Il s’agit de la « Correspondance » de Françoise de Graffigny 1, femme de lettres française (XVIIIe siècle), dont le bel esprit et l’élégance du style firent dirent à un critique 2 « qu’elle faisait infidélité à son sexe, en usurpant les talents du nôtre ». Née Françoise d’Happoncourt, elle fut mariée — ou pour mieux dire — sacrifiée à François Huguet de Graffigny, homme emporté, jaloux et extrêmement violent. Dès les premières années de vie conjugale, elle se vit exposée aux mépris et aux insultes ; des injures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant parvenue à la police, il y eut ordre d’emprisonner cet homme brutal qui, sitôt relâché, fit suivre ses premiers excès par quantité d’autres. Il lui arriva plusieurs fois de terrasser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme perdit tous ses enfants en bas âge et eut beaucoup à souffrir ; la lettre suivante le montre assez : « Mon cher père », y dit Graffigny 3, « je suis obligée dans l’extrémité où je me trouve de vous supplier de ne me point abandonner et de m’envoyer au plus vite chercher par M. de Rarécourt, car je suis en grand danger et suis toute brisée de coups. Je me jette à votre miséricorde et vous prie que ce soit bien vite ». Après avoir pendant de longues années donné des preuves d’une patience héroïque, elle parvint à obtenir une séparation juridique. Libérée des horribles chaînes qu’elle avait trop longtemps portées, elle vint à Paris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de malheurs et de désagréments, et ce fut dans ces malheurs qu’elle puisa le sentiment d’une immense tristesse, d’une mélancolie de tous les instants qui caractérisa son roman « Lettres d’une Péruvienne » : « Il ne me reste », y dit-elle 4, « que la triste consolation de [vous] peindre mes douleurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur donner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir ! Je voudrais les tracer sur le plus dur métal, sur les murs de ma chambre, sur mes habits, sur tout ce qui m’environne, et les exprimer dans toutes les langues ». Mais ce roman et un ou deux autres qu’elle écrivit n’égalèrent jamais tout à fait celui de sa vie ; et plus encore que dans les « Lettres d’une Péruvienne », les lecteurs trouveront de l’intérêt dans les milliers de lettres qui constituent sa véritable « Correspondance ».
Graffigny, « Correspondance. Tome III. Lettres 309-490 (1ᵉʳ octobre 1740-27 novembre 1742) »
Il s’agit de la « Correspondance » de Françoise de Graffigny 1, femme de lettres française (XVIIIe siècle), dont le bel esprit et l’élégance du style firent dirent à un critique 2 « qu’elle faisait infidélité à son sexe, en usurpant les talents du nôtre ». Née Françoise d’Happoncourt, elle fut mariée — ou pour mieux dire — sacrifiée à François Huguet de Graffigny, homme emporté, jaloux et extrêmement violent. Dès les premières années de vie conjugale, elle se vit exposée aux mépris et aux insultes ; des injures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant parvenue à la police, il y eut ordre d’emprisonner cet homme brutal qui, sitôt relâché, fit suivre ses premiers excès par quantité d’autres. Il lui arriva plusieurs fois de terrasser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme perdit tous ses enfants en bas âge et eut beaucoup à souffrir ; la lettre suivante le montre assez : « Mon cher père », y dit Graffigny 3, « je suis obligée dans l’extrémité où je me trouve de vous supplier de ne me point abandonner et de m’envoyer au plus vite chercher par M. de Rarécourt, car je suis en grand danger et suis toute brisée de coups. Je me jette à votre miséricorde et vous prie que ce soit bien vite ». Après avoir pendant de longues années donné des preuves d’une patience héroïque, elle parvint à obtenir une séparation juridique. Libérée des horribles chaînes qu’elle avait trop longtemps portées, elle vint à Paris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de malheurs et de désagréments, et ce fut dans ces malheurs qu’elle puisa le sentiment d’une immense tristesse, d’une mélancolie de tous les instants qui caractérisa son roman « Lettres d’une Péruvienne » : « Il ne me reste », y dit-elle 4, « que la triste consolation de [vous] peindre mes douleurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur donner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir ! Je voudrais les tracer sur le plus dur métal, sur les murs de ma chambre, sur mes habits, sur tout ce qui m’environne, et les exprimer dans toutes les langues ». Mais ce roman et un ou deux autres qu’elle écrivit n’égalèrent jamais tout à fait celui de sa vie ; et plus encore que dans les « Lettres d’une Péruvienne », les lecteurs trouveront de l’intérêt dans les milliers de lettres qui constituent sa véritable « Correspondance ».
