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Volney, « La Loi naturelle, ou Principes physiques de la morale »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «La Loi na­tu­relle, ou Prin­cipes phy­siques de la » 1 de Constan­tin-Fran­çois de Chas­sebœuf, voya­geur et lit­té­ra­teur , plus connu sous le sur­nom de Vol­ney (XVIIIe-XIXe siècle). Il per­dit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille pa­rente, qui l’abandonna dans un pe­tit col­lège d’Ancenis. Le ré­gime de ce col­lège était fort mau­vais, et la des y était à peine soi­gnée; le di­rec­teur était un bru­tal, qui ne par­lait qu’en gron­dant et ne gron­dait qu’en frap­pant. Vol­ney souf­frait d’autant plus que son père ne ve­nait ja­mais le voir et ne pa­rais­sait ja­mais avoir pour lui cette sol­li­ci­tude que té­moigne un père en­vers son fils. L’enfant avan­çait pour­tant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par , soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plai­sait dans la so­li­taire et ta­ci­turne, et son n’attendait que d’être li­béré pour se dé­ve­lop­per et pour prendre un es­sor ra­pide. L’occasion ne tarda pas à se pré­sen­ter : une mo­dique somme d’argent lui échut. Il ré­so­lut de l’employer à ac­qué­rir, dans un grand voyage, un fonds de connais­sances nou­velles. La et l’ lui pa­rurent les pays les plus propres aux ob­ser­va­tions his­to­riques et mo­rales dont il vou­lait s’occuper. «Je me sé­pa­re­rai», se pro­mit-il 2, «des so­cié­tés cor­rom­pues; je m’éloignerai des où l’ se dé­prave par la sa­tiété, et des ca­banes où elle s’avilit par la mi­sère; j’irai dans la vivre parmi les ruines; j’interrogerai les an­ciens… par quels mo­biles s’élèvent et s’abaissent les Em­pires; de quelles naissent la pros­pé­rité et les mal­heurs des na­tions; sur quels prin­cipes en­fin doivent s’établir la des so­cié­tés et le des hommes.» Mais pour vi­si­ter ces pays avec fruit, il fal­lait en connaître la  : «Sans la langue, l’on ne sau­rait ap­pré­cier le gé­nie et le ca­rac­tère d’une  : la tra­duc­tion des in­ter­prètes n’a ja­mais l’effet d’un en­tre­tien di­rect», pen­sait-il 3. Cette dif­fi­culté ne re­buta point Vol­ney. Au lieu d’apprendre l’ en , il alla s’enfermer du­rant huit mois dans un couvent du Li­ban, jusqu’à ce qu’il fût en état de par­ler cette langue com­mune à tant d’Orientaux.

  1. Éga­le­ment connu sous le titre de «Ca­té­chisme du ci­toyen fran­çais». Icône Haut
  2. «Les Ruines», p. 19. Icône Haut
  1. «Pré­face à “Voyage en Sy­rie et en Égypte”». Icône Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome II »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires d’outre-tombe» de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires d’outre-tombe» de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Rivarol, « De l’homme, de ses facultés intellectuelles et de ses idées premières et fondamentales »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «De l’, de ses fa­cul­tés in­tel­lec­tuelles et de ses idées pre­mières et fon­da­men­tales» 1 d’Antoine Ri­va­roli, dit de Ri­va­rol, im­pro­vi­sa­teur , un des plus éblouis­sants de la fin du XVIIIe siècle. «Il y a parmi les gens du cer­taines per­sonnes qui doivent tout [leur] à leur ré­pu­ta­tion de gens d’esprit, et toute leur ré­pu­ta­tion à leur pa­resse». En pla­çant ces mots en tête du «Pe­tit Al­ma­nach de nos grands hommes», Ri­va­rol pen­sait-il à lui-même? Pro­ba­ble­ment. Il était pa­res­seux et il le sa­vait; mais c’était le de la conver­sa­tion en cette fin de siècle où la conver­sa­tion était le su­prême plai­sir et la su­prême gloire, et il était chaque jour tra­versé d’ ful­gu­rantes. On rap­porte qu’il no­tait ses «Pen­sées di­verses» sur de pe­tites feuilles vo­lantes, sur des mor­ceaux de pa­pier, qu’il ran­geait en­suite dans des sacs po­sés sur sa table de . Avec ces sacs, qu’il ren­ver­sait pé­rio­di­que­ment, tel un cher­cheur d’ comp­tant ses pé­pites, il vi­sait au pre­mier rang dans les lettres et il était bien ca­pable d’y at­teindre; mais il fré­quen­tait trop une dis­si­pée, mon­daine, une so­ciété qui ne vou­lait qu’être amu­sée; et en quelques heures de conver­sa­tion, il gas­pillait avec éclat la de dix . «On n’avait qu’à le tou­cher sur un point, qu’à lui don­ner la note, et le cla­vier ré­pon­dait à l’instant par toute une so­nate», ex­plique un  2. Ces com­modes, qu’il rem­por­tait chaque soir en cau­sant sur n’importe quel su­jet, et qui n’avaient be­soin, pour être re­nou­ve­lés, que des im­pro­vi­sa­tions de son es­prit lé­gè­re­ment oc­cupé, lui ont ravi ses plus belles an­nées. «Sans cesse ar­ra­ché à lui-même, il a sa­cri­fié tan­tôt à la fri­vo­lité, tan­tôt à la fi­dé­lité, tan­tôt à la né­ces­sité, les heures sa­crées de l’. Il a per­pé­tuel­le­ment man­qué les oc­ca­sions de de­ve­nir un grand homme», ex­plique un autre cri­tique 3.

