Chômin, « Écrits sur Rousseau et les droits du peuple »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de «Sur les du » («Min­ken-ron» 1) et autres œuvres de  2, in­tel­lec­tuel , chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’» 3. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un éton­nam­ment large, al­lant de la fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’ qui fit briller avec éclat les de la et de l’, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la sur les prin­cipes de la » 4, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans sur les re­com­man­da­tions des pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de , Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au , en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en clas­sique, des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens  : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 5). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’ des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des de pri­son de plu­sieurs ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. En ja­po­nais «民権論». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 東洋のルソー. Icône Haut
  1. Dans Shi­nya Ida, «La vue par Na­kaé Chô­min». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Icône Haut

Chômin, « Un An et demi • Un An et demi, suite »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Non fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. -Sé­rie Non , Pa­ris

Il s’agit d’«Un An et demi» («Ichi­nen yû­han» 1) et «Un An et demi, suite» («Zoku ichi­nen yû­han» 2) de  3, in­tel­lec­tuel , chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’» 4. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un éton­nam­ment large, al­lant de la fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’ qui fit briller avec éclat les de la et de l’, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la sur les prin­cipes de la » 5, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans sur les re­com­man­da­tions des pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de , Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au Ja­pon, en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en clas­sique, des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens  : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 6). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’ des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des de pri­son de plu­sieurs ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. En ja­po­nais «一年有半». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «続一年有半». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 東洋のルソー. Icône Haut
  2. Dans Shi­nya Ida, «La vue par Na­kaé Chô­min». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Icône Haut

Chômin, « Dialogues politiques entre trois ivrognes »

éd. du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), coll. Réseau Asie, Paris

éd. du Centre na­tio­nal de la scien­ti­fique (CNRS), coll. Ré­seau , Pa­ris

Il s’agit de «Dia­logues po­li­tiques entre trois ivrognes» 1San­sui­jin kei­rin mondô» 2) de  3, in­tel­lec­tuel , chef de file des études fran­çaises sous l’ère Meiji (XIXe siècle), sur­nommé «le Rous­seau de l’» 4. Il per­dit son père, sa­mou­raï du plus bas rang, à l’âge de quinze ans. En­voyé à Na­ga­saki, il y fit la ren­contre des Louis Fu­ret et Ber­nard Pe­tit­jean, ve­nus dis­pen­ser dans cette ville por­tuaire un éton­nam­ment large, al­lant de la fran­çaise à l’artillerie na­vale. At­tiré par les idées de la Ré­vo­lu­tion, cette «grande œuvre in­ouïe dans l’ qui fit briller avec éclat les de la et de l’, et qui… réus­sit, pour la pre­mière fois, à fon­der la sur les prin­cipes de la » 5, Chô­min de­vint leur élève pen­dant deux ans. C’est sans sur les re­com­man­da­tions des pères qu’il par­tit pour Yo­ko­hama ser­vir d’interprète à l’ambassadeur de , Léon Roches, avant de pour­suivre ses études à Tô­kyô, à Pa­ris et à Lyon. À son re­tour au , en 1874, il fut chargé de ré­su­mer des textes sur les ins­ti­tu­tions ju­ri­diques et po­li­tiques de la France, à l’heure où le jeune ja­po­nais hé­si­tait sur le mo­dèle à suivre. Pa­ral­lè­le­ment à ce tra­vail of­fi­ciel, il tra­dui­sit pour le grand pu­blic le «» de Rous­seau, dont il fit même deux ver­sions : l’une ré­di­gée en ja­po­nais cou­rant et des­ti­née à être pas­sée de main en main, et l’autre en clas­sique, des let­trés. Le «Re­non­cer à sa li­berté, c’est re­non­cer à sa qua­lité d’» de Rous­seau de­vint le leit­mo­tiv d’un jour­nal inau­guré en 1881, qui al­lait avoir une au­dience ex­trê­me­ment im­por­tante au­près des an­ciens  : «Le Jour­nal de la li­berté en Orient» («Tôyô jiyû shim­bun» 6). Le fu­tur pre­mier mi­nistre, Saionji Kin­mo­chi, en était le fon­da­teur, et Chô­min — le ré­dac­teur en chef. L’ des deux hommes re­mon­tait à leur sé­jour à Pa­ris. Le jour­nal s’ouvrait par un ar­ticle re­mar­quable, où Chô­min com­pa­rait le ci­toyen non libre «au bon­saï ou à la fleur éle­vée sous serre qui perd son par­fum et sa na­tu­relle, et ne peut ar­ri­ver à dé­ve­lop­per plei­ne­ment toute la de son feuillage»; tan­dis que le ci­toyen libre, pa­reil à une fleur des champs, «em­baume de tout son par­fum et prend une cou­leur d’un vert sombre et pro­fond». Un mois après, la condam­na­tion à des de pri­son de plu­sieurs ac­cula le jour­nal à ces­ser sa pa­ru­tion; mais Chô­min ne lâ­cha ja­mais le pin­ceau du com­bat.