Graffigny, « Correspondance. Tome II. Lettres 145-308 (19 juin 1739-24 septembre 1740) »
Il s’agit de la « Correspondance » de Françoise de Graffigny 1, femme de lettres française (XVIIIe siècle), dont le bel esprit et l’élégance du style firent dirent à un critique 2 « qu’elle faisait infidélité à son sexe, en usurpant les talents du nôtre ». Née Françoise d’Happoncourt, elle fut mariée — ou pour mieux dire — sacrifiée à François Huguet de Graffigny, homme emporté, jaloux et extrêmement violent. Dès les premières années de vie conjugale, elle se vit exposée aux mépris et aux insultes ; des injures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant parvenue à la police, il y eut ordre d’emprisonner cet homme brutal qui, sitôt relâché, fit suivre ses premiers excès par quantité d’autres. Il lui arriva plusieurs fois de terrasser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme perdit tous ses enfants en bas âge et eut beaucoup à souffrir ; la lettre suivante le montre assez : « Mon cher père », y dit Graffigny 3, « je suis obligée dans l’extrémité où je me trouve de vous supplier de ne me point abandonner et de m’envoyer au plus vite chercher par M. de Rarécourt, car je suis en grand danger et suis toute brisée de coups. Je me jette à votre miséricorde et vous prie que ce soit bien vite ». Après avoir pendant de longues années donné des preuves d’une patience héroïque, elle parvint à obtenir une séparation juridique. Libérée des horribles chaînes qu’elle avait trop longtemps portées, elle vint à Paris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de malheurs et de désagréments, et ce fut dans ces malheurs qu’elle puisa le sentiment d’une immense tristesse, d’une mélancolie de tous les instants qui caractérisa son roman « Lettres d’une Péruvienne » : « Il ne me reste », y dit-elle 4, « que la triste consolation de [vous] peindre mes douleurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur donner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir ! Je voudrais les tracer sur le plus dur métal, sur les murs de ma chambre, sur mes habits, sur tout ce qui m’environne, et les exprimer dans toutes les langues ». Mais ce roman et un ou deux autres qu’elle écrivit n’égalèrent jamais tout à fait celui de sa vie ; et plus encore que dans les « Lettres d’une Péruvienne », les lecteurs trouveront de l’intérêt dans les milliers de lettres qui constituent sa véritable « Correspondance ».
Graffigny, « Correspondance. Tome I. Lettres 1-144 (1716-17 juin 1739) »
Il s’agit de la « Correspondance » de Françoise de Graffigny 1, femme de lettres française (XVIIIe siècle), dont le bel esprit et l’élégance du style firent dirent à un critique 2 « qu’elle faisait infidélité à son sexe, en usurpant les talents du nôtre ». Née Françoise d’Happoncourt, elle fut mariée — ou pour mieux dire — sacrifiée à François Huguet de Graffigny, homme emporté, jaloux et extrêmement violent. Dès les premières années de vie conjugale, elle se vit exposée aux mépris et aux insultes ; des injures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant parvenue à la police, il y eut ordre d’emprisonner cet homme brutal qui, sitôt relâché, fit suivre ses premiers excès par quantité d’autres. Il lui arriva plusieurs fois de terrasser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme perdit tous ses enfants en bas âge et eut beaucoup à souffrir ; la lettre suivante le montre assez : « Mon cher père », y dit Graffigny 3, « je suis obligée dans l’extrémité où je me trouve de vous supplier de ne me point abandonner et de m’envoyer au plus vite chercher par M. de Rarécourt, car je suis en grand danger et suis toute brisée de coups. Je me jette à votre miséricorde et vous prie que ce soit bien vite ». Après avoir pendant de longues années donné des preuves d’une patience héroïque, elle parvint à obtenir une séparation juridique. Libérée des horribles chaînes qu’elle avait trop longtemps portées, elle vint à Paris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de malheurs et de désagréments, et ce fut dans ces malheurs qu’elle puisa le sentiment d’une immense tristesse, d’une mélancolie de tous les instants qui caractérisa son roman « Lettres d’une Péruvienne » : « Il ne me reste », y dit-elle 4, « que la triste consolation de [vous] peindre mes douleurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur donner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir ! Je voudrais les tracer sur le plus dur métal, sur les murs de ma chambre, sur mes habits, sur tout ce qui m’environne, et les exprimer dans toutes les langues ». Mais ce roman et un ou deux autres qu’elle écrivit n’égalèrent jamais tout à fait celui de sa vie ; et plus encore que dans les « Lettres d’une Péruvienne », les lecteurs trouveront de l’intérêt dans les milliers de lettres qui constituent sa véritable « Correspondance ».
