Il s’agit du « Gouffre » (« Bezdna » 1) et autres nouvelles de Léonid Andreïev 2, auteur russe à la charnière du XIXe et XXe siècle. À la mort de son père, qui exerçait la profession d’arpenteur-géomètre, Andreïev était encore au collège. Sa mère, issue d’une famille polonaise désargentée, se trouva sans ressources. Le jeune homme connut la misère noire. Un jour, le cœur gros, il présenta à un quotidien un récit ayant pour sujet un étudiant toujours affamé, les nerfs à vif — sa propre vie. On lui dit de revenir dans une ou deux semaines pour savoir s’il était accepté. Il y retourna, comprimant son angoisse dans l’attente de la décision. Elle lui vint sous la forme d’un grand éclat de rire du directeur, qui déclara que sa prose ne valait rien. À quelque temps de là, dans une heure de pulsion mortifère, Andreïev se tirait un coup de révolver dans le cœur. On le sauva. Mais celui qui, comme lui, a été si proche d’une fin volontaire reste en proie à une obsession permanente, une trouble attirance pour les gouffres de l’âme et la violence. En 1897, son diplôme d’avocat en poche, il obtint une place de chroniqueur judiciaire et put enfin publier ses nouvelles et ses feuilletons si fougueux, si spontanés, parfois si bizarres, qui l’imposèrent à l’attention du public russe comme l’un des brillants représentants du tournant du siècle. Il y prend place après Tolstoï à qui il dédie d’ailleurs l’« Histoire des sept pendus ». Je me dois de dire quelques mots sur cette « Histoire », sans doute la plus réussie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en substance, que ce qu’annonce le titre : les portraits psychologiques de sept jeunes condamnés qui s’apprêtent à subir le supplice de la pendaison ; les visites suprêmes de leurs parents qui viennent avec la résolution de leur rendre plus légers ces derniers moments, mais qui finissent par fondre en larmes ; puis, l’horreur et la beauté sereine, en même temps, de leurs cadavres qui « saluent le soleil levant »
russe
Gogol, « Œuvres complètes »
Il s’agit des « Âmes mortes » (« Miortvyïé douchi » 1) et autres œuvres de Nicolas Gogol 2. L’un des informateurs du vicomte de Vogüé pour « Le Roman russe », un vieil homme de lettres 3, témoignant du fait que Gogol était devenu le modèle de la prose, comme Pouchkine — celui de la poésie, avait déclaré en français : « Nous sommes tous sortis du “Manteau” de Gogol » 4. Cette formule a bien plu. Elle a été ensuite traduite par plusieurs journaux russes, tant elle est devenue connue et « la chose de tous ». On connaît moins Gogol lui-même qui, à plusieurs égards, était un homme privé et mystérieux. On peut le dire, il y avait en lui quelque chose du démon. Un pouvoir surnaturel faisait étinceler ses yeux ; il semblait par moments que l’irrationnel et l’effrayant le pénétraient de part en part et imprimaient sur ses œuvres une marque ineffaçable. Si, par la suite, la littérature russe s’est signalée par une certaine exaltation déréglée, tourmentée, une certaine contradiction intérieure, une psychose guettant constamment, cachée au tournant ; si elle a même favorisé ce type de caractères, elle a suivi en tout cela l’exemple de Gogol. Cet auteur mi-russe, mi-ukrainien avait une nature double et vivait dans un monde dédoublé — le monde réel et le monde des rêves loufoques, terrifiants. Et non seulement ces deux mondes parallèles se rencontraient, mais encore ils se contorsionnaient et se confondaient d’une façon extravagante dans son esprit délirant, « comme deux piliers, qui se reflètent dans l’eau, se livrent aux contorsions les plus folles quand les remous de l’onde s’y prêtent » 5. C’est « Le Nez » (« Nos » 6), anagramme du « Rêve » (« Son » 7), où ce génie si particulier de Gogol s’est déployé librement pour la toute première fois. Que l’on pense au début de la nouvelle : « À son immense stupéfaction, il s’aperçut que la place que son nez devait occuper ne présentait plus qu’une surface lisse ! Tout alarmé, Kovaliov se fit apporter de l’eau et se frotta les yeux avec un essuie-mains : le nez avait bel et bien disparu ! » Voilà que toutes les fondations du réel vacillent, mais le fonctionnaire gogolien est à peine conscient de ce qui lui arrive. Confronté à une ville absurde et fantasmagorique, un « Gogolgrad » inquiétant, où le diable lui-même allume les lampes et éclaire les choses pour les montrer sous un aspect illusoire et trompeur, ce petit homme grugé, floué avance à tâtons dans la brume, en s’accrochant orgueilleusement et puérilement à ses fonctions bureaucratiques. « La ville a beau lui jouer les tours les plus pendables, le berner ou le châtrer momentanément, ce personnage caméléonesque et insignifiant ne renonce jamais à s’incruster, à s’enraciner, fût-ce dans l’inexistant. [Il] restera chatouilleux sur son grade et ses prérogatives jusqu’à [sa] dissolution complète dans le non-être… Inchangé, il réapparaîtra chez un Kafka », dit très bien M. Georges Nivat.
