Icône Mot-clefmort

Gogol, « Œuvres complètes »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit des «Âmes mortes» («Miort­vyïé dou­chi» 1) et autres œuvres de Ni­co­las Go­gol 2. L’un des in­for­ma­teurs du vi­comte de Vogüé pour «Le », un vieil de lettres 3, té­moi­gnant du fait que Go­gol était de­venu le mo­dèle de la prose, comme Pou­ch­kine — ce­lui de la , avait dé­claré en  : «Nous sommes tous sor­tis du “Man­teau” de Go­gol» 4. Cette for­mule a bien plu. Elle a été en­suite tra­duite par plu­sieurs jour­naux russes, tant elle est de­ve­nue connue et «la chose de tous». On connaît moins Go­gol lui-même qui, à plu­sieurs égards, était un homme privé et mys­té­rieux. On peut le dire, il y avait en lui quelque chose du dé­mon. Un pou­voir sur­na­tu­rel fai­sait étin­ce­ler ses yeux; il sem­blait par mo­ments que l’irrationnel et l’effrayant le pé­né­traient de part en part et im­pri­maient sur ses œuvres une marque in­ef­fa­çable. Si, par la suite, la s’est si­gna­lée par une cer­taine exal­ta­tion dé­ré­glée, tour­men­tée, une cer­taine contra­dic­tion in­té­rieure, une psy­chose guet­tant constam­ment, ca­chée au tour­nant; si elle a même fa­vo­risé ce type de ca­rac­tères, elle a suivi en tout cela l’exemple de Go­gol. Cet au­teur mi-russe, mi- avait une double et vi­vait dans un dé­dou­blé — le monde réel et le monde des lou­foques, ter­ri­fiants. Et non seule­ment ces deux mondes pa­ral­lèles se ren­con­traient, mais en­core ils se contor­sion­naient et se confon­daient d’une fa­çon ex­tra­va­gante dans son es­prit dé­li­rant, «comme deux pi­liers, qui se re­flètent dans l’, se livrent aux contor­sions les plus folles quand les re­mous de l’onde s’y prêtent» 5. C’est «Le Nez» («Nos» 6), ana­gramme du «Rêve» («Son» 7), où ce si par­ti­cu­lier de Go­gol s’est dé­ployé li­bre­ment pour la toute pre­mière fois. Que l’on pense au dé­but de la  : «À son im­mense stu­pé­fac­tion, il s’aperçut que la place que son nez de­vait oc­cu­per ne pré­sen­tait plus qu’une sur­face lisse! Tout alarmé, Ko­va­liov se fit ap­por­ter de l’eau et se frotta les yeux avec un es­suie-mains : le nez avait bel et bien dis­paru!» Voilà que toutes les fon­da­tions du réel va­cillent, mais le fonc­tion­naire go­go­lien est à peine conscient de ce qui lui ar­rive. Confronté à une ville ab­surde et fan­tas­ma­go­rique, un «Go­gol­grad» in­quié­tant, où le lui-même al­lume les lampes et éclaire les choses pour les mon­trer sous un as­pect illu­soire et trom­peur, ce pe­tit homme grugé, floué avance à tâ­tons dans la brume, en s’accrochant or­gueilleu­se­ment et pué­ri­le­ment à ses fonc­tions bu­reau­cra­tiques. «La ville a beau lui jouer les tours les plus pen­dables, le ber­ner ou le châ­trer mo­men­ta­né­ment, ce per­son­nage ca­mé­léo­nesque et in­si­gni­fiant ne re­nonce ja­mais à s’incruster, à s’enraciner, fût-ce dans l’inexistant. [Il] res­tera cha­touilleux sur son grade et ses pré­ro­ga­tives jusqu’à [sa] dis­so­lu­tion com­plète dans le non-être… In­changé, il ré­ap­pa­raî­tra chez un Kafka», dit très bien M. Georges Ni­vat.

