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Roûmî, « Le Livre de Chams de Tabriz : cent poèmes »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Diwân-e-Shams» 1 de  2, poète d’expression per­sane, qui n’est pas seule­ment l’inspirateur d’une confré­rie, celle des « tour­neurs», mais le di­rec­teur spi­ri­tuel de tout le XIIIe siècle. «Un si grand poète, ai­mable, har­mo­nieux, étin­ce­lant, exalté; un es­prit d’où émanent des par­fums, des , des mu­siques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la ma­nière dont sa strophe prend le dé­part et s’élève au , a déjà trans­porté son lec­teur», dit M. Mau­rice Bar­rès 3. Ré­fu­gié à Ko­nya 4 en Ana­to­lie (Roûm), Djé­lâl-ed-dîn trouva dans cette ville ha­bi­tée de Grecs, de Turcs, d’Arméniens, de Juifs et de Francs un adonné à la , à la , aux danses, et il em­ploya cette poé­sie, cette mu­sique, ces danses pour lui faire connaître . Son ac­tion im­mense en Orient jeta, pour ainsi dire, des ra­cines si pro­fondes dans toutes les âmes que, même jusqu’aujourd’hui, les fruits et les de ses en­sei­gne­ments n’ont rien perdu de leur fraî­cheur ni de leur par­fum; il se sur­vit dans ses dis­ciples et ses suc­ces­seurs qui, de­puis plus de sept siècles, ré­pètent ses plus beaux dé­lires au­tour de son tom­beau en l’appelant «notre Maître» (Maw­lânâ 5). La beauté et l’esprit to­lé­rant de ses œuvres ont sur­pris les oc­ci­den­taux, et tourné la tête aux plus sobres parmi eux. «Tous les cœurs sur les­quels souffle ma brise s’épanouissent comme un jar­din plein de lu­mière», dit-il avec

  1. En «دیوان شمس». Par­fois trans­crit «Di­van-i Shams», «Dî­vân-ı Şems» ou «Di­vân-ê Chams». Éga­le­ment connu sous le titre de «Diwân ka­bir» («دیوان کبیر») et de «Kûl­liyât-e-Shams» («کلیات شمس»). Icône Haut
  2. En per­san جلال‌الدین رومی. Par­fois trans­crit Jelālu-’d-Dīn er-Rūmī, Jel­la­lud­din Rumi, Je­la­lud­din Rumi, Ja­lal-ud-Din Rumi, Jal­la­lud­din Rumi, Dja­lâl-ud-Dîn Rûmî, Dže­la­lud­din Rumi, Dscha­lal ad-din Rumi, Ca­la­laddīn Rūmī, Ja­lâl ad dîn Roûmî, Ya­lal ad-din Rumí, Ga­lal al-din Rumi, Dja­lâl-od-dîn Rûmî, Ja­lâ­lod­dîn Rûmî, Djé­la­lid­din-Roumi, Ja­lel Id­dine Roumi, Dsche­lâl-ed-dîn Rumi, Ce­la­le­din Rumi, Ce­la­led­din-i Rumi, Je­la­led­din Rumi, Dje­la­let­tine Roumî, Djé­lal­le­din-i-Roumi ou Djel­lal-ed-Dine Roumi. Icône Haut
  3. «Une En­quête aux pays du . Tome II», p. 74. Icône Haut
  1. On ren­contre aussi les gra­phies Co­gni, Cogne, Co­nia, Ko­nia et Ko­nié. C’est l’ancienne Ico­nium. Icône Haut
  2. En per­san مولانا. Par­fois trans­crit Mau­lana, Mow­lânâ, Mev­lana ou Mew­lânâ. Icône Haut

Roûmî, « Soleil du réel : poèmes de l’amour mystique »

éd. Imprimerie nationale, coll. La Salamandre, Paris

éd. Im­pri­me­rie na­tio­nale, coll. La Sa­la­mandre, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Diwân-e-Shams» 1 de  2, poète d’expression per­sane, qui n’est pas seule­ment l’inspirateur d’une confré­rie, celle des «», mais le di­rec­teur spi­ri­tuel de tout le XIIIe siècle. «Un si grand poète, ai­mable, har­mo­nieux, étin­ce­lant, exalté; un es­prit d’où émanent des par­fums, des , des mu­siques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la ma­nière dont sa strophe prend le dé­part et s’élève au , a déjà trans­porté son lec­teur», dit M. Mau­rice Bar­rès 3. Ré­fu­gié à Ko­nya 4 en Ana­to­lie (Roûm), Djé­lâl-ed-dîn trouva dans cette ville ha­bi­tée de Grecs, de Turcs, d’Arméniens, de Juifs et de Francs un adonné à la , à la , aux danses, et il em­ploya cette poé­sie, cette mu­sique, ces danses pour lui faire connaître . Son ac­tion im­mense en jeta, pour ainsi dire, des ra­cines si pro­fondes dans toutes les âmes que, même jusqu’aujourd’hui, les fruits et les de ses en­sei­gne­ments n’ont rien perdu de leur fraî­cheur ni de leur par­fum; il se sur­vit dans ses dis­ciples et ses suc­ces­seurs qui, de­puis plus de sept siècles, ré­pètent ses plus beaux dé­lires au­tour de son tom­beau en l’appelant «notre Maître» (Maw­lânâ 5). La beauté et l’esprit to­lé­rant de ses œuvres ont sur­pris les oc­ci­den­taux, et tourné la tête aux plus sobres parmi eux. «Tous les cœurs sur les­quels souffle ma brise s’épanouissent comme un jar­din plein de lu­mière», dit-il avec

