Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Cet homme laissa l’empreinte de ses pas sur tous les chemins de l’esprit, servit de commandant dans toutes les luttes de l’art ; de sorte qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Avec sa mort, c’est tout un monde cyclopéen d’idées, d’impressions qui s’en va ; un continent de granit qui se détache avec fracas. « Si j’ouvre un livre de Victor Hugo au hasard, car on ne saurait choisir », écrit Jules Renard1, « il est… une montagne, une mer, ce qu’on voudra, excepté quelque chose à quoi puissent se comparer les autres hommes. » « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », demande Édouard Drumont2. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
« Je me prosterne devant Hugo… Ce n’est plus un talent, c’est un génie dans sa grandeur »
Renan ajoute : « La vie de Hugo s’est passée dans la puissante obsession d’un infini vivant, qui l’embrassait, le débordait de toutes parts, et au sein duquel il lui était doux de se perdre et de délirer. Cette haute philosophie, qui fut l’entretien journalier des longues heures qu’il passait seul avec lui-même, est le secret de son génie. Le monde est pour lui comme un diamant à mille faces, étincelant de feux… Il veut rendre ce qu’il voit, ce qu’il sent. Matériellement, il ne le peut. Le tranquille état d’âme du poète qui… se résigne facilement à son impuissance, ne saurait être le sien ; il s’obstine ; il balbutie ; il se raidit contre l’impossible ; il ne consent pas à se taire ; comme le prophète hébreu, il dit volontiers : “Ah ! Domine… ecce nescio loqui”3. Sa prodigieuse imagination complète ce que sa raison n’aperçoit pas. » L’immensité de son œuvre, dès qu’on la contemple, éveille dans notre esprit une admiration silencieuse, comme certains grands panoramas, tout à coup découverts, rendent muets d’enthousiasme. « Je me prosterne devant Hugo… Ce n’est plus un talent, c’est un génie dans sa grandeur. Oui, Hugo élève toute la littérature française sur ses épaules et piétine tout le reste dans la boue, y compris nous autres, pauvres scribouillards », conclut Bestoujev4.
Voici un passage qui donnera une idée du style des « Misérables » : « Depuis quelque temps, il contemplait avec terreur cette beauté qui apparaissait chaque jour plus rayonnante sur le doux visage de Cosette. Aube riante pour tous, lugubre pour lui…
Cette lumière inattendue qui se levait lentement et enveloppait par degrés toute la personne de la jeune fille blessa la paupière sombre de Jean Valjean. Il sentit que c’était un changement dans une vie heureuse, si heureuse qu’il n’osait y remuer dans la crainte d’y déranger quelque chose. Cet homme qui avait passé par toutes les détresses, qui était encore tout saignant des meurtrissures de sa destinée… qui, après avoir traîné la chaîne du bagne, traînait maintenant la chaîne invisible, mais pesante, de l’infamie indéfinie, cet homme que la loi n’avait pas lâché et qui pouvait être à chaque instant ressaisi et ramené de l’obscurité de sa vertu au grand jour de l’opprobre public, cet homme acceptait tout, excusait tout, pardonnait tout, bénissait tout, voulait bien tout, et ne demandait à la providence, aux hommes, aux lois, à la société, à la nature, au monde, qu’une chose : que Cosette l’aimât !
Que Cosette continuât de l’aimer ! que Dieu n’empêchât pas le cœur de cet enfant de venir à lui, et de rester à lui ! Aimé de Cosette, il se trouvait guéri, reposé, apaisé, comblé, récompensé, couronné »5.
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- Édition de 1881. Tome IV [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition de 1881. Tome IV ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1881. Tome IV ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1881. Tome IV ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1881. Tome IV ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1881. Tome IV ; autre copie [Source : Google Livres].
Téléchargez ces enregistrements sonores au format M4A
- Quatrième tome des « Misérables », lu par ~Pomme [Source : Littérature audio]
- Mbarek Ould Beyrouk évoquant Victor Hugo [Source : Radio France Internationale (RFI)].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- « Victor Hugo devant l’opinion : presse française • presse étrangère » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Charles Renouvier, « Victor Hugo, le poète » (éd. A. Colin, Paris) [Source : Canadiana].