Icône Mot-clefrusse

Andreïev, « Récits complets. Tome I. Le Gouffre et Autres Récits »

éd. J. Corti, coll. Domaine étranger, Paris

éd. J. Corti, coll. Do­maine étran­ger, Pa­ris

Il s’agit du «Gouffre» («Bezdna» 1) et autres nou­velles de  2, au­teur à la char­nière du XIXe et XXe siècle. À la de son père, qui exer­çait la pro­fes­sion d’arpenteur-géomètre, An­dreïev était en­core au col­lège. Sa mère, is­sue d’une po­lo­naise désar­gen­tée, se trouva sans res­sources. Le jeune connut la mi­sère noire. Un jour, le cœur gros, il pré­senta à un quo­ti­dien un ré­cit ayant pour su­jet un étu­diant tou­jours af­famé, les nerfs à vif — sa propre . On lui dit de re­ve­nir dans une ou deux se­maines pour sa­voir s’il était ac­cepté. Il y re­tourna, com­pri­mant son dans l’ de la dé­ci­sion. Elle lui vint sous la forme d’un grand éclat de du di­rec­teur, qui dé­clara que sa prose ne va­lait rien. À quelque de là, dans une heure de pul­sion mor­ti­fère, An­dreïev se ti­rait un coup de ré­vol­ver dans le cœur. On le sauva. Mais ce­lui qui, comme lui, a été si proche d’une fin vo­lon­taire reste en proie à une ob­ses­sion per­ma­nente, une trouble at­ti­rance pour les gouffres de l’ et la . En 1897, son di­plôme d’avocat en poche, il ob­tint une place de chro­ni­queur ju­di­ciaire et put en­fin pu­blier ses nou­velles et ses feuille­tons si fou­gueux, si spon­ta­nés, par­fois si bi­zarres, qui l’imposèrent à l’attention du pu­blic russe comme l’un des brillants re­pré­sen­tants du tour­nant du siècle. Il y prend place après Tol­stoï à qui il dé­die d’ailleurs l’« des sept pen­dus». Je me dois de dire quelques mots sur cette «His­toire», sans la plus réus­sie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en sub­stance, que ce qu’annonce le titre : les psy­cho­lo­giques de sept jeunes condam­nés qui s’apprêtent à su­bir le sup­plice de la pen­dai­son; les vi­sites su­prêmes de leurs pa­rents qui viennent avec la ré­so­lu­tion de leur rendre plus lé­gers ces der­niers mo­ments, mais qui fi­nissent par fondre en larmes; puis, l’horreur et la beauté se­reine, en même temps, de leurs ca­davres qui «sa­luent le »

  1. En russe «Бездна». Par­fois trans­crit «Biezdna». Icône Haut
  1. En russe Леонид Андреев. Par­fois trans­crit Léo­nide An­dréieff, Léo­nid An­dréief, Léo­nide An­dreyew, Leo­nid An­dréyev ou Léo­nide An­dréev. Icône Haut

Gogol, « Œuvres complètes »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit des «Âmes mortes» («Miort­vyïé dou­chi» 1) et autres œuvres de Ni­co­las Go­gol 2. L’un des in­for­ma­teurs du vi­comte de Vogüé pour «Le », un vieil de lettres 3, té­moi­gnant du fait que Go­gol était de­venu le mo­dèle de la prose, comme Pou­ch­kine — ce­lui de la , avait dé­claré en  : «Nous sommes tous sor­tis du “Man­teau” de Go­gol» 4. Cette for­mule a bien plu. Elle a été en­suite tra­duite par plu­sieurs jour­naux russes, tant elle est de­ve­nue connue et «la chose de tous». On connaît moins Go­gol lui-même qui, à plu­sieurs égards, était un homme privé et mys­té­rieux. On peut le dire, il y avait en lui quelque chose du dé­mon. Un pou­voir sur­na­tu­rel fai­sait étin­ce­ler ses yeux; il sem­blait par mo­ments que l’irrationnel et l’effrayant le pé­né­traient de part en part et im­pri­maient sur ses œuvres une marque in­ef­fa­çable. Si, par la suite, la s’est si­gna­lée par une cer­taine exal­ta­tion dé­ré­glée, tour­men­tée, une cer­taine contra­dic­tion in­té­rieure, une psy­chose guet­tant constam­ment, ca­chée au tour­nant; si elle a même fa­vo­risé ce type de ca­rac­tères, elle a suivi en tout cela l’exemple de Go­gol. Cet au­teur mi-russe, mi- avait une double et vi­vait dans un dé­dou­blé — le monde réel et le monde des lou­foques, ter­ri­fiants. Et non seule­ment ces deux mondes pa­ral­lèles se ren­con­traient, mais en­core ils se contor­sion­naient et se confon­daient d’une fa­çon ex­tra­va­gante dans son es­prit dé­li­rant, «comme deux pi­liers, qui se re­flètent dans l’, se livrent aux contor­sions les plus folles quand les re­mous de l’onde s’y prêtent» 5. C’est «Le Nez» («Nos» 6), ana­gramme du «Rêve» («Son» 7), où ce si par­ti­cu­lier de Go­gol s’est dé­ployé li­bre­ment pour la toute pre­mière fois. Que l’on pense au dé­but de la  : «À son im­mense stu­pé­fac­tion, il s’aperçut que la place que son nez de­vait oc­cu­per ne pré­sen­tait plus qu’une sur­face lisse! Tout alarmé, Ko­va­liov se fit ap­por­ter de l’eau et se frotta les yeux avec un es­suie-mains : le nez avait bel et bien dis­paru!» Voilà que toutes les fon­da­tions du réel va­cillent, mais le fonc­tion­naire go­go­lien est à peine conscient de ce qui lui ar­rive. Confronté à une ville ab­surde et fan­tas­ma­go­rique, un «Go­gol­grad» in­quié­tant, où le lui-même al­lume les lampes et éclaire les choses pour les mon­trer sous un as­pect illu­soire et trom­peur, ce pe­tit homme grugé, floué avance à tâ­tons dans la brume, en s’accrochant or­gueilleu­se­ment et pué­ri­le­ment à ses fonc­tions bu­reau­cra­tiques. «La ville a beau lui jouer les tours les plus pen­dables, le ber­ner ou le châ­trer mo­men­ta­né­ment, ce per­son­nage ca­mé­léo­nesque et in­si­gni­fiant ne re­nonce ja­mais à s’incruster, à s’enraciner, fût-ce dans l’inexistant. [Il] res­tera cha­touilleux sur son grade et ses pré­ro­ga­tives jusqu’à [sa] dis­so­lu­tion com­plète dans le non-être… In­changé, il ré­ap­pa­raî­tra chez un Kafka», dit très bien M. Georges Ni­vat.