Galland, « Journal, [pendant] la période parisienne. Volume IV (1714-1715) »
éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain
Il s’agit du « Journal » d’Antoine Galland, orientaliste et numismate français (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui modifièrent le plus l’imagination littéraire, sinon profondément, du moins dans la fantaisie, je veux dire les « Mille et une Nuits ». Toute sa vie, Galland vécut seul, presque sans autres amis que ses livres — les seuls qui ne le déçurent jamais. Savant de premier ordre, il s’attachait à étudier les langues orientales et les médailles antiques, propres à jeter quelque lumière — si infime fût-elle — sur les annales du passé. Voyageur, il cherchait les traits négligés par ses devanciers. Souvent heureux dans ses recherches, simple et laborieux, il était, cependant, d’une certaine humeur dans la lecture de ses contemporains, qu’il ne pouvait souffrir d’y voir imprimées des erreurs sans prendre la plume pour les corriger. « J’y trouvai », écrit-il au sujet d’un livre 1, « des explications si fort hors du bon sens, que je fus contraint de cesser la lecture pour la reprendre le matin, de crainte que je n’en puisse dormir. Mais je fus plus d’une heure et demie à m’endormir, nonobstant les efforts que je pus faire pour chasser de mon esprit ces extravagances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se faisait néanmoins assez connaître ». Ses écrits restèrent toujours, pour le nombre et l’importance, au-dessous de son érudition. Un jour, il eut une discussion très vive à l’Académie des inscriptions ; dans une de ses répliques, on remarque ce passage qui montre l’étendue de son activité inlassable et sa haute rigueur : « Pythagore ne demandait à ses disciples que sept ans de silence pour s’instruire des principes de la philosophie avant que d’en écrire ou d’en vouloir juger. Sans que personne l’eût exigé, j’ai gardé un silence plus rigide et plus long dans l’étude des médailles. Ce silence a été de trente années. Pendant tout ce temps-là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres habiles, de lire et d’examiner leurs ouvrages ; j’ai encore manié et déchiffré plusieurs milliers de médailles grecques et latines, tant en France qu’en Syrie et en Palestine, à Smyrne, à Constantinople, à Alexandrie et dans les îles de l’Archipel »
Galland, « Journal, [pendant] la période parisienne. Tome III (1712-1713) »
éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain
Il s’agit du « Journal » d’Antoine Galland, orientaliste et numismate français (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui modifièrent le plus l’imagination littéraire, sinon profondément, du moins dans la fantaisie, je veux dire les « Mille et une Nuits ». Toute sa vie, Galland vécut seul, presque sans autres amis que ses livres — les seuls qui ne le déçurent jamais. Savant de premier ordre, il s’attachait à étudier les langues orientales et les médailles antiques, propres à jeter quelque lumière — si infime fût-elle — sur les annales du passé. Voyageur, il cherchait les traits négligés par ses devanciers. Souvent heureux dans ses recherches, simple et laborieux, il était, cependant, d’une certaine humeur dans la lecture de ses contemporains, qu’il ne pouvait souffrir d’y voir imprimées des erreurs sans prendre la plume pour les corriger. « J’y trouvai », écrit-il au sujet d’un livre 1, « des explications si fort hors du bon sens, que je fus contraint de cesser la lecture pour la reprendre le matin, de crainte que je n’en puisse dormir. Mais je fus plus d’une heure et demie à m’endormir, nonobstant les efforts que je pus faire pour chasser de mon esprit ces extravagances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se faisait néanmoins assez connaître ». Ses écrits restèrent toujours, pour le nombre et l’importance, au-dessous de son érudition. Un jour, il eut une discussion très vive à l’Académie des inscriptions ; dans une de ses répliques, on remarque ce passage qui montre l’étendue de son activité inlassable et sa haute rigueur : « Pythagore ne demandait à ses disciples que sept ans de silence pour s’instruire des principes de la philosophie avant que d’en écrire ou d’en vouloir juger. Sans que personne l’eût exigé, j’ai gardé un silence plus rigide et plus long dans l’étude des médailles. Ce silence a été de trente années. Pendant tout ce temps-là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres habiles, de lire et d’examiner leurs ouvrages ; j’ai encore manié et déchiffré plusieurs milliers de médailles grecques et latines, tant en France qu’en Syrie et en Palestine, à Smyrne, à Constantinople, à Alexandrie et dans les îles de l’Archipel »
