Mot-cleflittérature vietnamienne

Đặng Trần Côn, Đoàn Thị Điểm et Hoàng Xuân Nhị, «Plaintes de la femme d’un guerrier»

éd. Sudestasie, Paris

éd. Su­des­ta­sie, Pa­ris

Il s’agit des «Plaintes de la femme d’un guer­rier» 1Chinh phụ ngâm» 2), poème viet­na­mien (XVIIIe siècle apr. J.-C.) où sont ex­pri­mées les dou­leurs d’une femme sé­pa­rée de son mari par la guerre, en même temps que les dé­cep­tions éter­nelles d’une hu­ma­nité as­pi­rant aux simples joies de l’amour. Bien que ces «Plaintes» ne soient pas un pam­phlet an­ti­mi­li­ta­riste, elles prennent un tel ac­cent d’impuissant déses­poir, elles sont si sin­cères dans leur in­quié­tude, qu’elles sus­citent une aver­sion ins­tinc­tive contre la guerre. On ra­conte que cer­tains sol­dats, en les en­ten­dant chan­ter, dé­ser­taient :

«Sur les champs de car­nage, la vie aven­tu­reuse du sol­dat
N’est que trop sem­blable à la cou­leur des feuilles!
» 3

Écrites d’abord en chi­nois clas­sique par Đặng Trần Côn, ces «Plaintes» furent en­suite adap­tées en viet­na­mien par une femme cé­lèbre, Đoàn Thị Điểm, et en­fin en fran­çais par un écri­vain in­jus­te­ment ou­blié, M. Hoàng Xuân Nhị. Tous les trois étaient Viet­na­miens; tous les trois vi­vaient des époques trou­blées, des époques qui ar­ra­chaient les jeunes gens à leurs foyers; et les scènes dé­chi­rantes dont ils étaient les té­moins, en­traient pour quelque chose dans leur ins­pi­ra­tion. De Đặng Trần Côn, nous ne sa­vons rien de vrai­ment bien pré­cis, si­non qu’il com­posa son poème dans une pé­riode de luttes in­tes­tines entre les sei­gneurs du Nord et du Sud. Tout le monde le li­sait et l’admirait, et quelques-uns al­laient jusqu’à dire : «Toute son in­tel­li­gence se ma­ni­feste dans ce long poème. L’auteur vi­vra en­core trois ans tout au plus» 4. Cette pro­phé­tie fut mal­heu­reu­se­ment réa­li­sée : Đặng Trần Côn mou­rut, en ef­fet, trois ans plus tard, poussé, semble-t-il, au sui­cide. Quant à la poé­tesse Đoàn Thị Điểm, sur­nom­mée Hồng Hà («Re­flets-Roses»), nous n’avons d’autres ren­sei­gne­ments sur elle que ceux four­nis par son orai­son fu­nèbre : «En agi­tant son pin­ceau pour dé­crire les pay­sages, elle ex­prima des sen­ti­ments très pro­fonds… ca­pables d’émouvoir même les Im­mor­tels… Hé­las! elle n’avait pas de de­meure stable… Ma­riée seule­ment après la tren­taine, elle quitta la terre la qua­ran­taine pas­sée. Sa voix et sa phy­sio­no­mie res­tèrent in­con­nues; ses œuvres ar­tis­tiques — sans écho; elle par­tit sans aver­tir sa vieille mère. N’est-ce pas que le des­tin est bi­zarre? Le ciel est-il donc in­juste?»

  1. Par­fois tra­duit «La Com­plainte de l’épouse du guer­rier», «Chant de la femme du com­bat­tant» ou «Plaintes d’une femme dont le mari est parti pour la guerre». Haut
  2. En chi­nois «征婦吟». Haut
  1. p. 46. Haut
  2. Dans Bùi Văn Lăng, «Pré­face à “Com­plainte de la femme d’un guer­rier”», p. II. Haut

«L’Œuvre de la poétesse vietnamienne Hồ-Xuân-Hương»

éd. École française d’Extrême-Orient, coll. Textes et Documents sur l’Indochine-Textes nôm, Paris

éd. École fran­çaise d’Extrême-Orient, coll. Textes et Do­cu­ments sur l’Indochine-Textes nôm, Pa­ris

