Il s’agit des « Mélanges et Poésies » et autres œuvres de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
18ᵉ siècle
Chateaubriand, « Itinéraire de Paris à Jérusalem. Tome III »
Il s’agit de l’« Itinéraire de Paris à Jérusalem » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Chateaubriand, « Itinéraire de Paris à Jérusalem. Tome II »
Il s’agit de l’« Itinéraire de Paris à Jérusalem » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Chateaubriand, « Itinéraire de Paris à Jérusalem. Tome I »
Il s’agit de l’« Itinéraire de Paris à Jérusalem » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Shen Fu, « Récits d’une vie fugitive : mémoires d’un lettré pauvre »
éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris
Il s’agit des « Six Récits au fil inconstant des jours » 1 (« Fu sheng liu ji » 2) de Shen Fu 3. Ces six récits — qui, en vérité, ne sont que quatre, les deux derniers n’étant pas parvenus jusqu’à nous — constituent un monument élevé par Shen Fu à la mémoire de Yun, son épouse défunte. « C’était le 30 mars 1803 », dit-il 4. « Sa main agrippant la mienne, Yun voulut parler… ; mais, sans forces, elle ne put que répéter dans un souffle : “lai shi, lai shi”… “l’existence future”… 5 Soudain, elle haleta, sa mâchoire se raidit et son regard dilaté prit une fixité saisissante. Je l’appelai et l’appelai de nouveau et encore ; mais en vain. Elle ne pouvait plus proférer une parole. Deux ruisseaux de larmes continuèrent à couler le long de ses joues. Bientôt, son souffle s’affaiblit, ses larmes se tarirent et enfin son âme s’éteignit. » Ce sont des récits uniques jusque-là dans la littérature chinoise par leurs petits faits exacts et par leurs détails familiers sur la vie conjugale. Nous nous trouvons introduits, sans prétention et en toute simplicité, dans l’intimité d’un pauvre lettré qui manie la langue classique d’une manière certes malhabile, mais dont l’austère sincérité nous émeut parfois : « Mon regret », dit-il 6, « est de n’avoir reçu, étant enfant, qu’une instruction incomplète et d’être borné dans mes connaissances. Aussi, ne relaterai-je, sans ornement, que des sentiments vrais et des faits réels. Rechercher le style dans ce que j’écris serait comme exiger l’éclat d’un miroir non poli ». Paradoxalement, c’est ce caractère ordinaire de Shen Fu qui fait son extraordinaire modernité et qui est la raison majeure du succès que connut son ouvrage depuis qu’il a été trouvé sur l’étal d’un brocanteur en 1849.
- Autrefois traduit « Six Chapitres d’une vie flottante » ou « Six Mémoires sur une vie flottante ».
- En chinois « 浮生六記 ». Autrefois transcrit « Fou-cheng lieou-ki » ou « Fousheng liuji ». Titre emprunté au poème « Chun ye yan tao li yuan xu » (« 春夜宴桃李園序 ») de Li Po : « L’univers n’est que [la halte] des créatures, et le temps — l’hôte provisoire de l’éternité ; “au fil inconstant des jours”, notre vie n’est qu’un songe », etc.
- En chinois 沈復. Autrefois transcrit Chen Fou.
Chateaubriand, « Les Natchez. Tome II »
Il s’agit des « Natchez » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Chateaubriand, « Les Natchez. Tome I »
Il s’agit des « Natchez » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Chateaubriand, « Atala • René • Les Aventures du dernier Abencérage »
Il s’agit d’« Atala » et autres œuvres de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Voltaire, « Correspondance. Tome I. 1704-1738 »
Il s’agit de la « Correspondance » de Voltaire, la meilleure, la plus délicieuse de toutes les correspondances ; celle qui fut à elle seule l’esprit de l’Europe (XVIIIe siècle). « En recommandant la lecture de Voltaire », dit un critique 1, « j’avoue mes préférences. S’il fallait sacrifier quelque chose de lui, je donnerais les tragédies et les comédies pour garder les petits vers ; s’il fallait sacrifier encore quelque chose, je donnerais plutôt les histoires, toutes charmantes qu’elles sont, que les romans ; …mais enfin il y a une chose que je ne me déciderais jamais à livrer, c’est la “Correspondance” ». En effet, de tous les genres littéraires dont s’occupa Voltaire, celui où il fut le plus original ; celui où il eut un ton que personne ne lui avait donné, et que tout le monde voulut imiter ; celui, enfin, où il domina, de l’aveu même des jaloux qui consentent quelquefois à reconnaître un mérite unanimement reconnu, c’est le genre épistolaire. On y trouve l’ensemble et la perfection de tous les styles ; on y trouve la facilité