Mot-clef794-1185 (époque de Heian)

Takakuni, « Gouverneurs de province et Guerriers dans les “Histoires qui sont maintenant du passé” »

éd. Collège de France-Institut des hautes études japonaises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris

éd. Col­lège de France-Ins­ti­tut des hautes études ja­po­naises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Histoires d’amour du temps jadis »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Histoires fantastiques du temps jadis »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Histoires qui sont maintenant du passé, “Konjaku-monogatari shû” »

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

« Un Lettré à la Cour de l’Empereur Ichijô : Ôe no Masahira »

dans « Mélanges offerts à M. Charles Haguenauer, en l’honneur de son quatre-vingtième anniversaire : études japonaises » (éd. L’Asiathèque, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris), p. 369-387

dans « Mé­langes of­ferts à M. Charles Ha­gue­nauer, en l’honneur de son quatre-ving­tième an­ni­ver­saire : études ja­po­naises » (éd. L’Asiathèque, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris), p. 369-387

Il s’agit d’Ôe no Ma­sa­hira1, le confé­ren­cier de l’Empereur du Ja­pon et le plus fé­cond let­tré de son temps (Xe-XIe siècle apr. J.-C.). Ses com­po­si­tions sont ras­sem­blées dans le « Re­cueil de l’adjoint du dé­par­te­ment des rites » (« Kô­rihô-shû »2), re­cueil de cent trente-trois poé­sies et trente-huit pré­faces, com­po­sées par Ma­sa­hira sur des thèmes im­po­sés soit à l’occasion de cé­ré­mo­nies de la Cour, soit dans des réunions mon­daines.

Dès six ans, à l’âge où les en­fants che­vau­chaient des bâ­tons de bam­bou, Ma­sa­hira ap­prit à lire. Deux ans plus tard, il com­mença à s’exercer à la poé­sie chi­noise. Son grand-père, qui fi­gu­rait au nombre des hauts di­gni­taires, sur­veillait ses études et l’encourageait : « Tu as, toi, l’étoffe d’un pré­cep­teur de l’Empereur », lui di­sait-il3, « tu te trou­ve­ras sû­re­ment sur le pas­sage d’un roi Bun [un roi cher­chant un sage pour mi­nistre] ». L’enfant ajou­tait foi à ces pa­roles ; son es­prit s’exaltait. Il ti­rait son ri­deau et ne don­nait même pas un re­gard fur­tif au jar­din. Il fer­mait sa porte et n’accordait nul mo­ment à la marche et aux jeux. Son oc­cu­pa­tion, c’était l’étude ; sa ri­chesse, c’était le vent et la lune, thèmes de ses com­po­si­tions. Pauvre, il pou­vait à peine en­du­rer les souf­frances du froid. Seuls quatre murs com­po­saient sa mai­son où il avait honte de voir s’enfouir ses livres. Sa vieille mère avait quatre-vingts ans, et il déses­pé­rait de n’avoir pas un trai­te­ment suf­fi­sant pour l’entretenir. « Confu­cius a dit : ce­lui qui étu­die trouve sa ré­com­pense dans l’étude. Trompé par ces pa­roles, dans ma jeu­nesse, j’ai — lourde faute — aimé les lettres ; c’est exac­te­ment comme si j’avais rêvé et perdu ma vie », écri­vit le mal­heu­reux Ma­sa­hira4 après qu’on lui eut re­fusé à plu­sieurs re­prises le poste qu’il s’était ad­jugé et qu’il croyait sien. Mais à par­tir de 1000 apr. J.-C. sa ré­pu­ta­tion s’établit, et de­venu confé­ren­cier de l’Empereur, c’est-à-dire chargé de lui com­men­ter cer­taines œuvres et de lui four­nir des textes chi­nois mu­nis des signes qui per­met­taient à un Ja­po­nais une lec­ture plus ai­sée, il pré­senta à Ichijô-tennô5 « Le Livre des vers », « Les Mé­moires his­to­riques », « L’Œuvre » de Tchouang-tseu, etc.