  1. En russe «Мёртвые души». Par­fois trans­crit «Mjortwyje du­schi», «Mertwyja du­schi», «Mjortwye du­schi», «Mertwya du­schi», «Myort­vyye du­shi», «Miort­vyye du­shi», «Mjort­vye dusi», «Mert­vye duši», «Mèrt­vyia doû­chi», «Miort­via dou­chi», «Meurt­via dou­chi» ou «Mert­viia dou­chi». Icône Haut
  2. En russe Николай Гоголь. Par­fois trans­crit Ni­ko­laj Go­gol, Ni­ko­laï Go­gol ou Ni­co­laï Go­gol. Icône Haut
  3. Sans Dmi­tri Gri­go­ro­vitch, comme une re­marque à la page 208 du «» le laisse pen­ser : «M. Gri­go­ro­vitch, qui tient une place ho­no­rée dans les lettres…, m’a confirmé cette anec­dote». Icône Haut
  4. «Le Ro­man russe», p. 96. Icône Haut
  1. Na­bo­kov, «Ni­ko­laï Go­gol». Icône Haut
  2. En russe «Нос». Par­fois trans­crit «Noss». Icône Haut
  3. En russe «Сон». Icône Haut

« Philosophes taoïstes. Tome II. “Huainan zi” »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit du «Huai­nan hon­glie» 1Grande Lu­mière de Huai­nan»), plus connu sous le titre de «Huai­nan zi» 2[Livre du] maître de Huai­nan»), ou­vrage qui, sous des al­lures d’encyclopédie phi­lo­so­phique, cache un vé­ri­table plai­doyer . Le Maître de Huai­nan avait pour nom per­son­nel Liu An 3 (IIe siècle av. J.-C.). C’était un «cu­rieux», dans toutes les ac­cep­tions de ce mot, ai­mant la com­pa­gnie des éru­dits ac­cou­rus des quatre coins de la ; cu­rieux aussi par l’étonnement que sa ins­pire, car il était pe­tit-fils de l’Empereur et d’une fille du au ser­vice du roi de Zhao. On ra­conte qu’en la sep­tième an­née de son règne, l’Empereur était passé par le pays de Zhao et s’était mon­tré échauffé et ir­rité contre le roi. Ce­lui-ci, pour l’apaiser, lui avait of­fert une fille du pa­lais — la grand-mère de notre au­teur. Elle re­çut la fa­veur im­pé­riale et se trouva en­ceinte. Le roi de Zhao, n’osant plus la gar­der au pa­lais, lui fit bâ­tir à l’extérieur un pe­tit lo­gis. Ce­pen­dant, l’Empereur s’en dés­in­té­ressa, et l’Impératrice, de son côté, prit des dis­po­si­tions pour que l’affaire ne fût pas ébrui­tée. Dans le dé­nue­ment le plus com­plet, la fille du pa­lais mit au un fils — le père de notre au­teur — et se donna la en ma­nière de pro­tes­ta­tion. Un of­fi­cier prit res­pec­tueu­se­ment l’enfant et l’apporta à l’Empereur. L’enfant, qui fut pro­clamé prince de Huai­nan, eut maille à par­tir avec ses , nés de l’Impératrice, qui, une fois ar­ri­vés au pou­voir, trou­vèrent un pré­texte pour le faire condam­ner. Il mou­rut de faim sur la route de l’, en lais­sant le titre prin­cier à son fils, Liu An — notre au­teur. Liu An se mon­tra un es­prit pas­sionné pour les po­li­tiques et les belles-lettres. Il conçut l’idée d’une somme phi­lo­so­phique d’ ïste, où se ver­raient concen­trés tous les sa­voirs de son , et qui ren­fer­me­rait, par la même oc­ca­sion, les meilleurs pré­ceptes sur la ma­nière dont un Em­pire de­vrait être conduit et di­rigé. Pour réa­li­ser son pro­jet am­bi­tieux, il at­tira à sa Cour un grand nombre de let­trés — jusqu’à mille! Il leur pré­senta un amas consi­dé­rable d’argent et de vivres et leur dit qu’il voyait bien que l’Empereur ne re­con­nais­sait pas leur ta­lent et leur zèle; «que leurs étaient [pour­tant] bien su­pé­rieures à celles des mi­nistres de la Cour im­pé­riale; et qu’il ne dou­tait pas qu’aidé de leurs conseils, il ne fût en état de ten­ter [son] des­sein» 4. Les uns eurent pour tâche de gla­ner, dans les des An­ciens, tout ce qui sem­blait d’un cer­tain in­té­rêt; les autres par­ti­ci­pèrent à de brillantes dis­cus­sions pré­si­dées par Liu An en per­sonne. Quant à la pa­ter­nité du livre qui en ré­sulta, le «Huai­nan zi», il se­rait in­juste de com­pa­rer le rôle que Liu An a dû jouer à ce­lui de Lü Bu­wei, dont le nom est rat­ta­ché aux «Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü», alors qu’il n’en a été que le mé­cène. Si l’on ad­met, comme le font les , l’ du «Huai­nan zi», il n’y a pas de d’en re­fu­ser le mé­rite es­sen­tiel à Liu An.