- En russe « Мёртвые души ». Parfois transcrit « Mjortwyje duschi », « Mertwyja duschi », « Mjortwye duschi », « Mertwya duschi », « Myortvyye dushi », « Miortvyye dushi », « Mjortvye dusi », « Mertvye duši », « Mèrtvyia doûchi », « Miortvia douchi », « Meurtvia douchi » ou « Mertviia douchi ».
- En russe Николай Гоголь. Parfois transcrit Nikolaj Gogol, Nikolaï Gogol ou Nicolaï Gogol.
- Sans doute Dmitri Grigorovitch, comme une remarque à la page 208 du « Roman russe » le laisse penser : « M. Grigorovitch, qui tient une place honorée dans les lettres…, m’a confirmé cette anecdote ».
- « Le Roman russe », p. 96.
« Les Auteurs du printemps russe. Galitch »
Il s’agit de M. Alexandre Galitch 1, poète-chansonnier russe (XXe siècle). Avec son penchant à la satire corrosive, son maniement de l’argot des camps, son art de saisir les détails piquants de la vie des classes inférieures ou persécutées auxquelles il appartenait, M. Galitch a inauguré, guitare au poing, le genre du court sketch mis en vers et rendu avec une sûreté étonnante dans les accents et l’intonation. Dissidentes, subversives, ses ballades gênaient le pouvoir, qui ne pouvait leur pardonner de dire à haute voix ce que l’homme de la masse, l’homme de la rue pensait tout bas. Répandues très vite grâce à la technique nouvelle du magnétophone, elles raillaient la nomenklatura bureaucratique et ses privilèges (« privilèges nomenklaturaux, trahisons nomenklaturales », chantaient-elles en refrain) ainsi que l’humeur peureuse des petits fonctionnaires comme celui qui, ayant rêvé qu’il était le géant Atlas, ne parla de son rêve « ni à sa fille ni à sa femme » (« ni dotcheri ni jené » 2) pour ne pas éveiller de soupçons. Aussi, en dépit de leur qualité poétique, en dépit de la popularité de leur auteur, devenu l’une des « voix de chevet » des étudiants et anticonformistes soviétiques, elles n’avaient aucune chance d’être imprimées dans les revues autorisées. On ne les publia qu’à l’étranger : en 1969, 1972 et 1974 à Francfort sous le titre de « Chansons » (« Pesni » 3) ou « La Génération perdue » 4 (« Pokolénié obretchionnykh » 5) de même qu’en 1971 à Paris sous le titre de « Poèmes de Russie » (« Poemy Rossii » 6). Ces parutions clandestines aggravèrent encore le cas de M. Galitch aux yeux des autorités. Expulsé de l’Union des écrivains et celle des cinéastes, visité par des agents de surveillance, convoqué au KGB, rayé des scènes où il avait participé en tant qu’acteur, sans parler des enregistrements de ses ballades qu’on confisquait chez ses amis, M. Galitch se vit contraint en 1974 de quitter cette Russie à laquelle il était pourtant viscéralement attaché.
- En russe Александр Галич. Parfois transcrit Alexander Galich, Aleksandr Galicz ou Aleksandr Galič. De son vrai nom Alexandre Aronovitch Guinzbourg (Александр Аронович Гинзбург). Parfois transcrit Ginsburg, Guinsbourg, Ginzburg ou Ginzbourg.