brillante d’un esprit aussi supérieur aux sujets qu’il traite, qu’aux gens à qui il s’adresse : « Quel génie se joue dans ses poésies et ses plaisanteries et ses lettres immortelles ! Or, tout ce qu’on admire dans les deux premières se retrouve dans les lettres avec une inépuisable abondance : vers faciles, railleries charmantes à propos de tous les personnages et de tous les événements qui ont passé, dans ce siècle agité, devant cet esprit curieux… Ce qu’il peut se succéder, pendant plus de soixante ans, d’amours, de haines, de plaisirs, de douleurs, de colères, dans une âme singulièrement impressionnable et mobile, est exprimé là au vif… chaque sentiment entier occupant toute l’âme, comme s’il devait durer éternellement, puis effacé tout à coup par un autre… ; variété inépuisable des sujets qui passent sous cette plume légère ; séductions d’un esprit enchanteur qui veut plaire et invente pour plaire les tours les plus délicats, toujours aimable, toujours nouveau. Tout cela forme un des spectacles les plus attrayants qu’on puisse avoir en ce monde », dit le même critique. De tous les hommes célèbres dont on a imprimé les lettres après leur mort, Voltaire est le premier qui ait écrit à la fois en écrivain et en homme du monde, et qui ait montré qu’il est aussi naturellement l’un que l’autre. Son talent, qui peut être inégal dans ses grands ouvrages, est toujours parfait dans ses jeux, quand sa plume court avec une rapidité, une négligence, qui n’appartiennent qu’à lui.
Ji Yun, « Passe-temps d’un été à Luanyang »
éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris
Il s’agit d’une traduction partielle des « Notes de la chaumière de la subtile perception » 1 (« Yue wei cao tang bi ji » 2) de Ji Yun 3, érudit chinois, bibliothécaire de l’Empereur Qian Long. L’œuvre officielle de Ji Yun, celle qui inscrivit à jamais son nom dans les annales, ce fut la « Collection intégrale des quatre magasins » 4 (« Si ku quan shu » 5) dont il fut l’éditeur en chef. Entreprise en 1772 sous le patronage impérial, cette gigantesque collection rassemblait, sous la plume de quinze mille copistes, tous les livres chinois qui, soit par le sujet qu’ils traitaient, soit par la manière dont ce sujet était abordé, méritaient de passer à la postérité. « À la tête d’une minutieuse armée de lecteurs, compilateurs, rédacteurs, vérificateurs, réviseurs, scribes, copistes et greffiers de haut vol, Ji Yun s’absorba dans cette tâche abyssale durant près de quinze ans ; et les avatars de cette collection, dont seuls de rarissimes exemplaires subsistent de nos jours, ont fait rêver Borges », explique M. Jacques Dars 6. Mais son autre œuvre, toute personnelle et pour ainsi dire exutoire à de si graves travaux, ce fut un recueil de mille deux cents anecdotes curieuses, histoires de fantômes et d’esprits-renards, singularités piquantes, glanées çà et là dans ses lectures. Ce recueil, qu’un disciple de Ji Yun réunit plus tard sous le titre de « Notes de la chaumière de la subtile perception », fut publié originellement en cinq livres successifs, parus entre 1789 et 1798 : « Villégiature d’été à Luanyang », (« Luan yang xiao xia lu » 7), « Telle est l’histoire qui m’est parvenue » (« Ru shi wo wen » 8), « Mélanges à l’Ouest du sophora » (« Huai xi za zhi » 9), « On peut toujours prêter l’oreille » (« Gu wang ting zhi » 10) et « Suite à la “Villégiature d’été à Luanyang” » (« Luan yang xu lu » 11).
- Parfois traduit « Anecdotes de l’ermitage Yuewei », « Notes de la chaumière subtile », « Notes de la chaumière des observations subtiles », « Notes au fil du pinceau de la chaumière où scruter les mystères subtils », « Notes de la chaumière de revues minutieuses » ou « Notes du studio de chaume sur de menues remarques ».
- En chinois « 閱微草堂筆記 ». Parfois transcrit « Yue-wei-ts’ao-t’ang-pi-ki » ou « Yüeh-wei ts’ao-t’ang pi-chi ».
- En chinois 紀昀. Autrefois transcrit Ki Yun ou Chi Yün.
- Autrefois traduit « Bibliothèque complète en quatre sections », « Bibliothèque complète des quatre trésors », « Collection des quatre greniers », « Recueil de tous les livres qui remplissent les quatre magasins », « Somme des livres des quatre corpus » ou « Collection complète des œuvres écrites réparties en quatre magasins ». Par « quatre magasins », il faut comprendre les quatre catégories traditionnelles : ouvrages canoniques (經), ouvrages historiques (史), ouvrages philosophiques (子), ouvrages littéraires ou mélanges (集).
