Icône Mot-clefphilosophes antiques

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome IV. Livres XIV-XVIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome III. Livres VIII-XIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome II. Livres V-VII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome I. Livres I-IV »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius» 1Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales)») de  2, dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de et de bonne » 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son qu’à sa chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’ de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, « élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un in­es­péré pour . Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires . Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En , sa lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius» ou «Épîtres». Icône Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Icône Haut
  3. le comte , «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Icône Haut
  1. Waltz, « de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Icône Haut
  2. «De la constance du », ch. XV, sect. 2. Icône Haut

« Les Années de formation [ou : un véritable stoïcien, Attale] »

dans Pierre Grimal, « Sénèque, ou la Conscience de l’Empire » (éd. Fayard, Paris), p. 247-262

dans Gri­mal, «Sé­nèque, ou la de l’Empire» (éd. Fayard, Pa­ris), p. 247-262

Il s’agit d’Attale le phi­lo­sophe 1 (ou At­tale le stoï­cien 2) dont Sé­nèque parle tou­jours avec im­mense . Il était, nous dit Sé­nèque le père 3, un « de grande , et entre les que nous avons vus de notre âge, le plus sub­til et le mieux-di­sant». Ce pré­di­ca­teur d’origine grecque laissa une im­pres­sion pro­fonde et un du­rable chez le jeune Sé­nèque, qui sui­vit ses le­çons à et qui ci­tera pieu­se­ment des bribes de son dans ses œuvres de , et tout par­ti­cu­liè­re­ment dans ses «Lettres à Lu­ci­lius», comme si les belles d’Attale gra­vées dans son cœur d’adolescent lui re­ve­naient plus vi­vaces et plus pré­gnantes que ja­mais. Voici com­ment il en parle : «Je me rap­pelle ce que nous di­sait le maître At­tale au où nous as­sié­gions son école — pre­miers à nous y rendre, der­niers à en sor­tir — l’attirant même du­rant ses pro­me­nades en quelque dis­cus­sion… “Il faut que [vous] soyez exempts de tout be­soin, si vous vou­lez dé­fier Ju­pi­ter, qui n’a be­soin de rien”» 4. At­tale fai­sait l’éloge, à tous ceux qui vou­laient l’entendre, de la pu­reté des mœurs, de la fru­ga­lité, de l’indépendance in­té­rieure, de la fer­meté in­vin­cible, du dé­dain des choses su­per­flues. Il s’évertuait à prou­ver que tout ce qui dé­passe les bornes du be­soin est un far­deau in­utile et ac­ca­blant pour ce­lui qui le porte. Ses élèves sor­taient de son école plus mo­destes, plus tem­pé­rants, plus amis de la conti­nence qu’ils ne l’étaient en y en­trant. Il leur ra­con­tait vo­lon­tiers com­ment, un jour de fête, il avait vu pas­ser tout ce qu’il y avait de «» à Rome : des vais­selles ci­se­lées dans l’ et l’argent, des ten­tures sur­pas­sant le prix de ces mé­taux, des étoffes ap­por­tées des les plus re­cu­lées, une double file d’, mâles et fe­melles, dans tous les at­traits de leur pa­rure; bref, toutes les ma­gni­fi­cences dont s’était ac­ca­paré l’Empire le plus puis­sant qui vou­lait, pour ainsi dire, pas­ser en re­vue sa gran­deur. «[À quoi sert] cette pompe triom­phale de l’or?», s’était dit At­tale 5. «Est-ce pour ap­prendre [la cu­pi­dité et] l’ que nous sommes ve­nus de toutes parts ici? Mais, ma … mon mé­pris des ri­chesses tient non pas à leur in­uti­lité seule­ment, mais à leur fu­ti­lité! As-tu vu», avait-il pensé, «comme il a suffi de peu d’heures pour qu’un dé­filé ce­pen­dant bien lent, bien com­passé, ache­vât de s’écouler? Et nous rem­pli­rions notre en­tière de ce qui n’a pu rem­plir une jour­née?… Tourne-toi bien plu­tôt vers la vraie . Ap­prends à te conten­ter de peu! Écrie-toi avec toute la fierté d’une grande  : “Ayons seule­ment de l’, de la [bouillie]; par là, ri­va­li­sons de fé­li­cité avec Ju­pi­ter même”!» At­tale avait aussi l’habitude de faire cette com­pa­rai­son ima­gée, qui frap­pait éner­gi­que­ment l’esprit de ceux qui l’écoutaient : «Tu as bien vu un chien guet­tant, gueule ou­verte, les bouts de pain ou de que lui lance son maître? Tout ce qu’il at­trape est tout de suite avalé tel quel; et il de­meure béant, dans l’espérance du mor­ceau qui va ve­nir. La même chose nous ad­vient. Nous at­ten­dons… tout ce que la for­tune nous jette, nous l’engloutissons aus­si­tôt sans le sa­vou­rer, sur le qui-vive, l’esprit an­xieu­se­ment tendu vers la conquête d’une autre proie. Au , cela ne sau­rait ad­ve­nir : il est ras­sa­sié» 6.