- En russe « ни дочери ни жене »
- En russe « Песни »
Béliaev, « L’Île des navires perdus »
Il s’agit du roman « L’Île des navires perdus » (« Ostrov poguibchikh korableï » 1) d’Alexandre Béliaev 2, un des seuls écrivains soviétiques à avoir consacré toute son œuvre à la science-fiction. Il y a un épisode tragique dans la vie de Béliaev sans lequel nous ne comprendrions jamais que la moitié de cet écrivain ; sans lequel un côté de cet homme nous échapperait toujours. Un après-midi, le garçon qui portait le prénom ordinaire d’Alexandre, eut le désir extraordinaire de s’envoler dans les airs. Aussitôt décidé, aussitôt fait. Il attacha des balais à ses bras, monta sur le toit de la grange, et presque sans hésitation… sauta en bas. Loin de trouver le saut désagréable, il en fit, tout excité, un second et un troisième ; mais au dernier, il se fractura la colonne vertébrale et fut cloué au lit. Il sembla en voie de guérison ; mais en 1916 se déclara une tuberculose osseuse — maladie grave, dont les attaques douloureuses l’obligèrent à porter un corset orthopédique jusqu’à la fin de sa vie. Rien ne put arrêter, cependant, l’envol de son imagination. Affranchir les hommes des limites que la nature leur a posées, dans l’espoir — illusoire sans doute — que cet affranchissement les rendrait maîtres de leur destin, telle fut l’ambition de Béliaev enfermé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital. Ainsi, « La Tête du professeur Dowell » (« Golova professora Doouélia » 3) débarrasse l’esprit humain du corps ; « L’Homme qui ne dort jamais » (« Tchélovek, kotoryi né spit » 4) le libère du sommeil ; « Le Maître du monde » (« Vlastéline mira » 5) envisage la brillante perspective de l’homme devenu télépathe ; « L’Homme amphibie » (« Tchélovek-amfibia » 6) décrit le premier poisson parmi les hommes ou le premier homme parmi les poissons : « L’idée est toujours la même », dit Béliaev dans ce roman, son plus important et son plus célèbre, « l’être humain n’est pas parfait. Tout en ayant acquis au cours de l’évolution bon nombre d’avantages en comparaison de ses prédateurs animaux, [il] a dans le même temps perdu beaucoup de ce qu’il possédait dans les stades plus anciens de son développement… Pourquoi ne pas rendre à l’être humain [ces] facultés ? »
- En russe « Остров погибших кораблей ».
- En russe Александр Беляев. Parfois transcrit Beljaev, Belyaev, Belâev, Belyayev, Beljajew, Beljajev, Beliaew ou Béliaïev.
- En russe « Голова профессора Доуэля ».
- En russe « Человек, который не спит », inédit en français.
- En russe « Властелин мира », inédit en français.
- En russe « Человек-амфибия ».
Béliaev, « L’Homme amphibie »
éd. L’Âge d’homme, coll. Classiques slaves, Lausanne
Il s’agit du roman « L’Homme amphibie » d’Alexandre Béliaev 1, un des seuls écrivains soviétiques à avoir consacré toute son œuvre à la science-fiction. Il y a un épisode tragique dans la vie de Béliaev sans lequel nous ne comprendrions jamais que la moitié de cet écrivain ; sans lequel un côté de cet homme nous échapperait toujours. Un après-midi, le garçon qui portait le prénom ordinaire d’Alexandre, eut le désir extraordinaire de s’envoler dans les airs. Aussitôt décidé, aussitôt fait. Il attacha des balais à ses bras, monta sur le toit de la grange, et presque sans hésitation… sauta en bas. Loin de trouver le saut désagréable, il en fit, tout excité, un second et un troisième ; mais au dernier, il se fractura la colonne vertébrale et fut cloué au lit. Il sembla en voie de guérison ; mais en 1916 se déclara une tuberculose osseuse — maladie grave, dont les attaques douloureuses l’obligèrent à porter un corset orthopédique jusqu’à la fin de sa vie. Rien ne put arrêter, cependant, l’envol de son imagination. Affranchir les hommes des limites que la nature leur a posées, dans l’espoir — illusoire sans doute — que cet affranchissement les rendrait maîtres de leur destin, telle fut l’ambition de Béliaev enfermé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital. Ainsi, « La Tête du professeur Dowell » (« Golova professora Doouélia » 2) débarrasse l’esprit humain du corps ; « L’Homme qui ne dort jamais » (« Tchélovek, kotoryi né spit » 3) le libère du sommeil ; « Le Maître du monde » (« Vlastéline mira » 4) envisage la brillante perspective de l’homme devenu télépathe ; « L’Homme amphibie » (« Tchélovek-amfibia » 5) décrit le premier poisson parmi les hommes ou le premier homme parmi les poissons : « L’idée est toujours la même », dit Béliaev dans ce roman, son plus important et son plus célèbre, « l’être humain n’est pas parfait. Tout en ayant acquis au cours de l’évolution bon nombre d’avantages en comparaison de ses prédateurs animaux, [il] a dans le même temps perdu beaucoup de ce qu’il possédait dans les stades plus anciens de son développement… Pourquoi ne pas rendre à l’être humain [ces] facultés ? »
