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Tản Đà (Nguyễn Khắc Hiếu), « Poèmes »

éd. électronique

éd. élec­tro­nique

Il s’agit des «Poèmes» de Nguyễn Khắc Hiếu, poète, ro­man­cier et jour­na­liste (XIXe-XXe siècle) qui se donna le sur­nom de Tản Đà, en as­so­ciant le nom de la mon­tagne Tản Viên à ce­lui de la ri­vière Đà près des­quelles il na­quit. Sa mère l’éleva seule. Bien qu’égarée dans le quar­tier famé des chan­teuses, c’était une ex­cel­lente can­ta­trice, une ar­tiste re­cher­chée, et même très ver­sée en lit­té­ra­ture. Il hé­rita d’elle cette ca­dence, cette har­mo­nie mu­si­cale dont il se dis­tin­gua. Au­tant en prose, il était d’un es­prit mal­adroit et lourd; au­tant en , il sa­vait ti­rer de la viet­na­mienne, si mu­si­cale en elle-même, un ef­fet in­égalé. «Ses poé­sies, pu­bliées dans la et trans­mises de bouche à l’oreille, do­mi­naient sans jusqu’à l’avènement de la “ poé­sie” au dé­but des an­nées 1930…», dit Mme Nguyen Phuong Ngoc 1. «La sim­pli­cité des mots, proche des chants po­pu­laires… la sin­cé­rité des ex­pri­més, une… exempte de dis­cours mo­ra­li­sa­teur — tout cela est sans le se­cret du de Tản Đà dans une co­lo­niale en tran­si­tion.» Mais le mé­pris de l’argent pré­ci­pita Tản Đà au comble de la mi­sère. Il était pro­digue et ai­mait la bonne chère, quoiqu’il — ou parce qu’il — était tou­jours dans le be­soin. À tra­vers ses poches per­cées s’engouffrait le peu qui de­vait pour­voir à sa femme et ses huit . Un jour, après des de­mandes ré­ité­rées et pres­santes de son pro­prié­taire pour payer le loyer, Tản Đà dut se rendre à Saï­gon pour se pro­cu­rer la somme né­ces­saire. Mais vers onze heures du soir, il re­vint avec un ca­nard rôti, une bou­teille de rhum, et quelques autres vic­tuailles. Dès la porte, il dit à ses amis sur un ton déses­péré : «Tout est perdu!» Ils lui de­man­dèrent ce qui n’allait pas, et il ré­pon­dit avec aplomb : «Je n’ai pu em­prun­ter que vingt piastres, tout à fait in­suf­fi­santes pour payer le loyer. Aussi ai-je pré­féré ache­ter quelque chose à boire, ce qui nous a coûté un peu plus de dix piastres» 2. Voici la ma­nière dont il s’exprime dans un poème in­ti­tulé «En­core ivre» («Lại say») : «Je sais bien que c’est mal de tom­ber dans l’ivresse. Tant pis! Je re­con­nais mon tort, mais ne puis m’empêcher… Ne vois-je pas la ivre qui roule sur elle-même, et le dont le vi­sage ru­ti­lant tra­hit l’ivresse? Qui en rit?»

  1. «Pré­face au “Pe­tit Rêve”». Icône Haut
  1. «Poèmes», p. 11. Icône Haut

« Chants-Poèmes des monts et des eaux : anthologie des littératures orales des ethnies du Viêt-nam »

éd. Sudestasie-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris

éd. Su­des­ta­sie-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives, Pa­ris

Il s’agit d’une de la du . Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort du . Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers les hommes et les choses de la , il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’ po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de , de , de dis­tiques, de phrases, et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de , de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’ jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme , d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de de la race, en même qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels », dit très bien Phạm Quỳnh

« La Femme vietnamienne d’autrefois à travers les chansons populaires »

éd. Thanh-Long, Bruxelles

éd. Thanh-Long, Bruxelles

Il s’agit d’une de la du . Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort du . Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers les hommes et les choses de la , il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’ po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de , de , de dis­tiques, de phrases, et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de , de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’ jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme , d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de de la race, en même qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels », dit très bien Phạm Quỳnh

« La Littérature populaire vietnamienne »

éd. électronique

éd. élec­tro­nique

Il s’agit d’une de la du . Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort du . Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers les hommes et les choses de la , il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’ po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de , de , de dis­tiques, de phrases, et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de , de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’ jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme , d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de de la race, en même qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels », dit très bien Phạm Quỳnh

Nguyễn Dữ, « Vaste Recueil de légendes merveilleuses »

