Icône Mot-cleflittérature française

Vigny, « Œuvres complètes. Tome III. Cinq-Mars, part. 2 »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de «Cinq-Mars» d’, poète à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les de ces deux rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses «Poé­sies», mais un as­sez mau­vais drame — «Chat­ter­ton» en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : «[Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion», dé­clare un  1. «L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste», ajoute un autre cri­tique 2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la . Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la  : « faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe!», dit-il 3. Et aussi : «J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins; re­viennent les sou­ve­nirs…; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour»

  1. Émile Mon­té­gut. Icône Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Icône Haut
  1. «Tome VI. Jour­nal d’un poète», p. 132. Icône Haut

Rosny, « L’Énigme de Givreuse • La Haine surnaturelle »

éd. Bibliothèque nationale de France, coll. Les Orpailleurs, Paris

éd. Bi­blio­thèque na­tio­nale de , coll. Les Or­pailleurs, Pa­ris

Il s’agit de «L’Énigme de Gi­vreuse» et autres œuvres de . Sous le pseu­do­nyme de Rosny se masque la col­la­bo­ra­tion lit­té­raire entre deux  : Jo­seph-Henri-Ho­noré Boëx et Sé­ra­phin-Jus­tin-Fran­çois Boëx. Ils na­quirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une fran­çaise, hol­lan­daise et es­pa­gnole ins­tal­lée en . Ces di­verses, leur ins­tinct de , un âpre de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vi­gueur mus­cu­laire —, leur han­tise de la pré, et jusque la fas­ci­na­tion qu’exerçaient sur eux les terres in­hos­pi­ta­lières et sau­vages, firent naître chez eux le rêve de re­joindre les tri­bus in­diennes qui han­taient en­core les éten­dues loin­taines du . Londres d’abord et Pa­ris en­suite n’étaient dans leur tête qu’une es­cale; mais le des­tin les y fixa pour la et fit d’eux des pri­son­niers de ces ten­ta­cu­laires que les Rosny al­laient fouiller en pro­fon­deur, avec toute la pas­sion que sus­citent des contrées in­con­nues, des contrées hu­maines et bru­tales. Ils pé­né­trèrent dans les fau­bourgs sor­dides; ils connurent les four­naises, les usines, les fa­briques fa­rouches et re­pous­santes, cra­chant leurs noires fu­mées dans le , les dé­po­toirs à perte de vue, au­tour des­quels grouillaient des hommes de fer et de . Cette vi­sion exal­tait les Rosny jusqu’aux larmes : «Le front contre sa vitre, il contem­plait le fau­bourg si­nistre, les hautes che­mi­nées d’usine, avec l’impression d’une tue­rie lente et in­vin­cible. Au­rait-on le de sau­ver les hommes?… De vastes es­pé­rances ba­layaient cette crainte» 1. À ja­mais éga­rés des ho­ri­zons ca­na­diens, les Rosny se conso­lèrent en créant une des ban­lieues, à la­quelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une fo­rêt vierge, d’une sa­vane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ra­mures et de fauves, ils la ti­rèrent, aussi vierge, de l’étrange re­mous de la in­dus­trielle. Le sif­fle­ment des , le re­ten­tis­se­ment des en­clumes, la des foules de­vint pour eux un bruit aussi re­li­gieux que l’appel des cloches. L’aspect fé­roce, puis­sant des tra­vailleurs, à la sor­tie des ate­liers, leur évo­qua les temps pri­mi­tifs où les pre­miers hommes se dé­bat­taient dans des com­bats vio­lents contre les forces élé­men­taires de la . Dans leurs ro­mans aux dé­cors sub­ur­bains, qui re­joignent d’ailleurs leurs ré­cits pré­his­to­riques et , puisqu’ils se penchent sur «tout l’antique mys­tère» 2 des de­ve­nirs de la vie — dans leurs ro­mans, dis-je, les Rosny font voir que «la fo­rêt vierge et les grandes in­dus­tries ne sont pas des choses op­po­sées, ce sont des choses ana­logues»; qu’un «mor­ceau de Pa­ris, où s’entasse la gran­deur de nos sem­blables, doit faire pal­pi­ter les au­tant que la chute du Rhin à Schaff­house» 3; que l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture — ou plu­tôt, il est im­pos­sible de sé­pa­rer l’une de l’autre.

