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Saikaku, «Arashi, vie et mort d’un acteur»

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des corps cu­rieux, Arles

Il s’agit de l’«Ara­shi mujô mo­no­ga­tari» 1Ara­shi, vie et mort d’un ac­teur» 2) d’Ihara Sai­kaku 3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «嵐無常物語». Haut
  2. Par­fois tra­duit «Ré­cit de la mort d’Arashi». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, «Quatre Nouvelles. “L’Écritoire de poche”»

dans « Autour de Saikaku : le roman en Chine et au Japon aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles » (éd. Les Indes savantes, coll. Études japonaises, Paris), p. 113-122

dans «Au­tour de Sai­kaku : le ro­man en Chine et au Ja­pon aux XVIIe et XVIIIe siècles» (éd. Les Indes sa­vantes, coll. Études ja­po­naises, Pa­ris), p. 113-122

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Fu­to­koro su­zuri» 1L’Écritoire de poche») d’Ihara Sai­kaku 2, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 3), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 4) comme il dit lui-même 5. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «懐硯». Haut
  2. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  3. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  1. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  2. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Chômin, «La Source des droits, “Kenri no minamoto” (1882)»

dans « Cent Ans de pensée au Japon. Tome II » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 33-37

dans «Cent Ans de pen­sée au Ja­pon. Tome II» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 33-37

Il s’agit de «La Source des droits» («Kenri no mi­na­moto» 1) de Na­kae Chô­min 2, in­tel­lec­tuel ja­po­nais, chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’Orient» 3. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des pères Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un en­sei­gne­ment éton­nam­ment large, al­lant de la gram­maire fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’Histoire qui fit briller avec éclat les causes de la li­berté et de l’égalité, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la po­li­tique sur les prin­cipes de la phi­lo­so­phie» 4, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans doute sur les re­com­man­da­tions des saints pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de France, Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au Ja­pon, en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune gou­ver­ne­ment ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «Contrat so­cial» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en chi­nois clas­sique, langue des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’homme…» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens sa­mou­raïs : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 5). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’amitié des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa cou­leur na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la ri­chesse de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des peines de pri­son de plu­sieurs jour­na­listes ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. En ja­po­nais «権利の源». Haut
  2. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Haut
  3. En ja­po­nais 東洋のルソー. Haut
  1. Dans Shi­nya Ida, «La Ré­vo­lu­tion fran­çaise vue par Na­kaé Chô­min». Haut
  2. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Haut

Chômin, «Idées sur la société, “Shasetsu” (1881)»

dans « Cent Ans de pensée au Japon. Tome II » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 27-31

dans «Cent Ans de pen­sée au Ja­pon. Tome II» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 27-31

Il s’agit d’«Idées sur la so­ciété» («Sha­setsu» 1) de Na­kae Chô­min 2, in­tel­lec­tuel ja­po­nais, chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’Orient» 3. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des pères Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un en­sei­gne­ment éton­nam­ment large, al­lant de la gram­maire fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’Histoire qui fit briller avec éclat les causes de la li­berté et de l’égalité, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la po­li­tique sur les prin­cipes de la phi­lo­so­phie» 4, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans doute sur les re­com­man­da­tions des saints pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de France, Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au Ja­pon, en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune gou­ver­ne­ment ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «Contrat so­cial» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en chi­nois clas­sique, langue des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’homme…» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens sa­mou­raïs : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 5). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’amitié des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa cou­leur na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la ri­chesse de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des peines de pri­son de plu­sieurs jour­na­listes ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. En ja­po­nais «社説». Haut
  2. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Haut
  3. En ja­po­nais 東洋のルソー. Haut
  1. Dans Shi­nya Ida, «La Ré­vo­lu­tion fran­çaise vue par Na­kaé Chô­min». Haut
  2. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Haut

Chômin, «Écrits sur Rousseau et les droits du peuple»

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de «Sur les droits du peuple» («Min­ken-ron» 1) et autres œuvres de Na­kae Chô­min 2, in­tel­lec­tuel ja­po­nais, chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’Orient» 3. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des pères Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un en­sei­gne­ment éton­nam­ment large, al­lant de la gram­maire fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’Histoire qui fit briller avec éclat les causes de la li­berté et de l’égalité, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la po­li­tique sur les prin­cipes de la phi­lo­so­phie» 4, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans doute sur les re­com­man­da­tions des saints pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de France, Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au Ja­pon, en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune gou­ver­ne­ment ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «Contrat so­cial» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en chi­nois clas­sique, langue des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’homme…» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens sa­mou­raïs : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 5). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’amitié des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa cou­leur na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la ri­chesse de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des peines de pri­son de plu­sieurs jour­na­listes ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. En ja­po­nais «民権論». Haut
  2. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Haut
  3. En ja­po­nais 東洋のルソー. Haut
  1. Dans Shi­nya Ida, «La Ré­vo­lu­tion fran­çaise vue par Na­kaé Chô­min». Haut
  2. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Haut

Chômin, «Un An et demi • Un An et demi, suite»

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Non fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon-Sé­rie Non fic­tion, Pa­ris