  1. Éga­le­ment connu sous les titres de «Dis­cours pré­li­mi­naire du “Nou­veau Dic­tion­naire de la fran­çaise”» et de «Dis­cours sur l’homme in­tel­lec­tuel et mo­ral». Icône Haut
  2. Sainte-Beuve. Icône Haut
  1. Adolphe de Les­cure. Icône Haut

« Jean Tarin, recteur de l’Université de Paris (1590-1666) : notice biographique »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Jean Ta­rin, hel­lé­niste , rec­teur de l’Université de Pa­ris, lec­teur royal en grecque et la­tine 1. Il a laissé une édi­tion et tra­duc­tion la­tine d’Iso­crate, si­gnées mo­des­te­ment «I. T. B. A.» («Jean Ta­rin de Beau­fort en An­jou») ou «I. T. A.» («Jean Ta­rin d’Anjou»), et qui sont res­tées, pour cette , in­con­nues des deux ou trois qui ont parlé de lui. Ta­rin était fils d’un meu­nier et na­quit en l’an 1590. Dès son en­fance, se sen­tant un goût très pro­noncé pour les études, il pressa vi­ve­ment sa de l’envoyer à l’école; mais il ne put rien ob­te­nir de ses pa­rents, qui y étaient op­po­sés. Ce­pen­dant, peu après la fon­da­tion d’un col­lège de à La Flèche, il vint s’y pré­sen­ter comme étu­diant, pieds nus, n’ayant autre chose qu’une che­mise sur les épaules et un sac plein de noix et de pièces de pain. Il fut mis, par , entre les ba­layeurs des classes du col­lège; de là, il fut mar­mi­ton des pen­sion­naires, puis la­quais d’un des . Fut-il mal­traité? En tout cas, il vouera par la suite à la Com­pa­gnie de Jé­sus une haine pro­fonde, que celle-ci lui ren­dra bien, si l’on en juge par le por­trait peu flat­teur qu’a tracé de lui le père Fran­çois Ga­rasse : «[C’est] un de néant, nommé Ta­rin», dit le père 2, «à demi géant, qui porte un vi­sage de cy­clope et une de tau­reau, par la­quelle il ton­nait contre nous…; il est de fort bas lieu, fils d’un meu­nier de Ro­che­fort [li­sez Beau­fort]». Son ache­vée avec tous les prix, Ta­rin s’en vint à Pa­ris, où il s’accosta d’un autre pa­ria de la Com­pa­gnie de Jé­sus, qui lui ou­vrit grand les portes du pro­fes­so­rat. N’ayant pas tardé à mon­trer l’excellence de son es­prit, il ac­quit la ré­pu­ta­tion d’«un abîme de science et un des hommes du » : «Plût à que je susse au­tant de et de que [lui]», dit un de ses contem­po­rains 3. Sa ré­pu­ta­tion fut por­tée jusqu’au roi Louis XIII, qui, l’ayant fait lec­teur royal, lui pro­posa plu­sieurs évê­chés; mais Ta­rin, qui ne se croyait pas ap­pelé à l’état ec­clé­sias­tique, re­fusa de se rendre à cette offre et il prit le parti du . Il fut plus d’une fois rec­teur de l’Université de Pa­ris, dont il dé­fen­dit tou­jours les avec force et fer­meté. Une anec­dote illustre ce que je viens de dire : Un jour, étant à un acte de , il avait, comme c’était son , pris la place d’, lorsque de hauts pré­lats ar­ri­vèrent et vou­lurent la lui faire quit­ter ou en prendre une au-des­sus de lui. «La que vous fou­lez ici aux pieds, ô illustres princes d’, est à , et je ne souf­fri­rai point que vous fou­liez aussi de la sorte ma di­gnité!» («Terra hæc, quam concul­ca­tis, o illus­tris­simi Ec­cle­siæ prin­cipes, mea est; nec pa­tiar meam di­gni­ta­tem sic a vo­bis conta­mi­nari!»), leur dit-il. Et il fit ces­ser l’acte.