  1. En ja­po­nais 大江匡衡. Par­fois trans­crit Ooe no Ma­sa­hira. Haut
  2. En ja­po­nais « 江吏部集 ». Par­fois trans­crit « Gō­rihō-shū ». Haut
  3. « Un Let­tré à la Cour de l’Empereur Ichijô : Ôe no Ma­sa­hira », p. 374. Haut
  1. Dans Fran­cine Hé­rail, « La Cour et l’Administration du Ja­pon », p. 240. Haut
  2. En ja­po­nais 一条天皇. Haut

Michinaga, « Notes journalières. Tome III »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du « Midô kan­pa­kuki »1 (« Notes jour­na­lières », ou lit­té­ra­le­ment « Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle ») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »4 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »5 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais « 御堂関白記 ». Par­fois trans­crit « Midô kam­pa­kuki ». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, « Poèmes », p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

Michinaga, « Notes journalières. Tome II »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du « Midô kan­pa­kuki »1 (« Notes jour­na­lières », ou lit­té­ra­le­ment « Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle ») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »4 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »5 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais « 御堂関白記 ». Par­fois trans­crit « Midô kam­pa­kuki ». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, « Poèmes », p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

Michinaga, « Notes journalières. Tome I »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du « Midô kan­pa­kuki »1 (« Notes jour­na­lières », ou lit­té­ra­le­ment « Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle ») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »4 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »5 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais « 御堂関白記 ». Par­fois trans­crit « Midô kam­pa­kuki ». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, « Poèmes », p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

Michinaga, « Poèmes »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit des poèmes de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga1, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »2. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »3 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »4 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  2. p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

« Man-yôshû. Livres VII, VIII et IX »

éd. UNESCO-Publications orientalistes de France, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Poètes du Japon, Paris-Aurillac

éd. UNESCO-Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Poètes du Ja­pon, Pa­ris-Au­rillac

Il s’agit du « Man-yô-shû »1 (« Re­cueil d’une my­riade de feuilles »2), une des pre­mières com­pi­la­tions de poèmes ja­po­nais. Alors que l’antique prose du Ja­pon re­pré­sente plus ou moins l’influence étran­gère de la Chine, l’antique poé­sie, elle, a quelque chose de pro­fon­dé­ment in­di­gène. De fait, le « Man-yô-shû » et le « Ko­kin-shû » peuvent être qua­li­fiés d’anthologies na­tio­nales du Ja­pon. Il faut re­con­naître que la poé­sie a tou­jours tenu une très grande place dans l’âme ja­po­naise, dont elle dé­voile, pour ainsi dire, toute l’intimité. De règne en règne, les Em­pe­reurs ja­po­nais, aux pre­mières fleurs de prin­temps comme aux der­nières lunes d’automne, ont convo­qué la suite de leurs cour­ti­sans, et sous l’inspiration des choses, se sont fait pré­sen­ter des poèmes. Parmi ces cour­ti­sans, quelques-uns ont mis leur amour en pa­ral­lèle avec la fu­mée du mont Fuji, d’autres se sont sou­ve­nus de la loin­taine jeu­nesse du mont Otoko, d’autres, en­fin, à voir la ro­sée sur l’herbe, l’écume sur l’eau, se sont la­men­tés sur leur propre im­per­ma­nence. « La poé­sie du Ya­mato3 a pour ra­cine le cœur hu­main et pour feuilles des mil­liers de pa­roles », dit Ki no Tsu­rayuki dans sa su­blime pré­face au « Ko­kin-shû », qui s’élève à des som­mets ja­mais en­core éga­lés dans la cri­tique ja­po­naise. « Le temps a beau al­ler ses étapes ; les choses pas­ser ; les joies et les tris­tesses croi­ser leurs routes : quand le rythme est là, com­ment cette poé­sie pour­rait-elle pé­rir ? S’il est vrai que les ai­guilles du pin durent sans choir ni pé­rir ; que les em­preintes des oi­seaux pour long­temps se gravent4 ; la poé­sie du Ya­mato [se main­tien­dra pour ja­mais] ».

  1. En ja­po­nais « 万葉集 ». Par­fois trans­crit « Man­jóšú », « Ma­nyôśû », « Man-yô-siû », « Man-yo-siou », « Ma­nyo­schu », « Ma­nyô­shou », « Ma­nyo­shiu », « Man­nyo­shu » ou « Man­nyo­chou ». Haut
  2. Titre obs­cur. « Yô » () veut dire « feuille » ou « gé­né­ra­tion » ; de sorte qu’on peut en­tendre soit « Re­cueil de feuilles in­nom­brables », comme celles d’un grand arbre ou d’un grand livre, soit « Re­cueil de toutes les gé­né­ra­tions ». Haut
  1. Pour le Ja­pon, le nom du Ya­mato est comme ce­lui de la Gaule pour la France. Haut
  2. Al­lu­sion à la lé­gende qui veut que Cang Jie (倉頡) ait in­venté les ca­rac­tères chi­nois en ob­ser­vant des em­preintes d’oiseaux dans la boue. Haut