  1. En «دیوان شمس». Par­fois trans­crit «Di­van-i Shams», «Dî­vân-ı Şems» ou «Di­vân-ê Chams». Éga­le­ment connu sous le titre de «Diwân ka­bir» («دیوان کبیر») et de «Kûl­liyât-e-Shams» («کلیات شمس»). Icône Haut
  2. En per­san جلال‌الدین رومی. Par­fois trans­crit Jelālu-’d-Dīn er-Rūmī, Jel­la­lud­din Rumi, Je­la­lud­din Rumi, Ja­lal-ud-Din Rumi, Jal­la­lud­din Rumi, Dja­lâl-ud-Dîn Rûmî, Dže­la­lud­din Rumi, Dscha­lal ad-din Rumi, Ca­la­laddīn Rūmī, Ja­lâl ad dîn Roûmî, Ya­lal ad-din Rumí, Ga­lal al-din Rumi, Dja­lâl-od-dîn Rûmî, Ja­lâ­lod­dîn Rûmî, Djé­la­lid­din-Roumi, Ja­lel Id­dine Roumi, Dsche­lâl-ed-dîn Rumi, Ce­la­le­din Rumi, Ce­la­led­din-i Rumi, Je­la­led­din Rumi, Dje­la­let­tine Roumî, Djé­lal­le­din-i-Roumi ou Djel­lal-ed-Dine Roumi. Icône Haut
  3. «Une En­quête aux pays du . Tome II», p. 74. Icône Haut
  1. On ren­contre aussi les gra­phies Co­gni, Cogne, Co­nia, Ko­nia et Ko­nié. C’est l’ancienne Ico­nium. Icône Haut
  2. En per­san مولانا. Par­fois trans­crit Mau­lana, Mow­lânâ, Mev­lana ou Mew­lânâ. Icône Haut

Roûmî, « Le Livre du dedans, “Fîhi-mâ-fîhi” »

éd. Actes Sud-Leméac, coll. Babel, Arles-Montréal

éd. Actes Sud-Le­méac, coll. Ba­bel, Arles-Mont­réal

Il s’agit du «Livre du de­dans» («Fîhi-mâ-fîhi» 1) de  2, poète d’expression per­sane, qui n’est pas seule­ment l’inspirateur d’une confré­rie, celle des « tour­neurs», mais le di­rec­teur spi­ri­tuel de tout le XIIIe siècle. «Un si grand poète, ai­mable, har­mo­nieux, étin­ce­lant, exalté; un es­prit d’où émanent des par­fums, des , des mu­siques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la ma­nière dont sa strophe prend le dé­part et s’élève au , a déjà trans­porté son lec­teur», dit M. Mau­rice Bar­rès 3. Ré­fu­gié à Ko­nya 4 en Ana­to­lie (Roûm), Djé­lâl-ed-dîn trouva dans cette ville ha­bi­tée de Grecs, de Turcs, d’Arméniens, de Juifs et de Francs un adonné à la , à la , aux danses, et il em­ploya cette poé­sie, cette mu­sique, ces danses pour lui faire connaître . Son ac­tion im­mense en jeta, pour ainsi dire, des ra­cines si pro­fondes dans toutes les âmes que, même jusqu’aujourd’hui, les fruits et les de ses en­sei­gne­ments n’ont rien perdu de leur fraî­cheur ni de leur par­fum; il se sur­vit dans ses dis­ciples et ses suc­ces­seurs qui, de­puis plus de sept siècles, ré­pètent ses plus beaux dé­lires au­tour de son tom­beau en l’appelant «notre Maître» (Maw­lânâ 5). La beauté et l’esprit to­lé­rant de ses œuvres ont sur­pris les oc­ci­den­taux, et tourné la tête aux plus sobres parmi eux. «Tous les cœurs sur les­quels souffle ma brise s’épanouissent comme un jar­din plein de lu­mière», dit-il avec

  1. En «فیه مافیه». Par­fois trans­crit «Fih-é mâ fih». Icône Haut
  2. En per­san جلال‌الدین رومی. Par­fois trans­crit Jelālu-’d-Dīn er-Rūmī, Jel­la­lud­din Rumi, Je­la­lud­din Rumi, Ja­lal-ud-Din Rumi, Jal­la­lud­din Rumi, Dja­lâl-ud-Dîn Rûmî, Dže­la­lud­din Rumi, Dscha­lal ad-din Rumi, Ca­la­laddīn Rūmī, Ja­lâl ad dîn Roûmî, Ya­lal ad-din Rumí, Ga­lal al-din Rumi, Dja­lâl-od-dîn Rûmî, Ja­lâ­lod­dîn Rûmî, Djé­la­lid­din-Roumi, Ja­lel Id­dine Roumi, Dsche­lâl-ed-dîn Rumi, Ce­la­le­din Rumi, Ce­la­led­din-i Rumi, Je­la­led­din Rumi, Dje­la­let­tine Roumî, Djé­lal­le­din-i-Roumi ou Djel­lal-ed-Dine Roumi. Icône Haut
  3. «Une En­quête aux pays du . Tome II», p. 74. Icône Haut
  1. On ren­contre aussi les gra­phies Co­gni, Cogne, Co­nia, Ko­nia et Ko­nié. C’est l’ancienne Ico­nium. Icône Haut
  2. En per­san مولانا. Par­fois trans­crit Mau­lana, Mow­lânâ, Mev­lana ou Mew­lânâ. Icône Haut

Galland, « Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), . Ra­re­ment, la de la et les de l’ ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le de sa re­nom­mée, et de­puis, son n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces ! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’ même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le qui les éclaire.»