  1. On ap­pe­lait «lec­teurs royaux» les pro­fes­seurs du Col­lège royal, l’actuel Col­lège de . Icône Haut
  2. «Mé­moires», p. 104. Icône Haut
  1. Guy Pa­tin. Icône Haut

le père de Beaurecueil, « Je crois en l’étoile du matin »

éd. du Cerf, coll. Épiphanie, Paris

éd. du Cerf, coll. Épi­pha­nie, Pa­ris

Il s’agit de «Je crois en l’étoile du ma­tin» du père , re­li­gieux , grand connais­seur de l’. En en­trant dans l’Ordre de saint Do­mi­nique en 1935 et en en­ten­dant pour la pre­mière fois le père Chenu lui par­ler de l’, où il par­tit en 1946, com­ment le père de Beau­re­cueil au­rait-il pu sup­po­ser que sa pa­trie spi­ri­tuelle, sa pro­mise se­rait beau­coup plus loin, dans les de l’? l’y condui­sit pas à pas et presque sans qu’il s’en aper­çût. La «ren­contre» for­tuite d’un du XIe siècle apr. J.-C., An­sârî, fut dé­ci­sive. Le père de Beau­re­cueil n’y vit au dé­but qu’un bon su­jet d’étude à pour­suivre au couvent du Caire. Il en­tre­prit d’éditer ri­gou­reu­se­ment, à par­tir de tous les exis­tants, les textes ori­gi­naux d’Ansârî, en et en , ce mys­tique ayant écrit dans les deux langues. Il en ap­prit même les plus beaux pas­sages par cœur pour nour­rir ses ; ce­lui-ci par exemple : «Com­ment au­rais-je su que la est mère de la , et que sous une dé­cep­tion se cachent mille ?» 1, qu’il rap­pro­chait du psaume bi­blique : «Ceux qui sèment dans les larmes, mois­sonnent avec des cris de joie» 2. Ses tra­vaux ma­gis­traux lui va­lurent d’être in­vité à Ka­boul pour un sé­mi­naire sur An­sârî, en 1962. On lui sug­géra de res­ter, ce qu’il fit une bonne ving­taine d’années. La ville de Ka­boul, ren­dez-vous de tant d’ethnies, in­vi­tées à se re­con­naître, à vivre en­semble, avec évi­dem­ment tous les heurts pos­sibles, le fas­cina : «Ka­boul, ma fian­cée, mon épouse, dont je porte la bague, don­née il y a bien long­temps par un pe­tit bon­homme épi­lep­tique que j’avais fait soi­gner!… Quel entre nous! Avec bien­tôt vingt ans de fi­dé­lité», écrit-il dans un hymne consa­cré à cette ville

  1. «Cris du cœur, “Mu­nâ­jât”», nº 28. Icône Haut
  1. «Livre des psaumes», CXXVI, 5. Icône Haut

le père de Beaurecueil, « Un Chrétien en Afghanistan. Nous avons partagé le pain et le sel • Prêtre des non-chrétiens »