Il s’agit de Hồ Xuân Hương, poé­tesse non confor­miste viet­na­mienne (XIXe siècle). Sa jeu­nesse bouillon­nante de sève, son rire es­piègle et in­sou­ciant, l’habileté de ses com­po­si­tions dont le sens est gé­né­ra­le­ment double — un sens ma­ni­feste, peu cri­ti­quable au point de vue de la mo­rale, et un sens pa­ral­lèle, en fi­li­grane, d’un éro­tisme ex­trême —, son goût et son ta­lent en­fin dans l’emploi de la langue po­pu­laire, suf­fisent pour que les Viet­na­miens la ché­rissent comme la ga­mine la plus spi­ri­tuelle de leur lit­té­ra­ture na­tio­nale. «On au­rait dit une fille qui, re­trous­sant sa jupe, bar­bo­te­rait dans une mare», dit un cri­tique 1. La lé­gende ra­conte 2 que ses pa­rents mou­rurent de bonne heure, et qu’elle et sa sœur se par­ta­gèrent l’héritage, qui était consi­dé­rable. Hồ Xuân Hương, avec sa part, construi­sit un riche jar­din où se voyaient trois beaux pa­villons. Ce jar­din était en­touré de vi­viers; et de­vant les pa­villons, il y avait toutes sortes d’arbustes taillés et de pierres re­cou­vertes d’inscriptions. Là, elle te­nait des concours poé­tiques et pro­po­sait de choi­sir pour mari ce­lui qui réus­si­rait à la vaincre. Ce­pen­dant, au­cun ne le put. Quoique ses vers li­cen­cieux soient condam­nés una­ni­me­ment par les mo­ra­listes, Hồ Xuân Hương y est pous­sée non par un pen­chant vers de mau­vaises mœurs, mais par la tour­nure même de son es­prit lit­té­raire, comme ja­dis la poé­tesse Sap­pho dans ses su­blimes com­po­si­tions. Si l’on pé­nètre au fond des choses, ne dé­couvre-t-on pas, chez cette femme de lettres, une âme à la fois sou­ve­raine, saine, ro­buste, d’une sen­sua­lité fré­mis­sante :

«Mon corps est comme le fruit du ja­quier sur l’arbre.
Son écorce est ru­gueuse, sa pulpe épaisse;
Sei­gneur, si vous l’aimez, plan­tez-y votre coin,
Mais, je vous prie, ne le pal­pez pas pour qu’il vous en­glue les mains
»

  1. Nguyễn Đức Bính. Haut
  1. «His­toire de Hồ Xuân Hương» dans «Contes et Lé­gendes an­na­mites». Haut

«Les Chants et les Traditions populaires des Annamites»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

«L’Hyménée dans le rêve : contes et légendes du Viêt-nam»

éd. Sudestasie, Paris

éd. Su­des­ta­sie, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

«Anthologie de la littérature populaire du Viêt-nam»

éd. L’Harmattan, Paris

éd. L’Harmattan, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

Tản Đà (Nguyễn Khắc Hiếu), «Poèmes»

éd. électronique

éd. élec­tro­nique

Il s’agit des «Poèmes» de Nguyễn Khắc Hiếu, poète, ro­man­cier et jour­na­liste viet­na­mien (XIXe-XXe siècle) qui se donna le sur­nom de Tản Đà, en as­so­ciant le nom de la mon­tagne Tản Viên à ce­lui de la ri­vière Đà près des­quelles il na­quit. Sa mère l’éleva seule. Bien qu’égarée dans le quar­tier mal famé des chan­teuses, c’était une ex­cel­lente can­ta­trice, une ar­tiste re­cher­chée, et même très ver­sée en lit­té­ra­ture. Il hé­rita d’elle cette ca­dence, cette har­mo­nie mu­si­cale dont il se dis­tin­gua. Au­tant en prose, il était d’un es­prit mal­adroit et lourd; au­tant en poé­sie, il sa­vait ti­rer de la langue viet­na­mienne, si mu­si­cale en elle-même, un ef­fet in­égalé. «Ses poé­sies, pu­bliées dans la presse et trans­mises de bouche à l’oreille, do­mi­naient sans par­tage jusqu’à l’avènement de la “Nou­velle poé­sie” au dé­but des an­nées 1930…», dit Mme Nguyen Phuong Ngoc 1. «La sim­pli­cité des mots, proche des chants po­pu­laires… la sin­cé­rité des sen­ti­ments ex­pri­més, une… poé­tique exempte de dis­cours mo­ra­li­sa­teur — tout cela est sans doute le se­cret du suc­cès de Tản Đà dans une so­ciété co­lo­niale en tran­si­tion.» Mais le mé­pris ab­solu de l’argent pré­ci­pita Tản Đà au comble de la mi­sère. Il était pro­digue et ai­mait la bonne chère, quoiqu’il — ou parce qu’il — était tou­jours dans le be­soin. À tra­vers ses poches per­cées s’engouffrait le peu qui de­vait pour­voir à sa femme et ses huit en­fants. Un jour, après des de­mandes ré­ité­rées et pres­santes de son pro­prié­taire pour payer le loyer, Tản Đà dut se rendre à Saï­gon pour se pro­cu­rer la somme né­ces­saire. Mais vers onze heures du soir, il re­vint avec un ca­nard rôti, une bou­teille de rhum, et quelques autres vic­tuailles. Dès la porte, il dit à ses amis sur un ton déses­péré : «Tout est perdu!» Ils lui de­man­dèrent ce qui n’allait pas, et il ré­pon­dit avec aplomb : «Je n’ai pu em­prun­ter que vingt piastres, tout à fait in­suf­fi­santes pour payer le loyer. Aussi ai-je pré­féré ache­ter quelque chose à boire, ce qui nous a coûté un peu plus de dix piastres» 2. Voici la ma­nière dont il s’exprime dans un poème in­ti­tulé «En­core ivre» («Lại say») : «Je sais bien que c’est mal de tom­ber dans l’ivresse. Tant pis! Je re­con­nais mon tort, mais ne puis m’empêcher… Ne vois-je pas la Terre ivre qui roule sur elle-même, et le So­leil dont le vi­sage ru­ti­lant tra­hit l’ivresse? Qui en rit?»

