Il s’agit d’« À Démonicus » (« Pros Dêmonikon » 1) et autres discours d’apparat d’Isocrate, célèbre professeur d’éloquence grecque (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Son père, qui possédait une fabrique de flûtes, s’était suffisamment enrichi pour se procurer de quoi vivre dans l’abondance et se mettre en état de donner à ses enfants la meilleure éducation possible. Chez les Athéniens, la principale partie de l’éducation était alors l’étude de l’éloquence. C’était le don par lequel l’homme montrait sa supériorité et son mérite : « Grâce à [ce] don qui nous est accordé de nous persuader mutuellement et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos volontés », dit Isocrate 2, « non seulement nous avons pu nous affranchir de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des villes, établi des lois, inventé des arts ; et c’est ainsi que nous devons à la parole le bienfait de presque toutes les créations de notre esprit… Et s’il faut tout dire en un mot sur cette grande faculté de l’homme, rien n’est fait avec intelligence sans le secours de la parole ; elle est le guide de nos actions comme de nos pensées, et les hommes d’un esprit supérieur sont ceux qui s’en servent avec le plus d’avantages. » Ces réflexions et d’autres semblables déterminèrent Isocrate à consacrer sa carrière à l’éloquence. Mais sa timidité insurmontable et la faiblesse de sa voix ne lui permirent jamais de parler en public, du moins devant les grandes foules. Les assemblées publiques, composées quelquefois de six mille citoyens, exigeaient de l’orateur qui s’y présentait, non seulement de la hardiesse, mais une voix forte et sonore. Isocrate manquait de ces deux qualités. Ne pouvant parler lui-même, il décida de l’apprendre aux autres et ouvrit une école à Athènes. Sur la fin de sa vie, et dans le temps où sa réputation ne laissait plus rien à désirer, il disait avec un véritable regret : « Je prends dix mines pour mes leçons, mais j’en payerais volontiers dix mille à celui qui pourrait me donner de l’assurance et une bonne voix ». Et quand on lui demandait comment, n’étant pas capable de parler, il en rendait les autres capables : « Je suis », disait-il 3, « comme la pierre à rasoir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la facilité de couper ».
politique et gouvernement
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VIII. Chapitres 81-110 »
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VII. Chapitres 53-80 »
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome VI. Chapitres 48-52 »
éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome V. Chapitres 43-47 »
éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome IV. Chapitres 31-42 »
éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris
Il s’agit des « Mémoires historiques » (« Shi Ji » 1) de Sima Qian 2, illustre chroniqueur chinois (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses compatriotes placent au-dessus de tous en disant qu’autant le soleil l’emporte en éclat sur les autres astres, autant Sima Qian l’emporte en mérite sur les autres historiens ; et que les missionnaires européens surnomment l’« Hérodote de la Chine ». Fils d’un savant et savant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la dignité de « grand scribe » (« tai shi » 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son prédécesseur dans cet emploi, semblait l’avoir prévu ; car il avait fait voyager son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un immense héritage en cartes et en manuscrits. De plus, dès que Sima Qian prit possession de sa charge, la Bibliothèque impériale lui fut ouverte ; il alla s’y ensevelir. « De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel, de même je rompis toute relation… car jour et nuit je ne pensais qu’à employer jusqu’au bout mes indignes capacités et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge », dit-il 4. Mais une disgrâce qu’il s’attira en prenant la défense d’un malheureux, ou plutôt un mot critique sur le goût de l’Empereur pour la magie 5, le fit tomber en disgrâce et le condamna à la castration. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de donner les deux cents onces d’argent pour se rédimer du supplice infamant. Ce malheur, qui assombrit tout le reste de sa vie, ne fut pas sans exercer une profonde influence sur sa pensée. Non seulement Sima Qian n’avait pas pu se racheter, mais personne n’avait osé prendre sa défense. Aussi loue-t-il fort dans ses « Mémoires historiques » tous « ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour aller au secours de l’homme de bien qui est en péril » 6. Il approuve souvent aussi des hommes qui avaient été calomniés et mis au ban de la société. Enfin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, aigri par la douleur, qui s’exprime dans ce cri : « Quand Zhufu Yan 7 [marchait sur] le chemin des honneurs, tous les hauts dignitaires l’exaltaient ; quand son renom fut abattu, et qu’il eut été mis à mort avec toute sa famille, les officiers parlèrent à l’envi de ses défauts ; c’est déplorable ! »
- En chinois « 史記 ». Autrefois transcrit « Che Ki », « Se-ki », « Sée-ki », « Ssé-ki », « Schi Ki », « Shi Ki » ou « Shih Chi ».
