Il s’agit de la « Correspondance diplomatique de 1811 à 1817 » du comte Joseph de Maistre, ambassadeur du roi de Sardaigne en Russie, ministre d’État. Esprit élevé et pénétrant, toujours en éveil et toujours philosophant, le comte de Maistre est pourtant resté en dehors des grands héritiers du XVIIIe siècle dont on recommande la lecture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le combattre ou pour l’encenser ; et on a bien fait en un sens. Il mérite d’être combattu en tant que penseur du catholicisme le plus obscurantiste et le moins réformable ; mais encensé en tant que causeur vif et éclatant et génie de la provocation. Le système de pensée de Maistre, comme la plupart des faux systèmes, peut se résumer en un mot : l’unité absolue. Cette unité ne peut être atteinte par les hommes que si un pouvoir tout aussi absolu les réunit. Le représentant de ce pouvoir, d’après Maistre, est le pape dans le domaine spirituel, le roi dans le domaine temporel, qui lui donnent son caractère suprême, indéfectible et sacré : « L’un et l’autre », dit-il 1, « expriment cette haute puissance qui les domine toutes… qui gouverne et n’est pas gouvernée, qui juge et n’est pas jugée ». Voilà l’autorité constituée : autorité religieuse d’une part, autorité civile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux académiciens et aux savants ; et à plus forte raison au bas peuple. L’anarchie menace dès que l’insolente critique du pouvoir est possible : « Il faudrait avoir perdu l’esprit », s’exclame Maistre 2, « pour croire que Dieu ait chargé les académies de nous apprendre ce qu’Il est et ce que nous Lui devons ; il appartient aux prélats, aux nobles… d’être les dépositaires et les gardiens des vérités conservatrices, d’apprendre aux nations… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre moral et spirituel. Les autres n’ont pas droit de raisonner sur ces sortes de matières ! » Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il appartient de réfléchir sur les principes obscurs et sans appel auxquels elle est assujettie ; car « il y a des choses qu’on détruit en les montrant » 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses « Lettres sur l’Inquisition », il épouse la cause d’un tribunal qui a fait couler des torrents de sang, et qu’il ose décrire comme le « plus circonspect » et le « plus humain » de tout l’univers. Il lui attribue le maintien en Espagne de la foi et de la monarchie contre lesquelles est venue s’user la puissance de Napoléon. Si la France avait eu le bonheur de jouir de l’Inquisition, les désastres de la Révolution française auraient été évités. De là à croire que « les abus valent infiniment mieux que les révolutions » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le franchit ! Il est si déraisonnable, si réactionnaire qu’il semble avoir été inventé pour nous agacer : « Il brave, il défie, il invective, il irrite… ; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au supplice… Que serait un autel entouré de potences ? Est-ce là de la théologie persuasive ? N’est-ce pas plutôt une provocation à toute âme indépendante qui veut adorer et non trembler ? », écrira Lamartine dans son « Cours familier de littérature ».