« Koltsov (1809-1842) »
dans « La Littérature russe : notices et extraits des principaux auteurs depuis les origines jusqu’à nos jours » (XIXe siècle)
Il s’agit du « Faucheur » (« Kossar » 1) et autres poèmes d’Alexis Vasilievitch Koltsov 2, poète russe (XIXe siècle). Son père était marchand de bœufs ; et sa mère, issue d’une famille qui se livrait au même négoce, était illettrée. Né au plein cœur de la steppe, qui lui servit de première école, en même temps que de confidente des mouvements les plus intimes de son cœur, le futur poète fut élevé à la diable, sans surveillance, jouant avec les gamins des rues et barbotant à son aise dans la boue. C’est bien à lui qu’on appliquera cette parole de La Bruyère : « L’on voit certains animaux farouches, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet, ils sont des hommes ». Il avait déjà neuf ans lorsqu’on songea à l’envoyer à l’école. Il n’y resta même pas un an et demi. Dès qu’il sut écrire et compter, son père le prit à la maison pour économiser le traitement d’un commis. Le petit Alexis connaissait à peine l’orthographe et il resta pour toujours brouillé avec elle, ainsi qu’avec la ponctuation et parfois même avec la grammaire. Mais la lecture était sa passion, et le peu d’argent qu’on lui donnait pour des friandises, il le consacrait à acheter les volumes des « Mille et une Nuits ». Il avait quinze ans lorsqu’un ami, fauché par une mort prématurée, eut l’idée de lui léguer toute sa bibliothèque : soixante-dix volumes. Quel trésor ! Mais son père ne lui laissait guère le temps d’en jouir. Il fallait sans cesse l’accompagner dans les bazars pour acheter des bestiaux qu’ils engraissaient sur la steppe et qu’ils revendaient à l’une des nombreuses fonderies de suif. « Je suis enchaîné par ma situation », dit Koltsov 3. « Maudit métier ! Que suis-je ? Un homme sans individualité, sans parole, sans rien. Une lamentable créature, un misérable être qui n’est bon qu’à traîner de l’eau et du bois, un mercanti, un grippe-sou, un juif, un Tzigane, une canaille, voilà ce que je dois être. »
Pissarev, « Notre Science universitaire : récit »
Il s’agit d’une traduction partielle de « Notre Science universitaire » (« Nacha ouniversitetskaïa naouka » 1) de Dmitri Ivanovitch Pissarev 2. « Crime et Châtiment » de Dostoïevski, avant d’être l’une des œuvres les plus profondes de psychologie criminelle, autour desquelles la pensée humaine vient tourner sans cesse, a été un pamphlet contre « l’égoïsme rationnel », un mouvement défendu en Russie dans les années 1860 par le journal « Rousskoïé slovo » 3 (« La Parole russe ») de Pissarev. Dostoïevski a vu le danger ; il a mis tout en œuvre pour détourner d’un tel égoïsme en décrivant les tourments de l’âme qui le suivent. Les faits lui donnèrent raison. Pissarev se noya lors d’une baignade — je veux dire noya délibérément — à vingt-sept ans, seul, mélancolique, détraqué par le vertige d’une croissance intellectuelle trop rapide. Mais reprenons dans l’ordre ! Issu d’une famille noble ruinée, Pissarev faisait encore ses études à l’Université de Saint-Pétersbourg, quand il débuta comme publiciste littéraire, chargé de rédiger la rubrique des comptes rendus bibliographiques dans la revue « Rassvet » 4 (« L’Aube »), qui portait le sous-titre « Revue des sciences, des arts et des lettres pour jeunes filles adultes ». Cette collaboration l’entraîna de force hors des murs calfeutrés des amphithéâtres, « à l’air libre », comme il le dit lui-même 5, et « ce passage forcé me donnait un plaisir coupable, que je ne pus dissimuler ni à moi-même ni aux autres… ». La question de l’émancipation de la femme étant en ce temps-là à l’ordre du jour dans « Rassvet », Pissarev en vint tout naturellement au problème plus large de la liberté de la personne humaine. Riche d’idées, il s’attendait à créer des miracles dans le domaine de la pensée : « Ayant jeté à bas dans mon esprit toutes sortes de Kazbeks 6 et de monts Blancs, je m’apparaissais à moi-même comme une espèce de Titan, de Prométhée qui s’était emparé du feu… ». Il mit ses idées, dès 1861, dans des articles remarquables par leur hardiesse et leur bouillonnement intellectuel, qu’il publia cette fois dans « Rousskoïé slovo ». Ce journal n’était plus la vertueuse « Revue pour jeunes filles adultes » où il avait fait ses premiers essais, mais était, au contraire, rempli d’agitation philosophique et politique. Pissarev en devint, en quelques jours, le principal collaborateur et membre de la rédaction ; et quand, un an plus tard, guetté par la censure, ce journal fut provisoirement suspendu, Pissarev jeta sur le papier un appel fiévreux de violence au « renversement de la dynastie des Romanov et de la bureaucratie pétersbourgeoise » et au « changement de régime politique » ; le lendemain, il était arrêté et incarcéré.
