Il s’agit des « Natchez » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
mœurs et coutumes
Chateaubriand, « Les Natchez. Tome I »
Il s’agit des « Natchez » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Chateaubriand, « Atala • René • Les Aventures du dernier Abencérage »
Il s’agit d’« Atala » et autres œuvres de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Hugo, « Les Misérables. Tome V »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome IV »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome III »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome II »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Misérables. Tome I »
Il s’agit des « Misérables » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Nouveau don Quichotte, cet homme est allé porter ses pas sur tous les chemins de l’esprit, monter sur toutes les barricades qu’il rencontrait, soutien des faibles et pourfendeur des tyrans, sonneur de clairons et amant de la violette ; si bien qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Tantôt égal à la mer, comparé à la montagne, rapproché du soleil, assimilé à l’ouragan, tantôt philosophe, redresseur des abus du siècle, professeur d’histoire et guide politique, tantôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à genoux devant le vieillard pour le vénérer et devant l’enfant pour le consoler, il fut je ne sais quel succédané de la nature. Avec sa mort, c’est un monde cyclopéen d’idées et d’impressions qui est parti, un continent de granit qui s’est détaché et a roulé avec fracas au fond des abîmes. « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Drumont 1. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
« Le Veda : premier livre sacré de l’Inde. Tome I »
éd. Gérard et Cie, coll. Marabout université-Trésors spirituels de l’humanité, Verviers
Il s’agit du « Ṛgveda » 1, de l’« Atharvaveda » 2 et autres hymnes hindous portant le nom de Védas (« sciences sacrées ») — nom dérivé de la même racine « vid » qui se trouve dans nos mots « idée », « idole ». Il est certain que ces hymnes sont le plus ancien monument de la littérature de l’Inde (IIe millénaire av. J.-C.). On peut s’en convaincre déjà par leur langue désuète qui arrête à chaque pas interprètes et traducteurs ; mais ce qui le prouve encore mieux, c’est qu’on n’y trouve aucune trace du culte aujourd’hui omniprésent de Râma et de Kṛṣṇa. Je ne voudrais pas, pour autant, qu’on se fasse une opinion trop exagérée de leur mérite. On a affaire à des bribes de magie décousues, à des formules de rituel déconcertantes, sortes de balbutiements du verbe, dont l’originalité finit par agacer. « Les savants, depuis [Abel] Bergaigne surtout, ont cessé d’admirer dans les Védas les premiers hymnes de l’humanité ou de la “race aryenne” en présence [de] la nature… À parler franc, les trois quarts et demi du “Ṛgveda” sont du galimatias. Les indianistes le savent et en conviennent volontiers entre eux », dit Salomon Reinach 3. La rhétorique védique est, en effet, une rhétorique bizarre, qui effarouche les meilleurs savants par la disparité des images et le chevauchement des sens. Elle se compose de métaphores sacerdotales, compliquées et obscures à dessein, parce que les prêtres védiques, qui vivaient de l’autel, entendaient s’en réserver le monopole. Souvent, ces métaphores font, comme nous dirions, d’une pierre deux coups. Deux idées, associées quelque part à une troisième, sont ensuite associées l’une à l’autre, alors qu’elles hurlent de dégoût de se voir ensemble. Voici un exemple dont l’étrangeté a, du moins, une saveur mythologique : Le « soma » (« liqueur céleste ») sort de la nuée. La nuée est une vache. Le « soma » est donc un lait, ou plutôt, c’est un beurre qui a des « pieds », qui a des « sabots », et qu’Indra trouve dans la vache. Le « soma » est donc un veau qui sort d’un « pis », et ce qui est plus fort, du pis d’un mâle, par suite de la substitution du mot « nuée » avec le mot « nuage ». De là, cet hymne :
« Voilà le nom secret du beurre :
“Langue des dieux”, “nombril de l’immortel”.
Proclamons le nom du beurre,
Soutenons-le de nos hommages en ce sacrifice !…
Le buffle aux quatre cornes l’a excrété.
Il a quatre cornes, trois pieds…
Elles jaillissent de l’océan spirituel,
Ces coulées de beurre cent fois encloses,
Invisibles à l’ennemi. Je les considère :
La verge d’or est en leur milieu », etc.
- En sanscrit « ऋग्वेद ». Parfois transcrit « Rk Veda », « Rak-véda », « Ragveda », « Rěgveda », « Rik-veda », « Rick Veda » ou « Rig-ved ».