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit du «Vaste Re­cueil de mer­veilleuses» 1Truyền kỳ mạn lục» 2) de Nguyễn Dữ 3, conteur du XVIe siècle apr. J.-C., élève de Nguyễn Bỉnh Khiêm. In­dif­fé­rent à la , il se re­tira dans son vil­lage pour soi­gner sa mère, et au cours des an­nées qui sui­virent, il ne sor­tit pas une seule fois en ville, s’enfermant chez lui pour com­po­ser ces vingt lé­gendes mer­veilleuses à l’imitation des vingt «Nou­velles His­toires en mou­chant la chan­delle» de Qu You. On lui re­proche d’avoir pré­féré la chi­noise à la viet­na­mienne, et d’avoir re­cher­ché à des­sein ce pré­ten­tieux, hé­rissé d’allusions obs­cures, qui rend la chi­noise une énigme pour le com­mun des hommes; ce qui n’empêche pas son re­cueil d’avoir eu, par sa haute va­leur édu­ca­tive, une du­rable et pro­fonde sur les lettres viet­na­miennes, de­puis le «Nou­veau Re­cueil de » («Truyền kỳ tân phả» 4) de Đoàn Thị Điểm (XVIIIe siècle) jusqu’aux «Lé­gendes des terres se­reines» de (XXe siècle). «Pour nous, gens du XXIe siècle, l’ouvrage est d’une va­leur in­es­ti­mable parce qu’il est l’un des rares , peut-être le seul, qui donne un as­sez net des dif­fé­rentes couches so­ciales de l’ancienne du … Bien que cette œuvre soit écrite en — faut-il rap­pe­ler que le chi­nois était la langue de de tout l’Extrême-Orient jusqu’au dé­but du XXe siècle —, elle res­tera l’un des purs joyaux de notre », ex­plique M. 

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­la­tion éten­due des faits étranges rap­por­tés par la tra­di­tion», «Re­cueil des contes mer­veilleux», «Vaste Re­cueil des his­toires mer­veilleuses», «Re­cueil des contes ex­tra­or­di­naires», «Vaste Re­cueil des mer­veilles trans­mises» ou «Vaste Re­cueil de la des mer­veilles». Icône Haut
  2. En chi­nois «傳奇漫錄». Icône Haut
  1. À ne pas confondre avec Nguyễn Du, l’auteur du «Kim-Vân-Kiều», qui vé­cut deux siècles plus tard. Icône Haut
  2. In­édit en . Icône Haut

Nguyễn Trãi, « Recueil de poèmes en langue nationale »

éd. du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Paris

éd. du Centre na­tio­nal de la scien­ti­fique (CNRS), Pa­ris

Il s’agit du «Re­cueil de poèmes en na­tio­nale» 1Quốc âm thi tập») de , let­tré (XIVe-XVe siècle) qui mar­qua de son et mi­li­taire la d’indépendance me­née contre les . Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand man­da­rin à la Cour. Quand les ar­mées chi­noises des Ming en­va­hirent le pays, il fut ar­rêté avec plu­sieurs autres di­gni­taires et en­voyé en à Nan­kin. Nguyễn Trãi sui­vit le cor­tège des pri­son­niers jusqu’à la fron­tière. Bra­vant le joug, les en­traves et les coups de ses geô­liers, le grand man­da­rin or­donna à son fils : «Tu ne dois pas pleu­rer la sé­pa­ra­tion d’un père et de son fils. Pleure sur­tout l’humiliation de ton . Quand tu se­ras en âge, venge-!» 2 Nguyễn Trãi gran­dit. Il tint la pro­messe so­len­nelle faite à son père, en ras­sem­blant le peuple en­tier au­tour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de de­ve­nir Em­pe­reur du . Hé­las! la dy­nas­tie des Lê ainsi fon­dée prit vite om­brage des conseils et de la no­to­riété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il ve­nait de conduire à la vic­toire, notre pa­triote se fit er­mite et poète : «Je ne cours point après les hon­neurs ni ne re­cherche les pré­bendes; [je] ne suis ni joyeux de ga­gner ni triste de perdre. Les eaux ho­ri­zonnent ma fe­nêtre, les — ma porte. Les poèmes em­plissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition ta­lon­nait sans ré­pit? Des à l’abandon sous l’herbe épaisse» 3. Toute sa , Nguyễn Trãi eut cette seule pré­oc­cu­pa­tion : l’ de la pa­trie qui, dans son cœur, était in­sé­pa­rable de l’amour du peuple. Res­tant as­sis, ser­rant une froide cou­ver­ture sur lui, il pas­sait des nuits sans som­meil, son­geant com­ment re­le­ver le pays et pro­cu­rer au peuple une du­rable après ces longues guerres : «Dans mon cœur, une seule pré­oc­cu­pa­tion sub­siste : les af­faires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux pre­miers tin­te­ments de cloche» 4. On tient gé­né­ra­le­ment la «Grande Pro­cla­ma­tion de la pa­ci­fi­ca­tion des Chi­nois» pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans le­quel, aujourd’hui en­core, chaque Viet­na­mien re­con­naît avec émo­tion l’une des les plus ra­fraî­chis­santes de son iden­tité na­tio­nale : «Notre pa­trie, le Grand Viêt, de­puis tou­jours, était de vieille . Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses mon­tagnes, ses mœurs et ses cou­tumes dis­tincts de ceux du Nord…» Mais son «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale» qui dé­crit, avec par­fois une teinte d’amertume, les charmes de la vie ver­tueuse et so­li­taire, et qui change en ta­bleaux en­chan­teurs les scènes de la sau­vage et né­gli­gée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un pu­blic étran­ger.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­cueil des poé­sies en langue na­tio­nale» ou «Col­lec­tion de poèmes en langue na­tio­nale». Icône Haut
  2. Dans Dương Thu Hương, «Les Col­lines d’eucalyptus : ». Icône Haut
  1. «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale», p. 200. Icône Haut
  2. id. p. 132. Icône Haut

Pham Duy Khiêm, « La Jeune Femme de Nam Xuong »

éd. Taupin, Hanoï

éd. Tau­pin, Ha­noï

Il s’agit de «La Jeune Femme de Nam Xuong» de M.  1, écri­vain d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des , eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une , qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun », dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine , s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa , ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde , par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme , en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Icône Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Icône Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Icône Haut

Pham Duy Khiêm, « Légendes des terres sereines »

éd. Mercure de France, Paris

éd. Mer­cure de , Pa­ris

Il s’agit des « des terres se­reines» de M.  1, écri­vain d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en France ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des , eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une , qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun », dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine , s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa , ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde , par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme , en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Icône Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Icône Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Icône Haut

Phạm Quỳnh, « Le Paysan tonkinois à travers le parler populaire »

éd. Đông-Kinh, coll. Nam-Phong, Hanoï

éd. Đông-Kinh, coll. Nam-Phong, Ha­noï

Il s’agit d’une rai­son­née des chants et des du Ton­kin, par Phạm Quỳnh, le plus grand éru­dit et du siècle der­nier. Né à Ha­noï, le 17 dé­cembre 1892, il fut or­phe­lin très tôt : «En­fant, j’habitais avec ma grand-mère près de la ca­serne des , qui ne man­quaient pas d’exciter ma comme celle de mes ca­ma­rades de jeu. Un ser­gent-chef s’intéressa plus par­ti­cu­liè­re­ment à et me prit en af­fec­tion. Il m’enseigna les pre­mières no­tions de fran­çais et m’apprit à écrire» 1. In­tel­li­gent, ap­pli­qué, doué d’une éton­nante, Phạm Quỳnh sor­tit pre­mier du Col­lège du pro­tec­to­rat et n’eut qu’un seul plan : faire en sorte qu’il eût sa part dans l’éveil de la . «Sans lit­té­ra­ture na­tio­nale», di­sait-il 2, «il ne peut y avoir de na­tio­nale; sans culture na­tio­nale, il ne peut y avoir d’indépendance in­tel­lec­tuelle et spi­ri­tuelle; sans in­dé­pen­dance in­tel­lec­tuelle et spi­ri­tuelle, il ne peut y avoir d’indépendance ». Se­lon lui, cet éveil se fe­rait seule­ment lorsque la viet­na­mienne conti­nue­rait sa tra­di­tion chan­son­nière, et conso­li­de­rait di­gne­ment son hé­ri­tage confu­céen : «Je ne puis m’imaginer», di­sait-il 3, «que ces pré­ceptes si de Confu­cius; cette es­sence lé­gère et dis­crète dont sont im­pré­gnés les re­frains, les de mon pays; cette sub­tile de l’ d’un [qui sait] res­pec­ter [à la fois] les réa­li­tés de l’ et le rêve, et qui, en pei­nant du­re­ment au fil des gé­né­ra­tions sur la [an­ces­trale], est ca­pable de s’émouvoir quand lui par­vient, ap­porté par la brise des champs, le cri de l’alouette — je ne puis m’imaginer que tout ceci vien­drait à dis­pa­raître pour s’assimiler dans les formes de la ci­vi­li­sa­tion». Ce fut sur­tout à par­tir de 1910 que, nommé se­cré­taire de l’École fran­çaise d’Extrême-, il se mit ré­so­lu­ment à toutes les études spé­ciales que sup­po­sait son plan. Ainsi pré­paré, il fonda la re­vue «Nam-Phong» («Vent du Sud» 4), et alors seule­ment il en­tra plei­ne­ment dans son su­jet. Ce que fit la re­vue «Nam-Phong», pen­dant dix-huit ans, en d’édition, com­men­taire, tra­duc­tion, dif­fu­sion du pa­tri­moine viet­na­mien, tient du pro­dige. Je n’exagère pas en di­sant que Phạm Quỳnh ne vé­cut plus que pour sa re­vue; il lui donna une âme, une , une di­gnité propres et lui as­sura un pres­tige qui ne fut ja­mais égalé par ce­lui d’aucune re­vue du .

  1. Dans «Hom­mage à Pham Quynh», p. 42. Icône Haut
  2. Phạm Quỳnh, «Quốc-học với quốc-văn» («Culture na­tio­nale et Lit­té­ra­ture na­tio­nale») dans «Nam-Phong», vol. 26, nº 164. Icône Haut
  1. Dans Dương Mỹ Loan, p. 1100. Icône Haut
  2. Titre em­prunté aux «En­tre­tiens fa­mi­liers de Confu­cius» : «Ja­dis Shun (), jouant du [luth] à cinq cordes, com­posa les chants du Nan-Feng (南風). Ces chants por­taient : “Oh! l’harmonie du Nan-Feng! On peut par lui dis­si­per les sou­cis de mon peuple. Oh! le du Nan-Feng! On peut par lui dé­ve­lop­per les ri­chesses de mon peuple”. C’est en agis­sant ainsi qu’il s’est élevé». Icône Haut

Nguyễn Du, « Kim-Vân-Kiêu »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit du «Kim-Vân-Kiều» 1 (XIXe siècle), poème de plus de trois mille vers qui montrent l’ viet­na­mienne dans toute sa sen­si­bi­lité, sa pu­reté et son ab­né­ga­tion, et qui comptent parmi les plus re­mar­quables du . «Il faut sus­pendre son souffle, il faut mar­cher avec pré­cau­tion pour être en me­sure de sai­sir [leur] beauté, tel­le­ment ils sont gra­cieux, jo­lis, gran­dioses, splen­dides», dit un écri­vain mo­derne 2. Leur au­teur, Nguyễn Du 3, laissa la ré­pu­ta­tion d’un mé­lan­co­lique et ta­ci­turne. Man­da­rin mal­gré lui, il rem­plis­sait les de sa charge aussi bien ou même mieux que les autres, mais il resta, au fond, étran­ger aux am­bi­tions. Son grand fut de se re­ti­rer dans la de son vil­lage; son grand fut de ca­cher ses ta­lents : «Que ceux qui ont du ta­lent ne se glo­ri­fient donc pas de leur ta­lent!», dit-il 4. «Le mot “tài” [ta­lent] rime avec le mot “tai” [mal­heur].» Au cours de la ma­la­die qui lui fut fa­tale, Nguyễn Du re­fusa tout mé­di­ca­ment, et lorsqu’il ap­prit que ses pieds étaient déjà gla­cés, il dé­clara dans un sou­pir : «C’est bien ainsi!» Ce furent ses der­nières pa­roles. Le mé­rite in­com­pa­rable du «Kim-Vân-Kiều» n’a pas échappé à l’attention de Phạm Quỳnh, ce­lui des cri­tiques viet­na­miens du siècle der­nier qui a mon­tré le plus d’érudition et de jus­tesse dans ses opi­nions lit­té­raires, dont une, en par­ti­cu­lier, est de­ve­nue cé­lèbre : «Qu’avons-nous à craindre, qu’avons-nous à être in­quiets : le “Kiều” res­tant, notre reste; notre langue res­tant, notre pays reste»

  1. Par­fois trans­crit «Kim-Van-Kiéou» ou «Kim Ven Kièou». Outre cette ap­pel­la­tion com­mu­né­ment em­ployée, le «Kim-Vân-Kiều» porte en­core di­vers titres, se­lon les édi­tions, tels que : «Truyện Kiều» (« de Kiều») ou «Đoạn Trường Tân Thanh» («Le Cœur brisé, ver­sion»). Icône Haut
  2. M. Hoài Thanh. Icône Haut
  1. Au­tre­fois trans­crit Nguyên Zou. À ne pas confondre avec Nguyễn Dữ, l’auteur du «Vaste Re­cueil de lé­gendes mer­veilleuses», qui vé­cut deux siècles plus tôt. Icône Haut
  2. p. 173. Icône Haut