  1. En At­ta­lus phi­lo­so­phus. Icône Haut
  2. En la­tin At­ta­lus stoi­cus. Icône Haut
  3. «Les et Sua­soires», ch. II, sect. 12. Icône Haut
  1. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre CVIII, sect. 3, lettre CX, sect. 20. Icône Haut
  2. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre CX, sect. 15-18. Icône Haut
  3. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre LXXII, sect. 8. Icône Haut

Julien le Chaldéen et Julien le Théurge, « La Sagesse des Chaldéens : les “Oracles chaldaïques” »

éd. Les Belles Lettres, coll. Aux sources de la tradition, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Aux de la tra­di­tion, Pa­ris

Il s’agit des « chal­daïques» («Lo­gia chal­daïka» 1), un pot-pourri de toute es­pèce d’ésotérismes de l’, un mé­lange de oc­culte, de , d’ dé­li­rante, de ri­tuels théur­giques, de ré­vé­la­tions cen­sées pro­ve­nir de la bouche des eux-mêmes. Pour­quoi ces «Oracles» s’appellent-ils donc «chal­daïques»? Les Chal­déens étaient consi­dé­rés comme les plus des Ba­by­lo­niens et for­maient, dans la di­vi­sion so­ciale de la , une classe à peu près com­pa­rable à celle des . Choi­sis pour exer­cer les fonc­tions du culte pu­blic des dieux, ils pas­saient leur ap­pli­qués aux études as­tro­lo­giques. De par ces études et de par les coïn­ci­dences mer­veilleuses qu’ils croyaient re­con­naître entre, d’un côté, le mou­ve­ment si com­pli­qué et pour­tant si ré­gu­lier des astres, de l’autre côté, la des­ti­née hu­maine et les ac­ci­dents de l’, leur de­vint su­bor­don­née aux pré­sages et à la . La pré­pon­dé­rance de ces pra­tiques frappa tant l’esprit des vi­si­teurs de Ba­by­lone que, dès avant notre ère, le mot «Chal­déen» per­dit son sens eth­nique et vint à si­gni­fier chez les Grecs et les Ro­mains «un mage, un de­vin». Puis, par une même confu­sion, il de­vint sy­no­nyme de «ma­gi­cien». De là, le titre tau­to­lo­gique d’«Oracles ma­giques des mages» («Ma­gika lo­gia tôn ma­gôn» 2) que porte une des édi­tions des «Oracles chal­daïques». On fait re­mon­ter l’origine de ce livre à deux Ju­liens — père et fils — qui vi­vaient au IIe siècle apr. J.-C., en . Le père, sur­nommé «le Chal­déen», était phi­lo­sophe pla­to­ni­cien en plus d’être mage; quant au fils, sur­nommé «le Théurge», il avait été fait mé­dium dans les cir­cons­tances ex­tra­or­di­naires que voici : «Son père, au mo­ment où il était sur le point de l’engendrer, de­manda au ras­sem­bleur de l’univers une ar­chan­gé­lique pour l’ de son fils; et, une fois né, il le mit au contact de tous les dieux et de l’âme de Pla­ton… Par moyen de l’art hié­ra­tique, il l’éleva jusqu’à l’époptie [c’est-à-dire la vi­sion im­mé­diate] de cette âme de Pla­ton pour pou­voir l’interroger sur ce qu’il vou­lait» 3. Bref, Pla­ton et les dieux, in­ter­ro­gés par le père, ré­pon­daient par la bouche du fils, qui n’était plus lui-même quand il par­lait. Ils pro­non­çaient leurs pré­dic­tions et leurs avis, qu’ils psal­mo­diaient en vers; et ayant dit, ils s’en al­laient.

  1. En «Λόγια χαλδαϊκά». Icône Haut
  2. En grec «Μαγικὰ λόγια τῶν μάγων». Icône Haut
  1. Mi­chel Psel­los, «La Chaîne d’ chez » («Περὶ τῆς χρυσῆς ἁλύσεως τῆς παρ’ Ὁμήρῳ»). Icône Haut

« Le Livre des lois des pays : un traité syriaque sur le destin de l’école de Bardesane »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque de l’Orient chrétien, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque de l’ chré­tien, Pa­ris

Il s’agit du «Livre des des pays» 1Ke­thâbhâ dhe-Nâ­môsê dh’Athrawâthâ» 2), met­tant en scène l’un des plus an­ciens et de . Son nom ou son sur­nom, Bar­de­sane 3, lui vient du fleuve Daiṣân bai­gnant les murs de la ville d’Édesse 4; il si­gni­fie «fils du Daiṣân» (Bar-Daiṣân 5). C’était un sa­vant «riche, ai­mable, li­bé­ral, ins­truit, bien posé à la Cour, versé à la fois dans la science chal­déenne et dans la hel­lé­nique» 6, qui tou­cha à toutes les phi­lo­so­phies et à toutes les écoles, sans s’attacher à au­cune en par­ti­cu­lier. Tout cela lui va­lut la ré­pu­ta­tion d’hérétique, bien qu’il fût sin­cè­re­ment chré­tien (IIe-IIIe siècle apr. J.-C.). On ne sait pas sur quel sol il est né pré­ci­sé­ment, car Hip­po­lyte de l’appelle l’«» 7; Ju­lius Afri­ca­nus l’appelle le «Parthe» et l’«ha­bile ar­cher» 8; Por­phyre et saint Jé­rôme le nomment le «Ba­by­lo­nien» 9; Épi­phane nous dit qu’«il était ori­gi­naire de » 10; Eu­sèbe le qua­li­fie de «» 11; en­fin, les au­teurs sy­riaques le font naître dans la ville d’Édesse même. C’est dans cette ville, en tout cas, qu’il passa la plus grande par­tie de sa , après avoir fait son à Hié­ra­po­lis de , dans la mai­son d’un pon­tife dé­nommé Kou­douz 12. Ce­lui-ci l’adopta et lui en­sei­gna l’art de l’ et l’ qui était l’art par­ti­cu­lier des Chal­déens et qui était in­dis­pen­sable aux qui vou­laient en im­po­ser au , en pré­di­sant les éclipses et leur du­rée, et en de­vi­nant l’action des sur la des­ti­née. L’esprit de Bar­de­sane se dé­ta­chera plus tard de ces spé­cu­la­tions : «au­tre­fois, je [les] af­fec­tion­nais», dira-t-il 13. Dans un cé­lèbre opus­cule phi­lo­so­phique, il fera la preuve que a doué les hommes du , et que les signes du zo­diaque et les ho­ro­scopes ne sont pas sur­puis­sants. Tout ce qu’on ap­pelle «dé­ter­mi­nisme» ou «fa­ta­lisme as­tral» n’a de prise sur les hommes que dans la me­sure où cela ré­vèle la et la de Dieu. Le titre sy­riaque de cet opus­cule est in­connu. Eu­sèbe, Épi­phane, Théo­do­ret et Pho­tius l’ont lu dans une tra­duc­tion grecque in­ti­tu­lée «Sur le des­tin» («Peri hei­mar­me­nês» 14) ou bien «Contre le des­tin» («Kata hei­mar­me­nês» 15). Aujourd’hui, nous n’avons plus rien des opus­cules de Bar­de­sane, ex­cepté un té­moi­gnage post­hume, in­suf­fi­sant sans , mais qui re­pro­duit une par­tie de sa  : «Le Livre des lois des pays». Notre sa­vant y parle comme So­crate dans les dia­logues de Pla­ton, c’est-à-dire à la troi­sième per­sonne, tan­dis que ses dis­ciples s’y ex­priment à la pre­mière. On en a conclu que l’un d’eux, peut-être Phi­lippe, en est le ré­dac­teur. Bar­de­sane y four­nit de nom­breux dé­tails sur les lois et les mœurs des pays et dé­montre com­ment ces lois et ces mœurs l’emportent sur le des­tin : «Les hommes, en ef­fet, ont éta­bli des lois, pays par pays, dans la qui leur a été don­née par Dieu, car ce est op­posé au des­tin des do­mi­na­teurs [c’est-à-dire des astres]» 16.

  1. Par­fois tra­duit «Livre des lois des ré­gions». Icône Haut
  2. En sy­riaque «ܟܬܒܐ ܕܢܡܘܣܐ ܕܐܬܪܘܬܐ». Par­fois trans­crit «Ke­thaba dha-Na­mosa dh’Athrawatha», «Ktābā’ deNāmūse’ d’Atrawwātā’» ou «Kṯāḇā ḏ-Nāmōsē ḏ-Aṯ­rawāṯā». Icône Haut
  3. En Βαρδησάνης. Par­fois trans­crit Bar­de­san, Bar­des­sane ou Bar­de­sanes. On ren­contre aussi les gra­phies Βαρδισάνης (Bar­di­sane) et Βαρδησιάνης (Bar­de­siane). Icône Haut
  4. Aujourd’hui Urfa, en , près de la fron­tière sy­rienne. Icône Haut
  5. En sy­riaque ܒܪܕܝܨܢ. Par­fois trans­crit Bar-Dais­san, Bar Dai­çân ou Bar Dayṣan. Icône Haut
  6. Er­nest Re­nan, «Marc-Au­rèle». Icône Haut
  7. En grec Ἀρμένιος. «“Phi­lo­so­phu­mena”, ou Ré­fu­ta­tion de toutes les hé­ré­sies», liv. VII, ch. XXXI, sect. 1. Icône Haut
  8. En grec Πάρθος et σοφὸς τοξότης. «Les “Cestes”», liv. I, ch. XX. Icône Haut
  1. En grec Βαϐυλώνιος. «De l’abstinence», liv. IV, sect. 17. En Ba­by­lo­nius. «Contre Jo­vi­nien», liv. II, ch. XIV. Icône Haut
  2. En grec ἐκ Μεσοποταμίας τὸ γένος ἦν. «Pa­na­rion», in­édit en . Icône Haut
  3. En grec Σύρος. «La Pré­pa­ra­tion évan­gé­lique», liv. VI, ch. IX, sect. 32. Icône Haut
  4. En sy­riaque ܟܘܕܘܙ. Icône Haut
  5. «Le Livre des lois des pays», p. 92. Icône Haut
  6. En grec «Περὶ εἱμαρμένης». Icône Haut
  7. En grec «Κατὰ εἱμαρμένης». Icône Haut
  8. p. 98. Icône Haut

Eunape, « Vies de philosophes et de sophistes. Tome II »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Vies de et de so­phistes» («Bioi phi­lo­so­phôn kai so­phis­tôn» 1) d’ 2, bio­graphe . Il na­quit en 349 apr. J.-C. C’était un Orien­tal, un Grec d’, et bien qu’il vé­cût dans l’Empire d’, il ne se consi­dé­rait ni comme su­jet de l’Empire ni en­core moins comme chré­tien; car il fut élevé dans la païenne et dans le tra­di­tion­nel des Hel­lènes. Tous les pen­seurs qui fe­ront plus tard l’objet de ses «Vies» se­ront des païens de l’Orient, fi­dèles comme lui à une re­li­gion et à une tra­di­tion ex­pi­rantes. Eu­nape eut pour pre­mier maître le phi­lo­sophe Chry­santhe, son com­pa­triote et son pa­rent par al­liance 3. Il ap­prit au­près de lui aussi bien les œuvres des que celles des phi­lo­sophes ou des . À quinze ans, il fit le voyage obligé de tout in­tel­lec­tuel d’alors à Athènes. Ar­rivé ma­lade et fié­vreux, il re­çut une très gé­né­reuse dans la mai­son de Pro­hé­ré­sius, so­phiste d’origine ar­mé­nienne, qui le soi­gna comme son propre fils. Eu­nape lui voua en re­tour une af­fec­tion et une ad­mi­ra­tion qu’il consi­gnera plus tard dans ses «Vies». Après un sé­jour de cinq ans à Athènes, il fut rap­pelé à Sardes par un ordre fa­mi­lial : «une école de so­phis­tique m’était of­ferte», dit-il 4, «tous m’appelaient dans cette in­ten­tion». Ren­tré dans sa ville na­tale, il y re­trouva son pre­mier maître, Chry­santhe; et bien qu’il eût à en­sei­gner les ma­tières so­phis­tiques à ses propres élèves du­rant la ma­ti­née, il cou­rait dès le dé­but de l’après-midi chez Chry­santhe, pour dis­cu­ter à ses cô­tés des plus hautes et plus di­vines de la , lors de pro­me­nades très longues, mais très pro­fi­tables : «On ou­bliait qu’on avait aux pieds, tant on était en­sor­celé par ses ex­po­sés», dit-il 5. C’est pro­ba­ble­ment au cours d’une de ces pro­me­nades que Chry­santhe ins­ti­gua Eu­nape à com­po­ser une œuvre en l’ des phi­lo­sophes, des et des so­phistes cé­lèbres dont il était le contem­po­rain ou qui avaient vécu peu avant lui. C’est de cette œuvre que je veux rendre compte ici. Elle nous est par­ve­nue en en­tier. Grosse de vingt-deux no­tices bio­gra­phiques, elle parle non des doc­trines de ces di­vers , mais des dé­tails de leur — dé­tails qui ne prennent un vé­ri­table in­té­rêt que par les in­dices qu’ils four­nissent, quel­que­fois très vagues, d’autres fois plus pré­cis, sur le ca­rac­tère des et des hommes aux­quels ils se rap­portent : «Dans ces il faut dis­tin­guer deux par­ties : l’une, où l’auteur traite de temps et d’hommes qu’il ne connaît que par tra­di­tion; l’autre, où il parle de temps où il a vécu et d’hommes qu’il a vus et connus lui-même. Il glisse sur les pre­miers et ne s’arrête que sur les se­conds. Il y a peu de choses sur Plo­tin; il y en a un peu plus sur Por­phyre; un peu plus en­core sur Jam­blique; mais en­suite, les bio­gra­phies de­viennent plus éten­dues», ex­plique Vic­tor Cou­sin.

  1. En grec «Βίοι φιλοσόφων καὶ σοφιστῶν». Icône Haut
  2. En grec Εὐνάπιος Σαρδιανός. Au­tre­fois trans­crit Eu­na­pius de Sardes. Icône Haut
  3. «Chry­santhe avait une épouse du nom de Mé­litè qu’il ad­mi­rait plus que tout; elle était ma cou­sine», dit Eu­nape (VII, 48). Icône Haut
  1. X, 87. Icône Haut
  2. XXIII, 32. Icône Haut