- En russe « Наша университетская наука ». Parfois transcrit « Nacha ouniversitetskaya naouka », « Nasha universitetskaya nauka » ou « Naša universitetskaja nauka ».
- En russe Дмитрий Иванович Писарев. Parfois transcrit Dmitrij Iwanowitsch Pissarew, Dmitry Ivanovich Pisarev, Dmitriy Ivanovich Pisarev, Dimitri Ivanovich Pisarev, Dmitrii Ivanovich Pisarev ou Dmitrij Ivanovič Pisarev.
- En russe « Русское слово ». Parfois transcrit « Rousskoé slovo », « Russkoïé slovo » ou « Russkoe slovo ».
Pissarev, « Essais critiques »
Il s’agit des « Réalistes » (« Realisty » 1) et autres articles de Dmitri Ivanovitch Pissarev 2. « Crime et Châtiment » de Dostoïevski, avant d’être l’une des œuvres les plus profondes de psychologie criminelle, autour desquelles la pensée humaine vient tourner sans cesse, a été un pamphlet contre « l’égoïsme rationnel », un mouvement défendu en Russie dans les années 1860 par le journal « Rousskoïé slovo » 3 (« La Parole russe ») de Pissarev. Dostoïevski a vu le danger ; il a mis tout en œuvre pour détourner d’un tel égoïsme en décrivant les tourments de l’âme qui le suivent. Les faits lui donnèrent raison. Pissarev se noya lors d’une baignade — je veux dire noya délibérément — à vingt-sept ans, seul, mélancolique, détraqué par le vertige d’une croissance intellectuelle trop rapide. Mais reprenons dans l’ordre ! Issu d’une famille noble ruinée, Pissarev faisait encore ses études à l’Université de Saint-Pétersbourg, quand il débuta comme publiciste littéraire, chargé de rédiger la rubrique des comptes rendus bibliographiques dans la revue « Rassvet » 4 (« L’Aube »), qui portait le sous-titre « Revue des sciences, des arts et des lettres pour jeunes filles adultes ». Cette collaboration l’entraîna de force hors des murs calfeutrés des amphithéâtres, « à l’air libre », comme il le dit lui-même 5, et « ce passage forcé me donnait un plaisir coupable, que je ne pus dissimuler ni à moi-même ni aux autres… ». La question de l’émancipation de la femme étant en ce temps-là à l’ordre du jour dans « Rassvet », Pissarev en vint tout naturellement au problème plus large de la liberté de la personne humaine. Riche d’idées, il s’attendait à créer des miracles dans le domaine de la pensée : « Ayant jeté à bas dans mon esprit toutes sortes de Kazbeks 6 et de monts Blancs, je m’apparaissais à moi-même comme une espèce de Titan, de Prométhée qui s’était emparé du feu… ». Il mit ses idées, dès 1861, dans des articles remarquables par leur hardiesse et leur bouillonnement intellectuel, qu’il publia cette fois dans « Rousskoïé slovo ». Ce journal n’était plus la vertueuse « Revue pour jeunes filles adultes » où il avait fait ses premiers essais, mais était, au contraire, rempli d’agitation philosophique et politique. Pissarev en devint, en quelques jours, le principal collaborateur et membre de la rédaction ; et quand, un an plus tard, guetté par la censure, ce journal fut provisoirement suspendu, Pissarev jeta sur le papier un appel fiévreux de violence au « renversement de la dynastie des Romanov et de la bureaucratie pétersbourgeoise » et au « changement de régime politique » ; le lendemain, il était arrêté et incarcéré.
- En russe « Реалисты ». Également connu sous le titre d’« Une Question non résolue » (« Нерешенный вопрос »). Parfois traduit « Une Question à résoudre ».
- En russe Дмитрий Иванович Писарев. Parfois transcrit Dmitrij Iwanowitsch Pissarew, Dmitry Ivanovich Pisarev, Dmitriy Ivanovich Pisarev, Dimitri Ivanovich Pisarev, Dmitrii Ivanovich Pisarev ou Dmitrij Ivanovič Pisarev.
- En russe « Русское слово ». Parfois transcrit « Rousskoé slovo », « Russkoïé slovo » ou « Russkoe slovo ».