- En chinois 司馬遷. Autrefois transcrit Sy-ma Ts’ien, Sématsiene, Ssématsien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien.
- En chinois 太史. Autrefois transcrit « t’ai che ».
- « Lettre à Ren An » (« 報任安書 »).
- Sima Qian avait critiqué tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la Cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient un magicien qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels ; un devin qui parlait au nom de la princesse des esprits, et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui ; un charlatan qui promettait l’immortalité ; etc.
- ch. CXXIV.
- En chinois 主父偃. Autrefois transcrit Tchou-fou Yen ou Chu-fu Yen. L’Empereur Wu avait nommé, auprès de chaque roi, des conseillers qui étaient en réalité des rapporteurs. Leur tâche était souvent périlleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa famille à cause des faits qu’il avait rapportés.
Chateaubriand, « Mélanges littéraires »
Il s’agit des « Mélanges littéraires » de François René de Chateaubriand, auteur et politique français, père du romantisme chrétien. Le mal, le grand mal de Chateaubriand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves » 1, et de voir les caractères opposés de ces deux siècles se rencontrer dans ses opinions. Sorti des entrailles de l’ancienne monarchie, de l’ancienne aristocratie, il se plaça contre la Révolution française, dès qu’il la vit dans ses premières violences, et il resta royaliste, souvent contre son instinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la famille de Napoléon Bonaparte. Même fougue, même éclat, même mélancolie moderne. Si les Bourbons avaient mieux apprécié Chateaubriand, il est possible qu’il eût été moins vulnérable au souvenir de l’Empereur devenu resplendissant comme un « large soleil ». Le parallèle qu’il fait dans ses « Mémoires d’outre-tombe » entre l’Empire et la monarchie bourbonienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sincère de la conception de l’auteur, tellement plus vraie que celle du politique : « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant ; du sommet d’une montagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas terminé avec Napoléon ?… Comment nommer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rougis en [y] pensant ». Triste jusqu’au désespoir, sans amis et sans espérance, il était obsédé par un passé à jamais évanoui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mépriser cette vie », écrivait-il 2 en songeant qu’il était lui-même une ruine encore plus chancelante. Aucune pensée ne venait le consoler excepté la religion chrétienne, à laquelle il était revenu avec chaleur et avec véhémence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conversion : « Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le souvenir de mes égarements [le scepticisme de mon “Essai sur les Révolutions”] répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre me parvint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis devenu chrétien »
Marc Aurèle, « Pensées »
