Mot-clefmodernisme (littérature)

su­jet

Lindgren, « Fifi Brindacier : l’intégrale »

éd. Hachette jeunesse, Paris

éd. Ha­chette jeu­nesse, Pa­ris

Il s’agit de « Fifi Brin­da­cier » (« Pippi Lång­strump ») de Mme As­trid Lind­gren, la grande dame de la lit­té­ra­ture pour en­fants, la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’imagination sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur sué­dois n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine1, am­bas­sa­deur d’U.R.S.S. à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux livres : son « Karls­son sur le toit » et la Bible ; ce à quoi elle ré­pli­qua : « Comme c’est étrange ! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire ! »2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de fic­tion, au mo­ment où l’Allemagne fai­sait main basse sur l’Europe, sem­blable à « un monstre ma­lé­fique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une nou­velle vic­time »3. Le sang cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre hu­ma­nité, Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient « joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été »4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du monde dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les femmes de de­main de­viennent des es­prits sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le suc­cès de Mme Lind­gren tient à cette foi. L’amour qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le res­pect des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la li­berté seule est pos­sible. « Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant », dit-elle5. De même que toute per­fec­tion, dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable ; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la lit­té­ra­ture pour la jeu­nesse. Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : « : Li­berté ! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse »6.

  1. En russe Борис Дмитриевич Панкин. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut
  1. id. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut

« Yosano Akiko (1878-1942) : le séjour à Paris d’une Japonaise en 1912 »

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de « De­puis Pa­ris » (« Pa­rii yori »1) de Yo­sano Akiko. En 1912, lorsqu’elle al­lait s’embarquer pour la France, Akiko était déjà l’auteur de dix re­cueils de poé­sies, dont la sen­sua­lité li­bé­rée de tout be­soin de jus­ti­fi­ca­tion lui avait fait la ré­pu­ta­tion de pion­nière de l’identité fé­mi­nine au Ja­pon. Elle n’avait qu’une seule idée en tête : re­joindre à Pa­ris son époux, Yo­sano Tek­kan. Ce­lui-ci était parti quelques mois au­pa­ra­vant pour réa­li­ser un rêve de tou­jours et ten­ter de dis­si­per une dé­pres­sion ner­veuse qui le me­na­çait. Il avait di­rigé pen­dant huit ans une des re­vues lit­té­raires les plus pres­ti­gieuses de Tô­kyô, « Myôjô »2 (« L’Étoile du ber­ger »3). Puis, il l’avait per­due ; et de­puis ce jour, il er­rait dans la mai­son, tan­tôt mé­lan­co­lique, tan­tôt agres­sif. Akiko était per­sua­dée que ce n’était pas d’un mé­de­cin re­nommé que son mari avait be­soin pour gué­rir, mais d’un voyage en France ; car il rê­vait de­puis long­temps déjà de sé­jour­ner dans ce pays, dont il avait pu­blié les toutes pre­mières tra­duc­tions en langue ja­po­naise. Le pro­jet était fi­nan­ciè­re­ment in­fai­sable, mais fut pour­tant dé­cidé. Pour réunir la somme né­ces­saire au voyage, Akiko cal­li­gra­phia cer­tains poèmes de son re­cueil « Che­veux em­mê­lés » sur une cen­taine de pa­ra­vents en or, qu’elle ven­dit au prix fort. Le reste de l’argent fut fourni par des jour­naux, aux­quels Tek­kan et plus tard Akiko s’engagèrent d’envoyer ré­gu­liè­re­ment des pa­piers une fois sur place. Deux ou­vrages nous ren­seignent sur le sé­jour en France des deux époux : « De­puis Pa­ris », qui re­groupe leurs ar­ticles et leurs im­pres­sions de voyage en­voyés pour être pu­bliés dans les jour­naux ; et « De l’été à l’automne » (« Natsu yori aki e »4), re­cueil de poèmes, où Akiko ra­conte son bon­heur de vi­si­ter la France dans des vers qui mé­ri­te­raient d’être connus des Fran­çais :

« Joli mois de mai
Dans les champs de blé fran­çais
Aux cou­leurs de feu…
Co­que­li­cot mon amant,
Co­que­li­cot moi aussi !
 »

  1. En ja­po­nais « 巴里より ». Par­fois trans­crit « Pari yori ». Haut
  2. En ja­po­nais « 明星 ». Haut
  1. Par­fois tra­duit « L’Étoile du ma­tin ». Haut
  2. En ja­po­nais « 夏より秋へ ». Haut