philosophie politique
sujet
le comte de Maistre, « Correspondance diplomatique (1811-1817). Tome I »
Il s’agit de la « Correspondance diplomatique de 1811 à 1817 » du comte Joseph de Maistre, ambassadeur du roi de Sardaigne en Russie, ministre d’État. Esprit élevé et pénétrant, toujours en éveil et toujours philosophant, le comte de Maistre est pourtant resté en dehors des grands héritiers du XVIIIe siècle dont on recommande la lecture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le combattre ou pour l’encenser ; et on a bien fait en un sens. Il mérite d’être combattu en tant que penseur du catholicisme le plus obscurantiste et le moins réformable ; mais encensé en tant que causeur vif et éclatant et génie de la provocation. Le système de pensée de Maistre, comme la plupart des faux systèmes, peut se résumer en un mot : l’unité absolue. Cette unité ne peut être atteinte par les hommes que si un pouvoir tout aussi absolu les réunit. Le représentant de ce pouvoir, d’après Maistre, est le pape dans le domaine spirituel, le roi dans le domaine temporel, qui lui donnent son caractère suprême, indéfectible et sacré : « L’un et l’autre », dit-il 1, « expriment cette haute puissance qui les domine toutes… qui gouverne et n’est pas gouvernée, qui juge et n’est pas jugée ». Voilà l’autorité constituée : autorité religieuse d’une part, autorité civile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux académiciens et aux savants ; et à plus forte raison au bas peuple. L’anarchie menace dès que l’insolente critique du pouvoir est possible : « Il faudrait avoir perdu l’esprit », s’exclame Maistre 2, « pour croire que Dieu ait chargé les académies de nous apprendre ce qu’Il est et ce que nous Lui devons ; il appartient aux prélats, aux nobles… d’être les dépositaires et les gardiens des vérités conservatrices, d’apprendre aux nations… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre moral et spirituel. Les autres n’ont pas droit de raisonner sur ces sortes de matières ! » Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il appartient de réfléchir sur les principes obscurs et sans appel auxquels elle est assujettie ; car « il y a des choses qu’on détruit en les montrant » 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses « Lettres sur l’Inquisition », il épouse la cause d’un tribunal qui a fait couler des torrents de sang, et qu’il ose décrire comme le « plus circonspect » et le « plus humain » de tout l’univers. Il lui attribue le maintien en Espagne de la foi et de la monarchie contre lesquelles est venue s’user la puissance de Napoléon. Si la France avait eu le bonheur de jouir de l’Inquisition, les désastres de la Révolution française auraient été évités. De là à croire que « les abus valent infiniment mieux que les révolutions » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le franchit ! Il est si déraisonnable, si réactionnaire qu’il semble avoir été inventé pour nous agacer : « Il brave, il défie, il invective, il irrite… ; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au supplice… Que serait un autel entouré de potences ? Est-ce là de la théologie persuasive ? N’est-ce pas plutôt une provocation à toute âme indépendante qui veut adorer et non trembler ? », écrira Lamartine dans son « Cours familier de littérature ».
Sun Bin, « Le Traité militaire »
éd. Institut de stratégie comparée-Economica, coll. Bibliothèque stratégique, Paris
Il s’agit des « Sept Traités de la guerre » 1 (« Wu jing qi shu » 2), où se concentre l’essence de la pensée stratégique de la Chine ancienne : 1º « Art de la guerre de Sun zi [ou Sun tzu] » 3 (« Sun zi bing fa » 4) ; 2º « Art de la guerre de Wu zi » 5 (« Wu zi bing fa » 6) ; 3º « Art des maréchaux » 7 (« Si ma fa » 8) ; 4º « Maître Wei Liao » 9 (« Wei Liao zi » 10) ; 5º « Stratégie en trois chapitres » 11 (« San Lüe » 12) ; 6º « Six Fourreaux » 13 (« Liu Tao » 14) ; 7º « Dialogue avec Li, duc de Wei » 15 (« Li Wei gong wen dui » 16). On pourrait y ajouter l’« Art de la guerre de Sun Bin » (« Sun Bin bing fa » 17), ouvrage longtemps perdu, puis redécouvert récemment dans une tombe à Yinqueshan. En Occident comme en Chine, c’est le premier des « Sept Traités », et le plus ancien (Ve siècle av. J.-C.), qui est resté le plus fameux : « Art de la guerre de Sun tzu ». Général du roi de Wu 18, Sun tzu aurait obtenu ce poste à la suite d’un fort bel exploit : il aurait créé un corps d’élite féminin, un régiment composé des cent quatre-vingts femmes les plus délicates du palais, que le roi lui aurait confiées pour éprouver ses dons de stratège. « Les Sept Traités de la guerre » sont unanimes à regarder la guerre comme une calamité. On ne l’entreprend que contraint et forcé. La guerre est pour le pays ce qu’une violente maladie est pour le corps. La paix en est la guérison. La nécessité seule doit nous pousser au combat. Encore faut-il épuiser auparavant toutes les ressources de la ruse et de la médiation. Quant au combat lui-même, la sagesse consiste à le mener avec grande retenue, avec « charité », et à y mettre fin le plus tôt qu’il se peut. Le premier chapitre de l’« Art des maréchaux » est intitulé justement « La charité pour fondement ». Il adresse les recommandations suivantes à l’armée qui s’apprêterait à combattre : « Lorsque vous entrerez sur le territoire du coupable, vous ne devez ni profaner ses dieux… ni détruire ses ouvrages d’art, ni brûler ses maisons, ni abattre ses forêts, ni faire main basse sur ses troupeaux, ses récoltes et ses outils. Vous laisserez aller les enfants et les vieillards sans les molester ; vous ne porterez pas la main sur les hommes valides que vous croiserez en chemin, à moins qu’ils ne fassent mine de résister ». Sun tzu le dit aussi en ses propres termes : « Il est préférable de préserver un pays [que de] le détruire… Être victorieux dans tous les combats n’est pas le fin du fin. Soumettre l’ennemi sans ensanglanter la lame, voilà le fin du fin ».