  1. En «淮南鴻烈». Au­tre­fois trans­crit «Houai-nan hong-lie». Icône Haut
  2. En chi­nois «淮南子». Au­tre­fois trans­crit «Houai Nan-tseu», «Hoai-nan-tse», «Hoay-nan-tse» ou «Huai-nan-tzu». Icône Haut
  1. En chi­nois 劉安. Par­fois trans­crit Lieou Ngan ou Lieau An. Icône Haut
  2. « gé­né­rale de la Chine, ou An­nales de cet Em­pire, tra­duites du “Tong-kien-kang-mou”. Tome III». Icône Haut

Lindgren, « Fifi Brindacier : l’intégrale »

éd. Hachette jeunesse, Paris

éd. Ha­chette , Pa­ris

Il s’agit de «Fifi Brin­da­cier» («Pippi Lång­strump») de Mme , la grande dame de la lit­té­ra­ture pour , la créa­trice de la ga­mine la plus ef­fron­tée sor­tie de l’ sué­doise : Fifi Brin­da­cier. Au­cun au­teur n’a été tra­duit en au­tant de langues que Mme Lind­gren. On ra­conte que M. Bo­ris Pan­kine 1, am­bas­sa­deur d’ à Stock­holm, confia un jour à l’écrivaine que presque tous les foyers so­vié­tiques comp­taient deux  : son «Karls­son sur le toit» et la ; ce à quoi elle ré­pli­qua : «Comme c’est étrange! J’ignorais to­ta­le­ment que la Bible était si po­pu­laire!» 2 C’est en 1940 ou 1941 que Fifi Brin­da­cier vit le jour comme per­son­nage de , au mo­ment où l’ fai­sait main basse sur l’, sem­blable à «un monstre éfique qui, à in­ter­valles ré­gu­liers, sort de son trou pour se pré­ci­pi­ter sur une vic­time» 3. Le cou­lait, les gens re­ve­naient mu­ti­lés, tout n’était que mal­heur et déses­poir. Et mal­gré les mille rai­sons d’être dé­cou­ra­gée face à l’avenir de notre , Mme Lind­gren ne pou­vait s’empêcher d’éprouver un cer­tain op­ti­misme quand elle voyait les per­sonnes de de­main : les en­fants, les ga­mins. Ils étaient «joyeux, sin­cères et sûrs d’eux, et ce, comme au­cune gé­né­ra­tion pré­cé­dente ne l’a été» 4. Mme Lind­gren com­prit, alors, que l’avenir du dor­mait dans les chambres des en­fants. C’est là que tout se jouait pour que les hommes et les de de­main de­viennent des sains et bien­veillants, qui voient le monde tel qu’il est, qui en connaissent la beauté. Le de Mme Lind­gren tient à cette . L’ qu’elle porte aux faibles et aux op­pri­més lui vaut éga­le­ment le des pe­tits et des grands. Beau­coup de ses ré­cits ont pour cadre des bour­gades res­sem­blant à sa bour­gade na­tale. Mais il ne s’agit là que du cadre. Car l’essence de ses ré­cits ré­side dans l’imagination dé­bor­dante de l’enfant so­li­taire — ce ter­ri­toire in­té­rieur où nul ne peut plus être tra­qué, où la seule est pos­sible. «Je veux écrire pour des lec­teurs qui savent créer des mi­racles. Les en­fants savent créer des mi­racles en li­sant», dit-elle 5. De même que toute , dans n’importe quel genre, dé­passe les li­mites de ce genre et de­vient quelque chose d’incomparable; de même, les ou­vrages de Mme Lind­gren dé­passent les li­mites étroites de la . Ce sont des le­çons de li­berté pour tous les âges et tous les siècles : «: Li­berté! Car sans li­berté, la fleur du poème fa­nera où qu’elle pousse» 6.