  1. «La Vague rouge». Icône Haut
  2. «L’Aube du fu­tur». Icône Haut
  1. «La Vague rouge». Icône Haut

Rosny, « La Mort de la Terre et Autres Contes »

éd. Bibliothèque nationale de France, coll. Les Orpailleurs, Paris

éd. Bi­blio­thèque na­tio­nale de , coll. Les Or­pailleurs, Pa­ris

Il s’agit de «La de la » et autres œuvres de . Sous le pseu­do­nyme de Rosny se masque la col­la­bo­ra­tion lit­té­raire entre deux  : Jo­seph-Henri-Ho­noré Boëx et Sé­ra­phin-Jus­tin-Fran­çois Boëx. Ils na­quirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une fran­çaise, hol­lan­daise et es­pa­gnole ins­tal­lée en . Ces di­verses, leur ins­tinct de , un âpre de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vi­gueur mus­cu­laire —, leur han­tise de la , et jusque la fas­ci­na­tion qu’exerçaient sur eux les terres in­hos­pi­ta­lières et sau­vages, firent naître chez eux le rêve de re­joindre les tri­bus in­diennes qui han­taient en­core les éten­dues loin­taines du . Londres d’abord et Pa­ris en­suite n’étaient dans leur tête qu’une es­cale; mais le des­tin les y fixa pour la et fit d’eux des pri­son­niers de ces ten­ta­cu­laires que les Rosny al­laient fouiller en pro­fon­deur, avec toute la pas­sion que sus­citent des contrées in­con­nues, des contrées hu­maines et bru­tales. Ils pé­né­trèrent dans les fau­bourgs sor­dides; ils connurent les four­naises, les usines, les fa­briques fa­rouches et re­pous­santes, cra­chant leurs noires fu­mées dans le , les dé­po­toirs à perte de vue, au­tour des­quels grouillaient des hommes de fer et de . Cette vi­sion exal­tait les Rosny jusqu’aux larmes : «Le front contre sa vitre, il contem­plait le fau­bourg si­nistre, les hautes che­mi­nées d’usine, avec l’impression d’une tue­rie lente et in­vin­cible. Au­rait-on le de sau­ver les hommes?… De vastes es­pé­rances ba­layaient cette crainte» 1. À ja­mais éga­rés des ho­ri­zons ca­na­diens, les Rosny se conso­lèrent en créant une des ban­lieues, à la­quelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une fo­rêt vierge, d’une sa­vane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ra­mures et de fauves, ils la ti­rèrent, aussi vierge, de l’étrange re­mous de la in­dus­trielle. Le sif­fle­ment des , le re­ten­tis­se­ment des en­clumes, la des foules de­vint pour eux un bruit aussi re­li­gieux que l’appel des cloches. L’aspect fé­roce, puis­sant des tra­vailleurs, à la sor­tie des ate­liers, leur évo­qua les temps pri­mi­tifs où les pre­miers hommes se dé­bat­taient dans des com­bats vio­lents contre les forces élé­men­taires de la . Dans leurs ro­mans aux dé­cors sub­ur­bains, qui re­joignent d’ailleurs leurs ré­cits pré­his­to­riques et , puisqu’ils se penchent sur «tout l’antique mys­tère» 2 des de­ve­nirs de la vie — dans leurs ro­mans, dis-je, les Rosny font voir que «la fo­rêt vierge et les grandes in­dus­tries ne sont pas des choses op­po­sées, ce sont des choses ana­logues»; qu’un «mor­ceau de Pa­ris, où s’entasse la gran­deur de nos sem­blables, doit faire pal­pi­ter les au­tant que la chute du Rhin à Schaff­house» 3; que l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture — ou plu­tôt, il est im­pos­sible de sé­pa­rer l’une de l’autre.