- Parfois traduit « Sept Classiques de l’art de la guerre » ou « Les Sept Classiques militaires ».
- En chinois « 武經七書 ». Autrefois transcrit « Wu-ching ch’i-shu ».
- Parfois traduit « L’Art de la guerre selon maître Sun », « Les Treize Articles sur l’art militaire par Sun-tsée », « Méthode stratégique de maître Sun », « Règles de l’art militaire par Sun-tse », « L’Art militaire de Souen tseu », « Art de faire la guerre du maître Sun » ou « L’Art de la guerre de maître Sun ou Sun-tzu ».
- En chinois « 孫子兵法 ». Parfois transcrit « Sun-tse-ping-fa », « Sun tze ping fa », « Sun tzu ping fa » ou « Souen-tseu ping-fa ».
- Autrefois traduit « Le Traité militaire de Wu », « Les Six Articles sur l’art militaire par Ou-tse » ou « Le Traité militaire de maître Wou ou Wou-tseu ».
- En chinois « 吳子兵法 ». Autrefois transcrit « Ou-tse-ping-fa » ou « Wu tzu ping fa ».
- Parfois traduit « Les Quatre Articles sur l’art militaire par Se-ma », « Les Principes du Sema », « Le Code militaire du grand maréchal » ou « Les Règles stratégiques du grand maréchal ».
- En chinois « 司馬法 ». Parfois transcrit « Se-ma-fa », « Sse-ma-fa » ou « Ssu-ma fa ».
- Parfois traduit « Art du commandement de Liao » ou « L’Art du commandement du commandant Leao ».
- En chinois « 尉繚子 ». Autrefois transcrit « Goei-Leao-tse », « Wei Liao tzu » ou « Wei-Leao-tseu ».
- Autrefois traduit « Les Trois Stratégies » ou « Trois Ordres stratégiques ».
- En chinois « 三略 ». Parfois transcrit « San-lio », « San lüeh » ou « San-liue ».
- Autrefois traduit « Les Six Arcanes stratégiques ».
- En chinois « 六韜 ». Parfois transcrit « Liu Thao », « Lou-tao » ou « Lieou T’ao ».
- Autrefois traduit « Questions de l’Empereur des T’ang au général Li Wei-kong », « Les Questions de l’Empereur Taizong des Tang au général Li Jing » ou « Questions et Réponses entre Li Wei-kong et l’Empereur des T’ang ».
- En chinois « 李衛公問對 ». Parfois transcrit « Li Wei-kong wen-touei » ou « Li Wei kung wên tui ». Également connu sous les titres de « Tang Li wen dui » (« 唐李問對 »), c’est-à-dire « Dialogue entre Tang et Li », et « Tang Tai zong Li Jing wen dui » (« 唐太宗李靖問對 »), c’est-à-dire « Dialogue entre Tai zong des Tang et Li Jing ». Parfois transcrit « T’ang Li wen-touei ».
- En chinois « 孫臏兵法 ». Autrefois transcrit « Sun Pin ping-fa ».
- Le roi Helu (闔廬).