- En chinois « 四庫全書 ». Autrefois transcrit « Sseu-k’ou ts’iuan-chou », « Sée-kou-tsiuen-chou », « Ssu-k’u ch’üan-shu » ou « Szu k’u ch’üan shu ».
- « Préface à “Des Nouvelles de l’au-delà” » (éd. Gallimard, coll. Folio, Paris).
- En chinois « 灤陽消夏錄 ». Autrefois transcrit « Luan-yang hsiao-hsia lu ».
- En chinois « 如是我聞 ». Parfois transcrit « Ju-shih wo-wen ».
- En chinois « 槐西雜志 ». Parfois transcrit « Huai-hsi tsa-chih ». « À l’Ouest du sophora » était le nom d’une résidence de fonction que Ji Yun occupa dans la banlieue Ouest de Pékin.
- En chinois « 姑妄聽之 ». Parfois transcrit « Ku-wang t’ing-chih ».
- En chinois « 灤陽續錄 ». Parfois transcrit « Luan-yang hsü-lu ».
Ji Yun, « Notes de la chaumière des observations subtiles »
éd. Kwok On, coll. Culture, Paris
Il s’agit d’une traduction partielle des « Notes de la chaumière de la subtile perception » 1 (« Yue wei cao tang bi ji » 2) de Ji Yun 3, érudit chinois, bibliothécaire de l’Empereur Qian Long. L’œuvre officielle de Ji Yun, celle qui inscrivit à jamais son nom dans les annales, ce fut la « Collection intégrale des quatre magasins » 4 (« Si ku quan shu » 5) dont il fut l’éditeur en chef. Entreprise en 1772 sous le patronage impérial, cette gigantesque collection rassemblait, sous la plume de quinze mille copistes, tous les livres chinois qui, soit par le sujet qu’ils traitaient, soit par la manière dont ce sujet était abordé, méritaient de passer à la postérité. « À la tête d’une minutieuse armée de lecteurs, compilateurs, rédacteurs, vérificateurs, réviseurs, scribes, copistes et greffiers de haut vol, Ji Yun s’absorba dans cette tâche abyssale durant près de quinze ans ; et les avatars de cette collection, dont seuls de rarissimes exemplaires subsistent de nos jours, ont fait rêver Borges », explique M. Jacques Dars 6. Mais son autre œuvre, toute personnelle et pour ainsi dire exutoire à de si graves travaux, ce fut un recueil de mille deux cents anecdotes curieuses, histoires de fantômes et d’esprits-renards, singularités piquantes, glanées çà et là dans ses lectures. Ce recueil, qu’un disciple de Ji Yun réunit plus tard sous le titre de « Notes de la chaumière de la subtile perception », fut publié originellement en cinq livres successifs, parus entre 1789 et 1798 : « Villégiature d’été à Luanyang », (« Luan yang xiao xia lu » 7), « Telle est l’histoire qui m’est parvenue » (« Ru shi wo wen » 8), « Mélanges à l’Ouest du sophora » (« Huai xi za zhi » 9), « On peut toujours prêter l’oreille » (« Gu wang ting zhi » 10) et « Suite à la “Villégiature d’été à Luanyang” » (« Luan yang xu lu » 11).
- Parfois traduit « Anecdotes de l’ermitage Yuewei », « Notes de la chaumière subtile », « Notes de la chaumière des observations subtiles », « Notes au fil du pinceau de la chaumière où scruter les mystères subtils », « Notes de la chaumière de revues minutieuses » ou « Notes du studio de chaume sur de menues remarques ».
- En chinois « 閱微草堂筆記 ». Parfois transcrit « Yue-wei-ts’ao-t’ang-pi-ki » ou « Yüeh-wei ts’ao-t’ang pi-chi ».
- En chinois 紀昀. Autrefois transcrit Ki Yun ou Chi Yün.
- Autrefois traduit « Bibliothèque complète en quatre sections », « Bibliothèque complète des quatre trésors », « Collection des quatre greniers », « Recueil de tous les livres qui remplissent les quatre magasins », « Somme des livres des quatre corpus » ou « Collection complète des œuvres écrites réparties en quatre magasins ». Par « quatre magasins », il faut comprendre les quatre catégories traditionnelles : ouvrages canoniques (經), ouvrages historiques (史), ouvrages philosophiques (子), ouvrages littéraires ou mélanges (集).
- En chinois « 四庫全書 ». Autrefois transcrit « Sseu-k’ou ts’iuan-chou », « Sée-kou-tsiuen-chou », « Ssu-k’u ch’üan-shu » ou « Szu k’u ch’üan shu ».