  1. En russe «Мёртвые души». Par­fois trans­crit «Mjortwyje du­schi», «Mertwyja du­schi», «Mjortwye du­schi», «Mertwya du­schi», «Myort­vyye du­shi», «Miort­vyye du­shi», «Mjort­vye dusi», «Mert­vye duši», «Mèrt­vyia doû­chi», «Miort­via dou­chi», «Meurt­via dou­chi» ou «Mert­viia dou­chi». Icône Haut
  2. En russe Николай Гоголь. Par­fois trans­crit Ni­ko­laj Go­gol, Ni­ko­laï Go­gol ou Ni­co­laï Go­gol. Icône Haut
  3. Sans Dmi­tri Gri­go­ro­vitch, comme une re­marque à la page 208 du «» le laisse pen­ser : «M. Gri­go­ro­vitch, qui tient une place ho­no­rée dans les lettres…, m’a confirmé cette anec­dote». Icône Haut
  4. «Le Ro­man russe», p. 96. Icône Haut
  1. Na­bo­kov, «Ni­ko­laï Go­gol». Icône Haut
  2. En russe «Нос». Par­fois trans­crit «Noss». Icône Haut
  3. En russe «Сон». Icône Haut

« Les Auteurs du printemps russe. Galitch »

éd. Noir sur blanc, Montricher

éd. Noir sur blanc, Mon­tri­cher

Il s’agit de M. Alexandre Ga­litch 1, poète-chan­son­nier (XXe siècle). Avec son pen­chant à la cor­ro­sive, son ma­nie­ment de l’argot des camps, son art de sai­sir les dé­tails pi­quants de la des classes in­fé­rieures ou per­sé­cu­tées aux­quelles il ap­par­te­nait, M. Ga­litch a inau­guré, gui­tare au poing, le genre du court sketch mis en vers et rendu avec une sû­reté éton­nante dans les ac­cents et l’intonation. Dis­si­dentes, sub­ver­sives, ses bal­lades gê­naient le pou­voir, qui ne pou­vait leur par­don­ner de dire à haute ce que l’ de la masse, l’homme de la rue pen­sait tout bas. Ré­pan­dues très vite grâce à la du ma­gné­to­phone, elles raillaient la no­menk­la­tura bu­reau­cra­tique et ses pri­vi­lèges («pri­vi­lèges no­menk­la­tu­raux, tra­hi­sons no­menk­la­tu­rales», chan­taient-elles en re­frain) ainsi que l’humeur peu­reuse des pe­tits comme ce­lui qui, ayant rêvé qu’il était le géant At­las, ne parla de son rêve «ni à sa fille ni à sa femme» («ni dot­cheri ni jené» 2) pour ne pas éveiller de soup­çons. Aussi, en dé­pit de leur qua­lité , en dé­pit de la po­pu­la­rité de leur au­teur, de­venu l’une des «voix de che­vet» des étu­diants et an­ti­con­for­mistes so­vié­tiques, elles n’avaient au­cune d’être im­pri­mées dans les re­vues au­to­ri­sées. On ne les pu­blia qu’à l’étranger : en 1969, 1972 et 1974 à Franc­fort sous le titre de «» («Pesni» 3) ou «La Gé­né­ra­tion per­due» 4Po­ko­lé­nié obret­chion­nykh» 5) de même qu’en 1971 à Pa­ris sous le titre de «Poèmes de » («Poemy Ros­sii» 6). Ces pa­ru­tions clan­des­tines ag­gra­vèrent en­core le cas de M. Ga­litch aux yeux des au­to­ri­tés. Ex­pulsé de l’Union des et celle des ci­néastes, vi­sité par des agents de sur­veillance, convo­qué au KGB, rayé des scènes où il avait par­ti­cipé en tant qu’acteur, sans par­ler des en­re­gis­tre­ments de ses bal­lades qu’on confis­quait chez ses amis, M. Ga­litch se vit contraint en 1974 de quit­ter cette Rus­sie à la­quelle il était pour­tant vis­cé­ra­le­ment at­ta­ché.

  1. En russe Александр Галич. Par­fois trans­crit Alexan­der Ga­lich, Alek­sandr Ga­licz ou Alek­sandr Ga­lič. De son vrai nom Alexandre Aro­no­vitch Guinz­bourg (Александр Аронович Гинзбург). Par­fois trans­crit Gins­burg, Guins­bourg, Ginz­burg ou Ginz­bourg. Icône Haut
  2. En russe «ни дочери ни жене» Icône Haut
  3. En russe «Песни» Icône Haut
  1. Au­tre­fois tra­duit «La Gé­né­ra­tion des condam­nés». Icône Haut
  2. En russe «Поколение обречённых». Par­fois trans­crit «Po­ko­le­nie obret­chen­nych» ou «Po­ko­le­nie obre­chen­nykh». Icône Haut
  3. En russe «Поэмы России». Icône Haut

Béliaev, « L’Île des navires perdus »