Sun tzu et autres stratèges, « Les Sept Traités de la guerre »
Il s’agit des « Sept Traités de la guerre » 1 (« Wu jing qi shu » 2), où se concentre l’essence de la pensée stratégique de la Chine ancienne : 1º « Art de la guerre de Sun zi [ou Sun tzu] » 3 (« Sun zi bing fa » 4) ; 2º « Art de la guerre de Wu zi » 5 (« Wu zi bing fa » 6) ; 3º « Art des maréchaux » 7 (« Si ma fa » 8) ; 4º « Maître Wei Liao » 9 (« Wei Liao zi » 10) ; 5º « Stratégie en trois chapitres » 11 (« San Lüe » 12) ; 6º « Six Fourreaux » 13 (« Liu Tao » 14) ; 7º « Dialogue avec Li, duc de Wei » 15 (« Li Wei gong wen dui » 16). On pourrait y ajouter l’« Art de la guerre de Sun Bin » (« Sun Bin bing fa » 17), ouvrage longtemps perdu, puis redécouvert récemment dans une tombe à Yinqueshan. En Occident comme en Chine, c’est le premier des « Sept Traités », et le plus ancien (Ve siècle av. J.-C.), qui est resté le plus fameux : « Art de la guerre de Sun tzu ». Général du roi de Wu 18, Sun tzu aurait obtenu ce poste à la suite d’un fort bel exploit : il aurait créé un corps d’élite féminin, un régiment composé des cent quatre-vingts femmes les plus délicates du palais, que le roi lui aurait confiées pour éprouver ses dons de stratège. « Les Sept Traités de la guerre » sont unanimes à regarder la guerre comme une calamité. On ne l’entreprend que contraint et forcé. La guerre est pour le pays ce qu’une violente maladie est pour le corps. La paix en est la guérison. La nécessité seule doit nous pousser au combat. Encore faut-il épuiser auparavant toutes les ressources de la ruse et de la médiation. Quant au combat lui-même, la sagesse consiste à le mener avec grande retenue, avec « charité », et à y mettre fin le plus tôt qu’il se peut. Le premier chapitre de l’« Art des maréchaux » est intitulé justement « La charité pour fondement ». Il adresse les recommandations suivantes à l’armée qui s’apprêterait à combattre : « Lorsque vous entrerez sur le territoire du coupable, vous ne devez ni profaner ses dieux… ni détruire ses ouvrages d’art, ni brûler ses maisons, ni abattre ses forêts, ni faire main basse sur ses troupeaux, ses récoltes et ses outils. Vous laisserez aller les enfants et les vieillards sans les molester ; vous ne porterez pas la main sur les hommes valides que vous croiserez en chemin, à moins qu’ils ne fassent mine de résister ». Sun tzu le dit aussi en ses propres termes : « Il est préférable de préserver un pays [que de] le détruire… Être victorieux dans tous les combats n’est pas le fin du fin. Soumettre l’ennemi sans ensanglanter la lame, voilà le fin du fin ».
- Parfois traduit « Sept Classiques de l’art de la guerre » ou « Les Sept Classiques militaires ».
- En chinois « 武經七書 ». Autrefois transcrit « Wu-ching ch’i-shu ».
- Parfois traduit « L’Art de la guerre selon maître Sun », « Les Treize Articles sur l’art militaire par Sun-tsée », « Méthode stratégique de maître Sun », « Règles de l’art militaire par Sun-tse », « L’Art militaire de Souen tseu », « Art de faire la guerre du maître Sun » ou « L’Art de la guerre de maître Sun ou Sun-tzu ».
- En chinois « 孫子兵法 ». Parfois transcrit « Sun-tse-ping-fa », « Sun tze ping fa », « Sun tzu ping fa » ou « Souen-tseu ping-fa ».
- Autrefois traduit « Le Traité militaire de Wu », « Les Six Articles sur l’art militaire par Ou-tse » ou « Le Traité militaire de maître Wou ou Wou-tseu ».
- En chinois « 吳子兵法 ». Autrefois transcrit « Ou-tse-ping-fa » ou « Wu tzu ping fa ».
- Parfois traduit « Les Quatre Articles sur l’art militaire par Se-ma », « Les Principes du Sema », « Le Code militaire du grand maréchal » ou « Les Règles stratégiques du grand maréchal ».