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit des « Pensées » de Marc Aurèle 1 (IIe siècle apr. J.-C.). Nul Empereur romain n’eut plus à cœur le bien public que Marc Aurèle ; nul prince italien n’apporta plus d’ardeur et plus d’application à l’accomplissement de ses devoirs. Surnommé « le philosophe », il avait souvent à la bouche cette sentence de Platon que les États ne seront jamais heureux « tant que les philosophes ne seront pas rois, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois et souverains, ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes » 2. Cependant, sa vie bienfaisante se passa tout entière dans de cruelles épreuves. Il vit la peste dévaster les provinces les plus florissantes de l’Italie ; il épuisa ses forces à lutter contre les Germains dans des campagnes sans victoire décisive ; il mourut avec la funeste prémonition de l’inévitable catastrophe dont les peuples barbares menaçaient l’Empire. À mesure qu’il s’avança en âge, et que son corps s’affaissa sous les responsabilités, il ressentit de plus en plus le besoin de s’interroger dans sa conscience et en lui-même ; de méditer au jour le jour sous l’impression directe des événements ou des souvenirs ; de se fortifier en reprenant contact avec les quatre ou cinq principes où se concentraient ses convictions. « Comme les médecins ont toujours sous la main leurs appareils et leurs trousses pour les soins à donner d’urgence, de même [je] tiens toujours prêts les principes grâce auxquels [je] pourrai connaître les choses divines et humaines », dit-il dans un passage absolument admirable 3. Ce fut au cours de ses toutes dernières expéditions que, campé sur les bords sauvages du Danube, profitant de quelques heures de loisir, il rédigea en grec, en soliloque avec lui-même, les pages immortelles des « Pensées » qui ont révélé sa belle âme, sa vertu austère, sa profonde mélancolie. « À soi-même » (« Ta eis heauton » 4), tel est le véritable titre de ce « journal ». « Jamais on n’écrivit plus simplement pour soi, à seule fin de décharger son cœur, sans autre témoin que Dieu. Pas une ombre de système. Marc Aurèle, à proprement parler, n’a pas de philosophie ; quoiqu’il doive presque tout au stoïcisme transformé par l’esprit romain, il n’est d’aucune école », dit Ernest Renan 5. En effet, la philosophie de Marc Aurèle ne repose sur autre chose que sur les prescriptions de la raison ; elle résulte du fait d’une conscience morale aussi vaste, aussi étendue que l’Empire auquel elle commande. Son thème fondamental, c’est le rattachement de l’individu, si chancelant et si passager, à l’univers perpétuel et divin, à la « chère cité de Zeus » (« polis philê Dios » 6) — rattachement qui lui révèle ses devoirs et qui l’associe à l’œuvre magnifiquement belle, souverainement juste de la création : « Je m’accommode de tout ce qui peut t’accommoder, ô monde !… Tout est fruit, pour moi, de ce que produisent tes saisons, ô nature ! Tout vient de toi, tout est en toi, tout rentre en toi » 7. Et aussi : « Ma cité et ma patrie, en tant qu’Antonin, c’est Rome ; en tant qu’homme, c’est le monde » 8. Comme Hamlet devant le crâne, Marc Aurèle se met à rêver sur ce que sont devenus les os d’Alexandre et de son muletier ; il a des trivialités shakespeariennes pour peindre l’instabilité et l’inanité des choses : « Dans un instant, tu ne seras plus que cendre ou squelette, et un nom — ou plus même un nom… — un vain bruit, un écho ! Ce dont on fait tant de cas dans la vie, c’est du vide, pourriture, mesquineries, chiens qui s’entre-mordent » 9.
- En latin Marcus Aurelius Antoninus. Autrefois transcrit Marc Antonin.
- Platon, « République », 473c-473d.
- liv. III, ch. XI.
- En grec « Τὰ εἰς ἑαυτόν ».
- « Marc-Aurèle et la Fin du monde antique », p. 262.
Beniowski, « Mémoires et Voyages. Tome III. Concernant l’expédition à Madagascar »
Il s’agit des « Mémoires et Voyages » de Maurice-Auguste Beniowski 1, homme dont la vie ne fut qu’un tissu d’aventures extraordinaires (XVIIIe siècle). Il naquit à Vrbové, dans la Haute-Hongrie (l’actuelle Slovaquie). Sa curiosité naturelle le porta, tout jeune, à voyager en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, où il s’instruisit dans l’art de la navigation. Il passa ensuite en Pologne, où il prit part à la guerre d’indépendance contre la Russie ; il était colonel quand, deux fois de suite, il fut fait prisonnier. Les Russes le condamnèrent à l’exil au Kamtchatka, à l’extrémité la plus orientale de la Sibérie, pour être employé, avec les plus vils malfaiteurs, à faire du charbon de terre. Dans la traversée, le vaisseau qui le portait fut assailli par une furieuse tempête et endommagé ; le capitaine tomba malade. Dans cet état désespéré, sollicité par le capitaine, Beniowski sauva le vaisseau du naufrage. C’est à ces circonstances qu’il dut le bon accueil qu’on lui fit au Kamtchatka. Là, l’intrépide Beniowski, de concert avec cinquante-six compagnons d’exil, auxquels il sut inspirer son audace, forma une conjuration, dont la réussite le rendit maître de la citadelle russe. Malgré cela, voyant l’impossibilité de tenir très longtemps en pays ennemi, il décida de s’embarquer à bord d’une corvette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’exilés. Son voyage d’évasion tourna en véritable expédition maritime. Parti du milieu des neiges sous lesquelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il navigua sur les eaux pratiquement inexplorées de la mer de Béring et du Pacifique Nord. Puis, après avoir atterri sur la côte japonaise, il noua même avec les naturels des relations prouvées par ses « Mémoires ». De là, il toucha à l’île de Taïwan et à la Chine, d’où il fut ramené en Europe par un bâtiment français. La remise qu’il fit au cabinet de Versailles de papiers importants qu’il avait volés aux archives du Kamtchatka, et entre lesquels se trouvait un projet de conquête du Japon par les Russes et par les Anglais, suffit pour lui procurer de la part de la monarchie française, dont la confiance envers les aventuriers venus de loin fut toujours constante, les moyens d’établir un comptoir à Madagascar. Beniowski voulut, en même temps, publier ses « Mémoires », dont il espérait tirer beaucoup de bénéfices. Il trouva le secret d’en enthousiasmer Jean-Hyacinthe de Magellan, descendant du célèbre navigateur ; non seulement le Portugais s’en chargea, mais comptant lui-même sur des profits immenses, il perdit dans cette publication une bonne partie de son argent. L’ouvrage, rédigé en français, parut en 1790. « La véracité de la description de cette navigation sur la mer de Béring et à travers les eaux du Nord et du centre du Pacifique, présentée avec tant de détails dans [les “Mémoires”], suscite depuis deux cents ans de vives discussions… Et cela est compréhensible ; car s’il a réellement suivi l’itinéraire qu’il décrit, il devrait être reconnu pour avoir découvert avant Cook la mer de Béring ; si en revanche il a tout inventé, il mériterait d’être qualifié de plaisantin… et de charlatan », dit M. Edward Kajdański
Beniowski, « Mémoires et Voyages. Tome II. Voyage par mer, depuis la presqu’île de Kamtchatka jusqu’à Canton »
Il s’agit des « Mémoires et Voyages » de Maurice-Auguste Beniowski 1, homme dont la vie ne fut qu’un tissu d’aventures extraordinaires (XVIIIe siècle). Il naquit à Vrbové, dans la Haute-Hongrie (l’actuelle Slovaquie). Sa curiosité naturelle le porta, tout jeune, à voyager en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, où il s’instruisit dans l’art de la navigation. Il passa ensuite en Pologne, où il prit part à la guerre d’indépendance contre la Russie ; il était colonel quand, deux fois de suite, il fut fait prisonnier. Les Russes le condamnèrent à l’exil au Kamtchatka, à l’extrémité la plus orientale de la Sibérie, pour être employé, avec les plus vils malfaiteurs, à faire du charbon de terre. Dans la traversée, le vaisseau qui le portait fut assailli par une furieuse tempête et endommagé ; le capitaine tomba malade. Dans cet état désespéré, sollicité par le capitaine, Beniowski sauva le vaisseau du naufrage. C’est à ces circonstances qu’il dut le bon accueil qu’on lui fit au Kamtchatka. Là, l’intrépide Beniowski, de concert avec cinquante-six compagnons d’exil, auxquels il sut inspirer son audace, forma une conjuration, dont la réussite le rendit maître de la citadelle russe. Malgré cela, voyant l’impossibilité de tenir très longtemps en pays ennemi, il décida de s’embarquer à bord d’une corvette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’exilés. Son voyage d’évasion tourna en véritable expédition maritime. Parti du milieu des neiges sous lesquelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il navigua sur les eaux pratiquement inexplorées de la mer de Béring et du Pacifique Nord. Puis, après avoir atterri sur la côte japonaise, il noua même avec les naturels des relations prouvées par ses « Mémoires ». De là, il toucha à l’île de Taïwan et à la Chine, d’où il fut ramené en Europe par un bâtiment français. La remise qu’il fit au cabinet de Versailles de papiers importants qu’il avait volés aux archives du Kamtchatka, et entre lesquels se trouvait un projet de conquête du Japon par les Russes et par les Anglais, suffit pour lui procurer de la part de la monarchie française, dont la confiance envers les aventuriers venus de loin fut toujours constante, les moyens d’établir un comptoir à Madagascar. Beniowski voulut, en même temps, publier ses « Mémoires », dont il espérait tirer beaucoup de bénéfices. Il trouva le secret d’en enthousiasmer Jean-Hyacinthe de Magellan, descendant du célèbre navigateur ; non seulement le Portugais s’en chargea, mais comptant lui-même sur des profits immenses, il perdit dans cette publication une bonne partie de son argent. L’ouvrage, rédigé en français, parut en 1790. « La véracité de la description de cette navigation sur la mer de Béring et à travers les eaux du Nord et du centre du Pacifique, présentée avec tant de détails dans [les “Mémoires”], suscite depuis deux cents ans de vives discussions… Et cela est compréhensible ; car s’il a réellement suivi l’itinéraire qu’il décrit, il devrait être reconnu pour avoir découvert avant Cook la mer de Béring ; si en revanche il a tout inventé, il mériterait d’être qualifié de plaisantin… et de charlatan », dit M. Edward Kajdański
Beniowski, « Mémoires et Voyages. Tome I. Journal de voyage à travers la Sibérie »
Il s’agit des « Mémoires et Voyages » de Maurice-Auguste Beniowski 1, homme dont la vie ne fut qu’un tissu d’aventures extraordinaires (XVIIIe siècle). Il naquit à Vrbové, dans la Haute-Hongrie (l’actuelle Slovaquie). Sa curiosité naturelle le porta, tout jeune, à voyager en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, où il s’instruisit dans l’art de la navigation. Il passa ensuite en Pologne, où il prit part à la guerre d’indépendance contre la Russie ; il était colonel quand, deux fois de suite, il fut fait prisonnier. Les Russes le condamnèrent à l’exil au Kamtchatka, à l’extrémité la plus orientale de la Sibérie, pour être employé, avec les plus vils malfaiteurs, à faire du charbon de terre. Dans la traversée, le vaisseau qui le portait fut assailli par une furieuse tempête et endommagé ; le capitaine tomba malade. Dans cet état désespéré, sollicité par le capitaine, Beniowski sauva le vaisseau du naufrage. C’est à ces circonstances qu’il dut le bon accueil qu’on lui fit au Kamtchatka. Là, l’intrépide Beniowski, de concert avec cinquante-six compagnons d’exil, auxquels il sut inspirer son audace, forma une conjuration, dont la réussite le rendit maître de la citadelle russe. Malgré cela, voyant l’impossibilité de tenir très longtemps en pays ennemi, il décida de s’embarquer à bord d’une corvette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’exilés. Son voyage d’évasion tourna en véritable expédition maritime. Parti du milieu des neiges sous lesquelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il navigua sur les eaux pratiquement inexplorées de la mer de Béring et du Pacifique Nord. Puis, après avoir atterri sur la côte japonaise, il noua même avec les naturels des relations prouvées par ses « Mémoires ». De là, il toucha à l’île de Taïwan et à la Chine, d’où il fut ramené en Europe par un bâtiment français. La remise qu’il fit au cabinet de Versailles de papiers importants qu’il avait volés aux archives du Kamtchatka, et entre lesquels se trouvait un projet de conquête du Japon par les Russes et par les Anglais, suffit pour lui procurer de la part de la monarchie française, dont la confiance envers les aventuriers venus de loin fut toujours constante, les moyens d’établir un comptoir à Madagascar. Beniowski voulut, en même temps, publier ses « Mémoires », dont il espérait tirer beaucoup de bénéfices. Il trouva le secret d’en enthousiasmer Jean-Hyacinthe de Magellan, descendant du célèbre navigateur ; non seulement le Portugais s’en chargea, mais comptant lui-même sur des profits immenses, il perdit dans cette publication une bonne partie de son argent. L’ouvrage, rédigé en français, parut en 1790. « La véracité de la description de cette navigation sur la mer de Béring et à travers les eaux du Nord et du centre du Pacifique, présentée avec tant de détails dans [les “Mémoires”], suscite depuis deux cents ans de vives discussions… Et cela est compréhensible ; car s’il a réellement suivi l’itinéraire qu’il décrit, il devrait être reconnu pour avoir découvert avant Cook la mer de Béring ; si en revanche il a tout inventé, il mériterait d’être qualifié de plaisantin… et de charlatan », dit M. Edward Kajdański
Josèphe, « Antiquités judaïques. Tome III. Livres XI à XV »
éd. E. Leroux, coll. Publications de la Société des études juives, Paris
Il s’agit des « Antiquités judaïques » (« Ioudaïkê archaiologia » 1) de Josèphe ben Matthias, historien juif, plus connu sous le surnom de Flavius Josèphe 2 (Ier siècle apr. J.-C.). Josèphe était né pour devenir grand rabbin ou roi ; les circonstances en firent un historien. Et telle fut la destinée singulière de sa vie qu’il se transforma en admirateur et en flatteur d’une dynastie d’Empereurs romains dont l’exploit fondamental fut l’anéantissement de Jérusalem, et sur les monnaies desquels figurait une femme assise, pleurant sous un palmier, avec la légende « Judæa capta, Judæa devicta » (« la Judée captive, la Judée vaincue »). « Au lieu de la renommée qu’il ambitionnait… et que semblaient lui promettre de précoces succès, il ne s’attira guère que la haine et le mépris de la plupart des siens, tandis que les Romains, d’abord ses ennemis, le comblèrent finalement de biens et d’honneurs », dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce descendant de famille illustre, ce prodige des écoles de Jérusalem, ce chef « des deux Galilées… et de Gamala » 4, racheta sa vie en pactisant avec l’ennemi ; abandonna ses devoirs de chef, d’homme d’honneur et de patriote ; et finit ses jours dans la douceur d’une retraite dorée, après être devenu citoyen de Rome et client de Vespasien. Il feignit de voir dans ce général étranger, destructeur de la Ville sainte et tueur d’un million de Juifs, le libérateur promis à ses aïeux ; il lui prédit, en se prosternant devant lui : « Tu seras maître, César, non seulement de moi, mais de la terre, de la mer et de tout le genre humain » 5 ; et cette basse flatterie, cette honteuse duplicité, est une tache indélébile sur la vie d’un homme par ailleurs estimable. Ayant pris le surnom de Flavius pour mieux montrer sa soumission, il consacra l’abondance de ses loisirs, la souplesse de son talent et l’étendue de son érudition à relever les succès des soldats qui détruisirent sa patrie et la rayèrent de la carte. « Il a décrit [cette destruction] tout entière ; il en a recueilli les moindres détails, et son exactitude scrupuleuse étonne encore le lecteur… L’israélite, ébloui de ces merveilles, ne se souvient pas que ce sont les dépouilles de ses concitoyens ; qu’il s’agit de la Judée anéantie ; que ce Dieu outragé est son Dieu, et qu’il assiste aux funérailles de son pays », dit Philarète Chasles
- En grec « Ἰουδαϊκὴ ἀρχαιολογία ».