  1. En «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Icône Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Icône Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le , se­ront les épouses des fi­dèles. Icône Haut

« Le Livre des derviches bektashi, “Villayet name” • Les Dits des bektashi »

éd. Le Bois d’Orion, L’Isle-sur-la-Sorgue

éd. Le Bois d’Orion, L’Isle-sur-la-Sorgue

Il s’agit des bek­ta­chi, turcs, fort hé­ré­tiques par rap­port aux de l’, mais consi­dé­rés comme fai­seurs de mi­racles par le qui les croyait in­ves­tis de pou­voirs ex­tra­or­di­naires, comme de pré­dire l’avenir, de gué­rir les ma­lades ou de frap­per au loin les (XIIIe-XIXe siècle). Ils n’étaient pas, à pro­pre­ment par­ler, un ordre re­li­gieux, mais une es­pèce de congré­ga­tion de et de franc-ma­çons, très in­dé­pen­dants du pou­voir, très ja­loux de leur , par ailleurs dés­in­té­res­sés et phi­lan­thropes. Ils se di­vi­saient en deux classes : les uns vi­vaient dans des «tek­kés», des cou­vents sou­vent ni­chés dans l’ombre d’un ver­ger qui s’étendait jusqu’aux murs de l’enceinte; les autres res­taient dans leur et sui­vaient en se­cret les exer­cices de leur confré­rie. Ils af­fec­taient en pu­blic une vive, un is­lam fervent, mais à peine avaient-ils fran­chi les murs et le ver­ger qui les dé­ro­baient à la hos­tile des théo­lo­giens, que leur pro­fes­sion de foi de­ve­nait tout autre. Dans les loges en­fu­mées de leurs «tek­kés», vé­ri­tables bou­doirs, leur oc­cu­pa­tion or­di­naire était de se li­vrer à une es­pèce de rê­ve­rie ou de vi­sion ini­tia­tique qui dé­gé­né­rait sou­vent en hal­lu­ci­na­tion; c’est aux sub­stances en­ivrantes, mais sur­tout à l’opium qu’elle em­prun­tait ce der­nier ca­rac­tère. Leur congré­ga­tion avait pour fon­da­teur le cheikh Hadji Bek­tach 1, venu d’ en Ana­to­lie à la même époque que Roûmî, et dont les mi­racles et étaient re­la­tés dans «Le Livre des der­viches bek­ta­chi» («Vi­lâyet­nâme» 2) et «Les Dits» («Ma­kâ­lat» 3). Ce Hadji Bek­tach avait béni la mi­lice nais­sante des ja­nis­saires; et de­puis lors, la congré­ga­tion et la mi­lice vi­vaient dans le plus par­fait ac­cord, me­nant une pa­ral­lèle; la des­truc­tion des uns était la ruine des autres. «Le ja­nis­sa­riat ayant été aboli par l’extermination de la mi­lice le 16 juin 1826 sur la place de l’At-meïdan (Hip­po­drome), la sup­pres­sion des der­viches bek­ta­chi sui­vit de près celle des ja­nis­saires», dit un théo­lo­gien 4. «Sur l’avis du mufti et des prin­ci­paux ulé­mas, les trois de la congré­ga­tion furent exé­cu­tés pu­bli­que­ment le 10 juillet 1826; par ordre du sul­tan Mah­moud, l’ordre en­tier fut aboli, les “tek­kés” furent ra­sés, la plu­part des der­viches bek­ta­chi , et ceux qui ob­tinrent, par grâce, de res­ter à durent quit­ter leur dis­tinc­tif; ils obéirent et “res­tèrent”, comme dit un his­to­rien, “ados­sés au mur de la stu­pé­fac­tion”.»

  1. En Hacı Bek­taş. Par­fois trans­crit Had­jdji Bak­tasch, Ḥāji Baktāsh, Hâ­jjî Bek­tash, Haggi Bek­tasch, Had­schi Bek­tash, Hadsch Bek­tasch ou Hadj Bek­tash. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit «Ve­lâyet-nâme» ou «Vil­layet name». Icône Haut
  1. Par­fois trans­crit «Ma­qa­lat». Icône Haut
  2. … Gre­nier de Fa­jal. Icône Haut