Farrokhzad, « La Conquête du jardin : poèmes (1951-1965) »

éd. Lettres persanes, coll. Nouvelle Poésie persane, Paris

éd. Lettres per­sanes, coll. Nou­velle Poé­sie per­sane, Pa­ris

Il s’agit des poèmes de Mme Fo­rough Far­ro­kh­zad1, « l’enfante ter­rible » de la poé­sie per­sane, une des écri­vaines les plus dis­cu­tées de l’Iran, morte dans un ac­ci­dent tra­gique à trente-deux ans (XXe siècle). Elle consa­cra tout son être à la poé­sie — l’on peut même dire qu’elle se sa­cri­fia pour elle et pour l’idée qu’elle s’en fai­sait — en ex­pri­mant sans au­cune re­te­nue ses émois fé­mi­nins dans une so­ciété ira­nienne qui re­fu­sait aux femmes de culti­ver leurs ta­lents et leurs goûts. Elle es­ti­mait qu’un poème ne mé­ri­tait ce nom que lorsqu’on y je­tait la flamme de son cœur et les vi­bra­tions de son âme. La mo­der­nité de Fo­rough laissa ra­re­ment les lec­teurs im­par­tiaux : elle sus­cita une forte at­ti­rance ou une vive aver­sion ; une hos­ti­lité exa­gé­rée ou un éloge exalté. Alors que les uns la consi­dé­raient comme une femme dé­pra­vée, dan­ge­reuse dans ses pa­roles et dans la pra­tique de son art ; les autres, au contraire, la voyaient en hé­roïne cultu­relle, en re­belle qui, ayant fait l’expérience de la ruine des conven­tions, était à la re­cherche de pro­grès éman­ci­pa­teur. « Je vou­lais être “une femme” et “un être hu­main”. Je vou­lais dire que j’avais le droit de res­pi­rer, de crier… Les autres vou­laient étouf­fer mes cris sur mes lèvres et mon souffle dans ma poi­trine », dit-elle2. Elle sa­vait qu’en pre­nant une at­ti­tude de défi, elle se fe­rait beau­coup d’ennemis, qu’elle s’attirerait des en­nuis et des rup­tures ; mais elle croyait qu’il fal­lait en­fin bri­ser les bar­rières et te­nir droit face aux agi­ta­tions des faux dé­vots. C’est ce qu’elle fit pour la pre­mière fois dans un poème in­ti­tulé « Le Pé­ché » (« Go­nâh »3) :

« J’ai pé­ché, pé­ché dans le plai­sir,
Dans des bras chauds et en­flam­més.
J’ai pé­ché, pé­ché dans des bras de fer,
Dans des bras brû­lants et ran­cu­niers.
Dans ce lieu calme, sombre et muet,
J’ai re­gardé ses yeux pleins de mys­tère,
Et des sup­pli­ca­tions de ses yeux
Mon cœur, im­pa­tiem­ment, a trem­blé…
 »

  1. En per­san فروغ فرخزاد. Par­fois trans­crit Fo­ruq Far­roxzâd, Fo­rugh Far­ro­kh­zod, Fo­rugh Far­ro­khzād , Fu­rugh Far­ru­kha­zad ou Fu­rugh Far­ru­kh­zad. Haut
  2. « La Nuit lu­mi­neuse », p. 189-190. Haut
  1. En per­san « گناه ». Haut

Farrokhzad, « La Nuit lumineuse : écrits »

