Il s’agit des « Derniers Mots » (« Saigo no ikku »1), « Vengeance sur la plaine du temple Goji-in » (« Gojiingahara no katakiuchi »2) et autres nouvelles de Mori Ôgai3, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »4. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il5, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »6) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
essai (genre littéraire) japonais
sujet
Ôgai, « Le Testament d’Okitsu Yagoemon, “Okitsu Yagoemon no isho” »
![dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 155-175](https://www.notesdumontroyal.com/image/1003-259x400.webp)
dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 155-175
Il s’agit du « Testament d’Okitsu Yagoemon » (« Okitsu Yagoemon no isho »1) de Mori Ôgai2, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »3. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il4, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »5) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Ôgai, « La Danseuse »
Il s’agit de « La Danseuse »1 (« Maihime »2) de Mori Ôgai3, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »4. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il5, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »6) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Ôgai, « L’Intendant Sanshô : récits »
Il s’agit du « Clan Abe »1 (« Abe ichizoku »2) et de « L’Intendant Sanshô »3 (« Sanshô dayû »4) de Mori Ôgai5, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »6. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il7, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »8) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
- Parfois traduit « La Famille Abe » ou « La Famille des Abe ».
- En japonais « 阿部一族 ».
- Parfois traduit « Le Commandant Sanshô ».
- En japonais « 山椒大夫 ».
- En japonais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rintarô (森林太郎).
- « Chaos ; trad. Emmanuel Lozerand ».
- « “Shigarami zôshi” no koro »(« 「柵草紙」のころ »), c’est-à-dire « Le Territoire propre de “Notes à contre-courant” », inédit en français.
- En japonais « 沈黙の塔 ». Parfois transcrit « Chinmoku no tô ».
Ôgai, « Le Jeune Homme : roman »
Il s’agit du « Jeune Homme » (« Seinen »1) de Mori Ôgai2, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »3. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il4, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »5) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Ôgai, « Chimères »
Il s’agit du « Serpent » (« Hebi »1), « Chimères »2 (« Môsô »3) et autres nouvelles de Mori Ôgai4, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »5. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il6, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »7) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Ôgai, « Vita sexualis, ou l’Apprentissage amoureux du professeur Kanai Shizuka »
Il s’agit de « Vita sexualis »1 de Mori Ôgai2, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »3. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il4, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »5) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Ôgai, « L’Oie sauvage »
Il s’agit de « L’Oie sauvage » (« Gan »1) de Mori Ôgai2, médecin militaire, haut fonctionnaire, traducteur et homme de lettres. Aucun intellectuel de l’ère Meiji ne résume peut-être mieux qu’Ôgai les changements radicaux qui bouleversèrent la société japonaise en l’espace de quelques décennies, entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. L’œuvre d’Ôgai et les événements mêmes de sa vie peuvent être lus comme un témoignage du processus douloureux qui transforma le pays d’un régime semi-féodal, tel qu’il était encore à la chute du shôgunat, en une nation capable de rivaliser de plain-pied avec les puissances mondiales. Se retrouvent chez lui tous les traits typiques de « l’homme nouveau » de Meiji partagé entre service scrupuleux de l’État, héritage de la morale du passé et engouement pour les modèles de pensée importés d’Europe. Son séjour d’étude en Allemagne, ainsi que les arrêts qu’il fit en France, coïncidèrent avec sa découverte d’une autre conception des connaissances humaines : « Tout ce qui est humain [trouve] comme un écho en nous ; de sorte que, si des idées nouvelles, des théories nouvelles surgissent sur la scène du monde et y deviennent actives, dans la mesure où la plus novatrice même de ces théories est le produit des connaissances humaines… aussi extravagante soit-[elle], nous en nous en portons peu ou prou les germes au cœur de nos [propres] pensées »3. De retour au Japon, l’engagement constant d’Ôgai à diffuser littératures, sciences et philosophies étrangères montre quelle empreinte ineffaçable l’universalisme européen avait laissée en ce descendant d’une lignée de samouraïs. Ses lourdes obligations professionnelles (il cumula les fonctions d’inspecteur général des Services de santé et de directeur du Bureau médical du ministère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dévouer, avec le plus noble esprit d’altruisme et une énergie infatigable, à la traduction d’innombrables nouvelles, poésies, pièces de théâtre (Daudet, Gœthe, Schnitzler, Schmidtbonn, Heine, Lenau, Byron, Poe, Ibsen, Strindberg, Kouzmine, Tourguéniev, Lermontov, Andreïev, Dostoïevski, Tolstoï…) : « À présent », se félicita-t-il4, « la littérature raffinée de l’Ouest est entrée dans nos terres en même temps que ses principes philosophiques ultimes ». Bien que fidèle au régime impérial, Ôgai en souhaitait l’évolution. Il partageait l’inquiétude et défendait l’audace des intellectuels, comme en témoignent son pamphlet « La Tour du silence » (« Chimmoku no tô »5) et les conseils qu’il osa donner à Hiraide Shû, l’avocat des accusés de l’affaire Kôtoku qui, comme l’affaire Dreyfus en France, suscita la réprobation générale. Il fut, enfin, le premier grand auteur du Japon moderne.