  1. En Борис Дмитриевич Панкин. Icône Haut
  2. Dans «Dos­sier : As­trid Lind­gren». Icône Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, «As­trid Lind­gren». Icône Haut
  1. id. Icône Haut
  2. Dans «Dos­sier : As­trid Lind­gren». Icône Haut
  3. Dans Jens An­der­sen, «As­trid Lind­gren». Icône Haut

Hugo, « Les Chants du crépuscule • Les Voix intérieures • Les Rayons et les Ombres »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Rayons et les Ombres» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Hugo, « Les Orientales • Les Feuilles d’automne »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Feuilles d’automne» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Hugo, « Odes et Ballades »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « et Bal­lades» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome II »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires d’outre-tombe» de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires d’outre-tombe» de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

le père Porée, « Le Paresseux : comédie »

dans « Théâtre européen, nouvelle collection. Théâtre latin moderne » (XIXᵉ siècle), p. 1-42

dans « eu­ro­péen, col­lec­tion. mo­derne» (XIXe siècle), p. 1-42

Il s’agit de la «Le Pa­res­seux» («Otio­sus») du père , jé­suite d’expression la­tine, le pro­fes­seur le plus ad­miré de son (XVIIIe siècle). Le pro­fes­so­rat ne fut ja­mais pour le père Po­rée ce qu’il était pour la plu­part de ses col­lègues — un passe-temps pro­vi­soire, des­tiné à oc­cu­per le re­li­gieux pen­dant ses pre­mières an­nées de . On trouve au contraire en sa per­sonne un mo­dèle de ces per­pé­tuels, ces «ma­gis­tri per­pe­tui», qui se vouent pour la à l’ de la , sans cher­cher d’autre em­ploi pour les fa­cul­tés de leur es­prit. Si­tôt sa for­ma­tion re­li­gieuse ter­mi­née, le père Po­rée fut chargé d’une classe; qua­rante-huit ans après, quand la vint le sur­prendre, elle le trouva en­core à son poste au col­lège Louis-le-Grand. Du­rant toutes ces dé­cen­nies, il ne sor­tit presque ja­mais du col­lège, tran­chant ainsi avec les ha­bi­tudes mon­daines des Bou­hours, des Ra­pin, des La Rue, dont il se mon­tra pour­tant le digne suc­ces­seur. Non seule­ment il en­sei­gnait l’ des belles-lettres à ses élèves, mais en­core il vi­vait avec eux, il dé­mê­lait leurs dis­po­si­tions, il par­lait à leur cœur, il sa­vait à l’avance leurs , leurs vices, et quand en­fin il les ren­dait à la qui les lui avait confiés, il pou­vait dire sur quels hommes elle pou­vait comp­ter. Ses élèves de­meu­raient ses amis, et tous se fai­saient un de­voir de le consul­ter dans les grandes oc­ca­sions de la vie et de suivre son avis. Vol­taire fut de leur nombre, et le père Po­rée, qui avait de­viné et en­cou­ragé ses pre­miers , di­sait par­fois, en en­ten­dant par­ler de son ir­ré­li­gion : «C’est ma gloire et ma ». Mais au fond de lui, il ai­mait trop les ta­lents lit­té­raires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contri­bué à ceux d’un tel élève. On cite sou­vent la lettre écrite par Vol­taire après la mort du père Po­rée, et où le dis­ciple fait de son maître cet éloge : «Rien n’effacera dans mon cœur la du père Po­rée, qui est éga­le­ment chère à tous ceux qui ont étu­dié sous lui. Ja­mais ne ren­dit l’étude et la plus ai­mable. Les heures de ses le­çons étaient pour nous des heures dé­li­cieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été éta­bli 1 dans Pa­ris comme dans Athènes que l’on pût as­sis­ter à tout âge à de telles le­çons. Je se­rais re­venu sou­vent les en­tendre… En­fin, pen­dant les sept an­nées que j’ai vécu en [son col­lège], qu’ai-je vu chez [lui]? La vie la plus la­bo­rieuse, la plus fru­gale, la plus ré­glée. Toutes ses heures par­ta­gées entre les soins qu’[il] nous don­nait et les exer­cices de sa pro­fes­sion aus­tère»