- En sanscrit « अथर्ववेद ».
- « Orpheus : histoire générale des religions », p. 77-78. On peut joindre à cette opinion celle de Voltaire : « Les Védas sont le plus ennuyeux fatras que j’aie jamais lu. Figurez-vous la “Légende dorée”, les “Conformités de saint François d’Assise”, les “Exercices spirituels” de saint Ignace et les “Sermons” de Menot joints ensemble, vous n’aurez encore qu’une idée très imparfaite des impertinences des Védas » (« Lettres chinoises, indiennes et tartares », lettre IX).
Malot, « La Petite Sœur »
Il s’agit de « La Petite Sœur » d’Hector Malot, romancier français (XIXe siècle), dont la grande malchance fut d’avoir surgi entre Balzac et Zola, deux génies qui firent de l’ombre au sien. « Mais par la puissance de son observation, par sa compréhension de la vie, ses lumineuses et fécondes idées d’équité, de vérité et d’humanité, par l’habile enchaînement de ses récits… il est leur égal à tous deux », dit une journaliste 1, « et la postérité — si elle est juste et si elle en a le loisir — le mettra à sa véritable place, sur le même sommet qu’occupent l’historien de la “Comédie humaine” et celui des “Rougon-Macquart”. Et puis, quel ferme et superbe caractère que Malot ! Quel désintéressement ! » Malot naquit en 1830 près de Rouen. Son père, qui était notaire, le destinait à la même carrière. C’est miracle que les manuels de jurisprudence qu’il faisait avaler à son fils ne l’aient pas à jamais dégoûté de la lecture. Heureusement, dans un grenier de la maison, jetés en tas, se trouvaient de vieux classiques, qu’avait relégués là leur couverture usée : le « Roland furieux » de l’Arioste ; le « Gil Blas » de Lesage ; un Molière complet ; un tome de Racine. Et ceux-là, un jour que Malot en avait ouvert un au hasard, l’empêchèrent de croire que tous les livres étaient des manuels de jurisprudence. « Combien d’heures », dit-il 2, « ils m’ont fait passer sous l’ardoise surchauffée ou glacée, charmé, ravi, l’esprit éveillé, l’imagination allumée par une étincelle qui ne s’est pas éteinte ! Sans eux, aurais-je jamais fait des romans ? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est qu’ils m’ont donné l’idée d’en écrire pour ceux qui pouvaient souffrir, comme je l’avais souffert moi-même, le supplice des livres ennuyeux. »
- « Le Roman de mes romans », p. 24-25.
Malot, « Un Curé de province »
Il s’agit d’« Un Curé de province » d’Hector Malot, romancier français (XIXe siècle), dont la grande malchance fut d’avoir surgi entre Balzac et Zola, deux génies qui firent de l’ombre au sien. « Mais par la puissance de son observation, par sa compréhension de la vie, ses lumineuses et fécondes idées d’équité, de vérité et d’humanité, par l’habile enchaînement de ses récits… il est leur égal à tous deux », dit une journaliste 1, « et la postérité — si elle est juste et si elle en a le loisir — le mettra à sa véritable place, sur le même sommet qu’occupent l’historien de la “Comédie humaine” et celui des “Rougon-Macquart”. Et puis, quel ferme et superbe caractère que Malot ! Quel désintéressement ! » Malot naquit en 1830 près de Rouen. Son père, qui était notaire, le destinait à la même carrière. C’est miracle que les manuels de jurisprudence qu’il faisait avaler à son fils ne l’aient pas à jamais dégoûté de la lecture. Heureusement, dans un grenier de la maison, jetés en tas, se trouvaient de vieux classiques, qu’avait relégués là leur couverture usée : le « Roland furieux » de l’Arioste ; le « Gil Blas » de Lesage ; un Molière complet ; un tome de Racine. Et ceux-là, un jour que Malot en avait ouvert un au hasard, l’empêchèrent de croire que tous les livres étaient des manuels de jurisprudence. « Combien d’heures », dit-il 2, « ils m’ont fait passer sous l’ardoise surchauffée ou glacée, charmé, ravi, l’esprit éveillé, l’imagination allumée par une étincelle qui ne s’est pas éteinte ! Sans eux, aurais-je jamais fait des romans ? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est qu’ils m’ont donné l’idée d’en écrire pour ceux qui pouvaient souffrir, comme je l’avais souffert moi-même, le supplice des livres ennuyeux. »
- « Le Roman de mes romans », p. 24-25.