Komachi, « Visages cachés, Sentiments mêlés : le livre poétique »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’Ono no Ko­ma­chi1, poé­tesse ja­po­naise (IXe siècle apr. J.-C.) cé­lèbre par sa beauté, et qui fut la seule femme à fi­gu­rer dans la liste des « six gé­nies de la poé­sie » (« rok­ka­sen »2) de son temps. Quand on évoque Ko­ma­chi, on parle et on fait par­ler in­évi­ta­ble­ment deux fi­gures : la réelle et la lé­gen­daire. Les traits de la Ko­ma­chi réelle nous échappent et ne se laissent guère fixer ; en dé­pit de tous les ef­forts, elle reste en grande par­tie mys­té­rieuse : « Le flou, le voilé dans la brume qui l’enveloppent au tra­vers d’une poi­gnée de poèmes — dont on est cer­tain qu’elle fut l’auteur — et dans les quelques re­pères de son exis­tence énig­ma­tique ont les nuances in­fimes d’un la­vis si dé­lavé qu’il en émane en per­ma­nence le vague à l’âme… dans le­quel se plaît à se re­flé­ter l’âme ja­po­naise », disent MM. Ar­men Go­del et Koi­chi Kano3. Elle ne nous est at­tes­tée que par les qua­rante-cinq poèmes ir­ré­fu­tables qu’on lui connaît et qui fi­gurent dans les an­tho­lo­gies poé­tiques, et par le té­moi­gnage contem­po­rain de Ki no Tsu­rayuki qui la dé­crit ainsi : « Ono no Ko­ma­chi émeut, mais manque de force : pour ainsi dire pa­reille à une femme dont le charme se mê­le­rait de mé­lan­co­lique fai­blesse »4. Quant à la Ko­ma­chi lé­gen­daire, elle laissa mou­rir de froid, dit-on, le ca­pi­taine de Fu­ka­kusa5, à qui elle im­posa cent nuits de veille de­vant sa porte : le mal­heu­reux amant mou­rut au terme de la quatre-vingt-dix-neu­vième. Tou­jours se­lon la lé­gende, elle en fut cruel­le­ment pu­nie, puisqu’elle tomba dans une très pro­fonde tris­tesse. En­fin, les an­nées vinrent et la ren­dirent hor­rible et dé­cré­pite. Elle fi­nit par er­rer en men­diant sur les che­mins. Elle al­lait d’école en école, ré­ci­tant aux en­fants ses vers qu’elle ne vou­lait pas trans­mettre par écrit à un monde qu’elle dé­tes­tait.

  1. En ja­po­nais 小野小町. Au­tre­fois trans­crit Ono no Ko­mat­chi ou Ono-no Ko-maţi. Haut
  2. En ja­po­nais 六歌仙. Au­tre­fois trans­crit « rok­ka­çenn ». Haut
  3. p. 5. Haut
  1. « Le Mo­nu­ment poé­tique de Heian : le “Ko­kin­shû”. Tome I. Pré­face de Ki no Tsu­rayuki », p. 71. Haut
  2. En ja­po­nais 深草少将. Par­fois trans­crit Fou­ka­kousa-Chô­chô ou Fu­ka­kusa no Shō­shō. Haut

« Man-yôshû. Livres IV, V et VI »

éd. UNESCO-Publications orientalistes de France, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Poètes du Japon, Paris-Cergy

éd. UNESCO-Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Poètes du Ja­pon, Pa­ris-Cergy

Il s’agit du « Man-yô-shû »1 (« Re­cueil d’une my­riade de feuilles »2), une des pre­mières com­pi­la­tions de poèmes ja­po­nais. Alors que l’antique prose du Ja­pon re­pré­sente plus ou moins l’influence étran­gère de la Chine, l’antique poé­sie, elle, a quelque chose de pro­fon­dé­ment in­di­gène. De fait, le « Man-yô-shû » et le « Ko­kin-shû » peuvent être qua­li­fiés d’anthologies na­tio­nales du Ja­pon. Il faut re­con­naître que la poé­sie a tou­jours tenu une très grande place dans l’âme ja­po­naise, dont elle dé­voile, pour ainsi dire, toute l’intimité. De règne en règne, les Em­pe­reurs ja­po­nais, aux pre­mières fleurs de prin­temps comme aux der­nières lunes d’automne, ont convo­qué la suite de leurs cour­ti­sans, et sous l’inspiration des choses, se sont fait pré­sen­ter des poèmes. Parmi ces cour­ti­sans, quelques-uns ont mis leur amour en pa­ral­lèle avec la fu­mée du mont Fuji, d’autres se sont sou­ve­nus de la loin­taine jeu­nesse du mont Otoko, d’autres, en­fin, à voir la ro­sée sur l’herbe, l’écume sur l’eau, se sont la­men­tés sur leur propre im­per­ma­nence. « La poé­sie du Ya­mato3 a pour ra­cine le cœur hu­main et pour feuilles des mil­liers de pa­roles », dit Ki no Tsu­rayuki dans sa su­blime pré­face au « Ko­kin-shû », qui s’élève à des som­mets ja­mais en­core éga­lés dans la cri­tique ja­po­naise. « Le temps a beau al­ler ses étapes ; les choses pas­ser ; les joies et les tris­tesses croi­ser leurs routes : quand le rythme est là, com­ment cette poé­sie pour­rait-elle pé­rir ? S’il est vrai que les ai­guilles du pin durent sans choir ni pé­rir ; que les em­preintes des oi­seaux pour long­temps se gravent4 ; la poé­sie du Ya­mato [se main­tien­dra pour ja­mais] ».