  1. «Éta­bli» au sens d’«ad­mis». Icône Haut

le père Porée, « Le Joueur : comédie »

dans « Théâtre européen, nouvelle collection. Théâtre latin moderne » (XIXᵉ siècle), p. 43-76

dans « eu­ro­péen, col­lec­tion. mo­derne» (XIXe siècle), p. 43-76

Il s’agit de la «Le Joueur» («Alea­tor») du père , jé­suite d’expression la­tine, le pro­fes­seur le plus ad­miré de son (XVIIIe siècle). Le pro­fes­so­rat ne fut ja­mais pour le père Po­rée ce qu’il était pour la plu­part de ses col­lègues — un passe-temps pro­vi­soire, des­tiné à oc­cu­per le re­li­gieux pen­dant ses pre­mières an­nées de . On trouve au contraire en sa per­sonne un mo­dèle de ces per­pé­tuels, ces «ma­gis­tri per­pe­tui», qui se vouent pour la à l’ de la , sans cher­cher d’autre em­ploi pour les fa­cul­tés de leur es­prit. Si­tôt sa for­ma­tion re­li­gieuse ter­mi­née, le père Po­rée fut chargé d’une classe; qua­rante-huit ans après, quand la vint le sur­prendre, elle le trouva en­core à son poste au col­lège Louis-le-Grand. Du­rant toutes ces dé­cen­nies, il ne sor­tit presque ja­mais du col­lège, tran­chant ainsi avec les ha­bi­tudes mon­daines des Bou­hours, des Ra­pin, des La Rue, dont il se mon­tra pour­tant le digne suc­ces­seur. Non seule­ment il en­sei­gnait l’ des belles-lettres à ses élèves, mais en­core il vi­vait avec eux, il dé­mê­lait leurs dis­po­si­tions, il par­lait à leur cœur, il sa­vait à l’avance leurs , leurs vices, et quand en­fin il les ren­dait à la qui les lui avait confiés, il pou­vait dire sur quels hommes elle pou­vait comp­ter. Ses élèves de­meu­raient ses amis, et tous se fai­saient un de­voir de le consul­ter dans les grandes oc­ca­sions de la vie et de suivre son avis. Vol­taire fut de leur nombre, et le père Po­rée, qui avait de­viné et en­cou­ragé ses pre­miers , di­sait par­fois, en en­ten­dant par­ler de son ir­ré­li­gion : «C’est ma gloire et ma ». Mais au fond de lui, il ai­mait trop les ta­lents lit­té­raires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contri­bué à ceux d’un tel élève. On cite sou­vent la lettre écrite par Vol­taire après la mort du père Po­rée, et où le dis­ciple fait de son maître cet éloge : «Rien n’effacera dans mon cœur la du père Po­rée, qui est éga­le­ment chère à tous ceux qui ont étu­dié sous lui. Ja­mais ne ren­dit l’étude et la plus ai­mable. Les heures de ses le­çons étaient pour nous des heures dé­li­cieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été éta­bli 1 dans Pa­ris comme dans Athènes que l’on pût as­sis­ter à tout âge à de telles le­çons. Je se­rais re­venu sou­vent les en­tendre… En­fin, pen­dant les sept an­nées que j’ai vécu en [son col­lège], qu’ai-je vu chez [lui]? La vie la plus la­bo­rieuse, la plus fru­gale, la plus ré­glée. Toutes ses heures par­ta­gées entre les soins qu’[il] nous don­nait et les exer­cices de sa pro­fes­sion aus­tère»