Galland, « Journal, [pendant] la période parisienne. Tome II (1710-1711) »
éd. Peeters, coll. Association pour la promotion de l’histoire et de l’archéologie orientales-Mémoires, Louvain
Il s’agit du « Journal » d’Antoine Galland, orientaliste et numismate français (XVIIe-XVIIIe siècle), à qui l’on doit une des œuvres qui modifièrent le plus l’imagination littéraire, sinon profondément, du moins dans la fantaisie, je veux dire les « Mille et une Nuits ». Toute sa vie, Galland vécut seul, presque sans autres amis que ses livres — les seuls qui ne le déçurent jamais. Savant de premier ordre, il s’attachait à étudier les langues orientales et les médailles antiques, propres à jeter quelque lumière — si infime fût-elle — sur les annales du passé. Voyageur, il cherchait les traits négligés par ses devanciers. Souvent heureux dans ses recherches, simple et laborieux, il était, cependant, d’une certaine humeur dans la lecture de ses contemporains, qu’il ne pouvait souffrir d’y voir imprimées des erreurs sans prendre la plume pour les corriger. « J’y trouvai », écrit-il au sujet d’un livre 1, « des explications si fort hors du bon sens, que je fus contraint de cesser la lecture pour la reprendre le matin, de crainte que je n’en puisse dormir. Mais je fus plus d’une heure et demie à m’endormir, nonobstant les efforts que je pus faire pour chasser de mon esprit ces extravagances, dont l’auteur, qui ne s’était pas nommé, se faisait néanmoins assez connaître ». Ses écrits restèrent toujours, pour le nombre et l’importance, au-dessous de son érudition. Un jour, il eut une discussion très vive à l’Académie des inscriptions ; dans une de ses répliques, on remarque ce passage qui montre l’étendue de son activité inlassable et sa haute rigueur : « Pythagore ne demandait à ses disciples que sept ans de silence pour s’instruire des principes de la philosophie avant que d’en écrire ou d’en vouloir juger. Sans que personne l’eût exigé, j’ai gardé un silence plus rigide et plus long dans l’étude des médailles. Ce silence a été de trente années. Pendant tout ce temps-là, je ne me suis pas contenté d’écouter un grand nombre de maîtres habiles, de lire et d’examiner leurs ouvrages ; j’ai encore manié et déchiffré plusieurs milliers de médailles grecques et latines, tant en France qu’en Syrie et en Palestine, à Smyrne, à Constantinople, à Alexandrie et dans les îles de l’Archipel »
Pilinszky, « De quelques problèmes fondamentaux de l’art hongrois contemporain à la lumière de la pensée de Simone Weil »
dans « Liberté », vol. 14, nº 6, p. 14-19
Il s’agit de « De quelques problèmes fondamentaux de l’art hongrois contemporain à la lumière de la pensée de Simone Weil » de M. János Pilinszky 1, poète et dramaturge hongrois. Enrôlé de force en 1944, il ne cessa jamais d’être hanté par le monde concentrationnaire qu’il découvrit en Allemagne lors de la retraite de l’armée hongroise, et dont il évoqua les horreurs et les abominations dans les poèmes « Prisonnier français » (« Francia Fogoly »), « Harbach 1944 », « Auschwitz », « Sur le mur d’un camp de concentration » (« Egy KZ láger falára »), etc. 2 Cette expérience du tragique, de l’irrémédiable, du scandaleux, de l’insoluble de la guerre fut la première rencontre du poète avec son siècle, dans ce que ce dernier avait de plus obscur. Elle fut à l’origine de toutes ses interrogations existentialistes. Celle-ci surtout : Quelle fin Dieu a-t-Il eue en faisant souffrir tant de victimes innocentes ? Quel dessein a-t-Il eu en les faisant mourir ? Car, comme tout bon chrétien, M. Pilinszky était persuadé que ces choses ne se seraient pas produites sans fin ou sans dessein ; et sans que Dieu les eût positivement et directement écrites : « C’est Dieu et Dieu seul qui écrit », dit-il 3, « sur le tissu des événements ou sur le papier… Sur les objets amassés dans les vitrines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hiéroglyphes” du siècle, de la vie [“hiéroglyphes” au sens grec de “lettres sacrées”]. Éternelle leçon ! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être jamais formulé leurs textes ». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écrivant l’Holocauste ? La réponse à cette question délicate et difficile à résoudre, M. Pilinszky ne la trouva qu’en France : d’abord, par les séjours qu’il y multiplia après la guerre, à titre de correspondant de la revue catholique hongroise « Új Ember » (« Homme nouveau ») ; puis, grâce aux œuvres de Mme Simone Weil et de M. Albert Camus qu’il y lut pour la première fois, et qui l’éblouirent. Il reconnut alors dans le drame d’Auschwitz la représentation scénique de la Passion, tout comme il reconnut dans les douleurs humaines des camps la souffrance divine du Christ, attaché et mort sur la Croix. « “Tels les larrons”, selon la magnifique parole de Simone Weil, “nous, hommes, sommes attachés sur la Croix de l’espace et du temps”. Je m’évanouis et les échardes me réveillent en sursaut. Alors je vois le monde avec une netteté tranchante », dit-il dans son « Journal » 4, en reprenant la pensée suivante de Mme Weil : « La crucifixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une destinée humaine. Comment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps aurait-il une autre vocation que la Croix ? » Cette pensée pieuse, cette sanctification de l’agonie des camps, cette exaltation des plaies humainement divines ou divinement humaines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pilinszky : « Passion de Ravensbrück » (« Ravensbrücki Passió »), « Apocryphe » (« Apokrif »), « Au troisième jour » (« Harmadnapon »), « “Agonia christiana” », etc. 5
- On rencontre aussi la graphie Pilinski.
- Les deux premiers poèmes sont absents de la traduction de M. Lorand Gaspar, pourtant la plus complète qui existe en français ; et le quatrième est traduit sous le titre de « Pour le mur d’un stalag ».
- « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice ».
Pilinszky, « Extraits de “Journal d’un lyrique” »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Journal » de M. János Pilinszky 1, poète et dramaturge hongrois. Enrôlé de force en 1944, il ne cessa jamais d’être hanté par le monde concentrationnaire qu’il découvrit en Allemagne lors de la retraite de l’armée hongroise, et dont il évoqua les horreurs et les abominations dans les poèmes « Prisonnier français » (« Francia Fogoly »), « Harbach 1944 », « Auschwitz », « Sur le mur d’un camp de concentration » (« Egy KZ láger falára »), etc. 2 Cette expérience du tragique, de l’irrémédiable, du scandaleux, de l’insoluble de la guerre fut la première rencontre du poète avec son siècle, dans ce que ce dernier avait de plus obscur. Elle fut à l’origine de toutes ses interrogations existentialistes. Celle-ci surtout : Quelle fin Dieu a-t-Il eue en faisant souffrir tant de victimes innocentes ? Quel dessein a-t-Il eu en les faisant mourir ? Car, comme tout bon chrétien, M. Pilinszky était persuadé que ces choses ne se seraient pas produites sans fin ou sans dessein ; et sans que Dieu les eût positivement et directement écrites : « C’est Dieu et Dieu seul qui écrit », dit-il 3, « sur le tissu des événements ou sur le papier… Sur les objets amassés dans les vitrines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hiéroglyphes” du siècle, de la vie [“hiéroglyphes” au sens grec de “lettres sacrées”]. Éternelle leçon ! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être jamais formulé leurs textes ». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écrivant l’Holocauste ? La réponse à cette question délicate et difficile à résoudre, M. Pilinszky ne la trouva qu’en France : d’abord, par les séjours qu’il y multiplia après la guerre, à titre de correspondant de la revue catholique hongroise « Új Ember » (« Homme nouveau ») ; puis, grâce aux œuvres de Mme Simone Weil et de M. Albert Camus qu’il y lut pour la première fois, et qui l’éblouirent. Il reconnut alors dans le drame d’Auschwitz la représentation scénique de la Passion, tout comme il reconnut dans les douleurs humaines des camps la souffrance divine du Christ, attaché et mort sur la Croix. « “Tels les larrons”, selon la magnifique parole de Simone Weil, “nous, hommes, sommes attachés sur la Croix de l’espace et du temps”. Je m’évanouis et les échardes me réveillent en sursaut. Alors je vois le monde avec une netteté tranchante », dit-il dans son « Journal » 4, en reprenant la pensée suivante de Mme Weil : « La crucifixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une destinée humaine. Comment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps aurait-il une autre vocation que la Croix ? » Cette pensée pieuse, cette sanctification de l’agonie des camps, cette exaltation des plaies humainement divines ou divinement humaines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pilinszky : « Passion de Ravensbrück » (« Ravensbrücki Passió »), « Apocryphe » (« Apokrif »), « Au troisième jour » (« Harmadnapon »), « “Agonia christiana” », etc. 5
- On rencontre aussi la graphie Pilinski.