Sei-shônagon, « Les Notes de l’oreiller, “Makura no soshi” »
Il s’agit des « Notes de l’oreiller » (« Makura no sôshi »1), la première manifestation dans les lettres japonaises d’un genre de littérature qui connaîtra une grande vogue par la suite : celui des « zuihitsu »2 (« essais au fil du pinceau »). On n’y trouve ni plan ni méthode — un désordre fantaisiste régnant ici en maître, mais un mélange d’esquisses saisies sur le vif, d’anecdotes, de choses vues, de remarques personnelles. Leur auteur était une femme « moqueuse, provocante, inexorable »3 ; une dame de la Cour, dont nous ne connaissons que le pseudonyme : Sei-shônagon4. Ce pseudonyme s’explique (comme celui de Murasaki-shikibu) par la combinaison d’un nom de famille avec un titre honorifique — « shônagon » désignant un dignitaire de la Cour, et « sei » étant la prononciation chinoise du caractère qui forme le premier élément du nom Kiyohara, famille à laquelle elle appartenait. En effet, son père n’était autre que le poète Kiyohara no Motosuke5, l’un des cinq lettrés de l’Empereur. Et même si quelques-uns sont d’avis que Motosuke ne fut que le père adoptif de Sei-shônagon, il n’en reste pas moins certain que le milieu où elle passa sa jeunesse ne put que favoriser les penchants littéraires qui lui permirent, plus tard, de devenir dame d’honneur de l’Impératrice Sadako. Entrée donc à la Cour en 990 apr. J.-C. Sei-shônagon s’y fit remarquer par une présence d’esprit trop vive pour n’être pas à la fois estimée, haïe et redoutée. Car (et c’est là peut-être son défaut) elle écrasait les autres du poids de son érudition qu’elle cherchait à montrer à la moindre occasion. On raconte que les courtisans, qui craignaient ses plaisanteries, pâlissaient à sa seule approche. La clairvoyante Murasaki-shikibu écrit dans son « Journal » : « Sei-shônagon est une personne qui en impose en vérité par ses grands airs. Mais sa prétention de tout savoir et sa façon de semer autour d’elle les écrits en caractères chinois, à tout bien considérer, ne font que masquer de nombreuses lacunes. Ceux qui de la sorte se plaisent à se montrer différents des autres, s’attirent forcément le mépris et finissent toujours très mal »6. De fait, le malheur vint frapper Sei-shônagon quand, peu d’années après, l’ambitieux Fujiwara no Michinaga parvint à faire écarter l’Impératrice Sadako, à l’ombre de laquelle fleurissait notre dame d’honneur.