  1. «Éta­bli» au sens d’«ad­mis». Icône Haut

« Théâtre jésuite néo-latin et Antiquité : sur le “Brutus” de Charles Porée (1708) »

éd. École française de Rome, coll. de l’École française de Rome, Rome

éd. École fran­çaise de , coll. de l’École fran­çaise de Rome, Rome

Il s’agit de la «Bru­tus» du père , jé­suite d’expression la­tine, le pro­fes­seur le plus ad­miré de son (XVIIIe siècle). Le pro­fes­so­rat ne fut ja­mais pour le père Po­rée ce qu’il était pour la plu­part de ses col­lègues — un passe-temps pro­vi­soire, des­tiné à oc­cu­per le re­li­gieux pen­dant ses pre­mières an­nées de . On trouve au contraire en sa per­sonne un mo­dèle de ces per­pé­tuels, ces «ma­gis­tri per­pe­tui», qui se vouent pour la à l’ de la , sans cher­cher d’autre em­ploi pour les fa­cul­tés de leur es­prit. Si­tôt sa for­ma­tion re­li­gieuse ter­mi­née, le père Po­rée fut chargé d’une classe; qua­rante-huit ans après, quand la vint le sur­prendre, elle le trouva en­core à son poste au col­lège Louis-le-Grand. Du­rant toutes ces dé­cen­nies, il ne sor­tit presque ja­mais du col­lège, tran­chant ainsi avec les ha­bi­tudes mon­daines des Bou­hours, des Ra­pin, des La Rue, dont il se mon­tra pour­tant le digne suc­ces­seur. Non seule­ment il en­sei­gnait l’ des belles-lettres à ses élèves, mais en­core il vi­vait avec eux, il dé­mê­lait leurs dis­po­si­tions, il par­lait à leur cœur, il sa­vait à l’avance leurs , leurs vices, et quand en­fin il les ren­dait à la qui les lui avait confiés, il pou­vait dire sur quels hommes elle pou­vait comp­ter. Ses élèves de­meu­raient ses amis, et tous se fai­saient un de­voir de le consul­ter dans les grandes oc­ca­sions de la vie et de suivre son avis. Vol­taire fut de leur nombre, et le père Po­rée, qui avait de­viné et en­cou­ragé ses pre­miers , di­sait par­fois, en en­ten­dant par­ler de son ir­ré­li­gion : «C’est ma gloire et ma ». Mais au fond de lui, il ai­mait trop les ta­lents lit­té­raires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contri­bué à ceux d’un tel élève. On cite sou­vent la lettre écrite par Vol­taire après la mort du père Po­rée, et où le dis­ciple fait de son maître cet éloge : «Rien n’effacera dans mon cœur la du père Po­rée, qui est éga­le­ment chère à tous ceux qui ont étu­dié sous lui. Ja­mais ne ren­dit l’étude et la plus ai­mable. Les heures de ses le­çons étaient pour nous des heures dé­li­cieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été éta­bli 1 dans Pa­ris comme dans Athènes que l’on pût as­sis­ter à tout âge à de telles le­çons. Je se­rais re­venu sou­vent les en­tendre… En­fin, pen­dant les sept an­nées que j’ai vécu en [son col­lège], qu’ai-je vu chez [lui]? La vie la plus la­bo­rieuse, la plus fru­gale, la plus ré­glée. Toutes ses heures par­ta­gées entre les soins qu’[il] nous don­nait et les exer­cices de sa pro­fes­sion aus­tère»