éd. Lettres persanes, Arcueil

éd. Lettres per­sanes, Ar­cueil

Il s’agit des lettres et en­tre­tiens de Mme Fo­rough Far­ro­kh­zad1, « l’enfante ter­rible » de la poé­sie per­sane, une des écri­vaines les plus dis­cu­tées de l’Iran, morte dans un ac­ci­dent tra­gique à trente-deux ans (XXe siècle). Elle consa­cra tout son être à la poé­sie — l’on peut même dire qu’elle se sa­cri­fia pour elle et pour l’idée qu’elle s’en fai­sait — en ex­pri­mant sans au­cune re­te­nue ses émois fé­mi­nins dans une so­ciété ira­nienne qui re­fu­sait aux femmes de culti­ver leurs ta­lents et leurs goûts. Elle es­ti­mait qu’un poème ne mé­ri­tait ce nom que lorsqu’on y je­tait la flamme de son cœur et les vi­bra­tions de son âme. La mo­der­nité de Fo­rough laissa ra­re­ment les lec­teurs im­par­tiaux : elle sus­cita une forte at­ti­rance ou une vive aver­sion ; une hos­ti­lité exa­gé­rée ou un éloge exalté. Alors que les uns la consi­dé­raient comme une femme dé­pra­vée, dan­ge­reuse dans ses pa­roles et dans la pra­tique de son art ; les autres, au contraire, la voyaient en hé­roïne cultu­relle, en re­belle qui, ayant fait l’expérience de la ruine des conven­tions, était à la re­cherche de pro­grès éman­ci­pa­teur. « Je vou­lais être “une femme” et “un être hu­main”. Je vou­lais dire que j’avais le droit de res­pi­rer, de crier… Les autres vou­laient étouf­fer mes cris sur mes lèvres et mon souffle dans ma poi­trine », dit-elle2. Elle sa­vait qu’en pre­nant une at­ti­tude de défi, elle se fe­rait beau­coup d’ennemis, qu’elle s’attirerait des en­nuis et des rup­tures ; mais elle croyait qu’il fal­lait en­fin bri­ser les bar­rières et te­nir droit face aux agi­ta­tions des faux dé­vots. C’est ce qu’elle fit pour la pre­mière fois dans un poème in­ti­tulé « Le Pé­ché » (« Go­nâh »3) :

« J’ai pé­ché, pé­ché dans le plai­sir,
Dans des bras chauds et en­flam­més.
J’ai pé­ché, pé­ché dans des bras de fer,
Dans des bras brû­lants et ran­cu­niers.
Dans ce lieu calme, sombre et muet,
J’ai re­gardé ses yeux pleins de mys­tère,
Et des sup­pli­ca­tions de ses yeux
Mon cœur, im­pa­tiem­ment, a trem­blé…
 »

  1. En per­san فروغ فرخزاد. Par­fois trans­crit Fo­ruq Far­roxzâd, Fo­rugh Far­ro­kh­zod, Fo­rugh Far­ro­khzād , Fu­rugh Far­ru­kha­zad ou Fu­rugh Far­ru­kh­zad. Haut
  2. « La Nuit lu­mi­neuse », p. 189-190. Haut
  1. En per­san « گناه ». Haut

Lindgren, « Karlsson sur le toit. Tome III. Le Meilleur Karlsson du monde »

éd. Le Livre de poche jeunesse, Paris

éd. Le Livre de poche jeu­nesse, Pa­ris

Il s’agit du « Meilleur Karls­son du monde » (« Karls­son på ta­ket smy­ger igen ») de Mme As­trid Lind­gren, la grande dame de la lit­té­ra­ture pour en­fants, la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’imagination sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur sué­dois n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine1, am­bas­sa­deur d’U.R.S.S. à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux livres : son « Karls­son sur le toit » et la Bible ; ce à quoi elle ré­pli­qua : « Comme c’est étrange ! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire ! »2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de fic­tion, au mo­ment où l’Allemagne fai­sait main basse sur l’Europe, sem­blable à « un monstre ma­lé­fique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une nou­velle vic­time »3. Le sang cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre hu­ma­nité, Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient « joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été »4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du monde dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les femmes de de­main de­viennent des es­prits sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le suc­cès de Mme Lind­gren tient à cette foi. L’amour qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le res­pect des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la li­berté seule est pos­sible. « Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant », dit-elle5. De même que toute per­fec­tion, dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable ; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la lit­té­ra­ture pour la jeu­nesse. Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : « : Li­berté ! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse »6.

  1. En russe Борис Дмитриевич Панкин. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut
  1. id. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut

Lindgren, « Karlsson sur le toit. Tome II. Le Retour de Karlsson sur le toit »

éd. Le Livre de poche jeunesse, Paris

éd. Le Livre de poche jeu­nesse, Pa­ris

Il s’agit du « Re­tour de Karls­son sur le toit » (« Karls­son på ta­ket fly­ger igen ») de Mme As­trid Lind­gren, la grande dame de la lit­té­ra­ture pour en­fants, la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’imagination sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur sué­dois n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine1, am­bas­sa­deur d’U.R.S.S. à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux livres : son « Karls­son sur le toit » et la Bible ; ce à quoi elle ré­pli­qua : « Comme c’est étrange ! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire ! »2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de fic­tion, au mo­ment où l’Allemagne fai­sait main basse sur l’Europe, sem­blable à « un monstre ma­lé­fique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une nou­velle vic­time »3. Le sang cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre hu­ma­nité, Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient « joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été »4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du monde dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les femmes de de­main de­viennent des es­prits sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le suc­cès de Mme Lind­gren tient à cette foi. L’amour qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le res­pect des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la li­berté seule est pos­sible. « Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant », dit-elle5. De même que toute per­fec­tion, dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable ; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la lit­té­ra­ture pour la jeu­nesse. Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : « : Li­berté ! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse »6.