éd. Lingva, coll. Classiques populaires, Lisieux

éd. Lingva, coll. Clas­siques po­pu­laires, Li­sieux

Il s’agit du «L’Île des per­dus» («Os­trov po­guib­chikh ko­ra­bleï» 1) d’ 2, un des seuls à avoir consa­cré toute son œuvre à la science-. Il y a un épi­sode tra­gique dans la de Bé­liaev sans le­quel nous ne com­pren­drions ja­mais que la moi­tié de cet écri­vain; sans le­quel un côté de cet nous échap­pe­rait tou­jours. Un après-midi, le gar­çon qui por­tait le pré­nom or­di­naire d’Alexandre, eut le ex­tra­or­di­naire de s’envoler dans les airs. Aus­si­tôt dé­cidé, aus­si­tôt fait. Il at­ta­cha des ba­lais à ses bras, monta sur le toit de la grange, et presque sans hé­si­ta­tion… sauta en bas. Loin de trou­ver le saut désa­gréable, il en fit, tout ex­cité, un se­cond et un troi­sième; mais au der­nier, il se frac­tura la co­lonne ver­té­brale et fut cloué au lit. Il sem­bla en voie de ; mais en 1916 se dé­clara une tu­ber­cu­lose os­seuse — ma­la­die grave, dont les at­taques dou­lou­reuses l’obligèrent à por­ter un cor­set or­tho­pé­dique jusqu’à la fin de sa vie. Rien ne put ar­rê­ter, ce­pen­dant, l’envol de son . Af­fran­chir les hommes des li­mites que la leur a po­sées, dans l’espoir — illu­soire sans — que cet af­fran­chis­se­ment les ren­drait maîtres de leur des­tin, telle fut l’ambition de Bé­liaev en­fermé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital. Ainsi, «La Tête du pro­fes­seur Do­well» («Go­lova pro­fes­sora Dooué­lia» 3) dé­bar­rasse l’esprit hu­main du ; «L’Homme qui ne dort ja­mais» («Tché­lo­vek, ko­to­ryi né spit» 4) le li­bère du som­meil; «Le Maître du » («Vlas­té­line mira» 5) en­vi­sage la brillante pers­pec­tive de l’homme de­venu té­lé­pathe; «L’Homme am­phi­bie» («Tché­lo­vek-am­fi­bia» 6) dé­crit le pre­mier pois­son parmi les hommes ou le pre­mier homme parmi les pois­sons : «L’idée est tou­jours la même», dit Bé­liaev dans ce ro­man, son plus im­por­tant et son plus cé­lèbre, «l’être hu­main n’est pas par­fait. Tout en ayant ac­quis au cours de l’ bon nombre d’avantages en com­pa­rai­son de ses pré­da­teurs , [il] a dans le même perdu beau­coup de ce qu’il pos­sé­dait dans les stades plus an­ciens de son dé­ve­lop­pe­ment… Pour­quoi ne pas rendre à l’être hu­main [ces] fa­cul­tés?»

  1. En «Остров погибших кораблей». Icône Haut
  2. En russe Александр Беляев. Par­fois trans­crit Bel­jaev, Be­lyaev, Be­lâev, Be­lyayev, Bel­ja­jew, Bel­ja­jev, Be­liaew ou Bé­liaïev. Icône Haut
  3. En russe «Голова профессора Доуэля». Icône Haut
  1. En russe «Человек, который не спит», in­édit en . Icône Haut
  2. En russe «Властелин мира», in­édit en fran­çais. Icône Haut
  3. En russe «Человек-амфибия». Icône Haut

Béliaev, « L’Homme amphibie »

éd. L’Âge d’homme, coll. Classiques slaves, Lausanne

éd. L’Âge d’, coll. Clas­siques slaves, Lau­sanne

Il s’agit du «L’Homme am­phi­bie» d’ 1, un des seuls à avoir consa­cré toute son œuvre à la science-. Il y a un épi­sode tra­gique dans la de Bé­liaev sans le­quel nous ne com­pren­drions ja­mais que la moi­tié de cet écri­vain; sans le­quel un côté de cet homme nous échap­pe­rait tou­jours. Un après-midi, le gar­çon qui por­tait le pré­nom or­di­naire d’Alexandre, eut le ex­tra­or­di­naire de s’envoler dans les airs. Aus­si­tôt dé­cidé, aus­si­tôt fait. Il at­ta­cha des ba­lais à ses bras, monta sur le toit de la grange, et presque sans hé­si­ta­tion… sauta en bas. Loin de trou­ver le saut désa­gréable, il en fit, tout ex­cité, un se­cond et un troi­sième; mais au der­nier, il se frac­tura la co­lonne ver­té­brale et fut cloué au lit. Il sem­bla en voie de ; mais en 1916 se dé­clara une tu­ber­cu­lose os­seuse — ma­la­die grave, dont les at­taques dou­lou­reuses l’obligèrent à por­ter un cor­set or­tho­pé­dique jusqu’à la fin de sa vie. Rien ne put ar­rê­ter, ce­pen­dant, l’envol de son . Af­fran­chir les hommes des li­mites que la leur a po­sées, dans l’espoir — illu­soire sans — que cet af­fran­chis­se­ment les ren­drait maîtres de leur des­tin, telle fut l’ambition de Bé­liaev en­fermé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital. Ainsi, «La Tête du pro­fes­seur Do­well» («Go­lova pro­fes­sora Dooué­lia» 2) dé­bar­rasse l’esprit hu­main du ; «L’Homme qui ne dort ja­mais» («Tché­lo­vek, ko­to­ryi né spit» 3) le li­bère du som­meil; «Le Maître du » («Vlas­té­line mira» 4) en­vi­sage la brillante pers­pec­tive de l’homme de­venu té­lé­pathe; «L’Homme am­phi­bie» («Tché­lo­vek-am­fi­bia» 5) dé­crit le pre­mier pois­son parmi les hommes ou le pre­mier homme parmi les pois­sons : «L’idée est tou­jours la même», dit Bé­liaev dans ce ro­man, son plus im­por­tant et son plus cé­lèbre, «l’être hu­main n’est pas par­fait. Tout en ayant ac­quis au cours de l’ bon nombre d’avantages en com­pa­rai­son de ses pré­da­teurs , [il] a dans le même perdu beau­coup de ce qu’il pos­sé­dait dans les stades plus an­ciens de son dé­ve­lop­pe­ment… Pour­quoi ne pas rendre à l’être hu­main [ces] fa­cul­tés?»