- En latin Flavius Josephus. Autrefois transcrit Flave Josèphe ou Flavien Joseph.
- « Chronologie des œuvres de Josèphe », p. 366.
- En grec « τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα ». « Guerre des Juifs », liv. II, sect. 568.
- En grec « Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους ». « Guerre des Juifs », liv. III, sect. 402.
Josèphe, « Antiquités judaïques. Tome II. Livres VI à X »
éd. E. Leroux, coll. Publications de la Société des études juives, Paris
Il s’agit des « Antiquités judaïques » (« Ioudaïkê archaiologia » 1) de Josèphe ben Matthias, historien juif, plus connu sous le surnom de Flavius Josèphe 2 (Ier siècle apr. J.-C.). Josèphe était né pour devenir grand rabbin ou roi ; les circonstances en firent un historien. Et telle fut la destinée singulière de sa vie qu’il se transforma en admirateur et en flatteur d’une dynastie d’Empereurs romains dont l’exploit fondamental fut l’anéantissement de Jérusalem, et sur les monnaies desquels figurait une femme assise, pleurant sous un palmier, avec la légende « Judæa capta, Judæa devicta » (« la Judée captive, la Judée vaincue »). « Au lieu de la renommée qu’il ambitionnait… et que semblaient lui promettre de précoces succès, il ne s’attira guère que la haine et le mépris de la plupart des siens, tandis que les Romains, d’abord ses ennemis, le comblèrent finalement de biens et d’honneurs », dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce descendant de famille illustre, ce prodige des écoles de Jérusalem, ce chef « des deux Galilées… et de Gamala » 4, racheta sa vie en pactisant avec l’ennemi ; abandonna ses devoirs de chef, d’homme d’honneur et de patriote ; et finit ses jours dans la douceur d’une retraite dorée, après être devenu citoyen de Rome et client de Vespasien. Il feignit de voir dans ce général étranger, destructeur de la Ville sainte et tueur d’un million de Juifs, le libérateur promis à ses aïeux ; il lui prédit, en se prosternant devant lui : « Tu seras maître, César, non seulement de moi, mais de la terre, de la mer et de tout le genre humain » 5 ; et cette basse flatterie, cette honteuse duplicité, est une tache indélébile sur la vie d’un homme par ailleurs estimable. Ayant pris le surnom de Flavius pour mieux montrer sa soumission, il consacra l’abondance de ses loisirs, la souplesse de son talent et l’étendue de son érudition à relever les succès des soldats qui détruisirent sa patrie et la rayèrent de la carte. « Il a décrit [cette destruction] tout entière ; il en a recueilli les moindres détails, et son exactitude scrupuleuse étonne encore le lecteur… L’israélite, ébloui de ces merveilles, ne se souvient pas que ce sont les dépouilles de ses concitoyens ; qu’il s’agit de la Judée anéantie ; que ce Dieu outragé est son Dieu, et qu’il assiste aux funérailles de son pays », dit Philarète Chasles
- En grec « Ἰουδαϊκὴ ἀρχαιολογία ».
- En latin Flavius Josephus. Autrefois transcrit Flave Josèphe ou Flavien Joseph.
- « Chronologie des œuvres de Josèphe », p. 366.
- En grec « τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα ». « Guerre des Juifs », liv. II, sect. 568.
- En grec « Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους ». « Guerre des Juifs », liv. III, sect. 402.