éd. du Cerf, coll. Foi vivante, Paris

éd. du Cerf, coll. vi­vante, Pa­ris

Il s’agit d’«Un Chré­tien en » du père , re­li­gieux , grand connais­seur de l’Afghanistan. En en­trant dans l’Ordre de saint Do­mi­nique en 1935 et en en­ten­dant pour la pre­mière fois le père Chenu lui par­ler de l’, où il par­tit en 1946, com­ment le père de Beau­re­cueil au­rait-il pu sup­po­ser que sa pa­trie spi­ri­tuelle, sa pro­mise se­rait beau­coup plus loin, dans les de l’? l’y condui­sit pas à pas et presque sans qu’il s’en aper­çût. La «ren­contre» for­tuite d’un du XIe siècle apr. J.-C., An­sârî, fut dé­ci­sive. Le père de Beau­re­cueil n’y vit au dé­but qu’un bon su­jet d’étude à pour­suivre au couvent du Caire. Il en­tre­prit d’éditer ri­gou­reu­se­ment, à par­tir de tous les exis­tants, les textes ori­gi­naux d’Ansârî, en et en , ce mys­tique ayant écrit dans les deux langues. Il en ap­prit même les plus beaux pas­sages par cœur pour nour­rir ses ; ce­lui-ci par exemple : «Com­ment au­rais-je su que la est mère de la , et que sous une dé­cep­tion se cachent mille ?» 1, qu’il rap­pro­chait du psaume bi­blique : «Ceux qui sèment dans les larmes, mois­sonnent avec des cris de joie» 2. Ses tra­vaux ma­gis­traux lui va­lurent d’être in­vité à Ka­boul pour un sé­mi­naire sur An­sârî, en 1962. On lui sug­géra de res­ter, ce qu’il fit une bonne ving­taine d’années. La ville de Ka­boul, ren­dez-vous de tant d’ethnies, in­vi­tées à se re­con­naître, à vivre en­semble, avec évi­dem­ment tous les heurts pos­sibles, le fas­cina : «Ka­boul, ma fian­cée, mon épouse, dont je porte la bague, don­née il y a bien long­temps par un pe­tit bon­homme épi­lep­tique que j’avais fait soi­gner!… Quel d’ entre nous! Avec bien­tôt vingt ans de fi­dé­lité», écrit-il dans un hymne consa­cré à cette ville

  1. «Cris du cœur, “Mu­nâ­jât”», nº 28. Icône Haut
  1. «Livre des psaumes», CXXVI, 5. Icône Haut

le père de Beaurecueil, « Mes enfants de Kaboul »

éd. du Cerf, Paris

éd. du Cerf, Pa­ris

Il s’agit de «Mes de Ka­boul» du père , re­li­gieux , grand connais­seur de l’. En en­trant dans l’Ordre de saint Do­mi­nique en 1935 et en en­ten­dant pour la pre­mière fois le père Chenu lui par­ler de l’, où il par­tit en 1946, com­ment le père de Beau­re­cueil au­rait-il pu sup­po­ser que sa pa­trie spi­ri­tuelle, sa pro­mise se­rait beau­coup plus loin, dans les de l’ Cen­trale? l’y condui­sit pas à pas et presque sans qu’il s’en aper­çût. La «ren­contre» for­tuite d’un du XIe siècle apr. J.-C., An­sârî, fut dé­ci­sive. Le père de Beau­re­cueil n’y vit au dé­but qu’un bon su­jet d’étude à pour­suivre au couvent du Caire. Il en­tre­prit d’éditer ri­gou­reu­se­ment, à par­tir de tous les exis­tants, les textes ori­gi­naux d’Ansârî, en et en , ce mys­tique ayant écrit dans les deux langues. Il en ap­prit même les plus beaux pas­sages par cœur pour nour­rir ses ; ce­lui-ci par exemple : «Com­ment au­rais-je su que la est mère de la , et que sous une dé­cep­tion se cachent mille ?» 1, qu’il rap­pro­chait du psaume bi­blique : «Ceux qui sèment dans les larmes, mois­sonnent avec des cris de joie» 2. Ses tra­vaux ma­gis­traux lui va­lurent d’être in­vité à Ka­boul pour un sé­mi­naire sur An­sârî, en 1962. On lui sug­géra de res­ter, ce qu’il fit une bonne ving­taine d’années. La ville de Ka­boul, ren­dez-vous de tant d’ethnies, in­vi­tées à se re­con­naître, à vivre en­semble, avec évi­dem­ment tous les heurts pos­sibles, le fas­cina : «Ka­boul, ma fian­cée, mon épouse, dont je porte la bague, don­née il y a bien long­temps par un pe­tit bon­homme épi­lep­tique que j’avais fait soi­gner!… Quel entre nous! Avec bien­tôt vingt ans de fi­dé­lité», écrit-il dans un hymne consa­cré à cette ville