« Autour de Nasreddin Hoca : textes et commentaires »

dans « Oriens », vol. 16, p. 194-223

dans «Oriens», vol. 16, p. 194-223

Il s’agit des plai­san­te­ries de Nas­red­din Hodja 1, pro­duc­tions lé­gères de la qui tiennent une place qui ne leur est dis­pu­tée par au­cun autre ou­vrage. On peut même dire qu’elles consti­tuent, à elles seules, un genre spé­cial : le genre plai­sant. L’immense po­pu­la­rité ac­cor­dée, dans sa pa­trie, au Hodja et à ses fa­cé­ties ex­tra­va­gantes per­met de voir en lui la per­son­ni­fi­ca­tion même de cette belle hu­meur jo­viale, sou­vent ef­fron­tée, dé­dai­gnant toutes les conve­nances, har­die jusqu’à l’impudence, mais spi­ri­tuelle, mor­dante, ma­li­cieuse, par­fois grosse d’enseignements, qui fait la base de la conver­sa­tion turque. Ici, point de ces mé­ta­phores am­bi­tieuses dont les let­trés orien­taux peuvent, seuls, ap­pré­cier le mé­rite; point de ces longues pé­riodes où la so­phis­ti­ca­tion et la des ex­pres­sions font perdre à l’auteur le fil de son . Au lieu de ces or­ne­ments qui troublent le com­mun des mor­tels, on trouve de la bonne et franche gaieté; un simple, concis et na­tu­rel; une verve naïve dont les éclairs in­at­ten­dus com­mandent le aux gens les plus comme aux plus igno­rants, trop heu­reux de dé­ri­der leurs fronts sou­cieux, de dis­traire la mo­no­to­nie de leurs ré­flexions, de trom­per l’ennui de leurs veilles. «Il est peu pro­bable de trou­ver dans le en­tier», dit un  2, «un hé­ros du qui jouisse d’un tel in­té­rêt ou qui at­tire d’une telle force l’attention d’auteurs et de lec­teurs que Nas­red­din Hodja… La forme ser­rée qui en­ve­loppe l’idée des [] aide à les re­te­nir fa­ci­le­ment dans la et à les dif­fu­ser… Il faut ajou­ter éga­le­ment que le per­son­nage de Nas­red­din Hodja marche sur les che­mins pous­sié­reux de l’Anatolie, dans les steppes de l’ et du Tad­ji­kis­tan et dans les de [la pé­nin­sule bal­ka­nique] avec un dé­faut inné, ayant trou­blé plu­sieurs fois les et les folk­lo­ristes : il s’agit du ca­rac­tère contra­dic­toire du hé­ros qui est re­pré­senté tan­tôt comme un sot en trois lettres peu pers­pi­cace et im­pré­voyant, tan­tôt comme un pré­voyant et juste; en tant que juge, il rend des équi­tables; en tant que dé­fen­seur des ac­cu­sés, il tranche des em­brouillés que les juges of­fi­ciels ne sont pas ca­pables de ju­ger.»

  1. En Nas­red­din Hoca. On le dé­signe éga­le­ment comme Mulla (Molla) Nas­red­din, c’est-à-dire Maître Nas­red­din. Par­fois trans­crit Nas­re­din, Nas­ra­din, Nas­ri­din, Nas­ret­tin, Nas­tra­din, Nas­tra­tin, Nas­ret­din, Nas­rud­din, Nassr Ed­din ou Nazr-ed-din. Icône Haut
  1. M. Vé­lit­chko Valt­chev. Icône Haut

Abou-Nowâs, « Le Vin, le Vent, la Vie : choix de poèmes »

éd. Actes Sud-Sindbad, Arles

éd. Actes Sud-Sind­bad, Arles

Il s’agit d’ 1 (VIIIe-IXe siècle apr. J.-C.), poète d’expression , «ivrogne, pé­dé­raste, li­ber­tin, demi-fou de Hâ­roun al-Ra­chîd, aussi connu par ses bons mots et ses fa­cé­ties, que par ses vers» 2. Il na­quit à Ah­vaz, d’un père arabe qui le laissa or­phe­lin, et d’une mère per­sane qui le ven­dit à un mar­chand d’épices de Bas­so­rah. L’enfant, ce­pen­dant, n’avait au­cune es­pèce d’aptitude pour le ; il ne pre­nait in­té­rêt qu’aux choses de l’esprit et af­fec­tion­nait par­ti­cu­liè­re­ment les belles lettres. Il n’avait qu’un  : ce­lui d’approcher le poète Wâ­liba ibn al-Hou­bab. , il ad­vint qu’un jour ce poète li­ber­tin et ama­teur de gar­çons s’arrêta de­vant la bou­tique d’épices et dis­tin­gua le jeune Abou-Nowâs pour sa mine. Il lui pro­posa de l’emmener avec lui à  : «J’ai re­mar­qué en toi les signes non équi­voques d’un grand ta­lent qui ne de­mande qu’à s’épanouir», lui dit-il 3. Plus tard, le bruit de son ta­lent étant par­venu aux oreilles de Hâ­roun al-Ra­chîd, ce prince le fit ve­nir à sa Cour, où il le lo­gea et ré­pan­dit sur lui ses bien­faits. Abou-Nowâs, par ses saillies aussi heu­reuses que har­dies, par son sa­voir des ex­pres­sions rares et par le charme de ses poé­sies, fit les dé­lices de la Cour brillante de ce prince. Al-Ja­hiz, l’un des hommes les plus éru­dits de ce , di­sait : «Je ne connais pas à Abou-Nowâs d’égal pour la connais­sance de la arabe». Et Abou-Nowâs di­sait lui-même : «Je n’ai pas dit un vers avant d’avoir étu­dié soixante , dont al-Khansâ et Laylâ, et que dire du nombre des !» 4 Ja­mais il ne re­nia, pour au­tant, ses per­sanes : il se mo­qua sans re­te­nue de la gloire des Arabes «qui ne sont pas les seuls élus de »; il at­ta­qua cet es­prit de race, cet tri­bal si im­por­tant dans la arabe, et dont s’armait un Fé­raz­dak peu de temps au­pa­ra­vant; en­fin, sa raf­fi­née et dis­so­lue re­fusa de se plier aux mœurs aus­tères du Bé­douin «man­geur de lé­zard et bu­veur d’ de puits dans les outres» me­nant une pré­caire sur une « aride peu­plée d’hyènes et de cha­cals»