  1. «Éta­bli» au sens d’«ad­mis». Icône Haut

le père Porée, « “De theatro”, Discours sur les spectacles »

éd. Société de littératures classiques, coll. des Rééditions de textes du XVIIᵉ siècle, Toulouse

éd. de lit­té­ra­tures clas­siques, coll. des Ré­édi­tions de textes du XVIIe siècle, Tou­louse

Il s’agit du «Dis­cours sur les spec­tacles» («De thea­tro») du père , jé­suite d’expression la­tine, le pro­fes­seur le plus ad­miré de son (XVIIIe siècle). Le pro­fes­so­rat ne fut ja­mais pour le père Po­rée ce qu’il était pour la plu­part de ses col­lègues — un passe-temps pro­vi­soire, des­tiné à oc­cu­per le re­li­gieux pen­dant ses pre­mières an­nées de . On trouve au contraire en sa per­sonne un mo­dèle de ces per­pé­tuels, ces «ma­gis­tri per­pe­tui», qui se vouent pour la à l’ de la , sans cher­cher d’autre em­ploi pour les fa­cul­tés de leur es­prit. Si­tôt sa for­ma­tion re­li­gieuse ter­mi­née, le père Po­rée fut chargé d’une classe; qua­rante-huit ans après, quand la vint le sur­prendre, elle le trouva en­core à son poste au col­lège Louis-le-Grand. Du­rant toutes ces dé­cen­nies, il ne sor­tit presque ja­mais du col­lège, tran­chant ainsi avec les ha­bi­tudes mon­daines des Bou­hours, des Ra­pin, des La Rue, dont il se mon­tra pour­tant le digne suc­ces­seur. Non seule­ment il en­sei­gnait l’ des belles-lettres à ses élèves, mais en­core il vi­vait avec eux, il dé­mê­lait leurs dis­po­si­tions, il par­lait à leur cœur, il sa­vait à l’avance leurs , leurs vices, et quand en­fin il les ren­dait à la so­ciété qui les lui avait confiés, il pou­vait dire sur quels hommes elle pou­vait comp­ter. Ses élèves de­meu­raient ses amis, et tous se fai­saient un de­voir de le consul­ter dans les grandes oc­ca­sions de la vie et de suivre son avis. Vol­taire fut de leur nombre, et le père Po­rée, qui avait de­viné et en­cou­ragé ses pre­miers , di­sait par­fois, en en­ten­dant par­ler de son ir­ré­li­gion : «C’est ma gloire et ma ». Mais au fond de lui, il ai­mait trop les ta­lents lit­té­raires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contri­bué à ceux d’un tel élève. On cite sou­vent la lettre écrite par Vol­taire après la mort du père Po­rée, et où le dis­ciple fait de son maître cet éloge : «Rien n’effacera dans mon cœur la du père Po­rée, qui est éga­le­ment chère à tous ceux qui ont étu­dié sous lui. Ja­mais ne ren­dit l’étude et la plus ai­mable. Les heures de ses le­çons étaient pour nous des heures dé­li­cieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été éta­bli 1 dans Pa­ris comme dans Athènes que l’on pût as­sis­ter à tout âge à de telles le­çons. Je se­rais re­venu sou­vent les en­tendre… En­fin, pen­dant les sept an­nées que j’ai vécu en [son col­lège], qu’ai-je vu chez [lui]? La vie la plus la­bo­rieuse, la plus fru­gale, la plus ré­glée. Toutes ses heures par­ta­gées entre les soins qu’[il] nous don­nait et les exer­cices de sa pro­fes­sion aus­tère»