- En chinois « 司馬法 ». Parfois transcrit « Se-ma-fa », « Sse-ma-fa » ou « Ssu-ma fa ».
- Parfois traduit « Art du commandement de Liao » ou « L’Art du commandement du commandant Leao ».
- En chinois « 尉繚子 ». Autrefois transcrit « Goei-Leao-tse », « Wei Liao tzu » ou « Wei-Leao-tseu ».
- Autrefois traduit « Les Trois Stratégies » ou « Trois Ordres stratégiques ».
- En chinois « 三略 ». Parfois transcrit « San-lio », « San lüeh » ou « San-liue ».
- Autrefois traduit « Les Six Arcanes stratégiques ».
- En chinois « 六韜 ». Parfois transcrit « Liu Thao », « Lou-tao » ou « Lieou T’ao ».
- Autrefois traduit « Questions de l’Empereur des T’ang au général Li Wei-kong », « Les Questions de l’Empereur Taizong des Tang au général Li Jing » ou « Questions et Réponses entre Li Wei-kong et l’Empereur des T’ang ».
- En chinois « 李衛公問對 ». Parfois transcrit « Li Wei-kong wen-touei » ou « Li Wei kung wên tui ». Également connu sous les titres de « Tang Li wen dui » (« 唐李問對 »), c’est-à-dire « Dialogue entre Tang et Li », et « Tang Tai zong Li Jing wen dui » (« 唐太宗李靖問對 »), c’est-à-dire « Dialogue entre Tai zong des Tang et Li Jing ». Parfois transcrit « T’ang Li wen-touei ».
- En chinois « 孫臏兵法 ». Autrefois transcrit « Sun Pin ping-fa ».
- Le roi Helu (闔廬).
Ibn Rushd (Averroès), « La Doctrine de l’intellect matériel dans le “Commentaire moyen au ‘De anima’ d’Aristote” »
dans « Langages et Philosophie : hommage à Jean Jolivet » (éd. J. Vrin, coll. Études de philosophie médiévale, Paris), p. 281-307
Il s’agit d’une traduction partielle du « Commentaire moyen sur le traité “De l’âme” » (« Talkhîs kitâb al-nafs » 1) d’Ibn Rushd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les philosophes que l’islam donna à l’Espagne, celui qui laissa le plus de traces dans la mémoire des peuples, grâce à ses remarquables commentaires sur les écrits d’Aristote, fut Ibn Rushd, également connu sous les noms corrompus d’Aben-Rost, Averroïs, Averrhoës ou Averroès 3. Dans son Andalousie natale, ce coin privilégié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait établi au Xe siècle une tolérance dont notre époque moderne peut à peine offrir un exemple. « Chrétiens, juifs, musulmans parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études littéraires et scientifiques. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à l’œuvre de la civilisation commune », dit Renan. Abû Ya‘ḳûb Yûsuf 4, calife de l’Andalousie et contemporain d’Ibn Rushd, fut le prince le plus lettré de son temps. L’illustre philosophe Ibn Thofaïl obtint à sa Cour une grande influence et en profita pour y attirer les savants de renom. Ce fut d’après le vœu exprimé par Yûsuf et sur les instances d’Ibn Thofaïl qu’Ibn Rushd entreprit de commenter Aristote. Jamais ce dernier n’avait reçu de soins aussi étendus, aussi sincères et dévoués que ceux que lui prodiguera Ibn Rushd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fatale qui a étouffé chez les musulmans les plus beaux germes de développement intellectuel, le fanatisme religieux, préparait déjà la ruine [de la philosophie] », dit Renan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études rationnelles se déchaîne sur toute la surface du monde musulman. Bientôt il suffira de dire d’un homme : « Un tel travaille à la philosophie ou donne des leçons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui appliquent immédiatement le nom d’« impie », de « mécréant », etc. ; et que, si par malheur il persévère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa maison.