  1. En arabe أبو نواس. Par­fois trans­crit Abou-Na­vas, Abou Na­was, Abou-Nao­vas, Ebu Nü­vas, Abou Nouas, Aboû Nouwâs ou Abū Nuwās. Icône Haut
  2. An­dré Gide, « cri­tiques» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 105. Icône Haut
  1. Dans Wa­cyf Bou­tros Ghali, «Le Jar­din des », p. 212. Icône Haut
  2. Dans id. p. 213. Icône Haut

Abou-Nowâs, « Poèmes bachiques et libertins »

éd. Verticales, Paris

éd. Ver­ti­cales, Pa­ris

Il s’agit d’ 1 (VIIIe-IXe siècle apr. J.-C.), poète d’expression , «ivrogne, pé­dé­raste, li­ber­tin, demi-fou de Hâ­roun al-Ra­chîd, aussi connu par ses bons mots et ses fa­cé­ties, que par ses vers» 2. Il na­quit à Ah­vaz, d’un père arabe qui le laissa or­phe­lin, et d’une mère per­sane qui le ven­dit à un mar­chand d’épices de Bas­so­rah. L’enfant, ce­pen­dant, n’avait au­cune es­pèce d’aptitude pour le ; il ne pre­nait in­té­rêt qu’aux choses de l’esprit et af­fec­tion­nait par­ti­cu­liè­re­ment les belles lettres. Il n’avait qu’un  : ce­lui d’approcher le poète Wâ­liba ibn al-Hou­bab. , il ad­vint qu’un jour ce poète li­ber­tin et ama­teur de gar­çons s’arrêta de­vant la bou­tique d’épices et dis­tin­gua le jeune Abou-Nowâs pour sa mine. Il lui pro­posa de l’emmener avec lui à  : «J’ai re­mar­qué en toi les signes non équi­voques d’un grand ta­lent qui ne de­mande qu’à s’épanouir», lui dit-il 3. Plus tard, le bruit de son ta­lent étant par­venu aux oreilles de Hâ­roun al-Ra­chîd, ce prince le fit ve­nir à sa Cour, où il le lo­gea et ré­pan­dit sur lui ses bien­faits. Abou-Nowâs, par ses saillies aussi heu­reuses que har­dies, par son sa­voir des ex­pres­sions rares et par le charme de ses poé­sies, fit les dé­lices de la Cour brillante de ce prince. Al-Ja­hiz, l’un des hommes les plus éru­dits de ce , di­sait : «Je ne connais pas à Abou-Nowâs d’égal pour la connais­sance de la arabe». Et Abou-Nowâs di­sait lui-même : «Je n’ai pas dit un vers avant d’avoir étu­dié soixante , dont al-Khansâ et Laylâ, et que dire du nombre des !» 4 Ja­mais il ne re­nia, pour au­tant, ses per­sanes : il se mo­qua sans re­te­nue de la gloire des Arabes «qui ne sont pas les seuls élus de »; il at­ta­qua cet es­prit de race, cet tri­bal si im­por­tant dans la , et dont s’armait un Fé­raz­dak peu de temps au­pa­ra­vant; en­fin, sa raf­fi­née et dis­so­lue re­fusa de se plier aux mœurs aus­tères du Bé­douin «man­geur de lé­zard et bu­veur d’ de puits dans les outres» me­nant une pré­caire sur une « aride peu­plée d’hyènes et de cha­cals»

  1. En arabe أبو نواس. Par­fois trans­crit Abou-Na­vas, Abou Na­was, Abou-Nao­vas, Ebu Nü­vas, Abou Nouas, Aboû Nouwâs ou Abū Nuwās. Icône Haut
  2. An­dré Gide, « cri­tiques» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 105. Icône Haut
  1. Dans Wa­cyf Bou­tros Ghali, «Le Jar­din des », p. 212. Icône Haut
  2. Dans id. p. 213. Icône Haut

Kabîr, « Le Fils de Ram et d’Allah : anthologie de poèmes »