Pissarev, « Choix d’articles philosophiques et politiques »
Il s’agit de « La Scolastique du XIXe siècle » (« Skholastika XIX veka » 1) et autres articles de Dmitri Ivanovitch Pissarev 2. « Crime et Châtiment » de Dostoïevski, avant d’être l’une des œuvres les plus profondes de psychologie criminelle, autour desquelles la pensée humaine vient tourner sans cesse, a été un pamphlet contre « l’égoïsme rationnel », un mouvement défendu en Russie dans les années 1860 par le journal « Rousskoïé slovo » 3 (« La Parole russe ») de Pissarev. Dostoïevski a vu le danger ; il a mis tout en œuvre pour détourner d’un tel égoïsme en décrivant les tourments de l’âme qui le suivent. Les faits lui donnèrent raison. Pissarev se noya lors d’une baignade — je veux dire noya délibérément — à vingt-sept ans, seul, mélancolique, détraqué par le vertige d’une croissance intellectuelle trop rapide. Mais reprenons dans l’ordre ! Issu d’une famille noble ruinée, Pissarev faisait encore ses études à l’Université de Saint-Pétersbourg, quand il débuta comme publiciste littéraire, chargé de rédiger la rubrique des comptes rendus bibliographiques dans la revue « Rassvet » 4 (« L’Aube »), qui portait le sous-titre « Revue des sciences, des arts et des lettres pour jeunes filles adultes ». Cette collaboration l’entraîna de force hors des murs calfeutrés des amphithéâtres, « à l’air libre », comme il le dit lui-même 5, et « ce passage forcé me donnait un plaisir coupable, que je ne pus dissimuler ni à moi-même ni aux autres… ». La question de l’émancipation de la femme étant en ce temps-là à l’ordre du jour dans « Rassvet », Pissarev en vint tout naturellement au problème plus large de la liberté de la personne humaine. Riche d’idées, il s’attendait à créer des miracles dans le domaine de la pensée : « Ayant jeté à bas dans mon esprit toutes sortes de Kazbeks 6 et de monts Blancs, je m’apparaissais à moi-même comme une espèce de Titan, de Prométhée qui s’était emparé du feu… ». Il mit ses idées, dès 1861, dans des articles remarquables par leur hardiesse et leur bouillonnement intellectuel, qu’il publia cette fois dans « Rousskoïé slovo ». Ce journal n’était plus la vertueuse « Revue pour jeunes filles adultes » où il avait fait ses premiers essais, mais était, au contraire, rempli d’agitation philosophique et politique. Pissarev en devint, en quelques jours, le principal collaborateur et membre de la rédaction ; et quand, un an plus tard, guetté par la censure, ce journal fut provisoirement suspendu, Pissarev jeta sur le papier un appel fiévreux de violence au « renversement de la dynastie des Romanov et de la bureaucratie pétersbourgeoise » et au « changement de régime politique » ; le lendemain, il était arrêté et incarcéré.
- En russe « Схоластика XIX века ». Parfois transcrit « Scholastika XIX veka » ou « Sholastika XIX veka ».
- En russe Дмитрий Иванович Писарев. Parfois transcrit Dmitrij Iwanowitsch Pissarew, Dmitry Ivanovich Pisarev, Dmitriy Ivanovich Pisarev, Dimitri Ivanovich Pisarev, Dmitrii Ivanovich Pisarev ou Dmitrij Ivanovič Pisarev.
- En russe « Русское слово ». Parfois transcrit « Rousskoé slovo », « Russkoïé slovo » ou « Russkoe slovo ».
Gontcharov, « La Frégate “Pallas” »
éd. L’Âge d’homme, coll. Classiques slaves, Lausanne
Il s’agit de « La Frégate “Pallas” » (« Fregat “Pallada” » 1), une série de lettres et d’impressions écrites par Ivan Gontcharov pendant son voyage autour du monde (1852-1855). À la grande surprise de ses amis qui le savaient le plus casanier des hommes, Gontcharov accepta de fuir l’horizon gris et poussiéreux de Saint-Pétersbourg, et de rejoindre un voyage diplomatique visant à devancer les Anglo-Saxons en ouvrant l’Extrême-Orient au commerce russe. Le père d’« Oblomov », le romancier de la paresse, de la nonchalance congénitale, le campagnard « né au milieu des terres et n’ayant jamais vu la mer » 2, le voilà donc à bord d’une frégate prête à lever l’ancre ! Ce voyage inattendu était en fait la réalisation d’un vieux rêve, inspiré par les récits de marins entendus dans son enfance ; c’était aussi une sorte de coup de tête, le premier et le dernier qu’on connaisse à l’actif de Gontcharov. Lui-même, une