  1. En Александр Беляев. Par­fois trans­crit Bel­jaev, Be­lyaev, Be­lâev, Be­lyayev, Bel­ja­jew, Bel­ja­jev, Be­liaew ou Bé­liaïev. Icône Haut
  2. En russe «Голова профессора Доуэля». Icône Haut
  3. En russe «Человек, который не спит», in­édit en . Icône Haut
  1. En russe «Властелин мира», in­édit en fran­çais. Icône Haut
  2. En russe «Человек-амфибия». Icône Haut

« Koltsov (1809-1842) »

dans « La Littérature russe : notices et extraits des principaux auteurs depuis les origines jusqu’à nos jours » (XIXᵉ siècle)

dans «La  : no­tices et ex­traits des prin­ci­paux au­teurs de­puis les jusqu’à nos jours» (XIXe siècle)

Il s’agit du «Fau­cheur» («Kos­sar» 1) et autres poèmes d’ 2, poète (XIXe siècle). Son père était mar­chand de bœufs; et sa mère, is­sue d’une qui se li­vrait au même né­goce, était illet­trée. Né au plein cœur de la steppe, qui lui ser­vit de pre­mière école, en même que de confi­dente des mou­ve­ments les plus in­times de son cœur, le fu­tur poète fut élevé à la , sans sur­veillance, jouant avec les ga­mins des rues et bar­bo­tant à son aise dans la boue. C’est bien à lui qu’on ap­pli­quera cette de La Bruyère : «L’on voit cer­tains fa­rouches, ré­pan­dus par la cam­pagne, , li­vides et tout brû­lés du , at­ta­chés à la qu’ils fouillent et qu’ils re­muent avec une opi­niâ­treté in­vin­cible; ils ont comme une ar­ti­cu­lée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face hu­maine; et en ef­fet, ils sont des hommes». Il avait déjà neuf ans lorsqu’on son­gea à l’envoyer à l’école. Il n’y resta même pas un an et demi. Dès qu’il sut écrire et comp­ter, son père le prit à la mai­son pour éco­no­mi­ser le trai­te­ment d’un com­mis. Le pe­tit Alexis connais­sait à peine l’orthographe et il resta pour tou­jours brouillé avec elle, ainsi qu’avec la ponc­tua­tion et par­fois même avec la . Mais la lec­ture était sa pas­sion, et le peu d’argent qu’on lui don­nait pour des frian­dises, il le consa­crait à ache­ter les vo­lumes des «Mille et une Nuits». Il avait quinze ans lorsqu’un ami, fau­ché par une pré­ma­tu­rée, eut l’idée de lui lé­guer toute sa bi­blio­thèque : soixante-dix vo­lumes. Quel tré­sor! Mais son père ne lui lais­sait guère le temps d’en jouir. Il fal­lait sans cesse l’accompagner dans les ba­zars pour ache­ter des bes­tiaux qu’ils en­grais­saient sur la steppe et qu’ils re­ven­daient à l’une des nom­breuses fon­de­ries de suif. «Je suis en­chaîné par ma si­tua­tion», dit Kolt­sov 3. «Mau­dit mé­tier! Que suis-je? Un sans , sans pa­role, sans rien. Une la­men­table créa­ture, un mi­sé­rable être qui n’est bon qu’à traî­ner de l’ et du bois, un mer­canti, un grippe-sou, un , un Tzi­gane, une ca­naille, voilà ce que je dois être.»

  1. En russe «Косарь». Icône Haut
  2. En russe Алексей Васильевич Кольцов. Par­fois trans­crit Alek­sej Vasil’evič Kol’cov, Alexei Was­sil­je­witsch Kol­zow, Alexis-Vas­si­lie­vitsch Kolt­zof, Alexis Vas­si­lié­vitch Kolt­zov ou Alek­sey Va­si­lye­vitch Kolt­soff. Icône Haut
  1. «Un Poète russe : Alexis Kolt­sov», p. 551. Icône Haut

Pissarev, « Notre Science universitaire : récit »

éd. Actes Sud, coll. Un Endroit où aller, Arles

éd. Actes Sud, coll. Un En­droit où al­ler, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de «Notre Science uni­ver­si­taire» («Na­cha ou­ni­ver­si­tets­kaïa naouka» 1) de Dmi­tri Iva­no­vitch Pis­sa­rev 2. «Crime et Châ­ti­ment» de Dos­toïevski, avant d’être l’une des œuvres les plus pro­fondes de cri­mi­nelle, au­tour des­quelles la hu­maine vient tour­ner sans cesse, a été un contre «l’égoïsme ra­tion­nel», un mou­ve­ment dé­fendu en dans les an­nées 1860 par le jour­nal «Rouss­koïé slovo» 3La ») de Pis­sa­rev. Dos­toïevski a vu le dan­ger; il a mis tout en œuvre pour dé­tour­ner d’un tel égoïsme en dé­cri­vant les tour­ments de l’ qui le suivent. Les faits lui don­nèrent . Pis­sa­rev se noya lors d’une bai­gnade — je veux dire noya dé­li­bé­ré­ment — à vingt-sept ans, seul, mé­lan­co­lique, dé­tra­qué par le ver­tige d’une crois­sance in­tel­lec­tuelle trop ra­pide. Mais re­pre­nons dans l’ordre! Issu d’une noble rui­née, Pis­sa­rev fai­sait en­core ses études à l’Université de Saint-Pé­ters­bourg, quand il dé­buta comme pu­bli­ciste lit­té­raire, chargé de ré­di­ger la ru­brique des comptes ren­dus bi­blio­gra­phiques dans la re­vue «Rass­vet» 4L’Aube»), qui por­tait le sous-titre «Re­vue des , des et des lettres pour jeunes adultes». Cette col­la­bo­ra­tion l’entraîna de force hors des murs cal­feu­trés des am­phi­théâtres, «à l’air libre», comme il le dit lui-même 5, et «ce pas­sage forcé me don­nait un plai­sir cou­pable, que je ne pus dis­si­mu­ler ni à -même ni aux autres…». La ques­tion de l’ de la femme étant en ce -là à l’ordre du jour dans «Rass­vet», Pis­sa­rev en vint tout na­tu­rel­le­ment au pro­blème plus large de la de la per­sonne hu­maine. Riche d’idées, il s’attendait à créer des mi­racles dans le do­maine de la pen­sée : «Ayant jeté à bas dans mon es­prit toutes sortes de Kaz­beks 6 et de monts Blancs, je m’apparaissais à moi-même comme une es­pèce de Ti­tan, de Pro­mé­thée qui s’était em­paré du ». Il mit ses idées, dès 1861, dans des ar­ticles re­mar­quables par leur har­diesse et leur bouillon­ne­ment in­tel­lec­tuel, qu’il pu­blia cette fois dans «Rouss­koïé slovo». Ce jour­nal n’était plus la ver­tueuse «Re­vue pour jeunes filles adultes» où il avait fait ses pre­miers , mais était, au contraire, rem­pli d’agitation phi­lo­so­phique et . Pis­sa­rev en de­vint, en quelques jours, le prin­ci­pal col­la­bo­ra­teur et membre de la ré­dac­tion; et quand, un an plus tard, guetté par la cen­sure, ce jour­nal fut pro­vi­soi­re­ment sus­pendu, Pis­sa­rev jeta sur le pa­pier un ap­pel fié­vreux de au «ren­ver­se­ment de la dy­nas­tie des Ro­ma­nov et de la bu­reau­cra­tie pé­ters­bour­geoise» et au «chan­ge­ment de ré­gime po­li­tique»; le len­de­main, il était ar­rêté et in­car­céré.