éd. Les Deux Océans, Paris

éd. Les Deux Océans, Pa­ris

Il s’agit de  1, sur­nommé «le tis­se­rand de Bé­na­rès», l’un des les plus po­pu­laires de l’Inde, et l’un des fon­da­teurs de la lit­té­ra­ture , bien qu’il n’ait peut-être ja­mais rien écrit (XVe-XVIe siècle apr. J.-C.). Non seule­ment il a em­ployé le hindi, mais il a in­sisté sur l’avantage de se ser­vir de cette orale, en s’é contre l’emploi du et de toute autre langue sa­vante. Car, comme So­crate, Ka­bîr se mé­fiait de l’, qui était pour lui une lettre morte, un si­mu­lacre, et ne ju­geait vraie que la in­té­rieure de l’ : «Je n’ai ja­mais tou­ché», dit-il 2, «ni encre, ni pa­pier. Ma main ja­mais n’a tenu de plume. La gran­deur des quatre âges, Ka­bîr la fait naître des pa­roles de sa bouche». Sa re­nom­mée re­pose sur les cinq cents cou­plets («do­hâs» 3) et les cent stances («pa­das» 4) trans­crits par ses dis­ciples, et dont des mor­ceaux choi­sis fi­gurent dans le «Gou­rou Granth Sa­hib», le livre saint des . Ils se dis­tinguent par leur va­leur , par leur conci­sion et in­ten­sité, mais aussi et sur­tout par la ren­contre des deux tra­di­tions is­la­mique et hin­doue. Fils illé­gi­time d’une veuve brah­mane, adopté par un tis­se­rand mu­sul­man, Ka­bîr rê­vait d’amalgamer et en une seule et même . Lui-même se di­sait «l’enfant d’Allah et de Râma» et es­ti­mait que les deux tra­di­tions, mal­gré leurs dif­fé­rents, étaient des «pots de la même ar­gile» 5. On ra­conte que lorsqu’il fut sur le point de mou­rir, les hin­douistes dé­cla­rèrent qu’il fal­lait le brû­ler; les — qu’il fal­lait l’enterrer. Il s’éteignit re­cou­vert par son drap. Les deux par­tis, après d’interminables que­relles, fi­nirent par s’approcher du ca­davre et sou­le­vèrent le lin­ceul; mais ils virent qu’il n’y avait que des , et pas de . Les hin­douistes prirent la moi­tié des fleurs, les brû­lèrent et éle­vèrent en cet en­droit un mau­so­lée. Les mu­sul­mans prirent l’autre moi­tié et construi­sirent un sanc­tuaire pour les y mettre. «Il y a donc aujourd’hui à Ma­ghar 6 deux dé­diés à Ka­bîr», dit Mme  7. «Dres­sés l’un à côté de l’autre, ils té­moignent de l’irréductible contra­dic­tion que le même du ré­for­ma­teur de­vait être fi­na­le­ment im­puis­sant à ré­soudre. Tra­gique des­tin de ce pro­phète de l’!»

  1. En hindi कबीर. Au­tre­fois trans­crit Ca­bir. Icône Haut
  2. «Ka­bir : une mys­tique au-delà des re­li­gions», p. 151. Icône Haut
  3. En hindi दोहा. Icône Haut
  4. En hindi पद. Icône Haut
  1. «Ka­bir : une ex­pé­rience mys­tique au-delà des re­li­gions», p. 95 & 11. Icône Haut
  2. En hindi मगहर. Par­fois trans­crit Ma­ga­har. Ville si­tuée dans le dis­trict ac­tuel de Sant Ka­bîr Na­gar. Icône Haut
  3. «Pré­face à “Au ca­ba­ret de l’ : pa­roles de Ka­bîr”», p. 16. Icône Haut

Muḥâsibî, « Le “Kitāb al-Tawahhum” : une vision humaine des fins dernières »

éd. Klincksieck, coll. Études arabes et islamiques, Paris

éd. Klinck­sieck, coll. Études arabes et is­la­miques, Pa­ris

Il s’agit du «Ki­tâb al-Ta­wah­hum» 1Livre de la vi­sion des fins der­nières» 2) de Ḥâ­rith ibn Asad 3, théo­lo­gien et , plus connu sous le sur­nom de Muḥâ­sibî 4l’examinateur de »). Né à Bas­so­rah l’an 781 apr. J.-C., il vint de bonne heure à , où il mou­rut l’an 857. Il fit de l’examen de conscience un mo­teur de la spi­ri­tuelle. À la ma­nière des com­mer­çants, les hommes de­vraient dres­ser chaque jour, af­fir­mait-il, le bi­lan de ce qui a été po­si­tif ou né­ga­tif dans leur com­por­te­ment, de leurs «pro­fits» et «pertes». C’est cela l’examen de conscience. De la de Muḥâ­sibî, nous ne sa­vons presque rien, si­non qu’elle fut d’un grand . «Si la moi­tié du était à mes cô­tés, cela ne me pro­cu­re­rait au­cune ré­jouis­sance; et si la moi­tié du monde était loin de , de cet éloi­gne­ment je ne res­sen­ti­rais au­cun vide», dit-il 5. Et aussi : « pré­fère, entre deux com­man­de­ments po­si­tifs, le plus dur» 6. Il faut avouer que ses œuvres exé­gé­tiques sa­tis­font peu le goût mo­derne : la co­ra­nique et tra­di­tion­nelle y est trop ac­cen­tuée. Seul le «Ki­tâb al-Ta­wah­hum» fait ex­cep­tion à cet égard. Il n’est pas l’œuvre du théo­lo­gien, mais celle de l’écrivain. Il traite des fins der­nières, c’est-à-dire des châ­ti­ments ter­ribles qui se­ront in­fli­gés, en En­fer, aux hommes ayant déso­béi à Dieu; et des joies char­nelles que les hou­ris 7 ré­ser­ve­ront, au Pa­ra­dis, aux hommes ayant ob­servé Ses . Ce qui frappe, c’est l’admirable dans le­quel ces joies char­nelles sont dé­crites. Par contraste avec la vie aus­tère de Muḥâ­sibî, il y a dans le «Ki­tâb al-Ta­wah­hum» un in­avoué et qui donne à l’œuvre toute sa va­leur.