- Les deux premiers poèmes sont absents de la traduction de M. Lorand Gaspar, pourtant la plus complète qui existe en français ; et le quatrième est traduit sous le titre de « Pour le mur d’un stalag ».
- « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice ».
Pilinszky, « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice »
dans Fondation pour une entraide intellectuelle européenne, « L’Imagination créatrice : actes » (éd. La Baconnière, coll. Langages, Neuchâtel), p. 247-252
Il s’agit du « Monde moderne et l’Imagination créatrice » de M. János Pilinszky 1, poète et dramaturge hongrois. Enrôlé de force en 1944, il ne cessa jamais d’être hanté par le monde concentrationnaire qu’il découvrit en Allemagne lors de la retraite de l’armée hongroise, et dont il évoqua les horreurs et les abominations dans les poèmes « Prisonnier français » (« Francia Fogoly »), « Harbach 1944 », « Auschwitz », « Sur le mur d’un camp de concentration » (« Egy KZ láger falára »), etc. 2 Cette expérience du tragique, de l’irrémédiable, du scandaleux, de l’insoluble de la guerre fut la première rencontre du poète avec son siècle, dans ce que ce dernier avait de plus obscur. Elle fut à l’origine de toutes ses interrogations existentialistes. Celle-ci surtout : Quelle fin Dieu a-t-Il eue en faisant souffrir tant de victimes innocentes ? Quel dessein a-t-Il eu en les faisant mourir ? Car, comme tout bon chrétien, M. Pilinszky était persuadé que ces choses ne se seraient pas produites sans fin ou sans dessein ; et sans que Dieu les eût positivement et directement écrites : « C’est Dieu et Dieu seul qui écrit », dit-il 3, « sur le tissu des événements ou sur le papier… Sur les objets amassés dans les vitrines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hiéroglyphes” du siècle, de la vie [“hiéroglyphes” au sens grec de “lettres sacrées”]. Éternelle leçon ! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être jamais formulé leurs textes ». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écrivant l’Holocauste ? La réponse à cette question délicate et difficile à résoudre, M. Pilinszky ne la trouva qu’en France : d’abord, par les séjours qu’il y multiplia après la guerre, à titre de correspondant de la revue catholique hongroise « Új Ember » (« Homme nouveau ») ; puis, grâce aux œuvres de Mme Simone Weil et de M. Albert Camus qu’il y lut pour la première fois, et qui l’éblouirent. Il reconnut alors dans le drame d’Auschwitz la représentation scénique de la Passion, tout comme il reconnut dans les douleurs humaines des camps la souffrance divine du Christ, attaché et mort sur la Croix. « “Tels les larrons”, selon la magnifique parole de Simone Weil, “nous, hommes, sommes attachés sur la Croix de l’espace et du temps”. Je m’évanouis et les échardes me réveillent en sursaut. Alors je vois le monde avec une netteté tranchante », dit-il dans son « Journal » 4, en reprenant la pensée suivante de Mme Weil : « La crucifixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une destinée humaine. Comment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps aurait-il une autre vocation que la Croix ? » Cette pensée pieuse, cette sanctification de l’agonie des camps, cette exaltation des plaies humainement divines ou divinement humaines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pilinszky : « Passion de Ravensbrück » (« Ravensbrücki Passió »), « Apocryphe » (« Apokrif »), « Au troisième jour » (« Harmadnapon »), « “Agonia christiana” », etc. 5
- On rencontre aussi la graphie Pilinski.
- Les deux premiers poèmes sont absents de la traduction de M. Lorand Gaspar, pourtant la plus complète qui existe en français ; et le quatrième est traduit sous le titre de « Pour le mur d’un stalag ».
- « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice ».