  1. En russe «Наша университетская наука». Par­fois trans­crit «Na­cha ou­ni­ver­si­tets­kaya naouka», «Na­sha uni­ver­si­tets­kaya nauka» ou «Naša uni­ver­si­tets­kaja nauka». Icône Haut
  2. En russe Дмитрий Иванович Писарев. Par­fois trans­crit Dmi­trij Iwa­no­witsch Pis­sa­rew, Dmi­try Iva­no­vich Pi­sa­rev, Dmi­triy Iva­no­vich Pi­sa­rev, Di­mi­tri Iva­no­vich Pi­sa­rev, Dmi­trii Iva­no­vich Pi­sa­rev ou Dmi­trij Iva­no­vič Pi­sa­rev. Icône Haut
  3. En russe «Русское слово». Par­fois trans­crit «Rouss­koé slovo», «Russ­koïé slovo» ou «Russ­koe slovo». Icône Haut
  1. En russe «Рассвет». Icône Haut
  2. «Notre Science uni­ver­si­taire», p. 132 & 135. Icône Haut
  3. Un des som­mets les plus é de la chaîne du . Icône Haut

Pissarev, « Essais critiques »

éd. du Progrès, Moscou

éd. du Pro­grès, Mos­cou

Il s’agit des «Réa­listes» («Rea­listy» 1) et autres ar­ticles de Dmi­tri Iva­no­vitch Pis­sa­rev 2. «Crime et Châ­ti­ment» de Dos­toïevski, avant d’être l’une des œuvres les plus pro­fondes de cri­mi­nelle, au­tour des­quelles la hu­maine vient tour­ner sans cesse, a été un contre «l’égoïsme ra­tion­nel», un mou­ve­ment dé­fendu en dans les an­nées 1860 par le jour­nal «Rouss­koïé slovo» 3La ») de Pis­sa­rev. Dos­toïevski a vu le dan­ger; il a mis tout en œuvre pour dé­tour­ner d’un tel égoïsme en dé­cri­vant les tour­ments de l’ qui le suivent. Les faits lui don­nèrent . Pis­sa­rev se noya lors d’une bai­gnade — je veux dire noya dé­li­bé­ré­ment — à vingt-sept ans, seul, mé­lan­co­lique, dé­tra­qué par le ver­tige d’une crois­sance in­tel­lec­tuelle trop ra­pide. Mais re­pre­nons dans l’ordre! Issu d’une noble rui­née, Pis­sa­rev fai­sait en­core ses études à l’Université de Saint-Pé­ters­bourg, quand il dé­buta comme pu­bli­ciste lit­té­raire, chargé de ré­di­ger la ru­brique des comptes ren­dus bi­blio­gra­phiques dans la re­vue «Rass­vet» 4L’Aube»), qui por­tait le sous-titre «Re­vue des , des et des lettres pour jeunes adultes». Cette col­la­bo­ra­tion l’entraîna de force hors des murs cal­feu­trés des am­phi­théâtres, «à l’air libre», comme il le dit lui-même 5, et «ce pas­sage forcé me don­nait un plai­sir cou­pable, que je ne pus dis­si­mu­ler ni à -même ni aux autres…». La ques­tion de l’ de la femme étant en ce -là à l’ordre du jour dans «Rass­vet», Pis­sa­rev en vint tout na­tu­rel­le­ment au pro­blème plus large de la de la per­sonne hu­maine. Riche d’idées, il s’attendait à créer des mi­racles dans le do­maine de la pen­sée : «Ayant jeté à bas dans mon es­prit toutes sortes de Kaz­beks 6 et de monts Blancs, je m’apparaissais à moi-même comme une es­pèce de Ti­tan, de Pro­mé­thée qui s’était em­paré du ». Il mit ses idées, dès 1861, dans des ar­ticles re­mar­quables par leur har­diesse et leur bouillon­ne­ment in­tel­lec­tuel, qu’il pu­blia cette fois dans «Rouss­koïé slovo». Ce jour­nal n’était plus la ver­tueuse «Re­vue pour jeunes filles adultes» où il avait fait ses pre­miers , mais était, au contraire, rem­pli d’agitation phi­lo­so­phique et . Pis­sa­rev en de­vint, en quelques jours, le prin­ci­pal col­la­bo­ra­teur et membre de la ré­dac­tion; et quand, un an plus tard, guetté par la cen­sure, ce jour­nal fut pro­vi­soi­re­ment sus­pendu, Pis­sa­rev jeta sur le pa­pier un ap­pel fié­vreux de au «ren­ver­se­ment de la dy­nas­tie des Ro­ma­nov et de la bu­reau­cra­tie pé­ters­bour­geoise» et au «chan­ge­ment de ré­gime po­li­tique»; le len­de­main, il était ar­rêté et in­car­céré.

  1. En russe «Реалисты». Éga­le­ment connu sous le titre d’«Une Ques­tion non ré­so­lue» («Нерешенный вопрос»). Par­fois tra­duit «Une Ques­tion à ré­soudre». Icône Haut
  2. En russe Дмитрий Иванович Писарев. Par­fois trans­crit Dmi­trij Iwa­no­witsch Pis­sa­rew, Dmi­try Iva­no­vich Pi­sa­rev, Dmi­triy Iva­no­vich Pi­sa­rev, Di­mi­tri Iva­no­vich Pi­sa­rev, Dmi­trii Iva­no­vich Pi­sa­rev ou Dmi­trij Iva­no­vič Pi­sa­rev. Icône Haut
  3. En russe «Русское слово». Par­fois trans­crit «Rouss­koé slovo», «Russ­koïé slovo» ou «Russ­koe slovo». Icône Haut
  1. En russe «Рассвет». Icône Haut
  2. «Notre Science uni­ver­si­taire», p. 132 & 135. Icône Haut
  3. Un des som­mets les plus é de la chaîne du . Icône Haut