  1. En arabe «كتاب التّوهّم». Par­fois trans­crit «Ki­tab at Ta­wa­hum», «Ki­tab al Ta­wah­houm» ou «Ki­tâb al Ta­wah­hom». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «Le Livre sur la vi­sion des der­nières choses». Icône Haut
  3. En arabe الحارث بن أسد. Icône Haut
  4. En arabe المحاسبي. Par­fois trans­crit Mu­ha­siby, Mu­has­sibi, Mou­has­sibi, Mo­has­sibi ou Moḥâ­sibî. Icône Haut
  1. Dans Mah­moud, «Al-Moḥâ­sibî : un mys­tique», p. 29. Icône Haut
  2. Dans Mas­si­gnon, «Es­sai sur les du lexique de la mys­tique mu­sul­mane», p. 252. Icône Haut
  3. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le , se­ront les épouses des fi­dèles. Icône Haut

Hamadhânî, « Le Livre des vagabonds : séances d’un beau parleur impénitent »

éd. Phébus, coll. Domaine arabe, Paris

éd. Phé­bus, coll. Do­maine , Pa­ris

Il s’agit des «Ma­qâ­mât» 1Séances») de Ha­madhânî 2 (Xe siècle apr. J.-C.), lit­té­ra­teur d’expression arabe, éga­le­ment connu sous le sur­nom de Badî‘ al-Za­mân 3le mi­racle de son siècle»). Les «Ma­qâ­mât» sont des al­lo­cu­tions d’apparat ou joutes d’, des acro­ba­ties poé­tiques ou pres­ti­di­gi­ta­tions lexi­co­gra­phiques, que pra­ti­quaient en­semble les gens de lettres. Cette ma­nière de briller, dans les cercles et les com­pa­gnies, par des pièces en vers et en prose était aussi fré­quente parmi les Orien­taux, qu’elle l’avait été au­tre­fois chez les Athé­niens, et qu’elle le sera plus tard dans les sa­lons mon­dains de Pa­ris. Les Orien­taux ont plu­sieurs de ces «Ma­qâ­mât», qui passent parmi eux pour des -d’œuvre du bel es­prit et du beau . Ha­madhânî a été le pre­mier à en pu­blier. Ha­rîrî l’a imité et, de l’avis gé­né­ral, sur­passé; en sorte que M. , tra­duc­teur arabe, dit que «le livre de Ha­rîrî est sans , aux cô­tés des “Mille et une Nuits”, la meilleure in­tro­duc­tion que nous sa­chions aux mys­tères de l’ arabe, et aux se­crets de l’arme qu’elle a tou­jours pri­vi­lé­giée : la » 4. Il n’est pas pos­sible, en ef­fet, de pé­né­trer et d’approfondir les fi­nesses de la arabe sans l’étude préa­lable de ces «Ma­qâ­mât», sortes d’écrins de la mu­sul­mane. Le ca­ne­vas sur le­quel Ha­madhânî et Ha­rîrî ont brodé ces com­po­si­tions est un des plus ori­gi­naux de la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. C’est la sé­rie des mé­ta­mor­phoses et des tra­ves­tis­se­ments d’un men­diant let­tré, sorte de co­quin éhonté, aussi exercé en sub­ti­li­tés gram­ma­ti­cales qu’en es­cro­que­ries, ne fai­sant ser­vir sa science lit­té­raire qu’à ex­tor­quer quelque au­mône, et payant ses dî­ners en bons mots et en ti­rades dé­nuées de points dia­cri­tiques. Tour à tour imam ou pè­le­rin, mar­chand am­bu­lant ou faux mé­de­cin, aveugle ou pied-bot, ri­gide cen­seur ou vo­leur avide, il sait re­tour­ner sa veste et contre­faire sa , gri­mer sa et far­der son es­prit, chan­ger ses mé­tiers et va­rier ses prin­cipes se­lon la cir­cons­tance. «Aujourd’hui ver­tueux et dé­vot, il édi­fie par son hu­mi­lité ceux que la veille il scan­da­li­sait par son ef­fronté», dit Au­guste Cher­bon­neau 5. «Tan­tôt re­vêtu de haillons, il vante la fru­gale et prêche la ; tan­tôt paré des ha­bits de l’opulence, il chante la bonne chère et les joyeux plai­sirs. Vi­vant d’artifices… il raille les sots, dupe les âmes cré­dules, et par­vient tou­jours à mettre les rieurs de son côté.»