Pilinszky, « Poèmes choisis »
éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris
Il s’agit d’une traduction partielle des « Poèmes » de M. János Pilinszky 1, poète et dramaturge hongrois. Enrôlé de force en 1944, il ne cessa jamais d’être hanté par le monde concentrationnaire qu’il découvrit en Allemagne lors de la retraite de l’armée hongroise, et dont il évoqua les horreurs et les abominations dans les poèmes « Prisonnier français » (« Francia Fogoly »), « Harbach 1944 », « Auschwitz », « Sur le mur d’un camp de concentration » (« Egy KZ láger falára »), etc. 2 Cette expérience du tragique, de l’irrémédiable, du scandaleux, de l’insoluble de la guerre fut la première rencontre du poète avec son siècle, dans ce que ce dernier avait de plus obscur. Elle fut à l’origine de toutes ses interrogations existentialistes. Celle-ci surtout : Quelle fin Dieu a-t-Il eue en faisant souffrir tant de victimes innocentes ? Quel dessein a-t-Il eu en les faisant mourir ? Car, comme tout bon chrétien, M. Pilinszky était persuadé que ces choses ne se seraient pas produites sans fin ou sans dessein ; et sans que Dieu les eût positivement et directement écrites : « C’est Dieu et Dieu seul qui écrit », dit-il 3, « sur le tissu des événements ou sur le papier… Sur les objets amassés dans les vitrines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hiéroglyphes” du siècle, de la vie [“hiéroglyphes” au sens grec de “lettres sacrées”]. Éternelle leçon ! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être jamais formulé leurs textes ». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écrivant l’Holocauste ? La réponse à cette question délicate et difficile à résoudre, M. Pilinszky ne la trouva qu’en France : d’abord, par les séjours qu’il y multiplia après la guerre, à titre de correspondant de la revue catholique hongroise « Új Ember » (« Homme nouveau ») ; puis, grâce aux œuvres de Mme Simone Weil et de M. Albert Camus qu’il y lut pour la première fois, et qui l’éblouirent. Il reconnut alors dans le drame d’Auschwitz la représentation scénique de la Passion, tout comme il reconnut dans les douleurs humaines des camps la souffrance divine du Christ, attaché et mort sur la Croix. « “Tels les larrons”, selon la magnifique parole de Simone Weil, “nous, hommes, sommes attachés sur la Croix de l’espace et du temps”. Je m’évanouis et les échardes me réveillent en sursaut. Alors je vois le monde avec une netteté tranchante », dit-il dans son « Journal » 4, en reprenant la pensée suivante de Mme Weil : « La crucifixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une destinée humaine. Comment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps aurait-il une autre vocation que la Croix ? » Cette pensée pieuse, cette sanctification de l’agonie des camps, cette exaltation des plaies humainement divines ou divinement humaines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pilinszky : « Passion de Ravensbrück » (« Ravensbrücki Passió »), « Apocryphe » (« Apokrif »), « Au troisième jour » (« Harmadnapon »), « “Agonia christiana” », etc. 5
- On rencontre aussi la graphie Pilinski.
- Les deux premiers poèmes sont absents de la traduction de M. Lorand Gaspar, pourtant la plus complète qui existe en français ; et le quatrième est traduit sous le titre de « Pour le mur d’un stalag ».
- « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice ».
Junayd, « Enseignement spirituel : traités, lettres, oraisons et sentences »
Il s’agit de Junayd Baghdâdî 1, maître soufi de Bagdad (IXe-Xe siècle apr. J.-C.), qui posa les bases solides sur lesquelles allaient s’élever les grands systèmes de la mystique musulmane. Bien qu’il enseignât dans sa maison et ne dirigeât pas une communauté, ses contemporains lui décernèrent le titre de « Seigneur de la Tribu spirituelle » (« Sayyid al-Tâ’ifa » 2). L’un d’eux rapporte 3 : « Mes yeux n’avaient jamais contemplé quelqu’un comme Junayd Baghdâdî : les écrivains venaient à lui pour son style, les philosophes le recherchaient pour la profondeur de ses pensées, les poètes se rendaient auprès de lui pour ses métaphores, les théologiens pour sa dialectique ; et le niveau de son discours était toujours plus élevé que le leur, en intelligence, éloquence et enseignement ». Junayd vénérait Bâyazîd Bistâmî, l’extravagant partisan de l’union divine, dont il traduisit les « Dits extatiques », et au sujet duquel il déclarait : « Bâyazîd avait réalisé un premier état spirituel dans lequel “toutes les choses avaient disparu pour lui”, et un second état dans lequel “cette disparition avait disparu” » 4. Cette phrase difficile veut dire : Dans un premier temps, le soufi, ivre sous l’emprise divine, perd son existence individuelle et disparaît ; mais cette ivresse elle-même doit disparaître pour que le soufi puisse évacuer de son âme les maux funestes de l’hébétude et de la confusion et revenir à la vie : « Il sera [de nouveau], après n’avoir pas été, là où il avait été… Il sera “un existant qui est”, après avoir été “un existant privé d’être”. Il en est ainsi, parce qu’il sera passé de l’ivresse de l’emprise divine à la lucidité du dégrisement » 5. Dit autrement, la recherche « de l’ivresse, de l’enivrement » (« sukr »), « de la disparition, de l’anéantissement » (« fanâ’ ») est jouissive, car elle libère la conscience humaine des tracas qu’elle connaît d’habitude ; mais cette recherche, d’après Junayd, ne convient qu’aux débutants ; elle doit céder le pas « à la sobriété, au dégrisement » (« sahw »), « à la pérennisation, à la permanence » (« baqâ’ ») pour que celui qui avait disparu puisse reprendre sa place parmi les hommes, désormais lucide, dégrisé, mais investi de la présence permanente de Dieu.