Pissarev, « Choix d’articles philosophiques et politiques »

éd. en Langues étrangères, Moscou

éd. en Langues étran­gères, Mos­cou

Il s’agit de «La du XIXe siècle» («Skho­las­tika XIX veka» 1) et autres ar­ticles de Dmi­tri Iva­no­vitch Pis­sa­rev 2. «Crime et Châ­ti­ment» de Dos­toïevski, avant d’être l’une des œuvres les plus pro­fondes de cri­mi­nelle, au­tour des­quelles la hu­maine vient tour­ner sans cesse, a été un contre «l’égoïsme ra­tion­nel», un mou­ve­ment dé­fendu en dans les an­nées 1860 par le jour­nal «Rouss­koïé slovo» 3La ») de Pis­sa­rev. Dos­toïevski a vu le dan­ger; il a mis tout en œuvre pour dé­tour­ner d’un tel égoïsme en dé­cri­vant les tour­ments de l’ qui le suivent. Les faits lui don­nèrent . Pis­sa­rev se noya lors d’une bai­gnade — je veux dire noya dé­li­bé­ré­ment — à vingt-sept ans, seul, mé­lan­co­lique, dé­tra­qué par le ver­tige d’une crois­sance in­tel­lec­tuelle trop ra­pide. Mais re­pre­nons dans l’ordre! Issu d’une noble rui­née, Pis­sa­rev fai­sait en­core ses études à l’Université de Saint-Pé­ters­bourg, quand il dé­buta comme pu­bli­ciste lit­té­raire, chargé de ré­di­ger la ru­brique des comptes ren­dus bi­blio­gra­phiques dans la re­vue «Rass­vet» 4L’Aube»), qui por­tait le sous-titre «Re­vue des , des et des lettres pour jeunes adultes». Cette col­la­bo­ra­tion l’entraîna de force hors des murs cal­feu­trés des am­phi­théâtres, «à l’air libre», comme il le dit lui-même 5, et «ce pas­sage forcé me don­nait un plai­sir cou­pable, que je ne pus dis­si­mu­ler ni à -même ni aux autres…». La ques­tion de l’ de la femme étant en ce -là à l’ordre du jour dans «Rass­vet», Pis­sa­rev en vint tout na­tu­rel­le­ment au pro­blème plus large de la de la per­sonne hu­maine. Riche d’idées, il s’attendait à créer des mi­racles dans le do­maine de la pen­sée : «Ayant jeté à bas dans mon es­prit toutes sortes de Kaz­beks 6 et de monts Blancs, je m’apparaissais à moi-même comme une es­pèce de Ti­tan, de Pro­mé­thée qui s’était em­paré du ». Il mit ses idées, dès 1861, dans des ar­ticles re­mar­quables par leur har­diesse et leur bouillon­ne­ment in­tel­lec­tuel, qu’il pu­blia cette fois dans «Rouss­koïé slovo». Ce jour­nal n’était plus la ver­tueuse «Re­vue pour jeunes filles adultes» où il avait fait ses pre­miers , mais était, au contraire, rem­pli d’agitation phi­lo­so­phique et . Pis­sa­rev en de­vint, en quelques jours, le prin­ci­pal col­la­bo­ra­teur et membre de la ré­dac­tion; et quand, un an plus tard, guetté par la cen­sure, ce jour­nal fut pro­vi­soi­re­ment sus­pendu, Pis­sa­rev jeta sur le pa­pier un ap­pel fié­vreux de au «ren­ver­se­ment de la dy­nas­tie des Ro­ma­nov et de la bu­reau­cra­tie pé­ters­bour­geoise» et au «chan­ge­ment de ré­gime po­li­tique»; le len­de­main, il était ar­rêté et in­car­céré.

  1. En russe «Схоластика XIX века». Par­fois trans­crit «Scho­las­tika XIX veka» ou «Sho­las­tika XIX veka». Icône Haut
  2. En russe Дмитрий Иванович Писарев. Par­fois trans­crit Dmi­trij Iwa­no­witsch Pis­sa­rew, Dmi­try Iva­no­vich Pi­sa­rev, Dmi­triy Iva­no­vich Pi­sa­rev, Di­mi­tri Iva­no­vich Pi­sa­rev, Dmi­trii Iva­no­vich Pi­sa­rev ou Dmi­trij Iva­no­vič Pi­sa­rev. Icône Haut
  3. En russe «Русское слово». Par­fois trans­crit «Rouss­koé slovo», «Russ­koïé slovo» ou «Russ­koe slovo». Icône Haut
  1. En russe «Рассвет». Icône Haut
  2. «Notre Science uni­ver­si­taire», p. 132 & 135. Icône Haut
  3. Un des som­mets les plus é de la chaîne du . Icône Haut

Gontcharov, « La Frégate “Pallas” »