fois que la frégate eut quitté le port, s’étonna de son audace et mesura enfin l’énormité de son entreprise. Il se sentit faiblir et pensa déjà au retour, assailli de mille appréhensions : le mal de mer, les climats tropicaux, les fièvres malignes, les tempêtes… Ah, les tempêtes ! « Je me réveillais », dit-il 3, « tremblant et en sueur ; car un navire, après tout, aussi solide soit-il, aussi adapté à son élément, qu’est-ce d’autre qu’un morceau de bois, une corbeille sur l’eau… ? » Puis, tant bien que mal, il put se persuader que l’homme moderne avait diminué les incertitudes des voyages et les dangers qui les accompagnaient. On n’était plus aux temps où Colomb et Vasco de Gama, du pont de leur navire, leur figure tournée vers le large, tentaient de sonder le mystère étendu devant leurs yeux. « L’homme de lettres qui voyage [aujourd’hui], bâille mollement ; regarde l’océan sans bornes avec indolence ; se demande s’il y a de bons hôtels au Brésil, des blanchisseuses sur les îles Sandwich, ou comment se rendre en Australie », dit Gontcharov. Et il conclut : « Les parties du monde se rapprochent : d’Europe en Amérique, il n’y a qu’un pas [grâce aux] progrès gigantesques de la navigation. Pressons-nous donc de nous mettre en route ; car la poésie des lointains voyages disparaît non de jour en jour, mais d’heure en heure ! Peut-être sommes-nous les derniers grands voyageurs au sens où l’étaient les Argonautes »
Krachéninnikov, « Voyage en Sibérie contenant la description du Kamtchatka »
Il s’agit de la relation « Description de la terre du Kamtchatka » (« Opissanié zemli Kamtchatki » 1) de Stéphane Pétrovitch Krachéninnikov 2. En 1733, l’Impératrice Anne Ire de Russie envoya une caravane scientifique avec pour mission d’explorer la Sibérie orientale et de pousser les recherches jusqu’à la pointe du Kamtchatka, afin de lever des cartes ; d’observer les formations géologiques ; d’inventorier la faune et la flore ; d’étudier la vie et les mœurs des habitants ; en un mot, de rassembler tout ce qui pourrait faire connaître ces contrées si maltraitées par la nature. Pour remplir cette mission, l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, fondée moins d’une décennie plus tôt, ne put faire appel qu’à des savants étrangers. L’expédition fut confiée à deux Allemands : Johann Georg Gmelin, naturaliste, et Gerhard Friedrich Müller, historien. On leur adjoignit six jeunes étudiants russes, capables de les seconder, et qui, en se perfectionnant sous ces professeurs, pourraient les remplacer par la suite. Le brave Krachéninnikov était du nombre. « Il avait fait avec beaucoup de succès le cours de ses études. Sa capacité et son amour pour le travail l’avaient toujours distingué de tous ses condisciples ; aux qualités de l’esprit, il joignait des mœurs honnêtes et vertueuses », dit l’avis de l’éditeur 3. En vérité, le gros de l’expédition ne s’aventura jamais à l’Est de Yakoutsk, même si Müller se félicita plus tard dans une lettre : « On trouverait difficilement une ville ou un autre lieu peu connu de Sibérie (“eine Stadt oder anderer merckwürdiger Ort in Sibirien”) où je ne sois pas allé ». C’est qu’étant parvenus à Yakoutsk, les Allemands apprirent que les préparatifs pour la navigation jusqu’au Kamtchatka étaient peu avancés, et qu’à cette distance immense de Saint-Pétersbourg, les ordres du gouvernement n’obtenaient pas toujours une obéissance parfaite. Comme ils avaient un certain nombre d’observations à faire sur place, ils jugèrent à propos de s’y arrêter, d’autant que le pénible et désagréable voyage leur avait ôté l’envie de se rendre chez les « sauvages du bout du monde » et de prolonger une mission qui, se plaignaient-ils 4, était « semblable à une déportation ».
- En russe « Описание земли Камчатки ». Parfois transcrit « Opisanije zemli Kamčatki », « Opisanie zemli Kamtschatki » ou « Opisaniye zemli Kamchatki ».
- En russe Степан Петрович Крашенинников. Parfois transcrit Krasheninnikov, Krascheninnikof, Krachéninnikof, Krasheninikoff, Krašeninnikov, Krašeninikov, Krascheninnikow ou Kracheninnikow.
- p. VI.
- Dans Yves Gauthier et Antoine Garcia, « L’Exploration de la Sibérie », p. 240.