- En arabe الجنيد البغدادي. Parfois transcrit Djonéid, Djonaïd, Djouneïd, Djuneid, Djunaid, al-Djunayd, Dschuneid, Dschunaid, Dschuneyd, Dschonaid, Dschoneid, Cüneyd, Cünayd, Cüneid, el-Joneid, Joneyd, Jonayd, al-Jonaid, Juneyd, Juneid, Junaïd, al-Jounayd, Jouneyd, Jouneïd, Ǵonayd, Ǧunaid ou al-Ǧunayd.
- En arabe سيد الطائفة. Autrefois transcrit Saïyid-i Tâïfa, Saiyidu’ṭ-Ṭāifa ou Sayyid-ut-Taifa.
- p. 12-13.
Rutilius Namatianus, « Sur son retour »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit du poème latin « Sur son retour, ou Itinéraire » (« De reditu suo, sive Itinerarium ») de Claudius Rutilius Namatianus 1. Tout ce qu’on sait de l’auteur nous vient de son poème. Originaire de la Gaule, d’un milieu de grands propriétaires de la Narbonnaise, tous représentants de la haute aristocratie, il fut nommé chef des services de la police (« magister officiorum »), puis préfet de Rome en 414 apr. J.-C. Le début de « Sur son retour » exprime de façon inoubliable l’attachement à la fois intellectuel et affectif qu’inspirait à ce fonctionnaire la grandeur de Rome, au moment même où elle allait être foulée aux pieds des barbares. Qui ne se rappelle, parmi ceux qui l’ont lu, son éloge plein d’amour pour cette Cité éternelle ; plein de tendresse pour cette reine vénérable ; plein de regret pour cet astre sur le point de s’éclipser ? « Écoute », dit-il 2, « ô reine si belle d’un monde qui t’appartient, ô Rome, admise parmi les astres du ciel !… Illustre par des guerres justes et une paix sans insolence, ta gloire t’a portée au faîte de la puissance… Le regard… est brouillé par l’éclat de tes temples ; ainsi doivent être, je pense, les demeures des dieux… » Mais, quelque agrément qu’il trouvât dans la capitale du monde, Rutilius Namatianus la quitta en 417 apr. J.-C. pour voler au secours de sa Gaule natale, et tâcher de réparer par sa présence et son autorité les maux que les barbares venaient d’y causer : « Ma fortune », dit-il 3, « m’arrache à [la Ville] aimée, et enfant de la Gaule, les campagnes gauloises me rappellent. Elles sont, certes, fort enlaidies par de longues guerres ; mais, moins elles sont avenantes, plus elles sont à plaindre ». Ce voyage lui inspira le poème qui a sauvé son nom de l’oubli. Rutilius Namatianus y décrit ce qu’il voit ; et ses descriptions sont fort touchantes, surtout lorsqu’il parle du délabrement de la latinité. La vue des vestiges ; des remparts effondrés ; des monuments ensevelis sous de vastes décombres, lui suggère cette pensée : « Ne nous indignons pas si les corps des mortels ont une fin : des exemples nous montrent que les villes peuvent mourir ! » (« Non indignemur mortalia corpora solvi : cernimus exemplis oppida posse mori ! »). Ce cri de douleur du noble Romain qui sent tout chanceler autour de lui a quelque chose de sublime. Il est dommage que son poème ne soit pas parvenu en entier. Nous n’en avons que le livre I (644 vers) et le début du livre II (68 vers), ainsi que deux passages mutilés découverts en 1973. La fin est perdue.