Proclus, « Les Commentaires sur le premier livre des “Éléments” d’Euclide »

éd. D. de Brouwer, coll. de travaux de l’Académie internationale d’histoire des sciences, Bruges

éd. D. de Brou­wer, coll. de tra­vaux de l’Académie in­ter­na­tio­nale d’ des , Bruges

Il s’agit des « sur les “Élé­ments” d’Euclide» par Pro­clus de Ly­cie 1, l’un des der­niers de l’École d’Athènes (Ve siècle apr. J.-C.). Le plus grand — pour ne pas dire l’unique — in­té­rêt de ces «Com­men­taires» ré­side dans le pro­logue de quatre-vingt-une pages par le­quel ils s’ouvrent, et qui consti­tue un ou­vrage à part. Pro­clus y ex­pose ses sur la place gé­né­rale des dans l’économie du sa­voir; puis, il y pré­sente les et les pro­grès de cette science, en pas­sant en re­vue les géo­mètres grecs qui se sont suc­cédé de Tha­lès jusqu’à Eu­clide. De ce fait, Pro­clus est notre prin­ci­pale source pour l’histoire des ma­thé­ma­tiques an­ciennes; en de­hors de lui, nous n’avons qu’un pe­tit nombre de té­moi­gnages épars, qu’il nous se­rait im­pos­sible de co­or­don­ner sans le sien. Pour Pro­clus, comme pour Aris­tote qu’il cite, les ma­thé­ma­tiques ne dé­butent ni en ni en quelque en­droit pri­vi­lé­gié; il se­rait étrange, en ef­fet, qu’un sa­voir aussi spé­ci­fi­que­ment hu­main fût la pro­priété ex­clu­sive d’un seul  : «Se­lon toute vrai­sem­blance», dit  2, «les di­vers [sa­voirs] ont été dé­ve­lop­pés aussi loin que pos­sible, à plu­sieurs re­prises, et chaque fois per­dus». Cela n’empêche pas Pro­clus de sa­luer l’apport spé­ci­fique des Grecs, qui est d’avoir posé les ma­thé­ma­tiques sur leur vrai plan, de les avoir har­di­ment dé­fi­nies comme abs­traites et pu­re­ment ra­tion­nelles, comme libres et dés­in­té­res­sées à l’égard de l’utilité pra­tique : «On ad­mi­rera», dit Pro­clus 3, «les modes va­riés de rai­son­ne­ments [de notre pays] qui [convainquent] tan­tôt en par­tant des , tan­tôt en éma­nant de preuves; mais qui sont tous in­con­tes­tables et ap­pro­priés à la science. On ad­mi­rera aussi ses pro­cé­dés dia­lec­tiques… Men­tion­nons fi­na­le­ment la conti­nuité des in­ven­tions, la ré­par­ti­tion et l’ordre des pré­misses, [et] le ta­lent avec le­quel cha­cune [des] ré­ci­proques est pré­sen­tée. D’ailleurs, ne sait-on pas qu’en leur ajou­tant ou en leur re­tran­chant quelque chose, on s’éloigne de la science et qu’on est en­clin à une er­reur contra­dic­toire et à l’ignorance?» La ques­tion de sa­voir où Pro­clus a pris ses ren­sei­gne­ments his­to­riques offre un pro­blème in­té­res­sant à ré­soudre pour les spé­cia­listes. Ces der­niers pensent qu’il n’a pas consulté de pre­mière main les ou­vrages ma­thé­ma­tiques an­té­rieurs à Eu­clide et qu’il a em­prunté à peu près tout à l’«His­toire géo­mé­trique» d’Eudème de Rhodes (aujourd’hui per­due) et à la «Théo­rie des ma­thé­ma­tiques» de Gé­mi­nus (mal­heu­reu­se­ment per­due aussi).

Il n’existe pas moins de trois tra­duc­tions fran­çaises des «Com­men­taires», mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de .

«Ἀμύκλας δὲ ὁ Ἡρακλεώτης, εἷς τῶν Πλάτωνος ἑταίρων· καὶ Μέναιχμος, ἀκροατὴς ὢν Εὐδόξου, καὶ Πλάτωνι δὲ συγγεγονώς· καὶ ὁ ἀδελφὸς αὐτοῦ, Δεινόστρατος, ἔτι τελεωτέραν ἐποίησαν τὴν ὅλην γεωμετρίαν. Θεύδιος δὲ ὁ Μάγνης ἔν τε τοῖς μαθήμασιν ἔδοξεν εἶναι διαφέρων καὶ κατὰ τὴν ἄλλην φιλοσοφίαν· καὶ γὰρ τὰ στοιχεῖα καλῶς συνέταξεν καὶ πολλὰ τῶν μερικῶν καθολικώτερα ἐποίησεν. Καὶ μέντοι καὶ ὁ Κυζικηνὸς Ἀθήναιος κατὰ τοὺς αὐτοὺς γεγονὼς χρόνους καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις μὲν μαθήμασι, μάλιστα δὲ κατὰ γεωμετρίαν ἐπιφανὴς ἐγένετο. Διῆγον οὖν οὗτοι μετ’ ἀλλήλων ἐν Ἀκαδημίᾳ κοινὰς ποιούμενοι τὰς ζητήσεις.»
— Pas­sage dans la ori­gi­nale