Ibn Rushd (Averroès), « L’Intelligence et la Pensée, [ou] Grand Commentaire du “De anima”, livre III »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Grand Commentaire sur le traité “De l’âme” » (« Sharḥ kitâb al-nafs » 1) d’Ibn Rushd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les philosophes que l’islam donna à l’Espagne, celui qui laissa le plus de traces dans la mémoire des peuples, grâce à ses remarquables commentaires sur les écrits d’Aristote, fut Ibn Rushd, également connu sous les noms corrompus d’Aben-Rost, Averroïs, Averrhoës ou Averroès 3. Dans son Andalousie natale, ce coin privilégié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait établi au Xe siècle une tolérance dont notre époque moderne peut à peine offrir un exemple. « Chrétiens, juifs, musulmans parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études littéraires et scientifiques. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à l’œuvre de la civilisation commune », dit Renan. Abû Ya‘ḳûb Yûsuf 4, calife de l’Andalousie et contemporain d’Ibn Rushd, fut le prince le plus lettré de son temps. L’illustre philosophe Ibn Thofaïl obtint à sa Cour une grande influence et en profita pour y attirer les savants de renom. Ce fut d’après le vœu exprimé par Yûsuf et sur les instances d’Ibn Thofaïl qu’Ibn Rushd entreprit de commenter Aristote. Jamais ce dernier n’avait reçu de soins aussi étendus, aussi sincères et dévoués que ceux que lui prodiguera Ibn Rushd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fatale qui a étouffé chez les musulmans les plus beaux germes de développement intellectuel, le fanatisme religieux, préparait déjà la ruine [de la philosophie] », dit Renan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études rationnelles se déchaîne sur toute la surface du monde musulman. Bientôt il suffira de dire d’un homme : « Un tel travaille à la philosophie ou donne des leçons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui appliquent immédiatement le nom d’« impie », de « mécréant », etc. ; et que, si par malheur il persévère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa maison.
Sénèque le philosophe, « Tragédies. Tome II. [Thyeste • Agamemnon • Hercule sur l’Œta • Les Phéniciennes • Octavie] »
éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, Paris
Il s’agit d’« Hercule sur l’Œta » 1 (« Hercules Œtæus ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « Hercule sur le mont Oéta ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Tragédies. Tome I. [Hercule furieux • Les Troyennes • Médée • Hippolyte • Œdipe] »
éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, Paris
Il s’agit de « Médée » (« Medea ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 1, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 2. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 3. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 4. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « L’Apocoloquintose du divin Claude »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit de « L’Apocoloquintose du divin Claude » 1 (« Divi Claudii Apocolocyntosis » 2) de Sénèque le philosophe 3, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 4. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 5. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 6. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « Facétie satirique sur la mort du César Claude, vulgairement appelée Apokolokyntose », « Apolochintose, ou Incucurbitation, c’est-à-dire Métamorphose de l’Empereur Claude en citrouille », « Apocolocyntose, ou Discours plein de moquerie sur la mort de Claudius » ou « L’Apocolokintosis sur la mort de l’Empereur Claude ».
- Également connu sous les titres de « Divi Claudii Apotheosis per saturam » (« L’Apothéose burlesque du divin Claude ») et de « Ludus de morte Claudii Cæsaris » (« Fantaisie sur la mort du César Claude »), le mot forgé « apocoloquintose » ayant désorienté les copistes qui lui ont substitué le mot propre « apothéose burlesque ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
- Waltz, « Vie de Sénèque » (éd. Perrin, Paris), p. 160.
- « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2.
Sénèque le philosophe, « Questions naturelles. Tome II. Livres IV-VII »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit de « Questions naturelles » 1 (« Naturales Quæstiones ») de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « La Philosophie naturelle, ou Météorologie ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Questions naturelles. Tome I. Livres I-III »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit de « Questions naturelles » 1 (« Naturales Quæstiones ») de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « La Philosophie naturelle, ou Météorologie ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome IV. De la Providence • De la constance du sage • De la tranquillité de l’âme • De l’oisiveté »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit de « De la Providence » 1 (« De Providentia ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « Discours de la Providence de Dieu ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome III. Consolations »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit de « Consolation à Marcia » (« Ad Marciam de consolatione ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 1, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 2. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 3. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 4. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».