  1. En russe Борис Дмитриевич Панкин. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut
  1. id. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut

Lindgren, « Karlsson sur le toit. Tome I. [Petit-Frère et Karlsson sur le toit] »

éd. Le Livre de poche jeunesse, Paris

éd. Le Livre de poche jeu­nesse, Pa­ris

Il s’agit de « Pe­tit-Frère et Karls­son sur le toit » (« Lil­le­bror och Karls­son på ta­ket ») de Mme As­trid Lind­gren, la grande dame de la lit­té­ra­ture pour en­fants, la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’imagination sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur sué­dois n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine1, am­bas­sa­deur d’U.R.S.S. à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux livres : son « Karls­son sur le toit » et la Bible ; ce à quoi elle ré­pli­qua : « Comme c’est étrange ! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire ! »2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de fic­tion, au mo­ment où l’Allemagne fai­sait main basse sur l’Europe, sem­blable à « un monstre ma­lé­fique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une nou­velle vic­time »3. Le sang cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre hu­ma­nité, Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient « joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été »4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du monde dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les femmes de de­main de­viennent des es­prits sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le suc­cès de Mme Lind­gren tient à cette foi. L’amour qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le res­pect des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la li­berté seule est pos­sible. « Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant », dit-elle5. De même que toute per­fec­tion, dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable ; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la lit­té­ra­ture pour la jeu­nesse. Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : « : Li­berté ! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse »6.

  1. En russe Борис Дмитриевич Панкин. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut
  1. id. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut

Sayyâb, « Le Golfe et le Fleuve : poèmes »

éd. Sindbad-Actes Sud, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-La Petite Bibliothèque de Sindbad, Arles

éd. Sind­bad-Actes Sud, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-La Pe­tite Bi­blio­thèque de Sind­bad, Arles

Il s’agit de M. Badr Cha­ker es-Sayyâb1, poète ira­kien, qui a af­fran­chi la poé­sie arabe de deux mille ans de mé­trique pour la sou­mettre aux contraintes de la vie nou­velle (XXe siècle). À l’âge de six ans, il perd sa mère ; et son père s’étant re­ma­rié, il est re­cueilli par son grand-père. Ce sera pour le poète un pre­mier choc dont il ne se re­met­tra ja­mais, et le dé­but d’une dé­marche nos­tal­gique qui l’accompagnera tout au long de sa vie, abré­gée su­bi­te­ment par la ma­la­die. Cette dé­marche, c’est la re­cherche de sa mère, et au-delà, celle de son pe­tit vil­lage na­tal de Djay­koûr2 qu’il as­si­mile à l’authenticité, à la terre « [de] l’enfance, [de] l’adolescence qui une fois fut »3. Cette terre pa­rée de rires, de chants et de par­fums re­pré­sente pour M. Sayyâb une sorte d’Éden dont il n’a été éloi­gné que par « le choc mé­tal­lique de l’argent » et « la ru­meur des ma­chines »4. Comme Sind­bad le Ma­rin ou Ulysse sur son ba­teau, hanté par le dé­sir du re­tour, M. Sayyâb s’imagine la nuit em­bar­quer sur le crois­sant de lune et « pé­ré­gri­ner avec des nuages pour voiles et l’impossible pour tout port »5. Comme Achille qui ai­me­rait mille fois mieux être, sur terre, aux gages d’un pauvre homme, que de ré­gner sur les ombres, M. Sayyâb pré­fère être « un en­fant af­famé, en larmes dans la nuit d’Irak, [plu­tôt que] ce mort qui n’eut ja­mais de la vie qu’un spec­tacle »6. On voit que c’est en mé­lan­geant mythe an­tique et temps mo­dernes que M. Sayyâb pro­duit l’alliage de sa poé­sie : « L’expression di­recte de ce qui n’est pas poé­sie », dit-il7, « ne peut de­ve­nir poé­tique. Où est alors la so­lu­tion ? En ré­ponse, le poète ira vers le mythe, [les] lé­gendes qui ont gardé leur in­ten­sité et leur fraî­cheur ; il s’en ser­vira comme ma­té­riaux pour bâ­tir les mondes qui dé­fie­ront la lo­gique de l’or et de l’acier ». En­fin, no­tons le contraste que M. Sayyâb se plaît à faire entre la ville et le vil­lage : Pa­ris, le pa­ran­gon des villes, la cité des ci­tés, est un lieu du vice, où « des hommes pris de vin sortent leurs cou­teaux », où « l’air se crispe sous l’éclat de rire des pu­tains » ; tan­dis que Djay­koûr est une source de l’innocence « avec un ho­ri­zon de fleurs dans un vase, astres bleus et rouges d’un rêve d’enfant »

  1. En arabe بدر شاكر السياب. Au­tre­fois trans­crit Badr Šā­kir al-Sayyāb, Badr Sha­ker al-Sayyab, Badr Cha­kir al-Sayyab ou Badr Sha­kir as-Sayyab. Haut
  2. En arabe جيكور. Par­fois trans­crit Ǧaykūr, Jay­kour ou Jay­kur. Haut
  3. Poème « La Mai­son de mon grand-père ». Haut
  4. Poème « L’Élégie de Djay­koûr ». Haut
  1. Poème « La Mai­son de mon grand-père ». Haut
  2. Poème « Iq­bâl et la Nuit ». Haut
  3. Dans « Les Ca­hiers de l’Oronte », p. 90. Haut

Sayyâb, « Les Poèmes de Djaykoûr »

éd. Fata Morgana, Saint-Clément-de-Rivière

éd. Fata Mor­gana, Saint-Clé­ment-de-Ri­vière

Il s’agit de M. Badr Cha­ker es-Sayyâb1, poète ira­kien, qui a af­fran­chi la poé­sie arabe de deux mille ans de mé­trique pour la sou­mettre aux contraintes de la vie nou­velle (XXe siècle). À l’âge de six ans, il perd sa mère ; et son père s’étant re­ma­rié, il est re­cueilli par son grand-père. Ce sera pour le poète un pre­mier choc dont il ne se re­met­tra ja­mais, et le dé­but d’une dé­marche nos­tal­gique qui l’accompagnera tout au long de sa vie, abré­gée su­bi­te­ment par la ma­la­die. Cette dé­marche, c’est la re­cherche de sa mère, et au-delà, celle de son pe­tit vil­lage na­tal de Djay­koûr2 qu’il as­si­mile à l’authenticité, à la terre « [de] l’enfance, [de] l’adolescence qui une fois fut »3. Cette terre pa­rée de rires, de chants et de par­fums re­pré­sente pour M. Sayyâb une sorte d’Éden dont il n’a été éloi­gné que par « le choc mé­tal­lique de l’argent » et « la ru­meur des ma­chines »4. Comme Sind­bad le Ma­rin ou Ulysse sur son ba­teau, hanté par le dé­sir du re­tour, M. Sayyâb s’imagine la nuit em­bar­quer sur le crois­sant de lune et « pé­ré­gri­ner avec des nuages pour voiles et l’impossible pour tout port »5. Comme Achille qui ai­me­rait mille fois mieux être, sur terre, aux gages d’un pauvre homme, que de ré­gner sur les ombres, M. Sayyâb pré­fère être « un en­fant af­famé, en larmes dans la nuit d’Irak, [plu­tôt que] ce mort qui n’eut ja­mais de la vie qu’un spec­tacle »6. On voit que c’est en mé­lan­geant mythe an­tique et temps mo­dernes que M. Sayyâb pro­duit l’alliage de sa poé­sie : « L’expression di­recte de ce qui n’est pas poé­sie », dit-il7, « ne peut de­ve­nir poé­tique. Où est alors la so­lu­tion ? En ré­ponse, le poète ira vers le mythe, [les] lé­gendes qui ont gardé leur in­ten­sité et leur fraî­cheur ; il s’en ser­vira comme ma­té­riaux pour bâ­tir les mondes qui dé­fie­ront la lo­gique de l’or et de l’acier ». En­fin, no­tons le contraste que M. Sayyâb se plaît à faire entre la ville et le vil­lage : Pa­ris, le pa­ran­gon des villes, la cité des ci­tés, est un lieu du vice, où « des hommes pris de vin sortent leurs cou­teaux », où « l’air se crispe sous l’éclat de rire des pu­tains » ; tan­dis que Djay­koûr est une source de l’innocence « avec un ho­ri­zon de fleurs dans un vase, astres bleus et rouges d’un rêve d’enfant »