Chômei, « Histoires de conversion »
Il s’agit de Kamo no Chômei1, essayiste et moine japonais (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa vingtième année, étant devenu orphelin, il perdit en même temps l’espoir d’hériter de l’office paternel — celui de gardien du fameux temple de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la poésie et à la musique. Vers sa trente-cinquième année, fort du succès que remporta auprès de l’Empereur son recueil poétique, le « Recueil de Chômei » (« Chômei-shû »2), il reprit l’espoir de se procurer la fonction de son père ; mais il manquait de soutiens, et les intrigues de la Cour l’éloignèrent définitivement de la succession et du palais. Cette déception personnelle, ainsi que les désastres et les calamités qui vinrent frapper le Japon au même moment (grand incendie de Kyôto en 1177, épouvantables famines suivies d’épidémies en 1181-1182, tremblement de terre en 1185), furent autant d’occasions pour Chômei de ressentir l’instabilité des choses humaines, lesquelles lui faisaient penser « à la rosée sur le liseron du matin… : la rosée a beau demeurer, elle ne dure jamais jusqu’au soir »3. « Au fond, toutes les entreprises humaines sont stupides et vaines », se dit-il4 ; et au milieu de ces horreurs, s’étant rasé la tête, il se retira dans une petite cabane de dix pieds carrés, sur le mont Hino5. Et même si, sur l’invitation du shôgun Sanetomo, son frère en poésie et en malheur, il alla passer un peu de temps à Kamakura, il revint bien vite à la solitude de son ermitage. C’est là qu’il composa ses trois grands essais : 1o « Notes sans titre » (« Mumyô-shô »6), livre de critique poétique ; 2o « Histoires de conversion » (« Hosshinshû »7), ouvrage d’édification bouddhique, plein d’anecdotes sur les personnes entrées en religion et ayant renoncé au siècle ; et surtout 3o « Notes de ma cabane de moine » (« Hôjô-ki »8), journal intime méditant sur la vanité du monde (« mujô »9) et le caractère éphémère de tout ce qui existe. Cette dernière œuvre, malgré sa taille modeste, demeure un des grands chefs-d’œuvre du genre « zuihitsu »10 (« essais au fil du pinceau ») : « Après les “Notes de l’oreiller” et en attendant le “Cahier des heures oisives”, il constitue [un] des meilleurs livres d’impressions que nous ait laissés la littérature japonaise », explique Michel Revon. « Chômei ne se contente pas de noter, à la fortune du pinceau, des observations ou des pensées disparates, il veut philosopher, écrire d’une manière suivie… Et son charmant écrit, si dénué de toute prétention, n’en devient pas moins un exposé magistral de la sagesse pessimiste. »
- En japonais 鴨長明. Autrefois transcrit Tchômei ou Choumei. Chômei est la lecture à la chinoise des caractères 長明, qui se lisent Nagaakira à la japonaise. On disait, paraît-il, Nagaakira à l’époque de l’auteur ; mais l’usage en a décidé autrement.
- En japonais « 長明集 », inédit en français.
- « Notes de ma cabane de moine », p. 12.
- id. p. 14.
- En japonais 日野山.
