des romantiques allemands, passe par le sacrifice de l’individu en tant qu’individu au profit d’une spiritualité collective, anonyme et spontanée. Puisque les grandes questions du monde restent sans réponse, la sagesse serait de se taire et de se fondre avec la terre dans les sillons de l’éternité :
« Regarde, c’est le soir », dit Blaga 2.
« L’âme du village palpite près de nous
Comme une odeur timide d’herbe coupée,
Comme une chute de fumée des avant-toits de paille… »
- Dans Constantin Ciopraga, « La Personnalité de la littérature roumaine ».
Blaga, « Poèmes choisis »
Il s’agit des « Poèmes choisis » (« Poeme alese ») de Lucian Blaga, poète, dramaturge et philosophe roumain, dont l’œuvre sublime se résume en un vers : « Je crois que l’éternité est née au village » 1. Né en 1895 au village de Lancrăm, dont le nom, dit-il, rappelle « la sonorité des larmes » (« sunetele lacrimei »), fils d’un prêtre orthodoxe, Blaga fit son entrée à l’Académie roumaine sans prononcer, comme de coutume, l’éloge de son prédécesseur. Son discours de réception fut un éloge du village romain, comme le fut aussi toute son œuvre. Pour l’auteur de « L’Âme du village » (« Sufletul satului »), les paysages campagnards, les chemins de terre et de boue sont « le seuil du monde » (« prag de lume »), le village-idée d’où partent les vastes horizons de la création artistique et poétique. Les regards rêveurs des paysans sondent l’univers, se perdant dans l’infini. L’homme de la ville au contraire vit « dans le fragment, la relativité, le concret mécanique, dans une tristesse constante et dans une superficialité lucide ». Cet éloge de l’âme du village comme creuset, comme âme de la nation est doublé de l’angoisse devant le mystère de ce que Blaga appelle « le Grand Anonyme » (« Marele Anonim »), c’est-à-dire Dieu. Face à cette angoisse-là, la solution qu’il ébauche, en s’inspirant des romantiques allemands, passe par le sacrifice de l’individu en tant qu’individu au profit d’une spiritualité collective, anonyme et spontanée. Puisque les grandes questions du monde restent sans réponse, la sagesse serait de se taire et de se fondre avec la terre dans les sillons de l’éternité :
« Regarde, c’est le soir », dit Blaga 2.
« L’âme du village palpite près de nous
Comme une odeur timide d’herbe coupée,
Comme une chute de fumée des avant-toits de paille… »
- Dans Constantin Ciopraga, « La Personnalité de la littérature roumaine ».
Cioran, « Œuvres »
Il s’agit de M. Emil Cioran 1, intellectuel roumain d’expression française (XXe siècle). Comment peut-on être Français ? comment peut-on disposer d’une langue si subtile et ne pas réussir à exprimer les significations de l’homme d’aujourd’hui ?, se demandait M. Cioran. Il lui semblait que le monde actuel était terriblement intéressant, et son seul regret était de ne pas pouvoir y participer davantage — à cause de lui-même, ou plutôt de son destin d’intellectuel roumain : « Quiconque est doué du sens de l’histoire », dit-il 2, « admettra que… les Roumains ont vécu dans une inexistence permanente ». Mais arrivé en France, M. Cioran fut surpris de voir que la France même, autrement douée et placée, ne participait plus aux choses, ni même ne leur assignait un nom. Il lui semblait pourtant que la vocation première de cette nation était de comprendre les autres et de leur faire comprendre. Mais depuis des décennies, la France cherchait des lumières au lieu d’en donner : « J’étais allé loin pour chercher le soleil, et le soleil, enfin trouvé, m’était hostile. Et si j’allais me jeter du haut de la falaise ? Pendant que je faisais des considérations plutôt sombres, tout en regardant ces pins, ces rochers, ces vagues, je sentis soudain à quel point j’étais rivé à ce bel univers maudit », dit-il 3. Si, dans son œuvre de langue roumaine, M. Cioran ne cessait de déplorer la situation des cultures sans destin, des cultures mineures, toujours restées anonymes, ses ouvrages de langue française offrent une vision tout aussi pessimiste des cultures majeures ayant eu jadis une ambition métaphysique et un désir de transformer le monde, arrivées désormais à une phase de déclin, à la perpétuation d’une « race de sous-hommes, resquilleurs de l’apocalypse » 4. Et les unes et les autres marchent — courent même — vers un désastre réel, et non vers quelque idéale perfection. Et M. Cioran de conclure : « Le “progrès” est l’équivalent moderne de la Chute, la version profane de la damnation » 5.