  1. «Éta­bli» au sens d’«ad­mis». Icône Haut

le père Porée, « Discours sur la satire »

éd. H. Champion, coll. L’Âge des lumières, Paris

éd. H. Cham­pion, coll. L’Âge des , Pa­ris

Il s’agit du «Dis­cours sur la » («De sa­tyra») du père , jé­suite d’expression la­tine, le pro­fes­seur le plus ad­miré de son (XVIIIe siècle). Le pro­fes­so­rat ne fut ja­mais pour le père Po­rée ce qu’il était pour la plu­part de ses col­lègues — un passe-temps pro­vi­soire, des­tiné à oc­cu­per le re­li­gieux pen­dant ses pre­mières an­nées de . On trouve au contraire en sa per­sonne un mo­dèle de ces per­pé­tuels, ces «ma­gis­tri per­pe­tui», qui se vouent pour la à l’ de la , sans cher­cher d’autre em­ploi pour les fa­cul­tés de leur es­prit. Si­tôt sa for­ma­tion re­li­gieuse ter­mi­née, le père Po­rée fut chargé d’une classe; qua­rante-huit ans après, quand la vint le sur­prendre, elle le trouva en­core à son poste au col­lège Louis-le-Grand. Du­rant toutes ces dé­cen­nies, il ne sor­tit presque ja­mais du col­lège, tran­chant ainsi avec les ha­bi­tudes mon­daines des Bou­hours, des Ra­pin, des La Rue, dont il se mon­tra pour­tant le digne suc­ces­seur. Non seule­ment il en­sei­gnait l’ des belles-lettres à ses élèves, mais en­core il vi­vait avec eux, il dé­mê­lait leurs dis­po­si­tions, il par­lait à leur cœur, il sa­vait à l’avance leurs , leurs vices, et quand en­fin il les ren­dait à la qui les lui avait confiés, il pou­vait dire sur quels hommes elle pou­vait comp­ter. Ses élèves de­meu­raient ses amis, et tous se fai­saient un de­voir de le consul­ter dans les grandes oc­ca­sions de la vie et de suivre son avis. Vol­taire fut de leur nombre, et le père Po­rée, qui avait de­viné et en­cou­ragé ses pre­miers , di­sait par­fois, en en­ten­dant par­ler de son ir­ré­li­gion : «C’est ma gloire et ma ». Mais au fond de lui, il ai­mait trop les ta­lents lit­té­raires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contri­bué à ceux d’un tel élève. On cite sou­vent la lettre écrite par Vol­taire après la mort du père Po­rée, et où le dis­ciple fait de son maître cet éloge : «Rien n’effacera dans mon cœur la du père Po­rée, qui est éga­le­ment chère à tous ceux qui ont étu­dié sous lui. Ja­mais ne ren­dit l’étude et la plus ai­mable. Les heures de ses le­çons étaient pour nous des heures dé­li­cieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été éta­bli 1 dans Pa­ris comme dans Athènes que l’on pût as­sis­ter à tout âge à de telles le­çons. Je se­rais re­venu sou­vent les en­tendre… En­fin, pen­dant les sept an­nées que j’ai vécu en [son col­lège], qu’ai-je vu chez [lui]? La vie la plus la­bo­rieuse, la plus fru­gale, la plus ré­glée. Toutes ses heures par­ta­gées entre les soins qu’[il] nous don­nait et les exer­cices de sa pro­fes­sion aus­tère»

  1. «Éta­bli» au sens d’«ad­mis». Icône Haut