éd. L’Âge d’homme, coll. Classiques slaves, Lausanne

éd. L’Âge d’, coll. Clas­siques slaves, Lau­sanne

Il s’agit de «La Fré­gate “Pal­las”» («Fre­gat “Pal­lada”» 1), une sé­rie de lettres et d’impressions écrites par Ivan Gont­cha­rov pen­dant son voyage au­tour du (1852-1855). À la grande sur­prise de ses amis qui le sa­vaient le plus ca­sa­nier des hommes, Gont­cha­rov ac­cepta de fuir l’ gris et pous­sié­reux de Saint-Pé­ters­bourg, et de re­joindre un voyage di­plo­ma­tique vi­sant à de­van­cer les An­glo-Saxons en ou­vrant l’Extrême- au . Le père d’«Oblo­mov», le ro­man­cier de la pa­resse, de la non­cha­lance congé­ni­tale, le cam­pa­gnard «né au mi­lieu des terres et n’ayant ja­mais vu la » 2, le voilà donc à bord d’une fré­gate prête à le­ver l’ancre! Ce voyage in­at­tendu était en fait la réa­li­sa­tion d’un vieux rêve, ins­piré par les ré­cits de en­ten­dus dans son en­fance; c’était aussi une sorte de coup de tête, le pre­mier et le der­nier qu’on connaisse à l’actif de Gont­cha­rov. Lui-même, une fois que la fré­gate eut quitté le port, s’étonna de son au­dace et me­sura en­fin l’énormité de son en­tre­prise. Il se sen­tit fai­blir et pensa déjà au re­tour, as­sailli de mille ap­pré­hen­sions : le de mer, les cli­mats tro­pi­caux, les fièvres ma­lignes, les … Ah, les tem­pêtes! «Je me ré­veillais», dit-il 3, «trem­blant et en sueur; car un na­vire, après tout, aussi so­lide soit-il, aussi adapté à son élé­ment, qu’est-ce d’autre qu’un mor­ceau de bois, une cor­beille sur l’?» Puis, tant bien que mal, il put se per­sua­der que l’homme mo­derne avait di­mi­nué les in­cer­ti­tudes des et les dan­gers qui les ac­com­pa­gnaient. On n’était plus aux où Co­lomb et Vasco de Gama, du pont de leur na­vire, leur tour­née vers le large, ten­taient de son­der le mys­tère étendu de­vant leurs yeux. «L’homme de lettres qui voyage [aujourd’hui], bâille mol­le­ment; re­garde l’océan sans bornes avec in­do­lence; se de­mande s’il y a de bons hô­tels au Bré­sil, des blan­chis­seuses sur les Sand­wich, ou com­ment se rendre en Aus­tra­lie», dit Gont­cha­rov. Et il conclut : «Les par­ties du monde se rap­prochent : d’ en , il n’y a qu’un pas [grâce aux] pro­grès gi­gan­tesques de la . Pres­sons-nous donc de nous mettre en route; car la des loin­tains voyages dis­pa­raît non de jour en jour, mais d’heure en heure! Peut-être sommes-nous les der­niers grands au sens où l’étaient les Ar­go­nautes»

  1. En russe «Фрегат “Паллада”». Icône Haut
  2. p. 15. Icône Haut
  1. p. 17. Icône Haut

Krachéninnikov, « Voyage en Sibérie contenant la description du Kamtchatka »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la re­la­tion « de la du Kamt­chatka» («Opis­sa­nié zemli Kamt­chatki» 1) de Sté­phane Pé­tro­vitch Kra­ché­nin­ni­kov 2. En 1733, l’Impératrice Anne Ire de en­voya une ca­ra­vane scien­ti­fique avec pour mis­sion d’explorer la Si­bé­rie orien­tale et de pous­ser les re­cherches jusqu’à la pointe du Kamt­chatka, afin de le­ver des ; d’observer les for­ma­tions géo­lo­giques; d’inventorier la faune et la flore; d’étudier la et les mœurs des ha­bi­tants; en un mot, de ras­sem­bler tout ce qui pour­rait faire connaître ces contrées si mal­trai­tées par la . Pour rem­plir cette mis­sion, l’Académie des de Saint-Pé­ters­bourg, fon­dée moins d’une dé­cen­nie plus tôt, ne put faire ap­pel qu’à des . L’expédition fut confiée à deux Al­le­mands : Jo­hann Georg Gme­lin, na­tu­ra­liste, et Ge­rhard Frie­drich Mül­ler, his­to­rien. On leur ad­joi­gnit six jeunes étu­diants russes, ca­pables de les se­con­der, et qui, en se per­fec­tion­nant sous ces pro­fes­seurs, pour­raient les rem­pla­cer par la suite. Le brave Kra­ché­nin­ni­kov était du nombre. «Il avait fait avec beau­coup de le cours de ses études. Sa ca­pa­cité et son pour le tra­vail l’avaient tou­jours dis­tin­gué de tous ses condis­ciples; aux qua­li­tés de l’esprit, il joi­gnait des mœurs hon­nêtes et ver­tueuses», dit l’avis de l’éditeur 3. En , le gros de l’expédition ne s’aventura ja­mais à l’Est de Ya­koutsk, même si Mül­ler se fé­li­cita plus tard dans une lettre : «On trou­ve­rait dif­fi­ci­le­ment une ville ou un autre lieu peu connu de Si­bé­rie (“eine Stadt oder an­de­rer mer­ckwür­di­ger Ort in Si­bi­rien”) où je ne sois pas allé». C’est qu’étant à Ya­koutsk, les Al­le­mands ap­prirent que les pré­pa­ra­tifs pour la jusqu’au Kamt­chatka étaient peu avan­cés, et qu’à cette dis­tance im­mense de Saint-Pé­ters­bourg, les ordres du n’obtenaient pas tou­jours une obéis­sance par­faite. Comme ils avaient un cer­tain nombre d’observations à faire sur place, ils ju­gèrent à pro­pos de s’y ar­rê­ter, d’autant que le pé­nible et désa­gréable voyage leur avait ôté l’envie de se rendre chez les «sau­vages du bout du » et de pro­lon­ger une mis­sion qui, se plai­gnaient-ils 4, était «sem­blable à une dé­por­ta­tion».

  1. En «Описание земли Камчатки». Par­fois trans­crit «Opi­sa­nije zemli Kamčatki», «Opi­sa­nie zemli Kamt­schatki» ou «Opi­sa­niye zemli Kam­chatki». Icône Haut
  2. En russe Степан Петрович Крашенинников. Par­fois trans­crit Kra­she­nin­ni­kov, Kra­sche­nin­ni­kof, Kra­ché­nin­ni­kof, Kra­she­ni­ni­koff, Kraše­nin­ni­kov, Kraše­ni­ni­kov, Kra­sche­nin­ni­kow ou Kra­che­nin­ni­kow. Icône Haut
  1. p. VI. Icône Haut
  2. Dans Yves Gau­thier et An­toine Gar­cia, «L’ de la Si­bé­rie», p. 240. Icône Haut

Ostrovski, « Et l’acier fut trempé : roman »