  1. «Cris du cœur, “Mu­nâ­jât”», nº 28. Icône Haut
  1. «Livre des psaumes», CXXVI, 5. Icône Haut

« Vie de Jacques, comte de Vintimille, conseiller au Parlement de Bourgogne, littérateur et savant du XVIᵉ siècle »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Jacques, comte de Vin­ti­mille, qui ne fut point comte, mais sa­vant et hel­lé­niste, et qu’on fe­rait mieux d’appeler du nom dont il si­gnait lui-même ses  : Jacques des Comtes de Vin­ti­mille 1 (XVIe-XVIIe siècle). Il na­quit dans l’île de Rhodes, en . Son père, Alexandre des Comtes de Vin­ti­mille, , s’étant fixé dans cette île, avait épousé une très noble et riche dame, des­cen­dante du des Pa­léo­logues, der­niers de , de la­quelle il avait eu plu­sieurs . Il croyait avoir ainsi éta­bli et as­suré son . «Mais lui mon­tra bien quelque après — comme il fait à tous — qu’il ne faut point prendre pied ès choses tem­po­relles, ni se fon­der ès biens [ter­restres] et fa­veurs de ce », com­mente Jacques 2. Car, en l’an 1522, les Turcs com­men­cèrent une fu­rieuse contre la chré­tienté, sous la conduite du sul­tan So­li­man; de sorte que l’île de Rhodes fut at­ta­quée par les Turcs; les biens et pillés; Alexandre en­cer­clé et griè­ve­ment blessé. Un che­va­lier chré­tien, George de Vau­zelles, , par­vint à le dé­ga­ger de la mê­lée, mais trop tard. Alexandre lui re­mit son épée et mou­rut dans ses bras, en mur­mu­rant : «Prends mon épée, je t’en conjure, je ne veux pas qu’un ou qu’un autre que toi la pos­sède» 3. Après la chute de Rhodes, la veuve du­dit Alexandre sor­tit dé­nuée de tout bien et fut contrainte de prendre la sans trou­ver de lieu où s’arrêter; et quand, mi­sé­rable, elle ne vou­lut plus ou ne put plus pour­voir à la nour­ri­ture de Jacques, son der­nier-né, le che­va­lier de Vau­zelles, par un mou­ve­ment de toute re­li­gieuse, dé­cida de prendre soin de l’enfant. Il l’emmena avec lui en et l’éleva comme son propre fils, en lui don­nant une conforme à sa haute nais­sance dans les écoles de Lyon, de Pa­ris et de Tou­louse. L’enfant pro­fita si heu­reu­se­ment, qu’il de­vint une des fortes têtes de son temps. Il tra­dui­sit de en fran­çais Xé­no­phon, Hé­ro­dien et Ly­sias. Son mé­rite re­connu lui ou­vrit l’entrée à la Cour de Fran­çois Ier et celle de son suc­ces­seur Henri II. «Voilà comme Dieu nous donne la et nous sauve des dan­gers, comme il lui plaît; et contre toute es­pé­rance nous mène et conduit en lieux où l’on n’a ja­mais pensé», com­mente Jacques

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Vin­te­mille. Icône Haut
  2. «Dis­cours de l’estoc et des Comtes de Vin­ti­mille», p. 29. Icône Haut
  1. En «Sume en­sem, pre­cor, ipse meum : ne Turca, nec ul­lus quam tu ha­beat». Icône Haut