Tseng-tseu, « “Hiao King”, Le Livre de la piété filiale ou de l’amour filial »
dans « Revue de Corée », vol. 5, nº 2, p. 39-70
Il s’agit du « Livre de la piété filiale » 1 (« Hiao King » 2), qui constitue avec « La Grande Étude », « la porte par où l’on accède au rayonnement » 3 de la morale et de l’éthique politique. L’un des disciples de Confucius, possiblement Tseng-tseu 4, a composé ces deux ouvrages, où il traite de la persévérance dans le souverain bien, qui n’est autre chose que la conformité de nos actes avec les lois du ciel. Partant de notre amélioration personnelle et du bon ordre à établir dans notre famille, il en arrive progressivement aux moyens de pacifier et bien gouverner l’Empire. Car, autrefois, les anciens princes qui désiraient développer et faire briller les lois du ciel, s’attachaient auparavant à bien gouverner leur royaume ; ceux qui désiraient bien gouverner leur royaume, s’attachaient auparavant à mettre le bon ordre dans leur famille ; ceux qui désiraient mettre le bon ordre dans leur famille, s’attachaient auparavant à se corriger eux-mêmes ; ceux qui désiraient se corriger eux-mêmes, s’attachaient auparavant à donner de la droiture à leur âme ; ceux enfin qui désiraient donner de la droiture à leur âme, s’attachaient auparavant à perfectionner leurs connaissances morales. Telle est la fin que se proposent « Le Livre de la piété filiale » et « La Grande Étude ». Soit préjugé ou raison, soit obstination ou justice, la Chine, pendant des millénaires, n’a jamais cessé de lire et d’admirer ces deux ouvrages : les révolutions du goût, les changements de régime, les dominations étrangères même n’ont pas entamé leur universalité originelle ni la solidité de leurs principes. « C’est dans la belle morale qu’ils enseignent, dans les vertus qu’ils commandent, et dans les sages règles de politique qu’ils tracent et qu’ils ont eu la gloire de persuader, que les philosophes d’au-delà des mers auraient dû chercher la solution [au] grand [mystère] de la durée de l’Empire chinois », dit le père Pierre-Martial Cibot.
Tseng-tseu, « La Grande Étude »
éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Confucianisme, Paris
Il s’agit de « La Grande Étude » 1 (« Ta-hio » 2), qui constitue avec « Le Livre de la piété filiale », « la porte par où l’on accède au rayonnement » 3 de la morale et de l’éthique politique. L’un des disciples de Confucius, possiblement Tseng-tseu 4, a composé ces deux ouvrages, où il traite de la persévérance dans le souverain bien, qui n’est autre chose que la conformité de nos actes avec les lois du ciel. Partant de notre amélioration personnelle et du bon ordre à établir dans notre famille, il en arrive progressivement aux moyens de pacifier et bien gouverner l’Empire. Car, autrefois, les anciens princes qui désiraient développer et faire briller les lois du ciel, s’attachaient auparavant à bien gouverner leur royaume ; ceux qui désiraient bien gouverner leur royaume, s’attachaient auparavant à mettre le bon ordre dans leur famille ; ceux qui désiraient mettre le bon ordre dans leur famille, s’attachaient auparavant à se corriger eux-mêmes ; ceux qui désiraient se corriger eux-mêmes, s’attachaient auparavant à donner de la droiture à leur âme ; ceux enfin qui désiraient donner de la droiture à leur âme, s’attachaient auparavant à perfectionner leurs connaissances morales. Telle est la fin que se proposent « La Grande Étude » et « Le Livre de la piété filiale ». Soit préjugé ou raison, soit obstination ou justice, la Chine, pendant des millénaires, n’a jamais cessé de lire et d’admirer ces deux ouvrages : les révolutions du goût, les changements de régime, les dominations étrangères même n’ont pas entamé leur universalité originelle ni la solidité de leurs principes. « C’est dans la belle morale qu’ils enseignent, dans les vertus qu’ils commandent, et dans les sages règles de politique qu’ils tracent et qu’ils ont eu la gloire de persuader, que les philosophes d’au-delà des mers auraient dû chercher la solution [au] grand [mystère] de la durée de l’Empire chinois », dit le père Pierre-Martial Cibot.