  1. En arabe «مقامات». Par­fois trans­crit «Me­qâ­mât», «Mé­ka­mat», «Mé­ca­mat», «Mo­ca­mat», «Ma­qua­mates», «Ma­quâmes», «Ma­ca­mat» ou «Maḳāmāt». Icône Haut
  2. En per­san همدانی. Par­fois trans­crit Ha­ma­dâny ou Ha­madānī. Icône Haut
  3. En per­san بدیع‌الزمان. Par­fois trans­crit Bédi-al­zé­man, Badi uz-Za­man, Bady-l-ze­mân, Badī‘ az-Zamān ou Badî al-Za­mâne. Icône Haut
  1. «Pré­face au “Livre des ma­lins : séances d’un va­ga­bond de de Ha­rîrî», p. 10. Icône Haut
  2. «Pré­face à “Ex­trait des Mé­ka­mat de Ha­riri. XXXe séance : la noce des men­diants”», p. IV. Icône Haut

Harîrî, « Le Livre des malins : séances d’un vagabond de génie »

éd. Phébus, coll. Domaine arabe, Paris

éd. Phé­bus, coll. Do­maine , Pa­ris

Il s’agit des «Ma­qâ­mât» 1Séances») d’al-Qâsim al-Ha­rîrî 2, lit­té­ra­teur (XIe siècle apr. J.-C.). Les «Ma­qâ­mât» sont des al­lo­cu­tions d’apparat ou joutes d’, des acro­ba­ties poé­tiques ou pres­ti­di­gi­ta­tions lexi­co­gra­phiques, que pra­ti­quaient en­semble les gens de lettres. Cette ma­nière de briller, dans les cercles et les com­pa­gnies, par des pièces en vers et en prose était aussi fré­quente parmi les Orien­taux, qu’elle l’avait été au­tre­fois chez les Athé­niens, et qu’elle le sera plus tard dans les sa­lons mon­dains de Pa­ris. Les Orien­taux ont plu­sieurs de ces «Ma­qâ­mât», qui passent parmi eux pour des -d’œuvre du bel es­prit et du beau . Ha­madhânî a été le pre­mier à en pu­blier. Ha­rîrî l’a imité et, de l’avis gé­né­ral, sur­passé; en sorte que M. , tra­duc­teur arabe, dit que «le livre de Ha­rîrî est sans , aux cô­tés des “Mille et une Nuits”, la meilleure in­tro­duc­tion que nous sa­chions aux mys­tères de l’ arabe, et aux se­crets de l’arme qu’elle a tou­jours pri­vi­lé­giée : la » 3. Il n’est pas pos­sible, en ef­fet, de pé­né­trer et d’approfondir les fi­nesses de la arabe sans l’étude préa­lable de ces «Ma­qâ­mât», sortes d’écrins de la mu­sul­mane. Le ca­ne­vas sur le­quel Ha­madhânî et Ha­rîrî ont brodé ces com­po­si­tions est un des plus ori­gi­naux de la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. C’est la sé­rie des mé­ta­mor­phoses et des tra­ves­tis­se­ments d’un men­diant let­tré, sorte de co­quin éhonté, aussi exercé en sub­ti­li­tés gram­ma­ti­cales qu’en es­cro­que­ries, ne fai­sant ser­vir sa science lit­té­raire qu’à ex­tor­quer quelque au­mône, et payant ses dî­ners en bons mots et en ti­rades dé­nuées de points dia­cri­tiques. Tour à tour imam ou pè­le­rin, mar­chand am­bu­lant ou faux mé­de­cin, aveugle ou pied-bot, ri­gide cen­seur ou vo­leur avide, il sait re­tour­ner sa veste et contre­faire sa , gri­mer sa et far­der son es­prit, chan­ger ses mé­tiers et va­rier ses prin­cipes se­lon la cir­cons­tance. «Aujourd’hui ver­tueux et dé­vot, il édi­fie par son hu­mi­lité ceux que la veille il scan­da­li­sait par son ef­fronté», dit Au­guste Cher­bon­neau 4. «Tan­tôt re­vêtu de haillons, il vante la fru­gale et prêche la ; tan­tôt paré des ha­bits de l’opulence, il chante la bonne chère et les joyeux plai­sirs. Vi­vant d’artifices… il raille les sots, dupe les âmes cré­dules, et par­vient tou­jours à mettre les rieurs de son côté.»

  1. En arabe «مقامات». Par­fois trans­crit «Me­qâ­mât», «Mé­ka­mat», «Mé­ca­mat», «Mo­ca­mat», «Ma­qua­mates», «Ma­quâmes», «Ma­ca­mat» ou «Maḳāmāt». Icône Haut
  2. En arabe القاسم الحريري. Par­fois trans­crit al-Cas­sem al-Ha­riri, êl Qâ­cem êl Hha­ryry, el Kas­sam el Ha­reery ou al-Ḳā­sim al-Ḥarīrī. Icône Haut
  1. p. 10. Icône Haut
  2. «Pré­face à “Ex­trait des Mé­ka­mat de Ha­riri. XXXe séance : la noce des men­diants”», p. IV. Icône Haut

Galland, « Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), . Ra­re­ment, la de la et les de l’ ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le de sa re­nom­mée, et de­puis, son n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces ! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’ même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le qui les éclaire.»

  1. En «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Icône Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Icône Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le , se­ront les épouses des fi­dèles. Icône Haut