  1. «La Vague rouge». Icône Haut
  2. «L’Aube du fu­tur». Icône Haut
  1. «La Vague rouge». Icône Haut

Hugo, « Les Chants du crépuscule • Les Voix intérieures • Les Rayons et les Ombres »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Rayons et les Ombres» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Hugo, « Les Orientales • Les Feuilles d’automne »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Feuilles d’automne» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Hugo, « Odes et Ballades »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « et Bal­lades» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Judith Gautier, « Œuvres complètes. Tome II »

éd. Classiques Garnier, coll. Bibliothèque du XIXᵉ siècle, Paris

éd. Clas­siques Gar­nier, coll. Bi­blio­thèque du XIXe siècle, Pa­ris

Il s’agit de « d’» et autres œuvres de  1, femme de lettres fran­çaise (XIXe-XXe siècle). Fille de Théo­phile Gau­tier, elle fut peut-être le chef-d’œuvre de son père. Ce der­nier fa­çonna cette d’enfant, comme on fa­çonne l’argile, et l’embellit de toute la pu­reté ro­ma­nesque et de toute la chas­teté fière dont il prô­nait le culte. De son sa­lon, qui réunis­sait tout ce que Pa­ris avait de et de , il lui fit une sorte de ber­ceau, au fond du­quel il se plut à la voir gran­dir. En­fin, il pré­dis­posa cette âme au rêve, en lui ou­vrant les de l’. En ce , l’Orient, soit comme soit comme , était de­venu une oc­cu­pa­tion gé­né­rale pour les au­tant que pour les , comme ex­plique Hugo 2 : «Les études orien­tales n’ont ja­mais été pous­sées si avant. Au siècle de Louis XIV, on était hel­lé­niste; main­te­nant on est orien­ta­liste. Il y a un pas de fait. Ja­mais tant d’intelligences n’ont fouillé à la fois ce grand abîme de l’». Très vite, Ju­dith re­con­nut l’Orient comme une se­conde pa­trie, dont les images, les cadres, la , la des vinrent em­preindre toutes ses pen­sées, toutes ses rê­ve­ries. Chez les poètes de la et chez les de l’Inde, elle dé­cou­vrait sa ca­chée, sa propre phi­lo­so­phie, qu’elle ne s’était pas dite en­core; et dans les ré­cits de voyage au , elle re­voyait ses et tout un déjà presque fa­mi­lier. Alors, elle peu­pla cet Éden d’amantes et d’amants aux cœurs aussi purs que le sien et de nobles fi­gures ir­réelles. Hugo, au­quel elle en­voya son pre­mier , écrit ceci de­puis l’ : «J’ai lu votre “Dra­gon im­pé­rial”. Quel art puis­sant et gra­cieux que le vôtre!… Al­ler en Chine, c’est presque al­ler dans la lune; vous nous faites faire ce voyage si­dé­ral. On vous suit avec ex­tase, et vous fuyez dans le pro­fond du rêve, ai­lée et étoi­lée». Elle vé­cut dans un tel étoilé, à me­sure qu’elle le créait. Du nôtre, elle ne connut rien ou n’en vou­lut rien connaître. «Pa­ris est pour elle une ca­pi­tale loin­taine qu’elle n’a même point le de vi­si­ter un jour. Les formes y manquent de splen­deur et de mys­tère; les mai­sons en sont grises; la foule en est terne… Elle ignore; mais par une in­tui­tive de pro­phé­tesse, elle de­vine des lai­deurs qu’elle veut igno­rer, et s’en dé­tourne comme d’un ruis­seau, pour évi­ter la boue… Elle est ja­lou­se­ment en­fer­mée dans une sorte de cloître qu’elle a for­ti­fié d’indifférence», ra­conte Ed­mond Ha­rau­court.

  1. Éga­le­ment connue sous le sur­nom de Ju­dith Wal­ter, ainsi que sous le nom de femme ma­riée de Ju­dith Men­dès (1866-1874). Icône Haut
  1. «Les Orien­tales». Icône Haut

Judith Gautier, « Œuvres complètes. Tome I »

éd. Classiques Garnier, coll. Bibliothèque du XIXᵉ siècle, Paris

éd. Clas­siques Gar­nier, coll. Bi­blio­thèque du XIXe siècle, Pa­ris

Il s’agit du «Dra­gon im­pé­rial» et autres œuvres de  1, femme de lettres fran­çaise (XIXe-XXe siècle). Fille de Théo­phile Gau­tier, elle fut peut-être le chef-d’œuvre de son père. Ce der­nier fa­çonna cette d’enfant, comme on fa­çonne l’argile, et l’embellit de toute la pu­reté ro­ma­nesque et de toute la chas­teté fière dont il prô­nait le culte. De son sa­lon, qui réunis­sait tout ce que Pa­ris avait de et de , il lui fit une sorte de ber­ceau, au fond du­quel il se plut à la voir gran­dir. En­fin, il pré­dis­posa cette âme au rêve, en lui ou­vrant les de l’. En ce , l’, soit comme soit comme , était de­venu une oc­cu­pa­tion gé­né­rale pour les au­tant que pour les , comme ex­plique Hugo 2 : «Les études orien­tales n’ont ja­mais été pous­sées si avant. Au siècle de Louis XIV, on était hel­lé­niste; main­te­nant on est orien­ta­liste. Il y a un pas de fait. Ja­mais tant d’intelligences n’ont fouillé à la fois ce grand abîme de l’». Très vite, Ju­dith re­con­nut l’Orient comme une se­conde pa­trie, dont les images, les cadres, la , la des vinrent em­preindre toutes ses pen­sées, toutes ses rê­ve­ries. Chez les poètes de la et chez les de l’Inde, elle dé­cou­vrait sa ca­chée, sa propre phi­lo­so­phie, qu’elle ne s’était pas dite en­core; et dans les ré­cits de voyage au , elle re­voyait ses et tout un déjà presque fa­mi­lier. Alors, elle peu­pla cet Éden d’amantes et d’amants aux cœurs aussi purs que le sien et de nobles fi­gures ir­réelles. Hugo, au­quel elle en­voya son pre­mier , écrit ceci de­puis l’ : «J’ai lu votre “Dra­gon im­pé­rial”. Quel art puis­sant et gra­cieux que le vôtre!… Al­ler en Chine, c’est presque al­ler dans la lune; vous nous faites faire ce voyage si­dé­ral. On vous suit avec ex­tase, et vous fuyez dans le pro­fond du rêve, ai­lée et étoi­lée». Elle vé­cut dans un tel étoilé, à me­sure qu’elle le créait. Du nôtre, elle ne connut rien ou n’en vou­lut rien connaître. «Pa­ris est pour elle une ca­pi­tale loin­taine qu’elle n’a même point le de vi­si­ter un jour. Les formes y manquent de splen­deur et de mys­tère; les mai­sons en sont grises; la foule en est terne… Elle ignore; mais par une in­tui­tive de pro­phé­tesse, elle de­vine des lai­deurs qu’elle veut igno­rer, et s’en dé­tourne comme d’un ruis­seau, pour évi­ter la boue… Elle est ja­lou­se­ment en­fer­mée dans une sorte de cloître qu’elle a for­ti­fié d’indifférence», ra­conte Ed­mond Ha­rau­court.

  1. Éga­le­ment connue sous le sur­nom de Ju­dith Wal­ter, ainsi que sous le nom de femme ma­riée de Ju­dith Men­dès (1866-1874). Icône Haut
  1. «Les Orien­tales». Icône Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome II »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires d’outre-tombe» de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires d’outre-tombe» de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome III »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de «La de Di­don» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Poé­sies sa­crées» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut