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Lessing, « Ernst et Falk : causeries pour francs-maçons »

éd. Dervy, coll. Petite Bibliothèque de la franc-maçonnerie, Paris

éd. Dervy, coll. Pe­tite Bi­blio­thèque de la , Pa­ris

Il s’agit d’«Ernst et Falk : cau­se­ries pour » («Ernst und Falk : Ges­präche für Frei­mau­rer») de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une franc-ma­çon­ne­rie de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « Dramaturgie de Hambourg »

éd. Klincksieck, coll. Germanistique, Paris

éd. Klinck­sieck, coll. Ger­ma­nis­tique, Pa­ris

Il s’agit de la « de Ham­bourg» («Ham­bur­gische Dra­ma­tur­gie») de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les , est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « Du Laocoon, ou Des limites respectives de la poésie et de la peinture »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Lao­coon, ou Des li­mites res­pec­tives de la et de la » («Lao­koon, oder Über die Gren­zen der Ma­le­rei und Poe­sie») de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les , est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « Théâtre complet. Tome III »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Phi­lo­tas» et autres pièces de de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un théâtre ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « Théâtre complet. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Minna de Barn­helm» («Minna von Barn­helm») et autres pièces de de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les , est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un théâtre ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « Théâtre complet. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Na­than le » («Na­than der Weise») et autres de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 1 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 2, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 3, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 4, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 5. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  2. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  3. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  1. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  2. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Lessing, « L’Éducation du genre humain, “Die Erziehung des Menschengeschlechts” »

éd. Aubier-Montaigne, coll. bilingue des classiques étrangers, Paris

éd. Au­bier-Mon­taigne, coll. bi­lingue des clas­siques , Pa­ris

Il s’agit de «L’Éducation du genre hu­main» 1Die Er­zie­hung des Men­schen­ges­chlechts») de , écri­vain hos­tile aux conven­tions en vogue, aux pré­ju­gés de classe, à l’esprit de ser­vi­lité et de rou­tine, à tout ce qui pa­ra­ly­sait le (XVIIIe siècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, ce­lui qui a mé­rité que Henri Heine dise de lui : «Les­sing, de tous les al­le­mands, est ce­lui que je ché­ris le plus» 2 a cer­tai­ne­ment le d’être consi­déré comme l’un des de cette triom­phante où, se­lon le mot de la ba­ronne de Staël 3, «[même] les écri­vains du se­cond et du troi­sième ordre ont en­core des connais­sances as­sez ap­pro­fon­dies pour être ailleurs». Il fut tour à tour phi­lo­sophe, , tra­duc­teur, dra­ma­turge, fa­bu­liste, se­cré­taire d’un gé­né­ral, bi­blio­thé­caire d’un duc, ou­vrant dans toutes les di­rec­tions des voies nou­velles, pour­sui­vant par­tout la . Car Les­sing eut une pas­sion pour la vé­rité. Il la cher­cha «avec ca­rac­tère, avec éner­gique constance», comme dit Gœthe 4, et il eut même plus de à la cher­cher qu’à la trou­ver, comme le chas­seur qui prend plus de plai­sir à cou­rir le lièvre qu’à l’attraper. «Si », dit Les­sing 5, «te­nait dans sa main droite toutes les vé­ri­tés et dans sa main gauche l’effort in­fa­ti­gable vers la vé­rité… et qu’il me di­sait : “Choi­sis!”, je m’inclinerais avec déses­poir vers sa main gauche, en lui di­sant : “Père, donne! La pure vé­rité n’est que pour toi seul!”» Tel Lu­ther, Les­sing fut un éman­ci­pa­teur, qui ne se conten­tait pas de sa per­son­nelle, mais qui sou­hai­tait éga­le­ment celle de ses lec­teurs. Il pen­sait tout haut de­vant eux et leur don­nait en­vie de pen­ser. Il es­ti­mait qu’ils étaient non moins ha­biles que lui à gé­rer leurs opi­nions et leurs goûts. «La li­berté fut l’ de tous ses ou­vrages; on ci­te­rait dif­fi­ci­le­ment une ligne de lui qui ne vise quelque ser­vi­tude», ex­plique Vic­tor Cher­bu­liez 6. En , il lutta pour l’avènement d’une re­li­gion hu­ma­ni­taire et uni­ver­selle. Il ima­gina une grande hu­maine, une de tous les croyants unis plu­tôt dans la pra­tique de la que dans celle du culte. En lit­té­ra­ture, il af­fran­chit son pays de la ri­gi­dité, de l’imitation ser­vile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène al­le­mande que des de pièces fran­çaises, elles-mêmes imi­tées du ; il fit voir le ri­di­cule de cette fausse , em­prun­tée de se­conde main. Il contri­bua au contraire à ré­vé­ler au pu­blic les tra­gé­dies de Sha­kes­peare, dont le ca­rac­tère ter­rible avait in­fi­ni­ment plus de rap­port avec ce­lui des Al­le­mands. Il as­sura que Sha­kes­peare seul pou­vait sus­ci­ter un ori­gi­nal et po­pu­laire; et que, si Sha­kes­peare igno­rait Aris­tote, que Cor­neille avait si bien étu­dié, des deux tra­gé­diens c’est Sha­kes­peare qui l’avait le mieux suivi! Ce­pen­dant, quels que fussent les pa­ra­doxes aux­quels Les­sing se laissa en­traî­ner par l’ardeur et par les né­ces­si­tés de la contro­verse, il sema des neuves, des aper­çus fé­conds.

  1. Par­fois tra­duit «L’Éducation de l’». Icône Haut
  2. Heine, «De l’Allemagne. Tome I», p. 204. Icône Haut
  3. Staël, «De l’Allemagne», part. 3, ch. VII. Icône Haut
  1. En al­le­mand «durch sei­nen Cha­rak­ter, durch sein Fes­thal­ten». Icône Haut
  2. «Eine Du­plik» («Une Du­plique»), in­édit en . Icône Haut
  3. «Études de lit­té­ra­ture et d’art», p. 20. Icône Haut

Volney, « Les Ruines, ou Méditation sur les révolutions des Empires »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Ruines, ou sur les des Em­pires» de Constan­tin-Fran­çois de Chas­sebœuf, voya­geur et lit­té­ra­teur , plus connu sous le sur­nom de Vol­ney (XVIIIe-XIXe siècle). Il per­dit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille pa­rente, qui l’abandonna dans un pe­tit col­lège d’Ancenis. Le ré­gime de ce col­lège était fort mau­vais, et la des y était à peine soi­gnée; le di­rec­teur était un bru­tal, qui ne par­lait qu’en gron­dant et ne gron­dait qu’en frap­pant. Vol­ney souf­frait d’autant plus que son père ne ve­nait ja­mais le voir et ne pa­rais­sait ja­mais avoir pour lui cette sol­li­ci­tude que té­moigne un père en­vers son fils. L’enfant avan­çait pour­tant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par , soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plai­sait dans la mé­di­ta­tion so­li­taire et ta­ci­turne, et son n’attendait que d’être li­béré pour se dé­ve­lop­per et pour prendre un es­sor ra­pide. L’occasion ne tarda pas à se pré­sen­ter : une mo­dique somme d’argent lui échut. Il ré­so­lut de l’employer à ac­qué­rir, dans un grand voyage, un fonds de connais­sances nou­velles. La et l’ lui pa­rurent les pays les plus propres aux ob­ser­va­tions his­to­riques et mo­rales dont il vou­lait s’occuper. «Je me sé­pa­re­rai», se pro­mit-il 1, «des so­cié­tés cor­rom­pues; je m’éloignerai des où l’ se dé­prave par la sa­tiété, et des ca­banes où elle s’avilit par la mi­sère; j’irai dans la vivre parmi les ruines; j’interrogerai les an­ciens… par quels mo­biles s’élèvent et s’abaissent les Em­pires; de quelles naissent la pros­pé­rité et les mal­heurs des na­tions; sur quels prin­cipes en­fin doivent s’établir la des so­cié­tés et le des hommes.» Mais pour vi­si­ter ces pays avec fruit, il fal­lait en connaître la  : «Sans la langue, l’on ne sau­rait ap­pré­cier le gé­nie et le ca­rac­tère d’une  : la tra­duc­tion des in­ter­prètes n’a ja­mais l’effet d’un en­tre­tien di­rect», pen­sait-il 2. Cette dif­fi­culté ne re­buta point Vol­ney. Au lieu d’apprendre l’ en , il alla s’enfermer du­rant huit mois dans un couvent du Li­ban, jusqu’à ce qu’il fût en état de par­ler cette langue com­mune à tant d’Orientaux.

  1. «Les Ruines», p. 19. Icône Haut
  1. «Pré­face à “Voyage en Sy­rie et en Égypte”». Icône Haut

Voltaire, « Correspondance. Tome I. 1704-1738 »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Vol­taire, la meilleure, la plus dé­li­cieuse de toutes les cor­res­pon­dances; celle qui fut à elle seule l’esprit de l’ (XVIIIe siècle). «En re­com­man­dant la lec­ture de Vol­taire», dit un  1, «j’avoue mes pré­fé­rences. S’il fal­lait sa­cri­fier quelque chose de lui, je don­ne­rais les tra­gé­dies et les co­mé­dies pour gar­der les pe­tits vers; s’il fal­lait sa­cri­fier en­core quelque chose, je don­ne­rais plu­tôt les his­toires, toutes char­mantes qu’elles sont, que les ro­mans; …mais en­fin il y a une chose que je ne me dé­ci­de­rais ja­mais à li­vrer, c’est la “Cor­res­pon­dance”». En ef­fet, de tous les genres lit­té­raires dont s’occupa Vol­taire, ce­lui où il fut le plus ori­gi­nal; ce­lui où il eut un ton que per­sonne ne lui avait donné, et que tout le vou­lut imi­ter; ce­lui, en­fin, où il do­mina, de l’aveu même des ja­loux qui consentent quel­que­fois à re­con­naître un mé­rite una­ni­me­ment re­connu, c’est le genre épis­to­laire. On y trouve l’ensemble et la de tous les styles; on y trouve la fa­ci­lité brillante d’un es­prit aussi su­pé­rieur aux su­jets qu’il traite, qu’aux gens à qui il s’adresse : «Quel se joue dans ses poé­sies et ses plai­san­te­ries et ses lettres im­mor­telles! , tout ce qu’on ad­mire dans les deux pre­mières se re­trouve dans les lettres avec une in­épui­sable abon­dance : vers fa­ciles, raille­ries char­mantes à pro­pos de tous les et de tous les évé­ne­ments qui ont passé, dans ce siècle agité, de­vant cet es­prit cu­rieux… Ce qu’il peut se suc­cé­der, pen­dant plus de soixante ans, d’amours, de haines, de plai­sirs, de dou­leurs, de co­lères, dans une sin­gu­liè­re­ment im­pres­sion­nable et mo­bile, est ex­primé là au vif… chaque sen­ti­ment en­tier oc­cu­pant toute l’âme, comme s’il de­vait du­rer éter­nel­le­ment, puis ef­facé tout à coup par un autre…; va­riété in­épui­sable des su­jets qui passent sous cette plume lé­gère; sé­duc­tions d’un es­prit en­chan­teur qui veut plaire et in­vente pour plaire les tours les plus dé­li­cats, tou­jours ai­mable, tou­jours nou­veau. Tout cela forme un des spec­tacles les plus at­trayants qu’on puisse avoir en ce monde», dit le même cri­tique. De tous les hommes cé­lèbres dont on a im­primé les lettres après leur , Vol­taire est le pre­mier qui ait écrit à la fois en écri­vain et en du monde, et qui ait mon­tré qu’il est aussi na­tu­rel­le­ment l’un que l’autre. Son ta­lent, qui peut être in­égal dans ses grands ou­vrages, est tou­jours par­fait dans ses , quand sa plume court avec une ra­pi­dité, une né­gli­gence, qui n’appartiennent qu’à lui.

  1. Er­nest Ber­sot. Icône Haut

Cioran, « Œuvres »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit de M. Emil Cio­ran 1, in­tel­lec­tuel d’expression fran­çaise (XXe siècle). Com­ment peut-on être ? com­ment peut-on dis­po­ser d’une si sub­tile et ne pas réus­sir à ex­pri­mer les si­gni­fi­ca­tions de l’ d’aujourd’hui?, se de­man­dait M. Cio­ran. Il lui sem­blait que le ac­tuel était ter­ri­ble­ment in­té­res­sant, et son seul re­gret était de ne pas pou­voir y par­ti­ci­per da­van­tage — à cause de lui-même, ou plu­tôt de son des­tin d’intellectuel rou­main : «Qui­conque est doué du sens de l’», dit-il 2, «ad­met­tra que… les Rou­mains ont vécu dans une in­exis­tence per­ma­nente». Mais ar­rivé en , M. Cio­ran fut sur­pris de voir que la France même, au­tre­ment douée et pla­cée, ne par­ti­ci­pait plus aux choses, ni même ne leur as­si­gnait un nom. Il lui sem­blait pour­tant que la vo­ca­tion pre­mière de cette était de com­prendre les autres et de leur faire com­prendre. Mais de­puis des dé­cen­nies, la France cher­chait des au lieu d’en don­ner : «J’étais allé loin pour cher­cher le , et le so­leil, en­fin trouvé, m’était hos­tile. Et si j’allais me je­ter du haut de la fa­laise? Pen­dant que je fai­sais des consi­dé­ra­tions plu­tôt sombres, tout en re­gar­dant ces pins, ces ro­chers, ces vagues, je sen­tis sou­dain à quel point j’étais rivé à ce bel uni­vers mau­dit», dit-il 3. Si, dans son œuvre de langue rou­maine, M. Cio­ran ne ces­sait de dé­plo­rer la si­tua­tion des sans des­tin, des cultures mi­neures, tou­jours res­tées ano­nymes, ses ou­vrages de langue fran­çaise offrent une vi­sion tout aussi pes­si­miste des cultures ma­jeures ayant eu ja­dis une am­bi­tion et un de trans­for­mer le monde, ar­ri­vées dé­sor­mais à une phase de dé­clin, à la per­pé­tua­tion d’une «race de sous-hommes, res­quilleurs de l’» 4. Et les unes et les autres marchent — courent même — vers un dé­sastre réel, et non vers quelque idéale . Et M. Cio­ran de conclure : «Le “pro­grès” est l’équivalent mo­derne de la Chute, la ver­sion pro­fane de la dam­na­tion» 5.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom d’E. M. Cio­ran. Fas­ciné par les ini­tiales d’E. M. Fors­ter, Cio­ran les adopta pour lui-même. Il di­sait qu’Emil tout court, c’était un pré­nom vul­gaire, un pré­nom de coif­feur. Icône Haut
  2. « et Des­tin». Icône Haut
  3. «Aveux et Ana­thèmes». Icône Haut
  1. «Pré­cis de dé­com­po­si­tion». Icône Haut
  2. «La Chute dans le ». Icône Haut

« Printemps et Automnes de Lü Buwei »

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Confucianisme, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-, Pa­ris

Il s’agit des «Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü» 1Lü­shi chun­qiu» 2). Ce n’est pas un ou­vrage his­to­rique comme son titre pour­rait le faire croire («Prin­temps et Au­tomnes» si­gni­fiant «An­née» ou «An­nales» en ), mais une col­lec­tion d’ phi­lo­so­phiques ré­di­gés pour le compte du sieur Lü (IIIe siècle av. J.-C.) et clas­sés sous les ru­briques des douze mois de l’année. D’abord très riche mar­chand, puis pre­mier mi­nistre, le sieur Lü, de son nom com­plet Lü Bu­wei 3, est une sorte de Ma­za­rin chi­nois. Il exerça la ré­gence pen­dant la mi­no­rité du jeune prince qui de­vait être un jour Em­pe­reur; d’aucuns veulent même qu’il en ait été le père na­tu­rel, en de son rap­port in­time avec l’Impératrice. Sans être un lit­té­ra­teur, il sa­vait soi­gner sa ré­pu­ta­tion et il en­tre­te­nait au­tour de lui une Cour de trois mille et ha­biles; il leur fit mettre en ordre ce qu’ils avaient en­tendu dire ou di­saient eux-mêmes, et c’est là les «Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü». «La tra­di­tion veut que trois mille let­trés eussent ainsi été ras­sem­blés, hé­ber­gés, en­tre­te­nus [par lui], avec toutes les com­mo­di­tés de tra­vail que cela im­plique, plu­sieurs an­nées du­rant», ex­plique M. Ivan Ka­me­na­ro­vić 4. «Quand bien même ce chiffre se­rait fort exa­géré, il n’empêche que le ré­sul­tat éton­nant au­quel cette en­tre­prise a per­mis d’aboutir est à lui seul le sym­bole et l’expression d’un mo­ment ca­pi­tal de l’ de la chi­noise.» Une anec­dote cé­lèbre veut que, l’ouvrage ter­miné, le sieur Lü l’ait fait pla­cer à la porte du mar­ché de Xia­nyang 5, la ca­pi­tale des Qin, et sus­pendre au-des­sus une grosse somme d’, pro­mise à qui­conque trou­ve­rait un seul mot à chan­ger dans le texte; per­sonne n’osa se pré­sen­ter. Pour­tant, bien des dé­fauts au­raient pu être re­le­vés dans cette com­pi­la­tion éru­dite et terne.

  1. À ne pas confondre avec la chro­nique des «Prin­temps et Au­tomnes» re­la­tant l’histoire de Lu, pa­trie de . Icône Haut
  2. En chi­nois «呂氏春秋». Au­tre­fois trans­crit «Lu-chi tchun-tsieou», «Liu-cheu tch’oen-ts’ieou», «Liu-che tch’ouen-ts’ieou» ou «Lü shih ch’un-ch’iu». Icône Haut
  3. En chi­nois 呂不韋. Au­tre­fois trans­crit Lu-pou-ouei, Lu-pou-ouey, Lu Pou-wei, Liu Pou-wei, Lü Pu-wei ou Lü Bu We. Icône Haut
  1. p. 24. Icône Haut
  2. En chi­nois 咸陽. Par­fois trans­crit Hian yang, Sie­nyang, Hien-yang ou Hsien-yang. Icône Haut

Lie-tseu, « L’Authentique Classique de la parfaite vacuité »

éd. Entrelacs, Paris

éd. En­tre­lacs, Pa­ris

Il s’agit du «L’Authentique Clas­sique de la su­prême de la par­faite va­cuité» («Chong xu zhi de zhen jing»), plus connu sous le titre abrégé de «L’Authentique Clas­sique de la par­faite va­cuité» («Chong xu zhen jing» 1), ou­vrage fon­da­men­tal du ïsme . On l’appelle en­core com­mu­né­ment le «Lie-tseu» 2, du nom du phi­lo­sophe chi­nois qui en est le per­son­nage prin­ci­pal. Ce Lie-tseu est, aux cô­tés de Lao-tseu et de Tchouang-tseu, l’un des fon­da­teurs de l’école du tao. Il est cer­tai­ne­ment le moins connu des trois. On ignore tout de sa per­sonne, si­non qu’il avait la fa­culté de che­vau­cher le vent et de voya­ger dans les airs. Son confrère Tchouang-tseu lui prête ce pou­voir ma­gique dans le pas­sage sui­vant : «Lie-tseu se dé­pla­çait en che­vau­chant le vent. Il voya­geait de la fa­çon la plus agréable et s’en re­ve­nait au bout de quinze jours. Certes, un tel est rare» 3. Dans le «Lie-tseu» ac­tuel, qui ne date que du IIIe siècle apr. J.-C., il y a une part de «Lie-tseu» ori­gi­nal et une part d’interpolations tar­dives, ve­nant de re­cueils di­vers et quel­que­fois op­po­sés au  : «Les En­tre­tiens de Confu­cius», «Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü», etc. Son contenu est de la dis­pa­rité la plus com­plète : «Nous de­vons… no­ter que les prin­cipes phi­lo­so­phiques qu’on y trouve dé­ve­lop­pés le sont sans au­cune ; ils sont au contraire ré­pan­dus çà et là, sans le moindre souci d’un ordre ou d’une mé­thode quel­conque», dit mon­sei­gneur . Mal­gré ces dis­pa­rates, ce cha­pe­let de bons mots et de conseils pour une hu­maine conve­nable, rat­ta­chés entre eux par le fil le plus lé­ger, tient notre at­ten­tion sous le charme par son agré­ment et sa sim­pli­cité. «Lie-tseu est sans le plus ac­ces­sible des fon­da­teurs du taoïsme», dit M. .

  1. En chi­nois «沖虛眞經». Au­tre­fois trans­crit «Tch’oung-hu-tchenn-king», «Tch’ong siu tchen king», «Tchoung-hiu-tchin-king», «Tchong-hiu tchen-king» ou «Tchong xu zhen jing». Icône Haut
  2. En chi­nois «列子». Par­fois trans­crit «Liä Dsi», «Lieht­zyy», «Lie-tze», «Lie-tse», «Lie-tsée», «Lieh Tzǔ», «Lie-tzeu» ou «Liezi». Icône Haut
  1. «L’Œuvre com­plète», ch. I. Icône Haut

Tchouang-tseu, « L’Œuvre complète »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit de «L’Œuvre com­plète» de Tchouang-tseu 1, pen­seur ïste, un des plus grands maîtres de la prose chi­noise (IVe siècle av. J.-C.). Laissé pour compte du­rant des siècles, il exer­cera une tar­dive, mais sans cesse crois­sante, tant sur les que sur les , et en l’an 742 apr. J.-C. l’Empereur pro­mul­guera un édit pour ca­no­ni­ser son «Œuvre com­plète», dé­sor­mais un clas­sique, qui se verra at­tri­buer le titre post­hume de «Clas­sique au­then­tique de la splen­deur mé­ri­dio­nale» («Nan­hua zhen­jing» 2). En Tchouang-tseu, nous ren­con­trons un phi­lo­sophe ori­gi­nal dont le de poète, plein d’images har­dies, d’artifices lit­té­raires, pos­sède un at­trait in­connu aux autres pen­seurs de la . Son «Œuvre com­plète» prend l’aspect d’allégories ; de pen­sées non seule­ment ré­flé­chies et dé­mon­trées, mais res­sen­ties et pé­né­trant tout son être. Sa , c’est le quié­tisme na­tu­ra­liste. «Na­tu­ra­liste», car se­lon Tchouang-tseu, tout est bien à l’état na­tu­rel; tout dé­gé­nère entre les mains de l’. «Quié­tisme», car pour re­trou­ver en la splen­deur ori­gi­nelle de la , il faut une tran­quillité comme celle de l’ inerte; un calme comme ce­lui du  : «Si la tran­quillité de l’eau per­met de re­flé­ter les choses, que ne peut celle de l’esprit? Qu’il est tran­quille, l’esprit du saint! Il est le mi­roir de l’univers et de tous les êtres» 3. L’acte su­prême est de ne point in­ter­ve­nir, et la su­prême est de ne rien dire : «La nasse sert à prendre le pois­son; quand le pois­son est pris, ou­bliez la nasse. Le piège sert à cap­tu­rer le lièvre; quand le lièvre est pris, ou­bliez le piège. La pa­role sert à ex­pri­mer l’idée; quand l’idée est sai­sie, ou­bliez la pa­role. [Où] pour­rais-je ren­con­trer quelqu’un qui ou­blie la pa­role, et dia­lo­guer avec lui?» 4 La pa­role n’est pas sûre, car c’est d’elle que pro­viennent toutes les dis­tinc­tions éta­blies ar­ti­fi­ciel­le­ment par l’homme. , l’univers est in­dis­tinct, in­for­mel, et soi-même est aussi l’autre : «Ja­dis, Tchouang-tseu rêva qu’il était un pa­pillon vol­ti­geant et sa­tis­fait de son sort et igno­rant qu’il était Tchouang-tseu lui-même; brus­que­ment, il s’éveilla et s’aperçut avec éton­ne­ment qu’il était Tchouang-tseu. Il ne sut plus si c’était Tchouang-tseu rê­vant qu’il était un pa­pillon, ou un pa­pillon rê­vant qu’il était Tchouang-tseu»

  1. En chi­nois 莊子. Par­fois trans­crit Tchouang-tsée, Tchoang-tseu, Tchoang-tzeu, Tchouang-tsze, Tchuang-tze, Chwang-tsze, Chuang-tze, Choang-tzu, Zhuang Si, Zhouangzi ou Zhuangzi. Éga­le­ment connu sous le nom de Tchouang Tcheou (莊周). Par­fois trans­crit Tchuang-tcheou, Chuang Chou, Zhouang Zhou ou Zhuang Zhou. Icône Haut
  2. En chi­nois «南華真經». Par­fois trans­crit «Nan-houa tcheng-king», «Nan-hoà-cienn ching», «Nan hwa chin king», «Nan-hoa-tchenn king», «Nan-houa tchen-tsing» ou «Nan-hua chen ching». Éga­le­ment connu sous le titre abrégé de «南華經» («Nan­hua­jing»). Icône Haut
  1. p. 111. Icône Haut
  2. p. 221. Icône Haut