- Également connu sous le surnom d’E. M. Cioran. Fasciné par les initiales d’E. M. Forster, Cioran les adopta pour lui-même. Il disait qu’Emil tout court, c’était un prénom vulgaire, un prénom de coiffeur.
- « Solitude et Destin ».
- « Aveux et Anathèmes ».
- « Précis de décomposition ».
- « La Chute dans le temps ».
« Le Veda : premier livre sacré de l’Inde. Tome I »
éd. Gérard et Cie, coll. Marabout université-Trésors spirituels de l’humanité, Verviers
Il s’agit du « Ṛgveda » 1, de l’« Atharvaveda » 2 et autres hymnes hindous portant le nom de Védas (« sciences sacrées ») — nom dérivé de la même racine « vid » qui se trouve dans nos mots « idée », « idole ». Il est certain que ces hymnes sont le plus ancien monument de la littérature de l’Inde (IIe millénaire av. J.-C.). On peut s’en convaincre déjà par leur langue désuète qui arrête à chaque pas interprètes et traducteurs ; mais ce qui le prouve encore mieux, c’est qu’on n’y trouve aucune trace du culte aujourd’hui omniprésent de Râma et de Kṛṣṇa. Je ne voudrais pas, pour autant, qu’on se fasse une opinion trop exagérée de leur mérite. On a affaire à des bribes de magie décousues, à des formules de rituel déconcertantes, sortes de balbutiements du verbe, dont l’originalité finit par agacer. « Les savants, depuis [Abel] Bergaigne surtout, ont cessé d’admirer dans les Védas les premiers hymnes de l’humanité ou de la “race aryenne” en présence [de] la nature… À parler franc, les trois quarts et demi du “Ṛgveda” sont du galimatias. Les indianistes le savent et en conviennent volontiers entre eux », dit Salomon Reinach 3. La rhétorique védique est, en effet, une rhétorique bizarre, qui effarouche les meilleurs savants par la disparité des images et le chevauchement des sens. Elle se compose de métaphores sacerdotales, compliquées et obscures à dessein, parce que les prêtres védiques, qui vivaient de l’autel, entendaient s’en réserver le monopole. Souvent, ces métaphores font, comme nous dirions, d’une pierre deux coups. Deux idées, associées quelque part à une troisième, sont ensuite associées l’une à l’autre, alors qu’elles hurlent de dégoût de se voir ensemble. Voici un exemple dont l’étrangeté a, du moins, une saveur mythologique : Le « soma » (« liqueur céleste ») sort de la nuée. La nuée est une vache. Le « soma » est donc un lait, ou plutôt, c’est un beurre qui a des « pieds », qui a des « sabots », et qu’Indra trouve dans la vache. Le « soma » est donc un veau qui sort d’un « pis », et ce qui est plus fort, du pis d’un mâle, par suite de la substitution du mot « nuée » avec le mot « nuage ». De là, cet hymne :
« Voilà le nom secret du beurre :
“Langue des dieux”, “nombril de l’immortel”.
Proclamons le nom du beurre,
Soutenons-le de nos hommages en ce sacrifice !…
Le buffle aux quatre cornes l’a excrété.
Il a quatre cornes, trois pieds…
Elles jaillissent de l’océan spirituel,
Ces coulées de beurre cent fois encloses,
Invisibles à l’ennemi. Je les considère :
La verge d’or est en leur milieu », etc.
- En sanscrit « ऋग्वेद ». Parfois transcrit « Rk Veda », « Rak-véda », « Ragveda », « Rěgveda », « Rik-veda », « Rick Veda » ou « Rig-ved ».
- En sanscrit « अथर्ववेद ».
- « Orpheus : histoire générale des religions », p. 77-78. On peut joindre à cette opinion celle de Voltaire : « Les Védas sont le plus ennuyeux fatras que j’aie jamais lu. Figurez-vous la “Légende dorée”, les “Conformités de saint François d’Assise”, les “Exercices spirituels” de saint Ignace et les “Sermons” de Menot joints ensemble, vous n’aurez encore qu’une idée très imparfaite des impertinences des Védas » (« Lettres chinoises, indiennes et tartares », lettre IX).