Ostrovski, « Et l’acier fut trempé : roman »
éd. Les Éditeurs français réunis, Paris
Il s’agit d’« Et l’acier fut trempé » 1 (« Kak zakalialas stal » 2), roman d’idéalisation soviétique, écrit pour la jeunesse par Nicolaï Alexeïevitch Ostrovski 3. La richesse et la diversité de l’art russe ne purent survivre à l’avènement du régime communiste. L’éventail des points de vue et des techniques artistiques se rétrécit rapidement sous la pression des groupes prolétariens, devenus de plus en plus inflexibles à mesure que l’appareil d’État lui-même devenait plus rigide et plus intransigeant. En avril 1932, par décret du Comité central du Parti communiste, tous les cercles littéraires de l’U.R.S.S. furent dissous, et l’ensemble des écrivains invités à rejoindre l’Union des écrivains soviétiques (Soïouz pissatéleï S.S.S.R. 4). Sorte de Politburo littéraire œuvrant pour l’« unité fondamentale de la littérature soviétique », cette Union était dirigée par de hauts cadres qui recevaient leurs ordres du Parti et de Staline lui-même. On vit alors apparaître une conception dictatoriale des arts, connue sous le nom de « soc-réalisme » (« sotsrealizm » 5) ou « réalisme socialiste », et destinée à imposer des titres préparés à l’avance et des sujets convenus : la religion du travail et de l’effort ; la naissance d’un ouvrier ou d’une usine ; l’avènement de l’homme nouveau dans une société nouvelle ; le rôle du Parti dans ce grand bouleversement. Écrits dans un but de glorification et propagande, les romans du « soc-réalisme » étaient imprimés à des centaines de milliers d’exemplaires et proposés comme référence aux jeunes générations. Au reste, c’étaient des romans très faiblement et très défectueusement construits, dépourvus de tout génie, fortement influencés par la prose médiocre de Gorki. Quelquefois, il est vrai, des lueurs de sincérité révolutionnaire et de pureté de conviction perçaient malgré la monotonie du sujet et l’insuffisance du talent : c’était le cas de l’œuvre d’Ostrovski qui, quoique limitée à deux romans — « Et l’acier fut trempé » et « Enfantés par la tempête » (inachevé du fait de la mort de l’auteur) — n’en a pas moins laissé un vif souvenir chez ses lecteurs.
- Parfois traduit « Comment l’acier fut trempé ».
- En russe « Как закалялась сталь ».
- En russe Николай Алексеевич Островский. Parfois transcrit Nikolai Ostrowski, Nikolaj Ostrovskij, Nicolas Ostrovski ou Nikolay Ostrovsky. À ne pas confondre avec Alexandre Nikolaïevitch Ostrovski, auteur dramatique, qui vécut un siècle plus tôt.
Ostrovski, « Enfantés par la tempête : roman [inachevé] »
éd. Les Éditeurs français réunis, Paris
Il s’agit d’« Enfantés par la tempête » (« Rojdionnyïé boureï » 1), roman d’idéalisation soviétique, écrit pour la jeunesse par Nicolaï Alexeïevitch Ostrovski 2. La richesse et la diversité de l’art russe ne purent survivre à l’avènement du régime communiste. L’éventail des points de vue et des techniques artistiques se rétrécit rapidement sous la pression des groupes prolétariens, devenus de plus en plus inflexibles à mesure que l’appareil d’État lui-même devenait plus rigide et plus intransigeant. En avril 1932, par décret du Comité central du Parti communiste, tous les cercles littéraires de l’U.R.S.S. furent dissous, et l’ensemble des écrivains invités à rejoindre l’Union des écrivains soviétiques (Soïouz pissatéleï S.S.S.R. 3). Sorte de Politburo littéraire œuvrant pour l’« unité fondamentale de la littérature soviétique », cette Union était dirigée par de hauts cadres qui recevaient leurs ordres du Parti et de Staline lui-même. On vit alors apparaître une conception dictatoriale des arts, connue sous le nom de « soc-réalisme » (« sotsrealizm » 4) ou « réalisme socialiste », et destinée à imposer des titres préparés à l’avance et des sujets convenus : la religion du travail et de l’effort ; la naissance d’un ouvrier ou d’une usine ; l’avènement de l’homme nouveau dans une société nouvelle ; le rôle du Parti dans ce grand bouleversement. Écrits dans un but de glorification et propagande, les romans du « soc-réalisme » étaient imprimés à des centaines de milliers d’exemplaires et proposés comme référence aux jeunes générations. Au reste, c’étaient des romans très faiblement et très défectueusement construits, dépourvus de tout génie, fortement influencés par la prose médiocre de Gorki. Quelquefois, il est vrai, des lueurs de sincérité révolutionnaire et de pureté de conviction perçaient malgré la monotonie du sujet et l’insuffisance du talent : c’était le cas de l’œuvre d’Ostrovski qui, quoique limitée à deux romans — « Et l’acier fut trempé » et « Enfantés par la tempête » (inachevé du fait de la mort de l’auteur) — n’en a pas moins laissé un vif souvenir chez ses lecteurs.