  1. En ja­po­nais « 万葉集 ». Par­fois trans­crit « Man­jóšú », « Ma­nyôśû », « Man-yô-siû », « Man-yo-siou », « Ma­nyo­schu », « Ma­nyô­shou », « Ma­nyo­shiu », « Man­nyo­shu » ou « Man­nyo­chou ». Haut
  2. Titre obs­cur. « Yô » () veut dire « feuille » ou « gé­né­ra­tion » ; de sorte qu’on peut en­tendre soit « Re­cueil de feuilles in­nom­brables », comme celles d’un grand arbre ou d’un grand livre, soit « Re­cueil de toutes les gé­né­ra­tions ». Haut
  1. Pour le Ja­pon, le nom du Ya­mato est comme ce­lui de la Gaule pour la France. Haut
  2. Al­lu­sion à la lé­gende qui veut que Cang Jie (倉頡) ait in­venté les ca­rac­tères chi­nois en ob­ser­vant des em­preintes d’oiseaux dans la boue. Haut

« Le Monument poétique de Heian : le “Kokinshû”. Tome II. Chefs-d’œuvre »

éd. P. Geuthner, coll. Yoshino, Paris

éd. P. Geuth­ner, coll. Yo­shino, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Ko­kin-waka-shû »1 (« Re­cueil de poé­sies de ja­dis et na­guère »), plus connu sous le titre abrégé de « Ko­kin-shû »2 (« Re­cueil de ja­dis et na­guère »), une des pre­mières com­pi­la­tions de poèmes ja­po­nais. Alors que l’antique prose du Ja­pon re­pré­sente plus ou moins l’influence étran­gère de la Chine, l’antique poé­sie, elle, a quelque chose de pro­fon­dé­ment in­di­gène. De fait, le « Ko­kin-shû » et le « Man-yô-shû » peuvent être qua­li­fiés d’anthologies na­tio­nales du Ja­pon. Il faut re­con­naître que la poé­sie a tou­jours tenu une très grande place dans l’âme ja­po­naise, dont elle dé­voile, pour ainsi dire, toute l’intimité. De règne en règne, les Em­pe­reurs ja­po­nais, aux pre­mières fleurs de prin­temps comme aux der­nières lunes d’automne, ont convo­qué la suite de leurs cour­ti­sans, et sous l’inspiration des choses, se sont fait pré­sen­ter des poèmes. Parmi ces cour­ti­sans, quelques-uns ont mis leur amour en pa­ral­lèle avec la fu­mée du mont Fuji, d’autres se sont sou­ve­nus de la loin­taine jeu­nesse du mont Otoko, d’autres, en­fin, à voir la ro­sée sur l’herbe, l’écume sur l’eau, se sont la­men­tés sur leur propre im­per­ma­nence. « La poé­sie du Ya­mato3 a pour ra­cine le cœur hu­main et pour feuilles des mil­liers de pa­roles », dit Ki no Tsu­rayuki dans sa su­blime pré­face au « Ko­kin-shû », qui s’élève à des som­mets ja­mais en­core éga­lés dans la cri­tique ja­po­naise. « Le temps a beau al­ler ses étapes ; les choses pas­ser ; les joies et les tris­tesses croi­ser leurs routes : quand le rythme est là, com­ment cette poé­sie pour­rait-elle pé­rir ? S’il est vrai que les ai­guilles du pin durent sans choir ni pé­rir ; que les em­preintes des oi­seaux pour long­temps se gravent4 ; la poé­sie du Ya­mato [se main­tien­dra pour ja­mais] ».

  1. En ja­po­nais « 古今和歌集 ». Au­tre­fois trans­crit « Ko­kinn Ouaka Chou ». Haut
  2. En ja­po­nais « 古今集 ». Au­tre­fois trans­crit « Ko­kinn­chou » ou « Ko­kin­ciou ». Haut
  1. Pour le Ja­pon, le nom du Ya­mato est comme ce­lui de la Gaule pour la France. Haut
  2. Al­lu­sion à la lé­gende qui veut que Cang Jie (倉頡) ait in­venté les ca­rac­tères chi­nois en ob­ser­vant des em­preintes d’oiseaux dans la boue. Haut