Chômei, « Notes sans titre, “Mumyôshô” : propos sur les poètes et la poésie »
Il s’agit de Kamo no Chômei1, essayiste et moine japonais (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa vingtième année, étant devenu orphelin, il perdit en même temps l’espoir d’hériter de l’office paternel — celui de gardien du fameux temple de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la poésie et à la musique. Vers sa trente-cinquième année, fort du succès que remporta auprès de l’Empereur son recueil poétique, le « Recueil de Chômei » (« Chômei-shû »2), il reprit l’espoir de se procurer la fonction de son père ; mais il manquait de soutiens, et les intrigues de la Cour l’éloignèrent définitivement de la succession et du palais. Cette déception personnelle, ainsi que les désastres et les calamités qui vinrent frapper le Japon au même moment (grand incendie de Kyôto en 1177, épouvantables famines suivies d’épidémies en 1181-1182, tremblement de terre en 1185), furent autant d’occasions pour Chômei de ressentir l’instabilité des choses humaines, lesquelles lui faisaient penser « à la rosée sur le liseron du matin… : la rosée a beau demeurer, elle ne dure jamais jusqu’au soir »3. « Au fond, toutes les entreprises humaines sont stupides et vaines », se dit-il4 ; et au milieu de ces horreurs, s’étant rasé la tête, il se retira dans une petite cabane de dix pieds carrés, sur le mont Hino5. Et même si, sur l’invitation du shôgun Sanetomo, son frère en poésie et en malheur, il alla passer un peu de temps à Kamakura, il revint bien vite à la solitude de son ermitage. C’est là qu’il composa ses trois grands essais : 1o « Notes sans titre » (« Mumyô-shô »6), livre de critique poétique ; 2o « Histoires de conversion » (« Hosshinshû »7), ouvrage d’édification bouddhique, plein d’anecdotes sur les personnes entrées en religion et ayant renoncé au siècle ; et surtout 3o « Notes de ma cabane de moine » (« Hôjô-ki »8), journal intime méditant sur la vanité du monde (« mujô »9) et le caractère éphémère de tout ce qui existe. Cette dernière œuvre, malgré sa taille modeste, demeure un des grands chefs-d’œuvre du genre « zuihitsu »10 (« essais au fil du pinceau ») : « Après les “Notes de l’oreiller” et en attendant le “Cahier des heures oisives”, il constitue [un] des meilleurs livres d’impressions que nous ait laissés la littérature japonaise », explique Michel Revon. « Chômei ne se contente pas de noter, à la fortune du pinceau, des observations ou des pensées disparates, il veut philosopher, écrire d’une manière suivie… Et son charmant écrit, si dénué de toute prétention, n’en devient pas moins un exposé magistral de la sagesse pessimiste. »
- En japonais 鴨長明. Autrefois transcrit Tchômei ou Choumei. Chômei est la lecture à la chinoise des caractères 長明, qui se lisent Nagaakira à la japonaise. On disait, paraît-il, Nagaakira à l’époque de l’auteur ; mais l’usage en a décidé autrement.
- En japonais « 長明集 », inédit en français.
- « Notes de ma cabane de moine », p. 12.
- id. p. 14.
- En japonais 日野山.
Chômei, « Notes de ma cabane de moine »
Il s’agit de Kamo no Chômei1, essayiste et moine japonais (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Vers sa vingtième année, étant devenu orphelin, il perdit en même temps l’espoir d’hériter de l’office paternel — celui de gardien du fameux temple de Kamo, à Kyôto. Il se voua, dès lors, à la poésie et à la musique. Vers sa trente-cinquième année, fort du succès que remporta auprès de l’Empereur son recueil poétique, le « Recueil de Chômei » (« Chômei-shû »2), il reprit l’espoir de se procurer la fonction de son père ; mais il manquait de soutiens, et les intrigues de la Cour l’éloignèrent définitivement de la succession et du palais. Cette déception personnelle, ainsi que les désastres et les calamités qui vinrent frapper le Japon au même moment (grand incendie de Kyôto en 1177, épouvantables famines suivies d’épidémies en 1181-1182, tremblement de terre en 1185), furent autant d’occasions pour Chômei de ressentir l’instabilité des choses humaines, lesquelles lui faisaient penser « à la rosée sur le liseron du matin… : la rosée a beau demeurer, elle ne dure jamais jusqu’au soir »3. « Au fond, toutes les entreprises humaines sont stupides et vaines », se dit-il4 ; et au milieu de ces horreurs, s’étant rasé la tête, il se retira dans une petite cabane de dix pieds carrés, sur le mont Hino5. Et même si, sur l’invitation du shôgun Sanetomo, son frère en poésie et en malheur, il alla passer un peu de temps à Kamakura, il revint bien vite à la solitude de son ermitage. C’est là qu’il composa ses trois grands essais : 1o « Notes sans titre » (« Mumyô-shô »6), livre de critique poétique ; 2o « Histoires de conversion » (« Hosshinshû »7), ouvrage d’édification bouddhique, plein d’anecdotes sur les personnes entrées en religion et ayant renoncé au siècle ; et surtout 3o « Notes de ma cabane de moine » (« Hôjô-ki »8), journal intime méditant sur la vanité du monde (« mujô »9) et le caractère éphémère de tout ce qui existe. Cette dernière œuvre, malgré sa taille modeste, demeure un des grands chefs-d’œuvre du genre « zuihitsu »10 (« essais au fil du pinceau ») : « Après les “Notes de l’oreiller” et en attendant le “Cahier des heures oisives”, il constitue [un] des meilleurs livres d’impressions que nous ait laissés la littérature japonaise », explique Michel Revon. « Chômei ne se contente pas de noter, à la fortune du pinceau, des observations ou des pensées disparates, il veut philosopher, écrire d’une manière suivie… Et son charmant écrit, si dénué de toute prétention, n’en devient pas moins un exposé magistral de la sagesse pessimiste. »
- En japonais 鴨長明. Autrefois transcrit Tchômei ou Choumei. Chômei est la lecture à la chinoise des caractères 長明, qui se lisent Nagaakira à la japonaise. On disait, paraît-il, Nagaakira à l’époque de l’auteur ; mais l’usage en a décidé autrement.
- En japonais « 長明集 », inédit en français.
- « Notes de ma cabane de moine », p. 12.
- id. p. 14.
- En japonais 日野山.
Kenkô, « Les Heures oisives, “Tsurezure-gusa” »
Il s’agit du chef-d’œuvre de la littérature d’ermitage du Japon : le « Cahier des heures oisives » (« Tsurezure-gusa »1) du moine Yoshida Kenkô ou Urabe Kenkô2. Ce « Cahier » d’une forme très libre (Kenkô prétend qu’il s’agit de « bagatelles » écrites « au gré de ses heures oisives »3, d’où le titre) constitue un ensemble d’anecdotes curieuses et édifiantes, empruntées tant aux classiques chinois et japonais, qu’au vécu de l’auteur ; d’impressions notées au caprice de la plume ; de réflexions de tout ordre sur l’instabilité de la vie, sur l’homme et la femme, sur la religion et la foi, sur l’amitié et l’amour ; de règles sur le cérémonial et l’étiquette (XIIIe-XIVe siècle). Kenkô ne se rasa la tête qu’à quarante-deux ans, peu après la mort de l’Empereur Go Uda4, auquel il était attaché. Cela peut expliquer certaines anecdotes amoureuses de son œuvre, qu’il serait difficile de concevoir comme étant les paroles d’un religieux. S’il avait été moine dès son enfance, il n’aurait pu écrire d’une manière si vivante sur toutes les contingences de la vie humaine. Le mérite et le charme de Kenkô tiennent à sa profonde culture, à son style simple et naturel, à son goût sûr et délicat, toutes qualités qui le rapprochent de Montaigne. Je le tiens pour le plus grand moraliste, l’esprit le plus harmonieux et le plus complet du Japon. « Ses essais », dit un orientaliste5, « ressemblent à la conversation polie d’un homme du monde et ont cet air de simplicité et cette aisance d’expression qui sont en réalité le fait d’un art consommé. On ne peut, pour commencer l’étude de l’ancienne littérature japonaise, faire de meilleur choix que celui du “Cahier des heures oisives” ». À examiner ce « Cahier » riche de confidences sincères, il semblerait y avoir chez Kenkô deux personnalités : l’homme du monde, adroit et poli, qui même dans la vertu conserva un certain cynisme ; et le bonze qui ne renonça au monde que pour échapper à l’attention de ses contemporains. Ces deux éléments de son caractère se combinent pour former un type de vieux garçon avenant, et qui le devient plus encore lorsqu’on médite à loisir toutes les choses sensibles qu’il a dites, ou toutes celles qu’il a senties sans les dire ouvertement. « Le “Cahier des heures oisives” est un de ces écrits originaux, si rares dans toutes les littératures, qui méritent une étude plus attentive que maints gros ouvrages prétentieux », dit Michel Revon.