  1. Par­fois tra­duit «Col­loque po­li­tique de trois bu­veurs» ou «L’Entretien des trois bu­veurs sur le gou­ver­ne­ment de l’État». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «三酔人経綸問答». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 中江兆民. De son vrai nom Na­kae To­ku­suke, pour le­quel on trouve deux gra­phies : 篤助 et 篤介. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 東洋のルソー. Icône Haut
  2. Dans Shi­nya Ida, «La vue par Na­kaé Chô­min». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «東洋自由新聞». Icône Haut

Maupertuis, « Œuvres. Tome IV »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de l’«Ac­cord des dif­fé­rentes de la qui avaient jusqu’ici paru in­com­pa­tibles» et autres œuvres de -Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe qui dé­mon­tra que la était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des , et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des , où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… , en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand ; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en , comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Icône Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Icône Haut

Maupertuis, « Œuvres. Tome III »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la «Re­la­tion du voyage fait par ordre du Roi au cercle po­laire» et autres œuvres de -Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe qui dé­mon­tra que la était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des , et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des , où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… , en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand ; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en , comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Icône Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Icône Haut

Maupertuis, « Œuvres. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la «Lettre sur le pro­grès des » et autres œuvres de  1, géo­mètre et phi­lo­sophe qui dé­mon­tra que la était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des , et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des sciences, où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… , en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand ; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en , comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Icône Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Icône Haut

Maupertuis, « Œuvres. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit du «Dis­cours sur les dif­fé­rentes fi­gures des astres» et autres œuvres de -Louis Mo­reau de Mau­per­tuis 1, géo­mètre et phi­lo­sophe qui dé­mon­tra que la était ef­fec­ti­ve­ment apla­tie aux pôles, confor­mé­ment à ce qu’avait prévu New­ton. Mau­per­tuis com­mença sa dans la com­pa­gnie des mous­que­taires. Son jeune âge, le de son tem­pé­ra­ment, les dis­si­pa­tions de sa mi­li­taire ne lui firent pas né­gli­ger pour au­tant l’étude des , et ce goût fi­nit par l’emporter sur tous les autres. À l’âge de vingt-cinq ans, il se dé­mit de ses fonc­tions et pos­tula une place à l’Académie des , où il fut reçu à bras ou­verts par l’abbé Jean Ter­ras­son. Quelqu’un fit re­mar­quer à ce der­nier que Mau­per­tuis n’était pas le plus ha­bile can­di­dat parmi ceux s’étant pré­sen­tés : «Le plus digne de la place», ré­pon­dit l’abbé 2, «n’est pas ce­lui qui est le plus ha­bile; c’est ce­lui qui est le plus ca­pable de le de­ve­nir… , en par­tant de là, Mau­per­tuis est le plus digne» (pro­nos­tic qui fut vé­ri­fié par la suite). Le livre des «Prin­ci­pia ma­the­ma­tica» de New­ton, ce chef-d’œuvre des sciences, était alors plus cé­lèbre que connu et plus connu que com­pris. Notre aca­dé­mi­cien en fit l’objet prin­ci­pal de ses études. En 1728, New­ton ve­nait de mou­rir, com­blé d’années et d’honneurs, quand Mau­per­tuis par­tit sé­jour­ner en An­gle­terre; il trouva les dis­ciples de ce grand ; il de­vint leur émule. Et en quit­tant fi­na­le­ment l’Angleterre, il en rap­porta des connais­sances nou­velles et des ami­tiés so­lides, qui bâ­tirent sa ré­pu­ta­tion. Il de­vint «le pre­mier» en , comme dit «l’Encyclopédie», «qui ait osé se dé­cla­rer ou­ver­te­ment new­to­nien. [Il] a cru qu’on pou­vait être bon ci­toyen, sans adop­ter aveu­glé­ment la [car­té­sienne] de son pays, et pour at­ta­quer cette phy­sique il a eu be­soin d’un dont on doit lui sa­voir gré».

  1. À ne pas confondre avec Louis de Me­lun, mar­quis de Mau­per­tuis, qui fut suc­ces­si­ve­ment ca­pi­taine de ca­va­le­rie, bri­ga­dier des ar­mées du Roi, et ca­pi­taine-lieu­te­nant de la pre­mière com­pa­gnie des mous­que­taires. Il mou­rut le 18 mai 1721. Icône Haut
  1. Dans La Beau­melle, «Vie de Mau­per­tuis». Icône Haut

« Yosano Akiko (1878-1942) : le séjour à Paris d’une Japonaise en 1912 »

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

dans «Clio», vol. 28, p. 194-203

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de «De­puis Pa­ris» («Pa­rii yori» 1) de . En 1912, lorsqu’elle al­lait s’embarquer pour la , Akiko était déjà l’auteur de dix re­cueils de poé­sies, dont la li­bé­rée de tout be­soin de jus­ti­fi­ca­tion lui avait fait la ré­pu­ta­tion de pion­nière de l’identité fé­mi­nine au . Elle n’avait qu’une seule idée en tête : re­joindre à Pa­ris son époux, Yo­sano Tek­kan. Ce­lui-ci était parti quelques mois au­pa­ra­vant pour réa­li­ser un rêve de tou­jours et ten­ter de dis­si­per une dé­pres­sion ner­veuse qui le me­na­çait. Il avait di­rigé pen­dant huit ans une des re­vues lit­té­raires les plus pres­ti­gieuses de Tô­kyô, «Myôjô» 2L’Étoile du ber­ger» 3). Puis, il l’avait per­due; et de­puis ce jour, il er­rait dans la mai­son, tan­tôt mé­lan­co­lique, tan­tôt agres­sif. Akiko était per­sua­dée que ce n’était pas d’un mé­de­cin re­nommé que son mari avait be­soin pour gué­rir, mais d’un voyage en France; car il rê­vait de­puis long­temps déjà de sé­jour­ner dans ce pays, dont il avait pu­blié les toutes pre­mières tra­duc­tions en ja­po­naise. Le pro­jet était fi­nan­ciè­re­ment in­fai­sable, mais fut pour­tant dé­cidé. Pour réunir la somme né­ces­saire au voyage, Akiko cal­li­gra­phia cer­tains poèmes de son re­cueil «Che­veux em­mê­lés» sur une cen­taine de pa­ra­vents en , qu’elle ven­dit au prix fort. Le reste de l’argent fut fourni par des jour­naux, aux­quels Tek­kan et plus tard Akiko s’engagèrent d’envoyer ré­gu­liè­re­ment des pa­piers une fois sur place. Deux ou­vrages nous ren­seignent sur le sé­jour en France des deux époux : «De­puis Pa­ris», qui re­groupe leurs ar­ticles et leurs im­pres­sions de voyage en­voyés pour être pu­bliés dans les jour­naux; et «De l’été à l’automne» («Natsu yori aki e» 4), re­cueil de poèmes, où Akiko ra­conte son de vi­si­ter la France dans des vers qui mé­ri­te­raient d’être connus des  :

«Joli mois de mai
Dans les champs de blé fran­çais
Aux de
Co­que­li­cot mon amant,
Co­que­li­cot aussi!
»

  1. En «巴里より». Par­fois trans­crit «Pari yori». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «明星». Icône Haut
  1. Par­fois tra­duit «L’Étoile du ma­tin». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «夏より秋へ». Icône Haut

Bâbâ Tâhir, « “Le Génie du millénaire” : cent quatrains lyriques »

éd. L’Harmattan, coll. Poètes des cinq continents, Paris

éd. L’Harmattan, coll. des cinq conti­nents, Pa­ris

Il s’agit de  1, poète , dont la sim­pli­cité des et du vo­ca­bu­laire fait le charme de ses qua­trains. On sait peu de choses sur lui; on ignore même le où il vé­cut (entre le Xe et XIIe siècle apr. J.-C. pro­ba­ble­ment). Il était un de ces er­rants, ces fous de qui passent pour en , et que pour cela, tout le ré­vère et res­pecte. Le sur­nom de ‘Uryân 2le Nu») sous le­quel il est dé­si­gné lui vient, disent cer­tains, de ce qu’il se pro­me­nait sans dans les ba­zars et dans les rues; mais il est tout aussi vrai­sem­blable qu’il vi­vait dans le dé­nue­ment ou le re­non­ce­ment, plu­tôt que dans la com­plète nu­dité : «Je suis le bo­hème qu’on ap­pelle “qa­len­der”; je n’ai ni ni lieu, nul point d’attache», dit-il. «Le jour, j’erre au­tour du monde, et la , je m’endors une brique sous la tête… Il n’y a point dans l’univers de pa­pillon aussi étourdi, de fou aussi étrange que . Les ser­pents et les four­mis ont tous une re­traite, mais moi je n’ai pas même — in­for­tuné! — le mur d’une mai­son en ruines» 3. En tout cas, l’on constate que son mys­ti­cisme ne lui épar­gna ni les tour­ments de l’ ni les an­goisses cau­sées par la de la . Il est, d’ailleurs, un des pre­miers der­viches à avoir dé­crit ses trans­ports amou­reux dans la per­sane : «Le col­chique des ne dure qu’une se­maine, ainsi que la vio­lette des bords de la ri­vière; je veux crier, de ville en ville, que la fi­dé­lité des belles aux joues ro­sées ne dure qu’une se­maine… Mon cœur est plein de feu, mes yeux pleins de larmes; ma n’est qu’un vase rem­pli de tris­tesses et d’ennuis. Eh bien! si, après ma mort, tu viens à pas­ser près de ma tombe, ton par­fum me ren­dra la vie»

  1. En per­san باباطاهر. Par­fois trans­crit Bâbâ Tâ­her. Icône Haut
  2. En per­san عریان. Par­fois trans­crit Uriyan, ‘Oriyān ou Oryân. Icône Haut
  1. Tra­duc­tion de , p. 516 & 528. Icône Haut

Kitahara, « Chansons pour l’enfance »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Bibliothèque japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. Bi­blio­thèque ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit de Ki­ta­hara Ha­ku­shû 1, poète qui, par la créa­tion du genre «dôyô» 2chan­son en­fan­tine») et par l’adoption d’images et de rythmes di­rec­te­ment em­prun­tés aux sym­bo­listes oc­ci­den­taux, donna à la une di­rec­tion et une im­pul­sion nou­velles. De son vrai nom Ki­ta­hara Ryû­ki­chi 3, il na­quit en 1885. Sa ville na­tale, Ya­na­gawa, était sillon­née d’innombrables ca­naux et fai­sait par­tie de ces pe­tites flu­viales, pai­sibles et mortes, qui res­semblent à des cer­cueils flot­tant sur l’ : «Ya­na­gawa, avec ses ca­naux», dit-il dans une pré­face 4, «c’est d’abord mon vil­lage na­tal… C’est aussi le creu­set de mon œuvre . Oui, c’est de l’entrecroisement de [ses] ca­naux, de cette même, qu’a jailli ma phrase, que s’est formé mon ». Mais sa pas­sion pour la le poussa, dès 1904, à quit­ter ces pay­sages du Sud et à s’installer à Tô­kyô, champ de toutes les ex­pé­ri­men­ta­tions lit­té­raires. Les an­nées sui­vantes, un re­cueil de poèmes eu­ro­péens tra­duit par Ueda Bin, «Kai­chôon» 5Mur­mures de »), ainsi qu’un autre re­cueil concen­tré cette fois sur la et pré­paré par Na­gai Kafû, «San­go­shû» 6Co­raux»), firent connaître au le . Ki­ta­hara, ex­tra­or­di­nai­re­ment ré­cep­tif à ce nou­veau cou­rant, s’en ins­pira dès ses pre­mières œuvres. Celles-ci furent sa­luées par le même Ueda Bin comme une «syn­thèse entre la tra­di­tion des ja­po­naises an­ciennes et les formes les plus nou­velles de l’art »

  1. En 北原白秋. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 童謡. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 北原隆吉. Icône Haut
  1. p. 112. Icône Haut
  2. En ja­po­nais «海潮音». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «珊瑚集». Icône Haut

Nicolas de Damas, « Histoires • Recueil de coutumes • Vie d’Auguste • Autobiographie »

éd. Les Belles Lettres, coll. Fragments, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Frag­ments, Pa­ris

Il s’agit de « d’Auguste» et autres œuvres de Ni­co­las de Da­mas 1, phi­lo­sophe et his­to­rien d’expression grecque. Il na­quit à Da­mas, l’an 64 av. J.-C., et ja­mais il ne ju­gea né­ces­saire de se dire autre chose que Da­mas­cène. Il se mo­quait même des so­phistes de son époque, qui ache­taient à grands frais le titre d’Athénien ou Rho­dien, parce qu’ils avaient de l’obscurité de leur pa­trie. Cer­tains d’entre eux écri­vaient des en­tiers pour dé­cla­rer qu’ils n’étaient pas na­tifs d’Apamée ou de Da­mas, mais de quelque ville re­nom­mée de la ; il es­ti­mait ces gens-là «sem­blables à ceux qui ont honte de leurs propres pa­rents» 2. Ni­co­las de Da­mas fut élevé avec beau­coup de soin. Il ai­mait les lettres et il y fit de grands pro­grès qui, dès sa plus tendre , lui don­nèrent de la ré­pu­ta­tion. Il eut un pen­chant dé­cidé pour la doc­trine d’Aris­tote, charmé qu’il fut par la va­riété pro­di­gieuse des connais­sances dé­ployées dans les ou­vrages de ce phi­lo­sophe. Son com­men­taire sur les re­cherches aris­to­té­li­ciennes sur les le ren­dit bien­tôt cé­lèbre. Par son ca­rac­tère ai­mable, non moins que par ses ta­lents d’érudit, Ni­co­las sut ga­gner l’affection du roi Hé­rode et l’estime de l’Empereur Au­guste. Ce fut pour com­plaire au pre­mier qu’il en­tre­prit d’écrire les «His­toires» («His­to­riai» 3) des grands Em­pires d’. Ce fut pour ho­no­rer la du se­cond qu’il ré­di­gea la «Vie d’Auguste» («Bios Kai­sa­ros» 4), ou «Sur la vie de Cé­sar Au­guste et sur son ». Cette der­nière contient la page si­non la plus com­plète, du moins la plus ap­pro­chant de la , que l’ nous ait lais­sée sur l’ de Cé­sar, père d’Auguste. Voici com­ment Ni­co­las s’exprime sur cet évé­ne­ment d’une gra­vité mé­mo­rable : «En cette oc­ca­sion, la di­vi­nité mon­tra quel est le cours des af­faires hu­maines, toutes in­stables et sou­mises au des­tin, en condui­sant Cé­sar sur le ter­rain de l’ennemi, de­vant la sta­tue du­quel il al­lait res­ter étendu ; [car] du vi­vant de Pom­pée, Cé­sar avait battu [ce der­nier], mais, après sa mort, il se fit tuer au pied [même] de sa sta­tue» 5. Quant à l’«» de Ni­co­las, qui nous est éga­le­ment par­ve­nue, on a lieu de dou­ter qu’elle soit son ou­vrage, étant écrite à la troi­sième per­sonne.