Il s’agit d’«Un An et demi» («Ichi­nen yû­han» 1) et «Un An et demi, suite» («Zoku ichi­nen yû­han» 2) de Na­kae Chô­min 3, in­tel­lec­tuel ja­po­nais, chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’Orient» 4. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des pères Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un en­sei­gne­ment éton­nam­ment large, al­lant de la gram­maire fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’Histoire qui fit briller avec éclat les causes de la li­berté et de l’égalité, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la po­li­tique sur les prin­cipes de la phi­lo­so­phie» 5, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans doute sur les re­com­man­da­tions des saints pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de France, Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au Ja­pon, en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune gou­ver­ne­ment ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «Contrat so­cial» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en chi­nois clas­sique, langue des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’homme…» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens sa­mou­raïs : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 6). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’amitié des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa cou­leur na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la ri­chesse de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des peines de pri­son de plu­sieurs jour­na­listes ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. En ja­po­nais «一年有半». Haut
  2. En ja­po­nais «続一年有半». Haut
  3. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Haut
  1. En ja­po­nais 東洋のルソー. Haut
  2. Dans Shi­nya Ida, «La Ré­vo­lu­tion fran­çaise vue par Na­kaé Chô­min». Haut
  3. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Haut

Chômin, «Dialogues politiques entre trois ivrognes»

éd. du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), coll. Réseau Asie, Paris

éd. du Centre na­tio­nal de la re­cherche scien­ti­fique (CNRS), coll. Ré­seau Asie, Pa­ris

Il s’agit de «Dia­logues po­li­tiques entre trois ivrognes» 1San­sui­jin kei­rin mondô» 2) de Na­kae Chô­min 3, in­tel­lec­tuel ja­po­nais, chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’Orient» 4. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des pères Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un en­sei­gne­ment éton­nam­ment large, al­lant de la gram­maire fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’Histoire qui fit briller avec éclat les causes de la li­berté et de l’égalité, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la po­li­tique sur les prin­cipes de la phi­lo­so­phie» 5, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans doute sur les re­com­man­da­tions des saints pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de France, Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au Ja­pon, en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune gou­ver­ne­ment ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «Contrat so­cial» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en chi­nois clas­sique, langue des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’homme…» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens sa­mou­raïs : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 6). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’amitié des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa cou­leur na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la ri­chesse de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des peines de pri­son de plu­sieurs jour­na­listes ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. Par­fois tra­duit «Col­loque po­li­tique de trois bu­veurs» ou «L’Entretien des trois bu­veurs sur le gou­ver­ne­ment de l’État». Haut
  2. En ja­po­nais «三酔人経綸問答». Haut
  3. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Haut
  1. En ja­po­nais 東洋のルソー. Haut
  2. Dans Shi­nya Ida, «La Ré­vo­lu­tion fran­çaise vue par Na­kaé Chô­min». Haut
  3. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Haut

Saikaku, «Le Grand Miroir de l’amour mâle. Tome II. Amours des acteurs»

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des corps cu­rieux, Arles

Il s’agit du «Nan­shoku ôka­gami» 1Le Grand Mi­roir de l’amour mâle» 2) d’Ihara Sai­kaku 3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «男色大鑑». Haut
  2. Par­fois tra­duit «Contes d’amour des sa­mou­raïs». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, «Le Grand Miroir de l’amour mâle. Tome I. Amours des samouraïs»

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des corps cu­rieux, Arles

Il s’agit du «Nan­shoku ôka­gami» 1Le Grand Mi­roir de l’amour mâle» 2) d’Ihara Sai­kaku 3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «男色大鑑». Haut
  2. Par­fois tra­duit «Contes d’amour des sa­mou­raïs». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, «Chroniques galantes de prospérité et de décadence»

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des corps cu­rieux, Arles

Il s’agit du «Kô­shoku sei­suiki» 1Chro­niques ga­lantes de pros­pé­rité et de dé­ca­dence» 2) d’Ihara Sai­kaku 3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «好色盛衰記». Haut
  2. Par­fois tra­duit «Chro­niques li­ber­tines de gran­deur et de dé­ca­dence». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, «L’Homme qui ne vécut que pour aimer»

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit du «Kô­shoku ichi­dai otoko» 1L’Homme qui ne vé­cut que pour ai­mer» 2) d’Ihara Sai­kaku 3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «好色一代男». Haut
  2. Par­fois tra­duit «La Vie d’un li­ber­tin». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, «Enquêtes à l’ombre des cerisiers de notre pays • Vieux Papiers, Vieilles Lettres»

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du «Hon­chô ôin hiji» 1En­quêtes à l’ombre des ce­ri­siers de notre pays») et «Yo­rozu no fu­mi­hôgu» 2Vieux pa­piers, vieilles lettres» 3) d’Ihara Sai­kaku 4, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 5), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 6) comme il dit lui-même 7. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «本朝桜陰比事». Haut
  2. En ja­po­nais «万の文反古». Haut
  3. Par­fois tra­duit «Dix Mille Lettres au re­but» ou «Lettres je­tées». Haut
  4. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, «Du devoir des guerriers : récits»

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit du «Buke giri mo­no­ga­tari» 1Ré­cits de guer­riers fi­dèles à leur de­voir» 2) d’Ihara Sai­kaku 3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce «monde flot­tant» («ukiyo» 4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du «cœur des gens de ce monde» («yo no hito-go­koro» 5) comme il dit lui-même 6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. «Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats», dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais «武家義理物語». Haut
  2. Par­fois tra­duit «Ré­cits au su­jet du “giri” des fa­milles mi­li­taires». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais «浮世». Au­tre­fois trans­crit «ou­kiyo». Haut
  2. En ja­po­nais «世の人心». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, «Sai­kaku ori­dome» («Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku»), in­édit en fran­çais. Haut