  1. En arabe بدر شاكر السياب. Au­tre­fois trans­crit Badr Šā­kir al-Sayyāb, Badr Sha­ker al-Sayyab, Badr Cha­kir al-Sayyab ou Badr Sha­kir as-Sayyab. Haut
  2. En arabe جيكور. Par­fois trans­crit Ǧaykūr, Jay­kour ou Jay­kur. Haut
  3. Poème « La Mai­son de mon grand-père ». Haut
  4. Poème « L’Élégie de Djay­koûr ». Haut
  1. Poème « La Mai­son de mon grand-père ». Haut
  2. Poème « Iq­bâl et la Nuit ». Haut
  3. Dans « Les Ca­hiers de l’Oronte », p. 90. Haut

Rimbaud, « Œuvres : des Ardennes au désert »

éd. Pocket, coll. Pocket classiques, Paris

éd. Po­cket, coll. Po­cket clas­siques, Pa­ris

Il s’agit d’Arthur Rim­baud, poète fran­çais (XIXe siècle). Les bê­tises se sont ac­cu­mu­lées sur le compte de Rim­baud, mais peut-être qu’il est cou­pable de les avoir per­mises, et de ne pas avoir rendu im­pos­sibles cer­taines in­ter­pré­ta­tions ex­tra­va­gantes, en se plai­sant, dans la se­conde par­tie de son œuvre, à faire des phrases sans suite, des phrases d’un es­prit fou, dé­tra­qué, dé­ré­glé, des phrases dont il se ré­ser­vait la tra­duc­tion, et dont il di­sait : « Ça dit ce que ça dit, lit­té­ra­le­ment et dans tous les sens »1 ; « Je no­tais l’inexprimable, je fixais des ver­tiges »2 ; « J’ai seul la clef de cette pa­rade sau­vage »3 ; etc. Mais nous n’avons pas en­vie de nous dé­cou­ra­ger d’avance. Nous avons en­vie, au contraire, de sa­voir, très dé­ci­dé­ment, à quoi nous en te­nir sur cette se­conde par­tie si contro­ver­sée. La bonne mé­thode est d’aller pas à pas, com­men­çant par le viol de Rim­baud. Et d’abord, qu’est-ce qui per­met de par­ler de viol ? Un de ses poèmes le per­met, qui porte le titre du « Cœur v[i]olé », et qui re­pro­duit, avec des mots qui ne s’inventent pas, les scènes abo­mi­nables aux­quelles Rim­baud a été obligé de se sou­mettre sous la vio­lence des ignobles in­di­vi­dus au mi­lieu des­quels il s’est trouvé en pleine Com­mune de Pa­ris (mai 1871), lui si jeune :

« Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur cou­vert de ca­po­ral :
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe :
Sous les quo­li­bets de la troupe
Qui pousse un rire gé­né­ral,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur cou­vert de ca­po­ral !
Ithy­phal­liques et piou­piesques,
Leurs quo­li­bets l’ont dé­pravé !
 », etc.

  1. À sa mère, à pro­pos d’« Une Sai­son en en­fer ». Haut
  2. « Al­chi­mie du Verbe ». Haut
  1. « Pa­rade ». Haut

Akiko, « Cheveux emmêlés »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon-Sé­rie Fic­tion, Pa­ris