- « Préface à “Des Nouvelles de l’au-delà” » (éd. Gallimard, coll. Folio, Paris).
- En chinois « 灤陽消夏錄 ». Autrefois transcrit « Luan-yang hsiao-hsia lu ».
- En chinois « 如是我聞 ». Parfois transcrit « Ju-shih wo-wen ».
- En chinois « 槐西雜志 ». Parfois transcrit « Huai-hsi tsa-chih ». « À l’Ouest du sophora » était le nom d’une résidence de fonction que Ji Yun occupa dans la banlieue Ouest de Pékin.
- En chinois « 姑妄聽之 ». Parfois transcrit « Ku-wang t’ing-chih ».
- En chinois « 灤陽續錄 ». Parfois transcrit « Luan-yang hsü-lu ».
Hâtef d’Ispahan, « Trois Odes mystiques »
Il s’agit des odes mystiques d’Ahmad Hâtef d’Ispahan 1, poète persan du XVIIIe siècle apr. J.-C. Dans le siècle de décadence où vivait ce charmant poète, la corruption du goût devenait de jour en jour plus profonde. Le titre si recherché de « roi des poètes » (« malik-os-cho’arâ » 2) était accordé non plus au talent, mais à la flatterie ; si bien que, selon le mot ingénieux d’un orientaliste 3, le « roi des poètes » n’était plus que le « poète des rois ». La Cour des petits princes, celle des Afcharides et des Zend, retentissait du ramage de trois ou quatre cents flatteurs, « brillants perroquets mordillant du sucre dans leur bec », pour parler le langage du temps. Parmi cette foule de rimeurs obscurs, on rencontre avec surprise un poète véritable, un seul : Hâtef d’Ispahan. Il doit sa renommée surtout aux odes mystiques, composées de « strophes en refrain » (« tardji’-bend » 4), qui sont des strophes se terminant avec la même rime, sauf le dernier vers ou le « refrain », qui a une rime différente. « [Ces] odes sont généralement goûtées en Perse et semblent avoir mérité l’attention de quelques personnes auxquelles leurs études et leurs voyages ont rendu familières les mœurs et la poésie des Orientaux ; elles y ont remarqué une grâce particulière de style, une grande élévation d’esprit et une liaison d’idées que l’on trouve rarement dans les ghazels les plus renommés, et même dans les odes du célèbre Hâfez », explique Joseph-Marie Jouannin 5. Hâtef y chante le plus souvent le « Bien-Aimé », le « Vieillard », l’« Éternel » avec tout le mysticisme, avec toutes les conventions de la secte soufie à laquelle il appartient, mais dans un style d’une rare simplicité, dans un langage tendre et ému, porté au plus haut degré de perfection ; en un mot, avec une grâce qui manquait à ses contemporains.
Hâtef d’Ispahan, « Deux Odes mystiques »
Il s’agit des odes mystiques d’Ahmad Hâtef d’Ispahan 1, poète persan du XVIIIe siècle apr. J.-C. Dans le siècle de décadence où vivait ce charmant poète, la corruption du goût devenait de jour en jour plus profonde. Le titre si recherché de « roi des poètes » (« malik-os-cho’arâ » 2) était accordé non plus au talent, mais à la flatterie ; si bien que, selon le mot ingénieux d’un orientaliste 3, le « roi des poètes » n’était plus que le « poète des rois ». La Cour des petits princes, celle des Afcharides et des Zend, retentissait du ramage de trois ou quatre cents flatteurs, « brillants perroquets mordillant du sucre dans leur bec », pour parler le langage du temps. Parmi cette foule de rimeurs obscurs, on rencontre avec surprise un poète véritable, un seul : Hâtef d’Ispahan. Il doit sa renommée surtout aux odes mystiques, composées de « strophes en refrain » (« tardji’-bend » 4), qui sont des strophes se terminant avec la même rime, sauf le dernier vers ou le « refrain », qui a une rime différente. « [Ces] odes sont généralement goûtées en Perse et semblent avoir mérité l’attention de quelques personnes auxquelles leurs études et leurs voyages ont rendu familières les mœurs et la poésie des Orientaux ; elles y ont remarqué une grâce particulière de style, une grande élévation d’esprit et une liaison d’idées que l’on trouve rarement dans les ghazels les plus renommés, et même dans les odes du célèbre Hâfez », explique Joseph-Marie Jouannin 5. Hâtef y chante le plus souvent le « Bien-Aimé », le « Vieillard », l’« Éternel » avec tout le mysticisme, avec toutes les conventions de la secte soufie à laquelle il appartient, mais dans un style d’une rare simplicité, dans un langage tendre et ému, porté au plus haut degré de perfection ; en un mot, avec une grâce qui manquait à ses contemporains.