Icône Mot-clef19ᵉ siècle

Ôgai, « Chimères »

éd. Payot & Rivages, coll. Rivages poche-Petite Bibliothèque, Paris

éd. Payot & Ri­vages, coll. Ri­vages poche-Pe­tite Bi­blio­thèque, Pa­ris

Il s’agit du «Ser­pent» («Hebi» 1), «Chi­mères» 2Môsô» 3) et autres nou­velles de  4, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la ja­po­naise en l’ de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’ nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de im­por­tés d’. Son sé­jour d’étude en , ainsi que les ar­rêts qu’il fit en , coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 5. De re­tour au , l’ constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de . Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de ) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’ et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies,  : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 6, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des , comme en té­moignent son «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 7) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En «». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «Rê­ve­ries». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «妄想». Par­fois trans­crit «Môzô». Icône Haut
  4. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Icône Haut
  1. «Chaos; trad. ». Icône Haut
  2. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro» («「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en . Icône Haut
  3. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Icône Haut

Ôgai, « Vita sexualis, ou l’Apprentissage amoureux du professeur Kanai Shizuka »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit de «Vita sexua­lis» 1 de  2, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la ja­po­naise en l’ de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’ nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de im­por­tés d’. Son sé­jour d’étude en , ainsi que les ar­rêts qu’il fit en , coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 3. De re­tour au , l’ constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de . Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de ) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’ et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies,  : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 4, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des , comme en té­moignent son «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 5) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En «ヰタ・セクスアリス». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Icône Haut
  3. «Chaos; trad. ». Icône Haut
  1. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro» («「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en . Icône Haut
  2. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Icône Haut

Ôgai, « L’Oie sauvage »

éd. Cambourakis, Paris

éd. Cam­bou­ra­kis, Pa­ris

Il s’agit de «L’Oie sau­vage» («Gan» 1) de  2, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la ja­po­naise en l’ de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’ nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de im­por­tés d’. Son sé­jour d’étude en , ainsi que les ar­rêts qu’il fit en , coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 3. De re­tour au , l’ constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de . Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de ) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’ et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies,  : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 4, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des , comme en té­moignent son «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 5) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En «». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Icône Haut
  3. «Chaos; trad. ». Icône Haut
  1. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro» («「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en . Icône Haut
  2. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Icône Haut

« Les Aïnous des îles Kouriles »

dans « Journal of the College of Science, Imperial University of Tokyo », vol. 42, p. 1-337

dans «Jour­nal of the Col­lege of Science, Im­pe­rial Uni­ver­sity of To­kyo», vol. 42, p. 1-337

Il s’agit de tra­di­tion­nels des Aï­nous 1. À l’instar des Amé­rin­diens, ce qui reste aujourd’hui du , au­tre­fois si re­mar­quable et si épris de , est ex­clu­si­ve­ment et mi­sé­ra­ble­ment can­tonné dans les ré­serves de l’île de Hok­kaidô; il est en voie d’extinction, aban­donné à un sort peu en­viable, qu’il ne mé­rite pas. Avant l’établissement des , le ter­ri­toire aï­nou s’étendait de la grande île de Hok­kaidô, ap­pe­lée , jusqu’aux deux pro­lon­ge­ments de cette île, se dé­ployant l’un vers le Nord-Ouest, l’autre vers le Nord-Est : l’île de Sa­kha­line, ap­pe­lée Kita-Ezo 2Ezo du Nord»); et le cha­pe­let des Kou­riles, ap­pelé Oku-Ezo 3Ezo des confins»), égrené jusqu’à la pointe du Kamt­chatka. Ce n’est qu’au dé­but du XVIIe siècle que le in­ves­tit un daï­mio à , mais ce­lui-ci se conten­tait en quelque sorte de mon­ter la garde contre les Aï­nous. Il n’avait au­cune idée sé­rieuse du ter­ri­toire de ces «hommes poi­lus» («ke­bito» 4), dont il igno­rait tout ou à peu près tout, et où il in­ter­di­sait à ses su­jets de s’avancer trop loin, comme en té­moigne le père de An­ge­lis. Terres par­fai­te­ment né­gli­geables et né­gli­gées, ces furent éga­le­ment la seule par­tie du globe qui échappa à l’activité in­fa­ti­gable du ca­pi­taine Cook. Et à ce titre, elles pro­vo­quèrent la de La Pé­rouse, qui, de­puis son dé­part de , brû­lait d’impatience d’être le pre­mier à y avoir abordé. En 1787, les fré­gates sous son com­man­de­ment mouillèrent de­vant Sa­kha­line, et les , des­cen­dus à , en­trèrent en contact avec «une race d’hommes dif­fé­rente de celle des Ja­po­nais, des , des Kamt­cha­dales et des Tar­tares dont ils ne sont sé­pa­rés que par un ca­nal» 5. C’étaient les Aï­nous. Quoique n’ayant ja­mais abordé aux Kou­riles, La Pé­rouse éta­blit avec cer­ti­tude, d’après la re­la­tion de Kra­ché­nin­ni­kov et l’identité du vo­ca­bu­laire com­posé par ce avec ce­lui qu’il re­cueillit sur place, que les ha­bi­tants des Kou­riles, ceux de Sa­kha­line et ceux de Hok­kaidô avaient «une ori­gine com­mune». Leurs ma­nières douces et graves et leur éten­due firent im­pres­sion sur La Pé­rouse, qui les com­para à celles des Eu­ro­péens les mieux ins­truits : «Nous par­vînmes à leur faire com­prendre que nous dé­si­rions qu’ils fi­gu­rassent la forme de leur pays et de ce­lui des Mand­chous. Alors, un des vieillards se leva, et avec le bout de sa pique, il fi­gura la côte de Tar­ta­rie à l’Ouest, cou­rant à peu près [du] Nord [au] Sud. À l’Est, vis-à-vis et dans la même di­rec­tion, il fi­gura… son propre pays; il avait laissé entre la Tar­ta­rie et son île un dé­troit, et se tour­nant vers nos vais­seaux qu’on aper­ce­vait du ri­vage, il mar­qua, par un trait, qu’on pou­vait y pas­ser… Sa sa­ga­cité pour de­vi­ner toutes nos ques­tions était ex­trême, mais moindre en­core que celle d’un se­cond in­su­laire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les fi­gures tra­cées sur le sable s’effaçaient, prit un de nos crayons avec du pa­pier. Il y fi­gura son île [et traça], par des traits, le nombre de jour­nées de pi­rogue né­ces­saire pour se rendre du lieu où nous étions [jusqu’à] l’embouchure du Sé­ga­lien 6»

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Aï­nos et Ainu. Ce terme si­gni­fie «être hu­main» dans la du même nom. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 北蝦夷. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 奥蝦夷. Par­fois trans­crit Oku-Yezo, Oko-Ieso ou Okou-Yesso. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 毛人. Icône Haut
  2. «Le Voyage de La­pé­rouse (1785-1788). Tome II», p. 387. Icône Haut
  3. L’actuel fleuve . Icône Haut

« Tombent, tombent les gouttes d’argent : chants du peuple aïnou »

éd. Gallimard, coll. L’Aube des peuples, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Aube des peuples, Pa­ris