Il s’agit de Yo­sano Akiko1, poé­tesse ja­po­naise (XIXe-XXe siècle) dont les poèmes d’amour rap­pellent cette verve sen­suelle et au­da­cieuse qui avait ca­rac­té­risé Izumi-shi­kibu. Dans sa « Bio­gra­phie de la poé­tesse Izumi-shi­kibu », Akiko écri­vit, au su­jet de celle qu’elle consi­dé­rait comme son mo­dèle, des pages très re­mar­quables, non seule­ment parce qu’elles comp­taient parmi les plus belles qui eussent été ja­mais écrites sur le su­jet, mais aussi parce qu’en ces pages, sans peut-être y son­ger, Akiko se dé­cri­vait elle-même : « Poé­tesse de l’amour ve­nue du ciel », dit-elle dans cette bio­gra­phie2, « toute sa vie fut consa­crée à l’amour et à la poé­sie. Écri­vait-elle par amour ou ai­mait-elle pour la poé­sie ? Dans son es­prit, ces deux choses n’en étaient qu’une ». « Che­veux em­mê­lés » (« Mi­da­re­gami »3), tel sera le titre du pre­mier re­cueil d’Akiko par al­lu­sion au cé­lèbre poème d’Izumi-shikibu. Dans ce re­cueil qu’on peut qua­li­fier de ré­vo­lu­tion­naire, elle se montre en jeune fille fré­mis­sante de pas­sions fu­gi­tives, d’abandons char­nels, de ca­prices d’un jour, et se confiant à voix haute. « Être femme ; en être fière ; à mots vrais, forts, crier au monde son droit à l’amour, à la joie ; chan­ter “sa chair et sa vie”… c’est les “che­veux em­mê­lés” que, tête haute, Yo­sano Akiko s’[avancera] dans la vie et dans la poé­sie »4. Ce sont cette spon­ta­néité et cette har­diesse qui lui vau­dront le suc­cès au­près d’un pu­blic à la fois sur­pris et ad­mi­ra­tif.

  1. En ja­po­nais 与謝野晶子. Au­tre­fois trans­crit Yo­çano Akiko. Haut
  2. Dans Claire Do­dane, « Yo­sano Akiko : poète de la pas­sion », p. 71. Haut
  1. En ja­po­nais « みだれ髪 ». Par­fois tra­duit « Les Che­veux mê­lés » ou « Che­veux en désordre ». Haut
  2. Georges Bon­neau, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise contem­po­raine ». Haut

Lindgren, « Les Frères Cœur-de-lion »

éd. Le Livre de poche jeunesse, Paris

éd. Le Livre de poche jeu­nesse, Pa­ris

Il s’agit des « Frères Cœur-de-lion » (« Brö­derna Le­jonh­järta ») de Mme As­trid Lind­gren, la grande dame de la lit­té­ra­ture pour en­fants, la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’imagination sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur sué­dois n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine1, am­bas­sa­deur d’U.R.S.S. à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux livres : son « Karls­son sur le toit » et la Bible ; ce à quoi elle ré­pli­qua : « Comme c’est étrange ! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire ! »2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de fic­tion, au mo­ment où l’Allemagne fai­sait main basse sur l’Europe, sem­blable à « un monstre ma­lé­fique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une nou­velle vic­time »3. Le sang cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre hu­ma­nité, Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient « joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été »4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du monde dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les femmes de de­main de­viennent des es­prits sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le suc­cès de Mme Lind­gren tient à cette foi. L’amour qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le res­pect des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la li­berté seule est pos­sible. « Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant », dit-elle5. De même que toute per­fec­tion, dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable ; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la lit­té­ra­ture pour la jeu­nesse. Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : « : Li­berté ! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse »6.

  1. En russe Борис Дмитриевич Панкин. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut
  1. id. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut

Lindgren, « Mio, mon Mio »

éd. Le Livre de poche jeunesse, Paris

éd. Le Livre de poche jeu­nesse, Pa­ris

Il s’agit de « Mio, mon Mio » (« Mio, min Mio ») de Mme As­trid Lind­gren, la grande dame de la lit­té­ra­ture pour en­fants, la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’imagination sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur sué­dois n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine1, am­bas­sa­deur d’U.R.S.S. à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux livres : son « Karls­son sur le toit » et la Bible ; ce à quoi elle ré­pli­qua : « Comme c’est étrange ! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire ! »2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de fic­tion, au mo­ment où l’Allemagne fai­sait main basse sur l’Europe, sem­blable à « un monstre ma­lé­fique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une nou­velle vic­time »3. Le sang cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre hu­ma­nité, Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient « joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été »4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du monde dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les femmes de de­main de­viennent des es­prits sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le suc­cès de Mme Lind­gren tient à cette foi. L’amour qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le res­pect des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la li­berté seule est pos­sible. « Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant », dit-elle5. De même que toute per­fec­tion, dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable ; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la lit­té­ra­ture pour la jeu­nesse. Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : « : Li­berté ! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse »6.

  1. En russe Борис Дмитриевич Панкин. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut
  1. id. Haut
  2. Dans « Dos­sier : As­trid Lind­gren ». Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, « As­trid Lind­gren ». Haut