Eunape, « Vies de philosophes et de sophistes. Tome I »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit des «Vies de et de so­phistes» («Bioi phi­lo­so­phôn kai so­phis­tôn» 1) d’ 2, bio­graphe . Il na­quit en 349 apr. J.-C. C’était un Orien­tal, un Grec d’, et bien qu’il vé­cût dans l’Empire d’, il ne se consi­dé­rait ni comme su­jet de l’Empire ni en­core moins comme chré­tien; car il fut élevé dans la païenne et dans le tra­di­tion­nel des Hel­lènes. Tous les pen­seurs qui fe­ront plus tard l’objet de ses «Vies» se­ront des païens de l’Orient, fi­dèles comme lui à une re­li­gion et à une tra­di­tion ex­pi­rantes. Eu­nape eut pour pre­mier maître le phi­lo­sophe Chry­santhe, son com­pa­triote et son pa­rent par al­liance 3. Il ap­prit au­près de lui aussi bien les œuvres des que celles des phi­lo­sophes ou des . À quinze ans, il fit le voyage obligé de tout in­tel­lec­tuel d’alors à Athènes. Ar­rivé ma­lade et fié­vreux, il re­çut une très gé­né­reuse dans la mai­son de Pro­hé­ré­sius, so­phiste d’origine ar­mé­nienne, qui le soi­gna comme son propre fils. Eu­nape lui voua en re­tour une af­fec­tion et une ad­mi­ra­tion qu’il consi­gnera plus tard dans ses «Vies». Après un sé­jour de cinq ans à Athènes, il fut rap­pelé à Sardes par un ordre fa­mi­lial : «une école de so­phis­tique m’était of­ferte», dit-il 4, «tous m’appelaient dans cette in­ten­tion». Ren­tré dans sa ville na­tale, il y re­trouva son pre­mier maître, Chry­santhe; et bien qu’il eût à en­sei­gner les ma­tières so­phis­tiques à ses propres élèves du­rant la ma­ti­née, il cou­rait dès le dé­but de l’après-midi chez Chry­santhe, pour dis­cu­ter à ses cô­tés des plus hautes et plus di­vines de la , lors de pro­me­nades très longues, mais très pro­fi­tables : «On ou­bliait qu’on avait aux pieds, tant on était en­sor­celé par ses ex­po­sés», dit-il 5. C’est pro­ba­ble­ment au cours d’une de ces pro­me­nades que Chry­santhe ins­ti­gua Eu­nape à com­po­ser une œuvre en l’ des phi­lo­sophes, des et des so­phistes cé­lèbres dont il était le contem­po­rain ou qui avaient vécu peu avant lui. C’est de cette œuvre que je veux rendre compte ici. Elle nous est par­ve­nue en en­tier. Grosse de vingt-deux no­tices bio­gra­phiques, elle parle non des doc­trines de ces di­vers , mais des dé­tails de leur — dé­tails qui ne prennent un vé­ri­table in­té­rêt que par les in­dices qu’ils four­nissent, quel­que­fois très vagues, d’autres fois plus pré­cis, sur le ca­rac­tère des et des hommes aux­quels ils se rap­portent : «Dans ces il faut dis­tin­guer deux par­ties : l’une, où l’auteur traite de temps et d’hommes qu’il ne connaît que par tra­di­tion; l’autre, où il parle de temps où il a vécu et d’hommes qu’il a vus et connus lui-même. Il glisse sur les pre­miers et ne s’arrête que sur les se­conds. Il y a peu de choses sur Plo­tin; il y en a un peu plus sur Por­phyre; un peu plus en­core sur Jam­blique; mais en­suite, les bio­gra­phies de­viennent plus éten­dues», ex­plique Vic­tor Cou­sin.

  1. En grec «Βίοι φιλοσόφων καὶ σοφιστῶν». Icône Haut
  2. En grec Εὐνάπιος Σαρδιανός. Au­tre­fois trans­crit Eu­na­pius de Sardes. Icône Haut
  3. «Chry­santhe avait une épouse du nom de Mé­litè qu’il ad­mi­rait plus que tout; elle était ma cou­sine», dit Eu­nape (VII, 48). Icône Haut
  1. X, 87. Icône Haut
  2. XXIII, 32. Icône Haut

Lucien, « Œuvres. Tome VI »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Dia­logues des » («He­tai­ri­koi Dia­lo­goi» 1) et autres œuvres de  2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les ni les hommes. «Je suis né en , sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays? J’en sais, parmi mes , qui ne sont pas moins que … Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon de mon côté», dit-il dans «Les res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur» 3. Les pa­rents de Lu­cien étaient et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le et les étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de , de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé «Le Songe de Lu­cien» 4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : «Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes » 5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans «La Double Ac­cu­sa­tion», ce re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir «élevé» et «in­tro­duit parmi les Grecs», alors qu’«il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un bar­bare» et por­tant une vi­laine robe orien­tale 6.

  1. En «Ἑταιρικοὶ Διάλογοι». Icône Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Icône Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 399. Icône Haut
  1. À ne pas confondre avec «Le Rêve, ou le Coq», qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Icône Haut
  2. «Œuvres. Tome I», p. 14-15 & 17. Icône Haut
  3. «Tome IV», p. 469 & 465. Icône Haut

Lucien, « Œuvres. Tome V »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de l’«Apo­lo­gie des » («Hy­per tôn ei­ko­nôn» 1) et autres œuvres de  2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les ni les hommes. «Je suis né en , sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays? J’en sais, parmi mes , qui ne sont pas moins que … Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon de mon côté», dit-il dans «Les res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur» 3. Les pa­rents de Lu­cien étaient et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le et les étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de , de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé «Le Songe de Lu­cien» 4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : «Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes » 5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans «La Double Ac­cu­sa­tion», ce re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir «élevé» et «in­tro­duit parmi les Grecs», alors qu’«il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un bar­bare» et por­tant une vi­laine robe orien­tale 6.

  1. En «Ὑπὲρ τῶν εἰκόνων». Icône Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Icône Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 399. Icône Haut
  1. À ne pas confondre avec «Le Rêve, ou le Coq», qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Icône Haut
  2. «Œuvres. Tome I», p. 14-15 & 17. Icône Haut
  3. «Tome IV», p. 469 & 465. Icône Haut

Lucien, « Œuvres. Tome IV »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit d’«Alexandre, ou le Faux Pro­phète» («Alexan­dros, ê Pseu­do­man­tis» 1) et autres œuvres de  2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les ni les hommes. «Je suis né en , sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays? J’en sais, parmi mes , qui ne sont pas moins que … Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon de mon côté», dit-il dans «Les res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur» 3. Les pa­rents de Lu­cien étaient et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le et les étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de , de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé «Le Songe de Lu­cien» 4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : «Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes » 5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans «La Double Ac­cu­sa­tion», ce re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir «élevé» et «in­tro­duit parmi les Grecs», alors qu’«il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un bar­bare» et por­tant une vi­laine robe orien­tale 6.

  1. En «Ἀλέξανδρος, ἢ Ψευδόμαντις». Icône Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Icône Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 399. Icône Haut
  1. À ne pas confondre avec «Le Rêve, ou le Coq», qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Icône Haut
  2. «Œuvres. Tome I», p. 14-15 & 17. Icône Haut
  3. «Tome IV», p. 469 & 465. Icône Haut

Lucien, « Œuvres. Tome III »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de «Pro­mé­thée, ou le » («Pro­mê­theus, ê Kau­ka­sos» 1) et autres œuvres de  2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les ni les hommes. «Je suis né en , sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays? J’en sais, parmi mes , qui ne sont pas moins que … Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon de mon côté», dit-il dans «Les res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur» 3. Les pa­rents de Lu­cien étaient et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le et les étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de , de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé «Le Songe de Lu­cien» 4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : «Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes » 5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans «La Double Ac­cu­sa­tion», ce re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir «élevé» et «in­tro­duit parmi les Grecs», alors qu’«il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un bar­bare» et por­tant une vi­laine robe orien­tale 6.

  1. En «Προμηθεύς, ἢ Καύκασος». Icône Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Icône Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 399. Icône Haut
  1. À ne pas confondre avec «Le Rêve, ou le Coq», qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Icône Haut
  2. «Œuvres. Tome I», p. 14-15 & 17. Icône Haut
  3. «Tome IV», p. 469 & 465. Icône Haut