« Étude sur Nicolas de Grouchy (Nicolaus Gruchius Rothomagensis) »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ni­co­las de Grou­chy 1, hu­ma­niste d’expression la­tine, qui en­sei­gna Aris­tote en et au Por­tu­gal, et dont Mon­taigne re­çut pen­dant quelque des le­çons pri­vées. Dans un vieux rè­gle­ment pour le col­lège de Bor­deaux, im­primé en 1583 et in­ti­tulé «Schola Aqui­ta­nica», on lit que «[parmi] les qu’on ex­plique dans la classe de », il ne faut pas en ex­pli­quer «d’autres que ceux d’, à l’exception… des “Præ­cep­tiones dia­lec­ticæ” (“Pré­ceptes de ”) par Ni­co­las de Grou­chy, si on trouve bon de com­men­cer le cours par cet ou­vrage» 2. Et la «Schola Aqui­ta­nica» de pré­ci­ser : «De toutes les courtes in­tro­duc­tions à ce que les An­ciens ont ap­pelé “l’Instrument de la ” [“l’Organon”], c’est la plus belle et la plus sa­vante qui ait paru, de notre temps, à l’usage des jeunes gens qui se plaisent à l’étude de la phi­lo­so­phie». Voici ce qu’on sait de ce Grou­chy ainsi vanté, le seul au­to­risé à ini­tier les jeunes gens à la d’Aristote : Né au­tour de 1510, il fit ses études à Rouen, sa ville na­tale, et à Pa­ris, où il se lia avec un sa­vant d’origine por­tu­gaise, An­dré de Gou­véa, qui le fit ve­nir au col­lège de Bor­deaux. Ce col­lège était «très flo­ris­sant pour lors et le meilleur de France», dit Mon­taigne 3. Grou­chy y fut chargé par Gou­véa du cours de dia­lec­tique et oc­cupa cette chaire pen­dant treize ans. En 1547, sur les ins­tances du roi de Por­tu­gal, Gou­véa ren­tra dans son pays afin d’y fon­der un col­lège sur le mo­dèle de ce­lui de Bor­deaux; il amena avec lui l’élite du pro­fes­so­ral, à qui il donna de bons gages. Grou­chy l’y sui­vit, mais n’y resta pas très long­temps. Fa­ti­gué des luttes qu’il avait à sou­te­nir, en tant que pro­tes­tant, contre l’intolérance des por­tu­gais, et en tant qu’étranger, contre leur ja­lou­sie, il re­tourna en France et vé­cut vingt-deux ans dans un état voi­sin de l’indigence, en s’adonnant à la pu­bli­ca­tion de ses tra­duc­tions la­tines d’Aristote. La di­rec­tion d’un col­lège à La Ro­chelle lui fut, en­fin, pro­po­sée par Jeanne III d’Albret, reine de Na­varre, qui lui écri­vit «qu’il n’est pas dé­fendu d’espérer de pou­voir po­lir un rude [comme le mien] quand il est ma­nié par telles mains que sont les vôtres» 4. Et la reine de Na­varre d’ajouter : «Le pays est fort sain pour gens de votre âge, et vous y pour­rez dou­ce­ment vivre, exer­çant la vo­ca­tion en la­quelle vous ap­pelle». Notre pro­fes­seur s’empressa d’accepter cette fonc­tion et il était sur le point d’en prendre pos­ses­sion quand une ma­ligne, contrac­tée dans son voyage en plein hi­ver sur le che­min de La Ro­chelle, l’emporta en peu de jours.

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Ni­co­las de la Grouche et Ni­co­las Grou­chi. À ne pas confondre avec Ni­co­las de Grou­chy, sieur de La Court, qui vé­cut un siècle plus tard, et dont nous n’avons qu’un seul ou­vrage «bien peu fait pour don­ner à la pos­té­rité une haute idée de son ta­lent et de son bon sens» (p. 159), c’est «La Béa­ti­tude, ou les Imi­tables [!] Amours de Theoys et de Ca­rite». Icône Haut
  2. «“Schola Aqui­ta­nica”, Pro­gramme d’études du Col­lège de Guyenne au XVIe siècle, pu­blié pour la pre­mière fois par Élie Vi­net en 1583». Icône Haut
  1. «», liv. I, ch. XXV. Icône Haut
  2. Dans Hip­po­lyte Au­bert de la Rüe, «Lettres de Jeanne d’Albret», p. 399. Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome III »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de «La de Di­don» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Poé­sies sa­crées» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut