« Sainte Golindouch »

dans « Échos d’Orient », vol. 4, nº 1, p. 18-20

dans « Échos d’Orient », vol. 4, no 1, p. 18-20

Il s’agit de sainte Go­lin­douch1, sur­nom­mée la « mar­tyre vi­vante » (« mar­tys zôsa »2), une Per­sane qui se conver­tit au chris­tia­nisme et qui fit des mi­racles et des pro­diges après avoir subi de grands tour­ments de la part des siens (VIe siècle apr. J.-C.). La lé­gende de sa pas­sion a été ex­ploi­tée par le clergé chré­tien, qui rê­vait de la conquête re­li­gieuse de la Perse, mais le fond de son his­toire n’en est pas moins vrai. Go­lin­douch ap­par­te­nait à une noble fa­mille per­sane et des­cen­dait même de sang royal. Éle­vée dans la re­li­gion an­ces­trale, elle pra­ti­qua d’abord le culte du feu et les su­per­sti­tions des mages. On la ma­ria à l’un des membres du sé­nat, dont elle eut deux fils. Au bout de trois an­nées de ma­riage, cette jeune femme tomba dans une ex­tase (cer­tains di­raient une at­taque d’hystérie). Quand elle en fut sor­tie, elle ra­conta que son âme avait été té­moin des sup­plices ter­ri­fiants ré­ser­vés aux cou­pables et des béa­ti­tudes qui at­tendent ceux qui adorent le Dieu des chré­tiens. Son mari traita d’abord cette vi­sion de fable ri­di­cule, et il ne s’en pré­oc­cupa pas au­tre­ment ; mais quand il la vit fer­me­ment ré­so­lue à se faire chré­tienne, il em­ploya tous les moyens pour la faire re­non­cer à cette apos­ta­sie. Ce fut en vain. Elle eut une autre vi­sion. Un ange lui ap­pa­rut, vêtu de lu­mière, qui lui mon­tra le spec­tacle qu’elle avait vu la pre­mière fois, et lui pré­dit la mort pro­chaine de son mari. La pré­dic­tion ne tarda pas à s’accomplir. Aus­si­tôt, Go­lin­douch se ren­dit à Ni­sibe et em­brassa le chris­tia­nisme. Les mages, fu­rieux, lui or­don­nèrent de re­ve­nir au culte na­tio­nal, et sur son re­fus, ils la sou­mirent aux cruau­tés et aux tor­tures dont est cou­tu­mière, entre toutes, la per­sé­cu­tion asia­tique : « D’abord la fla­gel­la­tion : un des seins de la pa­tiente [est] am­puté à demi par le fouet… Puis le sup­plice de la cendre brû­lante : on en rem­plit un sac dans le­quel on lui main­tient la tête en­fer­mée pour l’étouffer. C’est en­suite un sé­jour de trois mois, sans nour­ri­ture, dans une basse-fosse, avec un énorme ser­pent… [En­fin] les souillures du lu­pa­nar »3. Elle se­rait morte si l’ange qui avait cou­tume de lui ap­pa­raître ne ve­nait pas à chaque fois pour la sau­ver. Tant de ré­sis­tance fit croire à ses bour­reaux que Go­lin­douch se ser­vait de sor­ti­lèges. On fi­nit par la condam­ner à l’exil. Conduite par son ange, elle se di­ri­gea vers Jé­ru­sa­lem. Là, elle fit voir à tous les fi­dèles ses stig­mates.

  1. En grec Γολινδούχ. Par­fois trans­crit Go­lin­duh, Go­lin­duch, Go­lin­douche ou Go­lin­douque. On ren­contre aussi les gra­phies Γολανδούχ (Go­lan­douch) et Γολιανδούχ (Go­lian­douch). Au­tre­fois trans­crit Go­lan­douche. « Le der­nier élé­ment de ce mot doit être le per­san “do­kht” (دخت), “fille”, qui entre dans la com­po­si­tion des noms de prin­cesses sas­sa­nides Azer­mi­do­kht, Pou­ran­do­kht. Le pre­mier est plus dif­fi­cile à ex­pli­quer », dit Er­nest Blo­chet. Haut
  2. En grec « μάρτυς ζῶσα ». Haut
  1. … Bar­dou. Haut

Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome IV. Opuscules, part. 1 »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de l’« Éloge de la cal­vi­tie » (« Pha­la­kras En­kô­mion »1) et autres œuvres de Sy­né­sios de Cy­rène2. Écri­vain de se­cond rang, su­pé­rieur en rien, Sy­né­sios at­tire sur­tout l’attention par les dé­tails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne par­tie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cy­rène, dans l’actuelle Li­bye, il était issu d’une des meilleures fa­milles de l’aristocratie ; il pré­ten­dait même, sur preuves écrites, des­cendre des pre­miers ex­plo­ra­teurs ve­nus, plus de mille ans avant lui, de­puis la Grèce jusqu’aux côtes afri­caines fon­der sa pa­trie. Il fré­quenta les écoles su­pé­rieures d’Alexandrie et y sui­vit les le­çons de la fa­meuse Hy­pa­tie, pour la­quelle il ex­prima tou­jours une ad­mi­ra­tion émue. Re­venu à Cy­rène, il vé­cut en riche pro­prié­taire exempt de toute gêne et ne de­man­dant qu’à cou­ler, sur ses terres, une vie oi­sive et bien­heu­reuse « comme [dans] une en­ceinte sa­crée », pré­cise-t-il3, « [en] être libre et sans contrainte, [par­ta­geant] mon exis­tence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Cor­res­pon­dance » nous in­dique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se lais­sait en­traî­ner par son pen­chant pour les armes et les che­vaux : « Je par­tage, en toutes cir­cons­tances, mon temps en deux : le plai­sir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plai­sir, je me donne à tous »4. Les évêques orien­taux vou­lurent ab­so­lu­ment avoir ce gen­til­homme pour col­lègue et lui firent confé­rer l’évêché de Pto­lé­maïs ; car ils cher­chaient quelqu’un qui eût une grande si­tua­tion so­ciale ; quelqu’un qui sût se faire en­tendre. Il leur ré­pon­dit que, s’il de­ve­nait évêque, il ne se sé­pa­re­rait point de son épouse, quoique cette sé­pa­ra­tion fût exi­gée des pré­lats chré­tiens ; qu’il ne vou­lait pas re­non­cer non plus au plai­sir dé­fendu de la chasse ; qu’il ne pour­rait ja­mais croire en la Ré­sur­rec­tion, ni dans d’autres dogmes qui ne se trou­vaient pas chez Pla­ton ; que, si on vou­lait l’accepter à ce prix, il ne sa­vait même pas en­core s’il y consen­ti­rait. Les évêques in­sis­tèrent. On le bap­tisa et on le fit évêque. Il conci­lia sa phi­lo­so­phie avec son mi­nis­tère et il écri­vit de nom­breuses œuvres. On dis­pute pour sa­voir si c’est l’hellénisme ou le chris­tia­nisme qui y do­mine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y do­mine, c’est la re­li­gion d’un homme qui n’eut que des dé­las­se­ments et ja­mais de vraies pas­sions.

  1. En grec « Φαλάκρας Ἐγκώμιον ». Haut
  2. En grec Συνέσιος ὁ Κυρηναῖος. Au­tre­fois trans­crit Sy­né­sius ou Sy­nèse. Haut
  1. « Cor­res­pon­dance », lettre XLI. Haut
  2. lettre CV. Haut

Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome III. Correspondance, lettres LXIV-CLVI »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de la « Cor­res­pon­dance » (« Epis­to­lai »1) et autres œuvres de Sy­né­sios de Cy­rène2. Écri­vain de se­cond rang, su­pé­rieur en rien, Sy­né­sios at­tire sur­tout l’attention par les dé­tails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne par­tie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cy­rène, dans l’actuelle Li­bye, il était issu d’une des meilleures fa­milles de l’aristocratie ; il pré­ten­dait même, sur preuves écrites, des­cendre des pre­miers ex­plo­ra­teurs ve­nus, plus de mille ans avant lui, de­puis la Grèce jusqu’aux côtes afri­caines fon­der sa pa­trie. Il fré­quenta les écoles su­pé­rieures d’Alexandrie et y sui­vit les le­çons de la fa­meuse Hy­pa­tie, pour la­quelle il ex­prima tou­jours une ad­mi­ra­tion émue. Re­venu à Cy­rène, il vé­cut en riche pro­prié­taire exempt de toute gêne et ne de­man­dant qu’à cou­ler, sur ses terres, une vie oi­sive et bien­heu­reuse « comme [dans] une en­ceinte sa­crée », pré­cise-t-il3, « [en] être libre et sans contrainte, [par­ta­geant] mon exis­tence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Cor­res­pon­dance » nous in­dique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se lais­sait en­traî­ner par son pen­chant pour les armes et les che­vaux : « Je par­tage, en toutes cir­cons­tances, mon temps en deux : le plai­sir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plai­sir, je me donne à tous »4. Les évêques orien­taux vou­lurent ab­so­lu­ment avoir ce gen­til­homme pour col­lègue et lui firent confé­rer l’évêché de Pto­lé­maïs ; car ils cher­chaient quelqu’un qui eût une grande si­tua­tion so­ciale ; quelqu’un qui sût se faire en­tendre. Il leur ré­pon­dit que, s’il de­ve­nait évêque, il ne se sé­pa­re­rait point de son épouse, quoique cette sé­pa­ra­tion fût exi­gée des pré­lats chré­tiens ; qu’il ne vou­lait pas re­non­cer non plus au plai­sir dé­fendu de la chasse ; qu’il ne pour­rait ja­mais croire en la Ré­sur­rec­tion, ni dans d’autres dogmes qui ne se trou­vaient pas chez Pla­ton ; que, si on vou­lait l’accepter à ce prix, il ne sa­vait même pas en­core s’il y consen­ti­rait. Les évêques in­sis­tèrent. On le bap­tisa et on le fit évêque. Il conci­lia sa phi­lo­so­phie avec son mi­nis­tère et il écri­vit de nom­breuses œuvres. On dis­pute pour sa­voir si c’est l’hellénisme ou le chris­tia­nisme qui y do­mine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y do­mine, c’est la re­li­gion d’un homme qui n’eut que des dé­las­se­ments et ja­mais de vraies pas­sions.

  1. En grec « Ἐπιστολαί ». Haut
  2. En grec Συνέσιος ὁ Κυρηναῖος. Au­tre­fois trans­crit Sy­né­sius ou Sy­nèse. Haut
  1. « Cor­res­pon­dance », lettre XLI. Haut
  2. lettre CV. Haut

Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome II. Correspondance, lettres I-LXIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de la « Cor­res­pon­dance » (« Epis­to­lai »1) et autres œuvres de Sy­né­sios de Cy­rène2. Écri­vain de se­cond rang, su­pé­rieur en rien, Sy­né­sios at­tire sur­tout l’attention par les dé­tails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne par­tie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cy­rène, dans l’actuelle Li­bye, il était issu d’une des meilleures fa­milles de l’aristocratie ; il pré­ten­dait même, sur preuves écrites, des­cendre des pre­miers ex­plo­ra­teurs ve­nus, plus de mille ans avant lui, de­puis la Grèce jusqu’aux côtes afri­caines fon­der sa pa­trie. Il fré­quenta les écoles su­pé­rieures d’Alexandrie et y sui­vit les le­çons de la fa­meuse Hy­pa­tie, pour la­quelle il ex­prima tou­jours une ad­mi­ra­tion émue. Re­venu à Cy­rène, il vé­cut en riche pro­prié­taire exempt de toute gêne et ne de­man­dant qu’à cou­ler, sur ses terres, une vie oi­sive et bien­heu­reuse « comme [dans] une en­ceinte sa­crée », pré­cise-t-il3, « [en] être libre et sans contrainte, [par­ta­geant] mon exis­tence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Cor­res­pon­dance » nous in­dique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se lais­sait en­traî­ner par son pen­chant pour les armes et les che­vaux : « Je par­tage, en toutes cir­cons­tances, mon temps en deux : le plai­sir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plai­sir, je me donne à tous »4. Les évêques orien­taux vou­lurent ab­so­lu­ment avoir ce gen­til­homme pour col­lègue et lui firent confé­rer l’évêché de Pto­lé­maïs ; car ils cher­chaient quelqu’un qui eût une grande si­tua­tion so­ciale ; quelqu’un qui sût se faire en­tendre. Il leur ré­pon­dit que, s’il de­ve­nait évêque, il ne se sé­pa­re­rait point de son épouse, quoique cette sé­pa­ra­tion fût exi­gée des pré­lats chré­tiens ; qu’il ne vou­lait pas re­non­cer non plus au plai­sir dé­fendu de la chasse ; qu’il ne pour­rait ja­mais croire en la Ré­sur­rec­tion, ni dans d’autres dogmes qui ne se trou­vaient pas chez Pla­ton ; que, si on vou­lait l’accepter à ce prix, il ne sa­vait même pas en­core s’il y consen­ti­rait. Les évêques in­sis­tèrent. On le bap­tisa et on le fit évêque. Il conci­lia sa phi­lo­so­phie avec son mi­nis­tère et il écri­vit de nom­breuses œuvres. On dis­pute pour sa­voir si c’est l’hellénisme ou le chris­tia­nisme qui y do­mine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y do­mine, c’est la re­li­gion d’un homme qui n’eut que des dé­las­se­ments et ja­mais de vraies pas­sions.

  1. En grec « Ἐπιστολαί ». Haut
  2. En grec Συνέσιος ὁ Κυρηναῖος. Au­tre­fois trans­crit Sy­né­sius ou Sy­nèse. Haut
  1. « Cor­res­pon­dance », lettre XLI. Haut
  2. lettre CV. Haut

Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome I. Hymnes »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit des « Hymnes » (« Hym­noi »1) et autres œuvres de Sy­né­sios de Cy­rène2. Écri­vain de se­cond rang, su­pé­rieur en rien, Sy­né­sios at­tire sur­tout l’attention par les dé­tails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne par­tie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cy­rène, dans l’actuelle Li­bye, il était issu d’une des meilleures fa­milles de l’aristocratie ; il pré­ten­dait même, sur preuves écrites, des­cendre des pre­miers ex­plo­ra­teurs ve­nus, plus de mille ans avant lui, de­puis la Grèce jusqu’aux côtes afri­caines fon­der sa pa­trie. Il fré­quenta les écoles su­pé­rieures d’Alexandrie et y sui­vit les le­çons de la fa­meuse Hy­pa­tie, pour la­quelle il ex­prima tou­jours une ad­mi­ra­tion émue. Re­venu à Cy­rène, il vé­cut en riche pro­prié­taire exempt de toute gêne et ne de­man­dant qu’à cou­ler, sur ses terres, une vie oi­sive et bien­heu­reuse « comme [dans] une en­ceinte sa­crée », pré­cise-t-il3, « [en] être libre et sans contrainte, [par­ta­geant] mon exis­tence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Cor­res­pon­dance » nous in­dique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se lais­sait en­traî­ner par son pen­chant pour les armes et les che­vaux : « Je par­tage, en toutes cir­cons­tances, mon temps en deux : le plai­sir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plai­sir, je me donne à tous »4. Les évêques orien­taux vou­lurent ab­so­lu­ment avoir ce gen­til­homme pour col­lègue et lui firent confé­rer l’évêché de Pto­lé­maïs ; car ils cher­chaient quelqu’un qui eût une grande si­tua­tion so­ciale ; quelqu’un qui sût se faire en­tendre. Il leur ré­pon­dit que, s’il de­ve­nait évêque, il ne se sé­pa­re­rait point de son épouse, quoique cette sé­pa­ra­tion fût exi­gée des pré­lats chré­tiens ; qu’il ne vou­lait pas re­non­cer non plus au plai­sir dé­fendu de la chasse ; qu’il ne pour­rait ja­mais croire en la Ré­sur­rec­tion, ni dans d’autres dogmes qui ne se trou­vaient pas chez Pla­ton ; que, si on vou­lait l’accepter à ce prix, il ne sa­vait même pas en­core s’il y consen­ti­rait. Les évêques in­sis­tèrent. On le bap­tisa et on le fit évêque. Il conci­lia sa phi­lo­so­phie avec son mi­nis­tère et il écri­vit de nom­breuses œuvres. On dis­pute pour sa­voir si c’est l’hellénisme ou le chris­tia­nisme qui y do­mine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y do­mine, c’est la re­li­gion d’un homme qui n’eut que des dé­las­se­ments et ja­mais de vraies pas­sions.

  1. En grec « Ὕμνοι ». Haut
  2. En grec Συνέσιος ὁ Κυρηναῖος. Au­tre­fois trans­crit Sy­né­sius ou Sy­nèse. Haut
  1. « Cor­res­pon­dance », lettre XLI. Haut
  2. lettre CV. Haut

Archimède, « Œuvres complètes. Tome II »

éd. D. de Brouwer, coll. de travaux de l’Académie internationale d’histoire des sciences, Bruges

éd. D. de Brou­wer, coll. de tra­vaux de l’Académie in­ter­na­tio­nale d’histoire des sciences, Bruges

Il s’agit de la « Qua­dra­ture de la pa­ra­bole » et autres trai­tés d’Archimède, le plus cé­lèbre des in­ven­teurs an­ciens (IIIe siècle av. J.-C.). Bien que toutes les sciences aient oc­cupé Ar­chi­mède, la géo­mé­trie et la phy­sique sont néan­moins celles dans les­quelles éclata sur­tout son gé­nie ; il était si pas­sionné pour ces deux dis­ci­plines qu’il en « ou­bliait de boire et de man­ger, et né­gli­geait tous les soins de son corps », rap­porte Plu­tarque1. Il fut le pre­mier à for­mu­ler ce prin­cipe qu’un corps plongé dans un li­quide perd de son poids une quan­tité égale au poids du li­quide qu’il dé­place. La dé­cou­verte de cette belle vé­rité lui causa tant de joie, rap­porte Vi­truve2, qu’il sor­tit en­tiè­re­ment nu du bain et cou­rut dans Sy­ra­cuse en criant : « J’ai trouvé ! j’ai trouvé ! » (« Heu­rêka ! heu­rêka ! »3). On met au nombre des in­ven­tions d’Archimède la fa­meuse vis qui porte son nom, et dont les Égyp­tiens se ser­virent par la suite pour l’irrigation de leurs champs. Il mon­tra en outre les pro­prié­tés des le­viers, des pou­lies, des roues den­tées, et était si en­thou­siaste de leur pou­voir, rap­porte Pap­pus4, qu’il dé­cla­rait un jour au roi Hié­ron : « Donne-moi un point où je puisse me te­nir, et j’ébranlerai la Terre » (« Dos moi pou stô, kai kinô tên Gên »5). Mais de toutes ses in­ven­tions, celle qui ex­cita le plus l’admiration des contem­po­rains, c’est sa sphère mou­vante. Constel­lée d’étoiles, elle re­pré­sen­tait les mou­ve­ments et les po­si­tions des corps cé­lestes. Ci­cé­ron en parle comme d’une mer­veille ; Clau­dien lui dé­die une épi­gramme en­tière6, dont voici les pre­miers vers : « Un jour que Ju­pi­ter voyait le ciel ren­fermé sous l’étroite en­ceinte d’un verre, il sou­rit et adressa ces pa­roles aux Im­mor­tels : “Voilà donc à quel point est por­tée l’adresse des mor­tels ! Dans un globe fra­gile est re­pré­senté mon ou­vrage ; un vieillard dans Sy­ra­cuse a trans­porté sur la terre par les ef­forts de son art les prin­cipes des cieux, l’harmonie des élé­ments et les lois des dieux…” » ; Cas­sio­dore ajoute : « Ainsi une pe­tite ma­chine est char­gée du poids du monde, c’est le ciel por­ta­tif, l’abrégé de l’univers, le mi­roir de la na­ture » (« Par­vamque ma­chi­nam gra­vi­dam mundo, cæ­lum ges­ta­bile, com­pen­dium re­rum, spe­cu­lum na­turæ »).

  1. « Les Vies des hommes illustres », vie de Mar­cel­lus. Haut
  2. « Les Dix Livres d’architecture », liv. IX. Haut
  3. En grec « Εὕρηκα εὕρηκα ». Au­tre­fois trans­crit « Eu­rêka ! eu­rêka ! » ou « Eu­reca ! eu­reca ! ». Haut
  1. « La Col­lec­tion ma­thé­ma­thique », liv. VIII. Haut
  2. En grec « Δός μοί ποῦ στῶ, καὶ κινῶ τὴν Γῆν ». Haut
  3. L’épigramme « Sur la sphère d’Archimède » (« In sphæ­ram Ar­chi­me­dis »). Haut

Archimède, « Œuvres complètes. Tome I »

éd. D. de Brouwer, coll. de travaux de l’Académie internationale d’histoire des sciences, Bruges

éd. D. de Brou­wer, coll. de tra­vaux de l’Académie in­ter­na­tio­nale d’histoire des sciences, Bruges

Il s’agit de « Des spi­rales » (« Peri he­li­kôn »1) et autres trai­tés d’Archimède, le plus cé­lèbre des in­ven­teurs an­ciens (IIIe siècle av. J.-C.). Bien que toutes les sciences aient oc­cupé Ar­chi­mède, la géo­mé­trie et la phy­sique sont néan­moins celles dans les­quelles éclata sur­tout son gé­nie ; il était si pas­sionné pour ces deux dis­ci­plines qu’il en « ou­bliait de boire et de man­ger, et né­gli­geait tous les soins de son corps », rap­porte Plu­tarque2. Il fut le pre­mier à for­mu­ler ce prin­cipe qu’un corps plongé dans un li­quide perd de son poids une quan­tité égale au poids du li­quide qu’il dé­place. La dé­cou­verte de cette belle vé­rité lui causa tant de joie, rap­porte Vi­truve3, qu’il sor­tit en­tiè­re­ment nu du bain et cou­rut dans Sy­ra­cuse en criant : « J’ai trouvé ! j’ai trouvé ! » (« Heu­rêka ! heu­rêka ! »4). On met au nombre des in­ven­tions d’Archimède la fa­meuse vis qui porte son nom, et dont les Égyp­tiens se ser­virent par la suite pour l’irrigation de leurs champs. Il mon­tra en outre les pro­prié­tés des le­viers, des pou­lies, des roues den­tées, et était si en­thou­siaste de leur pou­voir, rap­porte Pap­pus5, qu’il dé­cla­rait un jour au roi Hié­ron : « Donne-moi un point où je puisse me te­nir, et j’ébranlerai la Terre » (« Dos moi pou stô, kai kinô tên Gên »6). Mais de toutes ses in­ven­tions, celle qui ex­cita le plus l’admiration des contem­po­rains, c’est sa sphère mou­vante. Constel­lée d’étoiles, elle re­pré­sen­tait les mou­ve­ments et les po­si­tions des corps cé­lestes. Ci­cé­ron en parle comme d’une mer­veille ; Clau­dien lui dé­die une épi­gramme en­tière7, dont voici les pre­miers vers : « Un jour que Ju­pi­ter voyait le ciel ren­fermé sous l’étroite en­ceinte d’un verre, il sou­rit et adressa ces pa­roles aux Im­mor­tels : “Voilà donc à quel point est por­tée l’adresse des mor­tels ! Dans un globe fra­gile est re­pré­senté mon ou­vrage ; un vieillard dans Sy­ra­cuse a trans­porté sur la terre par les ef­forts de son art les prin­cipes des cieux, l’harmonie des élé­ments et les lois des dieux…” » ; Cas­sio­dore ajoute : « Ainsi une pe­tite ma­chine est char­gée du poids du monde, c’est le ciel por­ta­tif, l’abrégé de l’univers, le mi­roir de la na­ture » (« Par­vamque ma­chi­nam gra­vi­dam mundo, cæ­lum ges­ta­bile, com­pen­dium re­rum, spe­cu­lum na­turæ »).

  1. En grec « Περὶ ἑλίκων ». Haut
  2. « Les Vies des hommes illustres », vie de Mar­cel­lus. Haut
  3. « Les Dix Livres d’architecture », liv. IX. Haut
  4. En grec « Εὕρηκα εὕρηκα ». Au­tre­fois trans­crit « Eu­rêka ! eu­rêka ! » ou « Eu­reca ! eu­reca ! ». Haut
  1. « La Col­lec­tion ma­thé­ma­thique », liv. VIII. Haut
  2. En grec « Δός μοί ποῦ στῶ, καὶ κινῶ τὴν Γῆν ». Haut
  3. L’épigramme « Sur la sphère d’Archimède » (« In sphæ­ram Ar­chi­me­dis »). Haut

Jean de Nikiou, « Chronique »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la Chro­nique de l’évêque Jean de Ni­kiou1, his­toire uni­ver­selle qui com­mence à Adam et Ève pour al­ler jusqu’au VIIe siècle apr. J.-C., où elle fut écrite. Comme on s’y at­ten­drait, l’étendue des cha­pitres et leur in­té­rêt vont crois­sant à me­sure qu’on ap­proche de l’époque de l’auteur et culminent avec la conquête de l’Égypte par les mu­sul­mans, dont la Chro­nique offre un té­moi­gnage ocu­laire de pre­mière im­por­tance. L’original copte fut, à une époque in­cer­taine, tra­duit en arabe, et de l’arabe en éthio­pien. Nous n’avons plus que cette der­nière ver­sion (XVIIe siècle apr. J.-C.). Elle est due à un diacre égyp­tien (nommé Ga­briel) émi­gré en Éthio­pie et qui de­vait sa­voir mal la langue in­di­gène, car il a vu sa co­pie ré­vi­sée par un let­tré éthio­pien (nommé Mĕḫĕrkā Dĕngĕl2). Nous sa­vons peu de choses sur l’auteur ori­gi­nal (Jean) qui s’est mo­des­te­ment abs­tenu de par­ler de lui-même. La ville dont il était l’évêque s’appelait Ni­kious ou Ni­kiou3, et ses ruines se si­tuent près de l’actuelle ville de Me­nouf, au Nord de l’Égypte. Dans la pré­face pla­cée au com­men­ce­ment du livre par le tra­duc­teur arabe et re­pro­duite dans la ver­sion éthio­pienne, le nom de Jean est ac­com­pa­gné du titre de « mu­dab­bar »4 ou « mu­dabbĕr »5, du mot arabe « mu­dab­bir »6 (« ad­mi­nis­tra­teur »), qui dé­signe ici un « rec­teur des cou­vents ». Or, l’évêque Sé­vère, dans son « His­toire des pa­triarches d’Alexandrie », dit que ce titre de « mu­dab­bir » avait été conféré à Jean par le pa­triarche Si­mon, mais qu’il en fut dé­chu sous ce même pa­triarche dans les cir­cons­tances que voici : Il ar­riva que quelques moines en­le­vèrent une jeune re­li­gieuse, l’amenèrent dans la val­lée de Ha­bib et la vio­lèrent. Sur l’ordre de Jean, les au­teurs du mé­fait su­birent une pu­ni­tion si sé­vère, que l’un d’eux en mou­rut dix jours après. Alors, les autres évêques de la contrée se réunirent ; et Jean, pour avoir ex­cédé les li­mites du châ­ti­ment cor­po­rel per­mis, fut privé de son titre de « mu­dab­bir », in­ter­dit des fonc­tions épis­co­pales et ré­duit à la condi­tion d’un simple moine. On peut donc pré­su­mer qu’il écri­vit sa Chro­nique peu avant sa des­ti­tu­tion, entre les an­nées 692 et 700.

  1. Par­fois trans­crit Jean de Ni­kiu. Haut
  2. En éthio­pien ምኅርካ ፡ ድንግል ፡. Haut
  3. En grec Νικίους ou Νικίου. Haut
  1. En éthio­pien ሙደበር ፡. Au­tre­fois trans­crit « mou­dab­bar ». Haut
  2. En éthio­pien ሙደብር ፡. Au­tre­fois trans­crit « mou­dab­ber ». Haut
  3. En arabe مدبّر. Au­tre­fois trans­crit « mou­dab­bir ». Haut

« Hypatie : l’étoile d’Alexandrie »

éd. Arléa, coll. Post Scriptum, Paris

éd. Ar­léa, coll. Post Scrip­tum, Pa­ris

Il s’agit d’Hypatie1, femme sa­vante, ad­mi­rable par sa vertu, et que les chré­tiens d’Alexandrie tuèrent bar­ba­re­ment pour sa­tis­faire l’orgueil, le fa­na­tisme et la cruauté de leur pa­triarche Cy­rille (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Elle eut pour père Théon d’Alexandrie, phi­lo­sophe, as­tro­nome et ma­thé­ma­ti­cien. Elle s’occupa des mêmes sciences que son père et s’y dis­tin­gua tel­le­ment, que sa mai­son de­vint bien­tôt le ren­dez-vous des pre­miers ma­gis­trats de la ville, des let­trés et des in­tel­lec­tuels. On la re­pré­sente al­lant cou­verte du man­teau des phi­lo­sophes, fixant tous les re­gards sur elle, mais in­sou­ciante de sa beauté, ex­pli­quant à qui dé­si­rait l’entendre soit Pla­ton, soit tout autre pen­seur. On se pres­sait en foule à ses le­çons : « il y avait », dit l’encyclopédie Souda2, « une grande bous­cu­lade à sa porte “d’hommes et de che­vaux en­semble”3, les uns qui s’en ap­pro­chaient, les autres qui s’en éloi­gnaient, d’autres en­core qui at­ten­daient ». On ne consi­dé­rait pas comme in­dé­cent qu’elle se trou­vât parmi tant d’hommes, car tous la res­pec­taient en rai­son de son ex­trême éru­di­tion et de la gra­vité de ses ma­nières. De plus, les sciences ac­qué­raient un charme spé­cial en pas­sant par sa gra­cieuse bouche et par sa douce voix de femme. L’un de ceux qui as­sis­taient à ses cours, ra­conte l’encyclopédie Souda, ne fut pas ca­pable de conte­nir son dé­sir et lui dé­clara sa flamme ; en guise de ré­ponse, elle ap­porta un linge en­san­glanté de ses mens­trua­tions et le lui lança, en di­sant : « Voilà ce dont tu es épris, jeune homme, et ce n’est pas quelque chose de bien beau ! »4 Elle compta parmi ses dis­ciples Sy­né­sios de Cy­rène, et les lettres de ce der­nier té­moignent suf­fi­sam­ment de son en­thou­siasme et de sa ré­vé­rence pour celle qu’il ap­pelle « ma mère, ma sœur, mon maître et, à tous ces titres, ma bien­fai­trice ; l’être et le nom qui me sont les plus chers au monde »5. La CXXIVe lettre de Sy­né­sios com­mence ainsi : « “Même quand les morts ou­blie­raient chez Ha­dès”6, moi, je me sou­vien­drai, là-bas en­core, de ma chère Hy­pa­tie ». D’autre part, on trouve dans l’« An­tho­lo­gie grecque », sous la plume de Pal­la­das, cette épi­gramme à l’honneur de la femme phi­lo­sophe : « Toutes tes pen­sées, toute ta vie ont quelque chose de cé­leste, au­guste Hy­pa­tie, gloire de l’éloquence, astre pur de la sa­gesse et du sa­voir »

  1. En grec Ὑπατία. Au­tre­fois trans­crit Hi­pa­thia, Hy­pa­thia, Hy­pa­thie, Hi­pa­tia ou Hy­pa­tia. Haut
  2. En grec « πολὺν ὠθισμὸν ὄντα πρὸς ταῖς θύραις, ἐπιμὶξ ἀνδρῶν τε καὶ ἵππων, τῶν μὲν προσιόντων τῶν δὲ ἀπιόντων τῶν δὲ καὶ προσισταμένων ». Haut
  3. « L’Iliade », liv. XXI, v. 16. Haut
  1. En grec « Τούτου μέντοι ἐρᾷς, ὦ νεανίσκε, καλοῦ δὲ οὐδενός ». Haut
  2. lettre XVI. Haut
  3. « L’Iliade », liv. XXII, v. 389. Haut

Gontcharov, « La Frégate Pallas »

éd. L’Âge d’homme, coll. Classiques slaves, Lausanne

éd. L’Âge d’homme, coll. Clas­siques slaves, Lau­sanne

Il s’agit de « La Fré­gate Pal­las » (« Fre­gat Pal­lada »1), une sé­rie de lettres et de notes écrites par Ivan Alexan­dro­vitch Gont­cha­rov pen­dant son voyage au­tour du monde (1852-1855). Ce fut à la grande sur­prise de ses amis qui le sa­vaient le plus ca­sa­nier des hommes, que Gont­cha­rov ac­cepta en 1852 de prendre part à un voyage di­plo­ma­tique vi­sant à de­van­cer les An­glais et les Amé­ri­cains en ou­vrant l’Extrême-Orient au com­merce russe. Le père d’« Oblo­mov », le ro­man­cier de la pa­resse et de la non­cha­lance, le cam­pa­gnard « né au mi­lieu des terres et n’ayant ja­mais vu la mer »2, le voilà donc à bord d’une fré­gate prête à le­ver l’ancre ! Ce voyage in­at­tendu était en fait la réa­li­sa­tion d’un vieux rêve, ins­piré par les ré­cits de ma­rins en­ten­dus dans son en­fance ; c’était aussi une sorte de coup de tête, le pre­mier et le der­nier qu’on connaisse à l’actif de Gont­cha­rov. Lui-même, une fois que la fré­gate fut au large, s’étonna de son au­dace et me­sura en­fin l’énormité de son en­tre­prise ; puis, il se sen­tit fai­blir, as­sailli de mille ap­pré­hen­sions : le mal de mer, les cli­mats tro­pi­caux, les fièvres ma­lignes, les tem­pêtes — sur­tout les tem­pêtes. « Je me ré­veillais », dit-il3, « trem­blant et en sueur ; car un na­vire, après tout, aussi so­lide soit-il, aussi adapté à son élé­ment, qu’est-ce d’autre qu’un mor­ceau de bois, une cor­beille sur l’eau… ? » Mais, tant bien que mal, il sur­monta ses peurs. Il par­vint à se per­sua­der que l’homme mo­derne avait di­mi­nué les in­cer­ti­tudes des voyages et les dan­gers qui les ac­com­pa­gnaient. On n’était plus au temps où Co­lomb et Vasco de Gama, du pont de leur na­vire, leur fi­gure tour­née vers le large, ten­taient de son­der le mys­tère qui s’étendait de­vant eux. « L’homme de lettres qui voyage [aujourd’hui], bâille mol­le­ment, re­garde l’océan sans bornes avec in­do­lence, se de­mande s’il y a de bons hô­tels au Bré­sil, des blan­chis­seuses sur les îles Sand­wich, ou com­ment se rendre en Aus­tra­lie », dit Gont­cha­rov. Et il conclut : « Les par­ties du monde se rap­prochent : d’Europe en Amé­rique, il n’y a qu’un pas [grâce aux] pro­grès gi­gan­tesques de la na­vi­ga­tion. Pres­sons-nous donc de nous mettre en route ; car la poé­sie des loin­tains voyages dis­pa­raît non de jour en jour, mais d’heure en heure ! Peut-être sommes-nous les der­niers grands voya­geurs au sens où l’étaient les Ar­go­nautes »

  1. En russe « Фрегат Паллада ». Haut
  2. p. 15. Haut
  1. p. 17. Haut

Erfan, « La 602e Nuit : nouvelles »

éd. de l’Aube, coll. Regards croisés, La Tour d’Aigues

éd. de l’Aube, coll. Re­gards croi­sés, La Tour d’Aigues

Il s’agit de « La 602e Nuit » de M. Ali Er­fan, écri­vain ira­nien de langue fran­çaise. Né à Is­pa­han en 1946, il fait par­tie de ces hommes de théâtre, ces ci­néastes, ces ar­tistes que l’évolution po­li­tique de leur pays a me­nés à la pri­son et à l’exil. Quand son deuxième film a été pro­jeté, le mi­nistre de la Culture ira­nien, pré­sent dans la salle, a dé­claré à la fin : « Le seul mur blanc sur le­quel on n’a pas en­core versé le sang des im­purs, c’est l’écran de ci­néma. Si on exé­cute ce traître, et que cet écran de­vient rouge, tous les ci­néastes com­pren­dront qu’on ne peut pas jouer avec les in­té­rêts du peuple mu­sul­man »1. Il a quitté alors l’Iran pour pour­suivre une car­rière d’écrivain à Pa­ris. Bien que cette car­rière soit loin d’être fi­nie, je m’autorise, dès à pré­sent, à ré­su­mer les prin­ci­pales et dif­fé­rentes qua­li­tés de M. Er­fan et comme les élé­ments consti­tu­tifs de son gé­nie. 1o Le goût de l’intrigue trou­blante, ra­pide, sombre. « Mon ré­cit », dit M. Er­fan, « sera ra­pide comme l’ange de la mort lorsqu’il sur­git par la fe­nêtre ou par la fente sous la porte, s’empare de l’âme du pire des ty­rans et dis­pa­raît aus­si­tôt par le même che­min, en em­por­tant l’âme d’un poète »2. 2o La nos­tal­gie de la pa­trie, de la langue na­tale, de l’enfance. Chaque fois qu’il en­tre­prend d’écrire, M. Er­fan cherche le temps de sa pre­mière jeu­nesse. Il goûte l’extase de la mé­moire, le plai­sir de re­trou­ver les choses per­dues et ou­bliées dans la langue na­tale. Et comme cette mé­moire re­trou­vée ne ra­conte pas ce qui s’est passé réel­le­ment, mais ce qui au­rait pu se pas­ser, c’est elle le vé­ri­table écri­vain ; et M. Er­fan est son pre­mier lec­teur : « Main­te­nant, je connais [la langue fran­çaise]. Mais je ne veux pas par­ler… Ma­dame dit : “Mon chéri, dis : jas­min”. Je ne veux pas. Je veux pro­non­cer le nom de la fleur qui était dans notre mai­son. Com­ment s’appelait-elle ? Pour­quoi est-ce que je ne me sou­viens pas ? Cette grande fleur qui pous­sait au coin de la cour. Qui mon­tait, qui tour­nait. Elle grim­pait par-des­sus la porte de notre mai­son, et elle re­tom­bait dans la rue… Com­ment s’appelait-elle ? Elle sen­tait bon. Ma­dame dit en­core : “Dis, mon chéri”. Moi, je pleure, je pleure… »3 3o L’absence de phi­lo­so­phie mo­rale, d’idéal, de sen­ti­ment re­li­gieux. Si M. Er­fan n’a pas la joie de croire, c’est là son dé­faut, ou plu­tôt son mal­heur, mais un mal­heur te­nant à une cause fort grave, je veux dire les crimes que M. Er­fan a vu com­mettre au nom d’une re­li­gion dont les pré­ceptes ont été dé­na­tu­rés et dé­tour­nés de leur pro­pos et de leur vé­ri­table si­gni­fi­ca­tion : « Il ou­vrit sans hâte l’un des épais dos­siers [de la Ré­pu­blique is­la­mique], en re­tira un feuillet, l’examina et, tout d’un coup, s’écria : “En­fer­mez cette femme dans un sac de jute et je­tez-lui des pierres jusqu’à ce qu’elle crève comme un chien… Que le père étrangle son fils de ses propres mains… Vio­lez la fillette de douze ans mal­gré son re­pen­tir et, entre ses jambes, ti­rez son foie” »

  1. Dans Ma­thieu Lin­don, « L’Enfer pa­ra­di­siaque d’Ali Er­fan ». Haut
  2. « Le Der­nier Poète du monde », p. 11. Haut
  1. id. p. 82. Haut

Erfan, « La Route des infidèles : roman »

éd. de l’Aube, coll. Regards croisés, La Tour d’Aigues

éd. de l’Aube, coll. Re­gards croi­sés, La Tour d’Aigues

Il s’agit de « La Route des in­fi­dèles » de M. Ali Er­fan, écri­vain ira­nien de langue fran­çaise. Né à Is­pa­han en 1946, il fait par­tie de ces hommes de théâtre, ces ci­néastes, ces ar­tistes que l’évolution po­li­tique de leur pays a me­nés à la pri­son et à l’exil. Quand son deuxième film a été pro­jeté, le mi­nistre de la Culture ira­nien, pré­sent dans la salle, a dé­claré à la fin : « Le seul mur blanc sur le­quel on n’a pas en­core versé le sang des im­purs, c’est l’écran de ci­néma. Si on exé­cute ce traître, et que cet écran de­vient rouge, tous les ci­néastes com­pren­dront qu’on ne peut pas jouer avec les in­té­rêts du peuple mu­sul­man »1. Il a quitté alors l’Iran pour pour­suivre une car­rière d’écrivain à Pa­ris. Bien que cette car­rière soit loin d’être fi­nie, je m’autorise, dès à pré­sent, à ré­su­mer les prin­ci­pales et dif­fé­rentes qua­li­tés de M. Er­fan et comme les élé­ments consti­tu­tifs de son gé­nie. 1o Le goût de l’intrigue trou­blante, ra­pide, sombre. « Mon ré­cit », dit M. Er­fan, « sera ra­pide comme l’ange de la mort lorsqu’il sur­git par la fe­nêtre ou par la fente sous la porte, s’empare de l’âme du pire des ty­rans et dis­pa­raît aus­si­tôt par le même che­min, en em­por­tant l’âme d’un poète »2. 2o La nos­tal­gie de la pa­trie, de la langue na­tale, de l’enfance. Chaque fois qu’il en­tre­prend d’écrire, M. Er­fan cherche le temps de sa pre­mière jeu­nesse. Il goûte l’extase de la mé­moire, le plai­sir de re­trou­ver les choses per­dues et ou­bliées dans la langue na­tale. Et comme cette mé­moire re­trou­vée ne ra­conte pas ce qui s’est passé réel­le­ment, mais ce qui au­rait pu se pas­ser, c’est elle le vé­ri­table écri­vain ; et M. Er­fan est son pre­mier lec­teur : « Main­te­nant, je connais [la langue fran­çaise]. Mais je ne veux pas par­ler… Ma­dame dit : “Mon chéri, dis : jas­min”. Je ne veux pas. Je veux pro­non­cer le nom de la fleur qui était dans notre mai­son. Com­ment s’appelait-elle ? Pour­quoi est-ce que je ne me sou­viens pas ? Cette grande fleur qui pous­sait au coin de la cour. Qui mon­tait, qui tour­nait. Elle grim­pait par-des­sus la porte de notre mai­son, et elle re­tom­bait dans la rue… Com­ment s’appelait-elle ? Elle sen­tait bon. Ma­dame dit en­core : “Dis, mon chéri”. Moi, je pleure, je pleure… »3 3o L’absence de phi­lo­so­phie mo­rale, d’idéal, de sen­ti­ment re­li­gieux. Si M. Er­fan n’a pas la joie de croire, c’est là son dé­faut, ou plu­tôt son mal­heur, mais un mal­heur te­nant à une cause fort grave, je veux dire les crimes que M. Er­fan a vu com­mettre au nom d’une re­li­gion dont les pré­ceptes ont été dé­na­tu­rés et dé­tour­nés de leur pro­pos et de leur vé­ri­table si­gni­fi­ca­tion : « Il ou­vrit sans hâte l’un des épais dos­siers [de la Ré­pu­blique is­la­mique], en re­tira un feuillet, l’examina et, tout d’un coup, s’écria : “En­fer­mez cette femme dans un sac de jute et je­tez-lui des pierres jusqu’à ce qu’elle crève comme un chien… Que le père étrangle son fils de ses propres mains… Vio­lez la fillette de douze ans mal­gré son re­pen­tir et, entre ses jambes, ti­rez son foie” »

  1. Dans Ma­thieu Lin­don, « L’Enfer pa­ra­di­siaque d’Ali Er­fan ». Haut
  2. « Le Der­nier Poète du monde », p. 11. Haut
  1. id. p. 82. Haut

« Mission Pavie. Géographie et Voyages. Tome VII. Journal de marche • Événements du Siam »

éd. E. Leroux, Paris

éd. E. Le­roux, Pa­ris

Il s’agit d’Auguste Pa­vie, ex­plo­ra­teur fran­çais (XIXe-XXe siècle) qui, seul ou avec quelques com­pa­gnons fi­dèles, sillonna pen­dant des dé­cen­nies le Cam­bodge et le Laos. La vo­ca­tion d’explorateur de Pa­vie, ti­mide et mo­deste ser­gent, fils de ses œuvres, ne se ré­véla que dans le pe­tit port cam­bod­gien de Kam­pot1, où il dé­bar­qua en tant qu’agent du té­lé­graphe. Dans un pre­mier temps, il vé­cut isolé, seul Eu­ro­péen ; mais sé­duit par le charme du pays et des ha­bi­tants, il cher­cha à connaître leur langue et leurs cou­tumes. Un bonze let­tré lui ser­vit d’initiateur. Pa­vie dé­cou­vrit chez ce der­nier « une sorte de coffre la­qué rouge et noir, orné de do­rures, et [conte­nant] plu­sieurs cen­taines de ma­nus­crits sur feuilles de pal­mier… : livres sur l’astronomie, l’astrologie, la chi­ro­man­cie et la di­vi­na­tion… ; ro­mans [re­la­tant] les exis­tences pas­sées du Boud­dha ; [ma­nuels] sur les usages : édu­ca­tion, codes, lois »2. En même temps qu’il était charmé par les édi­fices de la bon­ze­rie qui dor­maient à l’ombre des fi­guiers, Pa­vie en­tre­voyait toute la ri­chesse de cette an­tique ci­vi­li­sa­tion khmère dont des « restes de lit­té­ra­ture et de théâtre », de « vagues idées de des­sin et de mu­sique » conser­vaient pieu­se­ment « un sou­ve­nir né­bu­leux »3. Pa­vie se mit à s’entretenir fa­mi­liè­re­ment avec les ha­bi­tants et ac­quit peu à peu une connais­sance in­time de l’âme in­di­gène qui lui ser­vit par la suite. De ses sor­ties au bord de la mer, il rap­porta en outre une col­lec­tion de mol­lusques et de co­quilles, qu’il en­voya à l’Exposition de Saï­gon. Ces tra­vaux re­tinrent l’attention de Le Myre de Vi­lers, gou­ver­neur de Co­chin­chine. Chargé par ce der­nier en 1880 d’une pre­mière et dure mis­sion, Pa­vie par­cou­rut la ré­gion in­ex­plo­rée qui s’étendait du golfe de Siam au Mé­kong, en dres­sant une carte et une re­la­tion de voyage afin d’établir une ligne té­lé­gra­phique. Ce fut chose faite en 1883 avec la ligne Saï­gon-Bang­kok de plus d’un mil­lier de ki­lo­mètres. Pa­vie avait mon­tré de telles dis­po­si­tions, qu’on le char­gea aus­si­tôt d’une autre mis­sion : celle d’explorer le Laos afin d’élaborer la pre­mière carte com­plète de l’Indochine. Pa­reilles mis­sions étaient peut-être un hon­neur, mais com­bien les au­raient re­fu­sées ! Si Pa­vie les ac­cepta, c’est par crainte de se faire de­van­cer ; car il vou­lait être le pre­mier in­ven­teur de ces fo­rêts et de ces monts où même les in­di­gènes ne s’aventuraient qu’à contre­cœur. « Faites », dit-il, en avouant la pointe d’orgueil dans ses pro­jets4, « faites que je sois le pre­mier ; que j’aille le plus loin ; que je parte tout de suite et tout seul ; et qu’on s’en rap­porte à moi. La France et la Ré­pu­blique n’auront ja­mais été mieux ser­vies, dites-le-leur. Le gou­ver­ne­ment de Co­chin­chine, m’ayant cru, m’a chargé d’unir Saï­gon à Bang­kok ; c’est fini. Je veux mar­cher en avant… ; chose na­tu­relle, il me faut une tâche plus grande… Si vous vou­lez, je l’aurai. Don­nez donc. Vive la Ré­pu­blique ! »

  1. En khmer កំពត. Haut
  2. « Géo­gra­phie et Voyages. Tome I », p. 14-15. Haut
  1. « Études di­verses. Tome I », p. XII. Haut
  2. « Lettre à Jules Har­mand du 15.VI.1883 » dans Dion, « Au­guste Pa­vie », p. 68. Haut