  1. En Νικόλαος Δαμασκηνός. Icône Haut
  2. p. 316. Icône Haut
  3. En grec «Ἱστορίαι». Icône Haut
  1. En grec «Βίος Καίσαρος». Icône Haut
  2. p. 258. Icône Haut

Joubert, « Correspondance générale (1774-1824). Tome III. La Restauration »

éd. William Blake & Co., Bordeaux

éd. William Blake & Co., Bor­deaux

Il s’agit de , un des plus grands sty­listes (XVIIIe-XIXe siècle). Cet sin­gu­lier ne pu­blia rien de son vi­vant, tant il te­nait peu à la gloire, et ne fit rien d’autre, lit­té­ra­le­ment par­lant, pen­dant toute sa , que de tra­vailler à ses «Pen­sées», écri­vant, ra­tu­rant, ajou­tant, re­tran­chant et n’en fi­nis­sant ja­mais. À sa en 1824, il lais­sait der­rière lui deux cent cinq car­nets, com­plé­tés par soixante liasses de pa­piers où se mê­laient, dans une grande confu­sion, des notes, des bribes d’, des brouillons de lettres. Ce n’est que bien des an­nées plus tard que Jean-Bap­tiste-Mi­chel Du­chesne, ne­veu de Jou­bert, en fit un mince re­cueil, qu’il re­mit à l’illustre Cha­teau­briand, le­quel se char­gea de le pré­fa­cer et d’y mettre un peu d’ordre. Du­chesne fit donc seul le choix de cette pre­mière édi­tion des «Pen­sées», écar­tant celles qui étaient dif­fi­ci­le­ment dé­chif­frables, re­tou­chant celles qui lui sem­blaient trop longues ou trop courtes. Bien qu’ami des lettres, il n’avait pas un es­prit as­sez exercé pour que ce choix fût sa­tis­fai­sant, et il est dom­mage que sur la re­com­man­da­tion du nom de Cha­teau­briand on se soit ha­bi­tué, pen­dant long­temps, à ju­ger Jou­bert sur une édi­tion qui, étant in­com­plète et fau­tive, ne le montre pas dans toute sa splen­deur lit­té­raire et phi­lo­so­phique. Mais qui est donc Jou­bert? Quel est cet in­connu, cet , cet in­édit qui s’était fait de la une cer­taine idée qui l’empêchait de rien ache­ver? Voici com­ment Sainte-Beuve ré­pond à cette ques­tion : «Ce fut un de ces heu­reux qui passent leur vie à pen­ser; à conver­ser avec leurs amis; à son­ger dans la ; à mé­di­ter quelque grand ou­vrage qu’ils n’accompliront ja­mais, et qui ne nous ar­rive qu’en frag­ments». Sur l’un de ses car­nets, Jou­bert écri­vait 1 : «Je suis comme Mon­taigne im­propre au dis­cours continu». On peut y lire un aveu d’impuissance; on peut y lire aussi la marque d’une chez cet homme qui se di­sait avare «de [son] encre» 2, et qui ne vou­lait «[se] don­ner la peine d’exprimer, avec soin, que des choses dignes d’être écrites sur de la soie ou sur l’airain» 3. Pen­sant pour la seule vo­lupté de pen­ser, pen­sant pa­tiem­ment, il at­ten­dait, pour cou­cher un mot, que la goutte d’encre qui de­vait tom­ber de sa plume se chan­geât en «goutte de lu­mière» 4, «tour­menté» qu’il était «par la mau­dite am­bi­tion de mettre tou­jours tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase et cette phrase dans un mot» 5.

  1. «Car­nets. Tome II», p. 240. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 101. Icône Haut
  3. id. Icône Haut
  1. «Car­nets. Tome I», p. 662. Icône Haut
  2. «Car­nets. Tome II», p. 485. Icône Haut

Joubert, « Correspondance générale (1774-1824). Tome II. La Période impériale »

éd. William Blake & Co., Bordeaux

éd. William Blake & Co., Bor­deaux

Il s’agit de , un des plus grands sty­listes (XVIIIe-XIXe siècle). Cet sin­gu­lier ne pu­blia rien de son vi­vant, tant il te­nait peu à la gloire, et ne fit rien d’autre, lit­té­ra­le­ment par­lant, pen­dant toute sa , que de tra­vailler à ses «Pen­sées», écri­vant, ra­tu­rant, ajou­tant, re­tran­chant et n’en fi­nis­sant ja­mais. À sa en 1824, il lais­sait der­rière lui deux cent cinq car­nets, com­plé­tés par soixante liasses de pa­piers où se mê­laient, dans une grande confu­sion, des notes, des bribes d’, des brouillons de lettres. Ce n’est que bien des an­nées plus tard que Jean-Bap­tiste-Mi­chel Du­chesne, ne­veu de Jou­bert, en fit un mince re­cueil, qu’il re­mit à l’illustre Cha­teau­briand, le­quel se char­gea de le pré­fa­cer et d’y mettre un peu d’ordre. Du­chesne fit donc seul le choix de cette pre­mière édi­tion des «Pen­sées», écar­tant celles qui étaient dif­fi­ci­le­ment dé­chif­frables, re­tou­chant celles qui lui sem­blaient trop longues ou trop courtes. Bien qu’ami des lettres, il n’avait pas un es­prit as­sez exercé pour que ce choix fût sa­tis­fai­sant, et il est dom­mage que sur la re­com­man­da­tion du nom de Cha­teau­briand on se soit ha­bi­tué, pen­dant long­temps, à ju­ger Jou­bert sur une édi­tion qui, étant in­com­plète et fau­tive, ne le montre pas dans toute sa splen­deur lit­té­raire et phi­lo­so­phique. Mais qui est donc Jou­bert? Quel est cet in­connu, cet , cet in­édit qui s’était fait de la une cer­taine idée qui l’empêchait de rien ache­ver? Voici com­ment Sainte-Beuve ré­pond à cette ques­tion : «Ce fut un de ces heu­reux qui passent leur vie à pen­ser; à conver­ser avec leurs amis; à son­ger dans la ; à mé­di­ter quelque grand ou­vrage qu’ils n’accompliront ja­mais, et qui ne nous ar­rive qu’en frag­ments». Sur l’un de ses car­nets, Jou­bert écri­vait 1 : «Je suis comme Mon­taigne im­propre au dis­cours continu». On peut y lire un aveu d’impuissance; on peut y lire aussi la marque d’une chez cet homme qui se di­sait avare «de [son] encre» 2, et qui ne vou­lait «[se] don­ner la peine d’exprimer, avec soin, que des choses dignes d’être écrites sur de la soie ou sur l’airain» 3. Pen­sant pour la seule vo­lupté de pen­ser, pen­sant pa­tiem­ment, il at­ten­dait, pour cou­cher un mot, que la goutte d’encre qui de­vait tom­ber de sa plume se chan­geât en «goutte de lu­mière» 4, «tour­menté» qu’il était «par la mau­dite am­bi­tion de mettre tou­jours tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase et cette phrase dans un mot» 5.

  1. «Car­nets. Tome II», p. 240. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 101. Icône Haut
  3. id. Icône Haut
  1. «Car­nets. Tome I», p. 662. Icône Haut
  2. «Car­nets. Tome II», p. 485. Icône Haut