Il s’agit de chants tra­di­tion­nels des Aï­nous 1. À l’instar des Amé­rin­diens, ce qui reste aujourd’hui du , au­tre­fois si re­mar­quable et si épris de , est ex­clu­si­ve­ment et mi­sé­ra­ble­ment can­tonné dans les ré­serves de l’île de Hok­kaidô; il est en voie d’extinction, aban­donné à un sort peu en­viable, qu’il ne mé­rite pas. Avant l’établissement des , le ter­ri­toire aï­nou s’étendait de la grande île de Hok­kaidô, ap­pe­lée , jusqu’aux deux pro­lon­ge­ments de cette île, se dé­ployant l’un vers le Nord-Ouest, l’autre vers le Nord-Est : l’île de Sa­kha­line, ap­pe­lée Kita-Ezo 2Ezo du Nord»); et le cha­pe­let des Kou­riles, ap­pelé Oku-Ezo 3Ezo des confins»), égrené jusqu’à la pointe du Kamt­chatka. Ce n’est qu’au dé­but du XVIIe siècle que le in­ves­tit un daï­mio à , mais ce­lui-ci se conten­tait en quelque sorte de mon­ter la garde contre les Aï­nous. Il n’avait au­cune idée sé­rieuse du ter­ri­toire de ces «hommes poi­lus» («ke­bito» 4), dont il igno­rait tout ou à peu près tout, et où il in­ter­di­sait à ses su­jets de s’avancer trop loin, comme en té­moigne le père de An­ge­lis. Terres par­fai­te­ment né­gli­geables et né­gli­gées, ces furent éga­le­ment la seule par­tie du globe qui échappa à l’activité in­fa­ti­gable du ca­pi­taine Cook. Et à ce titre, elles pro­vo­quèrent la de La Pé­rouse, qui, de­puis son dé­part de , brû­lait d’impatience d’être le pre­mier à y avoir abordé. En 1787, les fré­gates sous son com­man­de­ment mouillèrent de­vant Sa­kha­line, et les , des­cen­dus à , en­trèrent en contact avec «une race d’hommes dif­fé­rente de celle des Ja­po­nais, des , des Kamt­cha­dales et des Tar­tares dont ils ne sont sé­pa­rés que par un ca­nal» 5. C’étaient les Aï­nous. Quoique n’ayant ja­mais abordé aux Kou­riles, La Pé­rouse éta­blit avec cer­ti­tude, d’après la re­la­tion de Kra­ché­nin­ni­kov et l’identité du vo­ca­bu­laire com­posé par ce avec ce­lui qu’il re­cueillit sur place, que les ha­bi­tants des Kou­riles, ceux de Sa­kha­line et ceux de Hok­kaidô avaient «une ori­gine com­mune». Leurs ma­nières douces et graves et leur éten­due firent im­pres­sion sur La Pé­rouse, qui les com­para à celles des Eu­ro­péens les mieux ins­truits : «Nous par­vînmes à leur faire com­prendre que nous dé­si­rions qu’ils fi­gu­rassent la forme de leur pays et de ce­lui des Mand­chous. Alors, un des vieillards se leva, et avec le bout de sa pique, il fi­gura la côte de Tar­ta­rie à l’Ouest, cou­rant à peu près [du] Nord [au] Sud. À l’Est, vis-à-vis et dans la même di­rec­tion, il fi­gura… son propre pays; il avait laissé entre la Tar­ta­rie et son île un dé­troit, et se tour­nant vers nos vais­seaux qu’on aper­ce­vait du ri­vage, il mar­qua, par un trait, qu’on pou­vait y pas­ser… Sa sa­ga­cité pour de­vi­ner toutes nos ques­tions était ex­trême, mais moindre en­core que celle d’un se­cond in­su­laire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les fi­gures tra­cées sur le sable s’effaçaient, prit un de nos crayons avec du pa­pier. Il y fi­gura son île [et traça], par des traits, le nombre de jour­nées de pi­rogue né­ces­saire pour se rendre du lieu où nous étions [jusqu’à] l’embouchure du Sé­ga­lien 6»

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Aï­nos et Ainu. Ce terme si­gni­fie «être hu­main» dans la du même nom. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 北蝦夷. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 奥蝦夷. Par­fois trans­crit Oku-Yezo, Oko-Ieso ou Okou-Yesso. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 毛人. Icône Haut
  2. «Le Voyage de La­pé­rouse (1785-1788). Tome II», p. 387. Icône Haut
  3. L’actuel fleuve . Icône Haut

Chateaubriand, « Voyages en Amérique et en Italie. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Voyage en » et autres œuvres de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

Chateaubriand, « Voyages en Amérique et en Italie. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Voyage en » et autres œuvres de , au­teur et , père du chré­tien. Le , le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, «comme au confluent de deux fleuves» 1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne , de l’ancienne , il se plaça contre la , dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un «large ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses «Mé­moires d’outre-tombe» entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : «Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la dans le néant; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur? Je rou­gis en [y] pen­sant». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. «Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette », écri­vait-il 2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : «Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses , ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le de mon “Es­sai sur les ”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus; elle était morte aussi des suites de son . Ces deux sor­ties du tom­beau, cette qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé; je suis de­venu chré­tien»

  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. XLIII, ch. VIII. Icône Haut
  1. «Études his­to­riques». Icône Haut

comte de Platen, « Odes italiennes : poèmes »

éd. La Différence, coll. Littérature-Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Lit­té­ra­ture-Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «» («Oden») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Églogues et Idylles • L’Élégie “Au théâtre de Taormina” »

éd. La Différence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit des «Églogues et Idylles» («Ek­lo­gen und Idyl­len») et «L’Élégie “Au de Taor­mina”» («Die Ele­gie “Im Thea­ter von Taor­mina”») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Le Livre des épigrammes »

éd. La Différence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit des «Épi­grammes» («Epi­gramme») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Journaux, [ou] Mémorandum de ma vie (1813-1835) »

éd. La Différence, coll. Littérature, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Lit­té­ra­ture, Pa­ris

Il s’agit des «Jour­naux» («Die Ta­gebü­cher»), ou «Mé­mo­ran­dum de ma » («Me­mo­ran­dum meines Le­bens») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa vie, fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Sonnets d’amour et Sonnets vénitiens »

éd. La Différence, coll. Orphée, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Or­phée, Pa­ris

Il s’agit des « vé­ni­tiens» («So­nette aus Ve­ne­dig») et des «Son­nets d’» («Lie­bes­so­nette») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’amour d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. «Son­nets d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

le capitaine Dillon, « Voyage aux îles de la mer du Sud, en 1827 et 1828, et Relation de la découverte du sort de La Pérouse. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Voyage aux de la du Sud, en 1827 et 1828» du ca­pi­taine  1 et les re­cherches, cou­ron­nées de , qu’il fit sur l’île de Va­ni­koro pour trou­ver une trace des fré­gates de La Pé­rouse. Le nom de La Pé­rouse est bien cé­lèbre, si­non au point de vue scien­ti­fique, du moins au point de vue dra­ma­tique, si j’ose dire. La Pé­rouse avait été en­voyé par Louis XVI pour un voyage de cir­cum­na­vi­ga­tion; le roi avait é l’itinéraire de sa propre main. Et par un pa­ral­lèle étrange, la tra­gique dis­pa­ri­tion du bour­lin­gueur coïn­cida, à peu de mois près, avec l’effondrement de la . La Pé­rouse pé­rit vic­time des flots ou des sau­vages; et Louis XVI — des . La lé­gende veut qu’en mon­tant sur l’échafaud le 21 jan­vier 1793, le roi ait de­mandé à ses bour­reaux : «A-t-on des nou­velles de M. de La Pé­rouse?» On sait aujourd’hui le lieu du nau­frage des deux vais­seaux de l’expédition; et c’est au ca­pi­taine Dillon, né en Mar­ti­nique, qu’appartient l’ de cette dé­cou­verte. Per­sonne ne connais­sait peut-être mieux les îles du Pa­ci­fique Sud et les cou­tumes des in­su­laires que ce ca­pi­taine che­vronné qui, pen­dant plus de vingt an­nées, avait na­vi­gué et tra­fi­qué dans ces pa­rages. Le 15 mai 1826, son na­vire de , le Saint-Pa­trick, dans sa route de Val­pa­raiso (Chili) à , passa près de l’île de Ti­ko­pia, dans l’archipel des Sa­lo­mon. Sur les pi­rogues qui vinrent l’accoster se trou­vait le Prus­sien Mar­tin Bu­shart 2 que le ca­pi­taine Dillon avait ja­dis dé­posé sur cette île, et qui lui mon­tra, au qua­trième ou cin­quième verre de rhum, la poi­gnée d’une épée qu’il avait ache­tée, une épée d’officier, sur la­quelle étaient gra­vés des ca­rac­tères. In­ter­rogé à cet égard, Bu­shart ré­pon­dit que cette épée pro­ve­nait du nau­frage de deux bâ­ti­ments, dont les dé­bris exis­taient en­core de­vant Va­ni­koro. De ce ré­cit, le ca­pi­taine Dillon in­féra que c’étaient les fré­gates de La Pé­rouse et per­suada Bu­shart à l’accompagner dans son en­quête. Ar­rivé à Cal­cutta, il fit part de ses soup­çons dans une lettre qu’il sou­mit à l’ du se­cré­taire en chef du du , Charles Lu­shing­ton. La voici 3 : «Mon­sieur, étant convaincu que vous êtes animé de l’esprit de phi­lan­thro­pie qui a tou­jours mar­qué la conduite du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique, je n’ai pas be­soin d’excuse pour ap­pe­ler votre at­ten­tion sur cer­taines cir­cons­tances qui me pa­raissent re­la­tives à l’infortuné na­vi­ga­teur comte de La Pé­rouse, dont le sort est de­meuré in­connu de­puis près d’un demi-siècle…» La Com­pa­gnie des Indes orien­tales dé­cida qu’un na­vire, le Re­search, irait en­quê­ter sous les ordres du ca­pi­taine Dillon; elle af­fecta mille rou­pies à l’achat des pré­sents à faire aux in­di­gènes et plaça à bord un di­plo­mate fran­çais, Eu­gène Chai­gneau, qui consta­te­rait la dé­cou­verte.

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Dillon. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Bus­sart, Bus­shardt, Bu­chart, Bu­chert et Bu­schert. Icône Haut
  1. p. 39. Icône Haut