éd. Les Éditeurs français réunis, Paris

éd. Les Édi­teurs réunis, Pa­ris

Il s’agit d’«Et l’acier fut trempé» 1Kak za­ka­lia­las stal» 2), d’idéalisation so­vié­tique, écrit pour la par  3. La et la di­ver­sité de l’art ne purent sur­vivre à l’avènement du ré­gime com­mu­niste. L’éventail des points de vue et des tech­niques ar­tis­tiques se ré­tré­cit ra­pi­de­ment sous la pres­sion des groupes pro­lé­ta­riens, de­ve­nus de plus en plus in­flexibles à me­sure que l’appareil d’État lui-même de­ve­nait plus ri­gide et plus in­tran­si­geant. En avril 1932, par dé­cret du Co­mité cen­tral du Parti com­mu­niste, tous les cercles lit­té­raires de l’ furent dis­sous, et l’ensemble des in­vi­tés à re­joindre l’Union des (Soïouz pis­sa­té­leï S.S.S.R. 4). Sorte de Po­lit­buro lit­té­raire œu­vrant pour l’« fon­da­men­tale de la », cette Union était di­ri­gée par de hauts cadres qui re­ce­vaient leurs ordres du Parti et de Sta­line lui-même. On vit alors ap­pa­raître une concep­tion dic­ta­to­riale des , connue sous le nom de «soc-réa­lisme» («sots­rea­lizm» 5) ou «réa­lisme so­cia­liste», et des­ti­née à im­po­ser des titres pré­pa­rés à l’avance et des su­jets conve­nus : la du tra­vail et de l’effort; la nais­sance d’un ou­vrier ou d’une usine; l’avènement de l’ nou­veau dans une ; le rôle du Parti dans ce grand bou­le­ver­se­ment. Écrits dans un but de glo­ri­fi­ca­tion et pro­pa­gande, les ro­mans du «soc-réa­lisme» étaient im­pri­més à des cen­taines de mil­liers d’exemplaires et pro­po­sés comme ré­fé­rence aux jeunes gé­né­ra­tions. Au reste, c’étaient des ro­mans très fai­ble­ment et très dé­fec­tueu­se­ment construits, dé­pour­vus de tout , for­te­ment in­fluen­cés par la prose mé­diocre de Gorki. Quel­que­fois, il est vrai, des lueurs de sin­cé­rité ré­vo­lu­tion­naire et de pu­reté de convic­tion per­çaient mal­gré la mo­no­to­nie du su­jet et l’insuffisance du ta­lent : c’était le cas de l’œuvre d’Ostrovski qui, quoique li­mi­tée à deux ro­mans — «Et l’acier fut trempé» et «En­fan­tés par la tem­pête» (in­achevé du fait de la de l’auteur) — n’en a pas moins laissé un vif chez ses lec­teurs.

  1. Par­fois tra­duit «Com­ment l’acier fut trempé». Icône Haut
  2. En russe «Как закалялась сталь». Icône Haut
  3. En russe Николай Алексеевич Островский. Par­fois trans­crit Ni­ko­lai Os­trowski, Ni­ko­laj Os­trovs­kij, Ni­co­las Os­trovski ou Ni­ko­lay Os­trovsky. À ne pas confondre avec Alexandre Ni­ko­laïe­vitch Os­trovski, au­teur dra­ma­tique, qui vé­cut un siècle plus tôt. Icône Haut
  1. En russe Союз писателей С.С.С.Р. Icône Haut
  2. En russe «соцреализм». Icône Haut

Ostrovski, « Enfantés par la tempête : roman [inachevé] »

éd. Les Éditeurs français réunis, Paris

éd. Les Édi­teurs réunis, Pa­ris

Il s’agit d’«En­fan­tés par la tem­pête» («Ro­j­dion­nyïé bou­reï» 1), d’idéalisation so­vié­tique, écrit pour la par  2. La et la di­ver­sité de l’art ne purent sur­vivre à l’avènement du ré­gime com­mu­niste. L’éventail des points de vue et des tech­niques ar­tis­tiques se ré­tré­cit ra­pi­de­ment sous la pres­sion des groupes pro­lé­ta­riens, de­ve­nus de plus en plus in­flexibles à me­sure que l’appareil d’État lui-même de­ve­nait plus ri­gide et plus in­tran­si­geant. En avril 1932, par dé­cret du Co­mité cen­tral du Parti com­mu­niste, tous les cercles lit­té­raires de l’ furent dis­sous, et l’ensemble des in­vi­tés à re­joindre l’Union des (Soïouz pis­sa­té­leï S.S.S.R. 3). Sorte de Po­lit­buro lit­té­raire œu­vrant pour l’« fon­da­men­tale de la », cette Union était di­ri­gée par de hauts cadres qui re­ce­vaient leurs ordres du Parti et de Sta­line lui-même. On vit alors ap­pa­raître une concep­tion dic­ta­to­riale des , connue sous le nom de «soc-réa­lisme» («sots­rea­lizm» 4) ou «réa­lisme so­cia­liste», et des­ti­née à im­po­ser des titres pré­pa­rés à l’avance et des su­jets conve­nus : la du tra­vail et de l’effort; la nais­sance d’un ou­vrier ou d’une usine; l’avènement de l’ nou­veau dans une ; le rôle du Parti dans ce grand bou­le­ver­se­ment. Écrits dans un but de glo­ri­fi­ca­tion et pro­pa­gande, les ro­mans du «soc-réa­lisme» étaient im­pri­més à des cen­taines de mil­liers d’exemplaires et pro­po­sés comme ré­fé­rence aux jeunes gé­né­ra­tions. Au reste, c’étaient des ro­mans très fai­ble­ment et très dé­fec­tueu­se­ment construits, dé­pour­vus de tout , for­te­ment in­fluen­cés par la prose mé­diocre de Gorki. Quel­que­fois, il est vrai, des lueurs de sin­cé­rité ré­vo­lu­tion­naire et de pu­reté de convic­tion per­çaient mal­gré la mo­no­to­nie du su­jet et l’insuffisance du ta­lent : c’était le cas de l’œuvre d’Ostrovski qui, quoique li­mi­tée à deux ro­mans — «Et l’acier fut trempé» et «En­fan­tés par la tem­pête» (in­achevé du fait de la de l’auteur) — n’en a pas moins laissé un vif chez ses lec­teurs.

  1. En russe «Рождённые бурей». Icône Haut
  2. En russe Николай Алексеевич Островский. Par­fois trans­crit Ni­ko­lai Os­trowski, Ni­ko­laj Os­trovs­kij, Ni­co­las Os­trovski ou Ni­ko­lay Os­trovsky. À ne pas confondre avec Alexandre Ni­ko­laïe­vitch Os­trovski, au­teur dra­ma­tique, qui vé­cut un siècle plus tôt. Icône Haut
  1. En russe Союз писателей С.С.С.Р. Icône Haut
  2. En russe «соцреализм». Icône Haut