«Amy­clas d’Héraclée, l’un des amis de Pla­ton; Mé­nechme, élève d’Eudoxe, mais en ma­nière de par­ti­san de Pla­ton; et Di­nos­trate, frère de Mé­nechme, ren­dirent toute la en­core plus par­faite. Theu­dios de Ma­gné­sie pa­raît s’être dis­tin­gué en ma­thé­ma­tiques et dans une autre doc­trine phi­lo­so­phique; car il a co­or­donné des “Élé­ments” et rendu plus gé­né­rales beau­coup de choses par­ti­cu­lières. Athé­née de Cy­zique, qui vé­cut à la même époque, de­vint cé­lèbre dans les autres sciences et sur­tout en géo­mé­trie. Ces der­niers sé­jour­naient entre eux dans l’Académie et y fai­saient leurs re­cherches en com­mun.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Ver Eecke

«Amy­clas d’Héracleion, un autre ami de Pla­ton; et Mé­nechme, élève d’Eudoxe et des dis­ciples de Pla­ton; ainsi que son frère Dei­nos­trate ont beau­coup per­fec­tionné l’ensemble de la géo­mé­trie. Theu­dios de Ma­gné­sie semble s’être dis­tin­gué non seule­ment en ma­thé­ma­tiques, mais aussi en d’autres branches de la ; il a écrit un bon ma­nuel d’“Éléments” et gé­né­ra­lisé beau­coup de pro­po­si­tions par­ti­cu­lières. De même, Athé­née de Cy­sique, son contem­po­rain, se ren­dit cé­lèbre en plu­sieurs branches des ma­thé­ma­tiques et plus spé­cia­le­ment en géo­mé­trie. Tous en­semble ils fré­quen­taient l’Académie et condui­saient leurs re­cherches en com­mun.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Georges Kayas (dans Eu­clide, «Les Élé­ments», éd. du Centre na­tio­nal de la scien­ti­fique (CNRS), Pa­ris, p. XII-XVI)

«Amy­clas d’Héraclée, dis­ciple de Pla­ton; Mé­nechme, élève d’Eudoxe et de Pla­ton; Di­nos­trate, frère de Mé­nechme, per­fec­tion­nèrent l’ensemble de la Géo­mé­trie. Theu­dios de Ma­gné­sie s’acquit une ré­pu­ta­tion sin­gu­lière dans les Ma­thé­ma­tiques comme aussi dans les autres branches de la Phi­lo­so­phie; il ré­di­gea d’excellents “Élé­ments” et ren­dit plus gé­né­rales di­verses pro­po­si­tions par­ti­cu­lières. Athé­née de Cy­zique vé­cut à la même époque et fut cé­lèbre comme ma­thé­ma­ti­cien, en par­ti­cu­lier comme géo­mètre. Tous ces se réunis­saient à l’Académie et fai­saient leurs re­cherches en com­mun.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Paul Tan­nery (XIXe siècle)

«Amy­clas vero He­ra­cleotes, unus ex Pla­to­nis fa­mi­lia­ri­bus; et Menæch­mus, Eu­doxi qui­dem dis­ci­pu­lus, cum Pla­tone au­tem ver­sa­tus; ejusque fra­ter, Di­no­stra­tus, per­fec­tio­rem adhuc to­tam fe­ce­runt Geo­me­triam. Theu­dius au­tem Magnes, tum in Ma­the­ma­ti­cis dis­ci­pli­nis, tum etiam in re­li­qua Phi­lo­so­phia præ­cel­lere vi­sus est; “Ele­menta” namque construxit egre­gie, mul­taque par­ti­cu­la­rium, ma­gis uni­ver­sa­lia fe­cit. Cy­zi­ci­nus præ­te­rea Athe­nien­sis iis­dem tem­po­ri­bus vi­gens, et in aliis qui­dem Ma­the­ma­ti­cis dis­ci­pli­nis, po­tis­si­mum au­tem in Geo­me­tria illus­tris eva­sit. De­ver­sa­ban­tur itaque hi in­vi­cem in Aca­de­mia, com­munes pro­po­nendo quæs­tiones.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine de Fran­cesco Ba­rozzi (XVIe siècle)

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  1. En Πρόκλος ὁ Λύκιος. Au­tre­fois trans­crit Pro­clos ou Prok­los. Icône Haut
  2. «», 1074b 10-12. Icône Haut
  1. p. 62-63. Icône Haut