  1. «Pré­face au “Pe­tit Rêve”». Haut
  1. «Poèmes», p. 11. Haut

«Chants-Poèmes des monts et des eaux : anthologie des littératures orales des ethnies du Viêt-nam»

éd. Sudestasie-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris

éd. Su­des­ta­sie-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

«La Femme vietnamienne d’autrefois à travers les chansons populaires»

éd. Thanh-Long, Bruxelles

éd. Thanh-Long, Bruxelles

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

«La Littérature populaire vietnamienne»

éd. électronique

éd. élec­tro­nique

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

Nguyễn Dữ, «Vaste Recueil de légendes merveilleuses»

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit du «Vaste Re­cueil de lé­gendes mer­veilleuses» 1Truyền kỳ mạn lục» 2) de Nguyễn Dữ 3, conteur viet­na­mien du XVIe siècle apr. J.-C., élève de Nguyễn Bỉnh Khiêm. In­dif­fé­rent à la po­li­tique, il se re­tira dans son vil­lage pour soi­gner sa mère, et au cours des an­nées qui sui­virent, il ne sor­tit pas une seule fois en ville, s’enfermant chez lui pour com­po­ser ces vingt lé­gendes mer­veilleuses à l’imitation des vingt «Nou­velles His­toires en mou­chant la chan­delle» de Qu You. On lui re­proche d’avoir pré­féré la langue chi­noise à la viet­na­mienne, et d’avoir re­cher­ché à des­sein ce style pré­ten­tieux, hé­rissé d’allusions obs­cures, qui rend la rhé­to­rique chi­noise une énigme pour le com­mun des hommes; ce qui n’empêche pas son re­cueil d’avoir eu, par sa haute va­leur édu­ca­tive, une in­fluence du­rable et pro­fonde sur les lettres viet­na­miennes, de­puis le «Nou­veau Re­cueil de contes mer­veilleux» («Truyền kỳ tân phả» 4) de Đoàn Thị Điểm (XVIIIe siècle) jusqu’aux «Lé­gendes des terres se­reines» de Pham Duy Khiêm (XXe siècle). «Pour nous, gens du XXIe siècle, l’ouvrage est d’une va­leur in­es­ti­mable parce qu’il est l’un des rares livres, peut-être le seul, qui donne un ta­bleau as­sez net des dif­fé­rentes couches so­ciales de l’ancienne so­ciété du Viêt-nam… Bien que cette œuvre soit écrite en chi­nois — faut-il rap­pe­ler que le chi­nois était la langue de culture de tout l’Extrême-Orient jusqu’au dé­but du XXe siècle —, elle res­tera l’un des purs joyaux de notre lit­té­ra­ture na­tio­nale», ex­plique M. Nguyễn Trần Huân

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­la­tion éten­due des faits étranges rap­por­tés par la tra­di­tion», «Re­cueil des contes mer­veilleux», «Vaste Re­cueil des his­toires mer­veilleuses», «Re­cueil des contes ex­tra­or­di­naires», «Vaste Re­cueil des mer­veilles trans­mises» ou «Vaste Re­cueil de la trans­mis­sion des mer­veilles». Haut
  2. En chi­nois «傳奇漫錄». Haut
  1. À ne pas confondre avec Nguyễn Du, l’auteur du «Kim-Vân-Kiều», qui vé­cut deux siècles plus tard. Haut
  2. In­édit en fran­çais. Haut

Nguyễn Trãi, «Recueil de poèmes en langue nationale»

éd. du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Paris

éd. du Centre na­tio­nal de la re­cherche scien­ti­fique (CNRS), Pa­ris

Il s’agit du «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale» 1Quốc âm thi tập») de Nguyễn Trãi, let­tré viet­na­mien (XIVe-XVe siècle) qui mar­qua de son gé­nie po­li­tique et mi­li­taire la guerre d’indépendance me­née contre les Chi­nois. Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand man­da­rin à la Cour. Quand les ar­mées chi­noises des Ming en­va­hirent le pays, il fut ar­rêté avec plu­sieurs autres di­gni­taires et en­voyé en exil à Nan­kin. Nguyễn Trãi sui­vit le cor­tège des pri­son­niers jusqu’à la fron­tière. Bra­vant le joug, les en­traves et les coups de ses geô­liers, le grand man­da­rin or­donna à son fils : «Tu ne dois pas pleu­rer la sé­pa­ra­tion d’un père et de son fils. Pleure sur­tout l’humiliation de ton peuple. Quand tu se­ras en âge, venge-moi!» 2 Nguyễn Trãi gran­dit. Il tint la pro­messe so­len­nelle faite à son père, en ras­sem­blant le peuple en­tier au­tour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de de­ve­nir Em­pe­reur du Viêt-nam. Hé­las! la dy­nas­tie des Lê ainsi fon­dée prit vite om­brage des conseils et de la no­to­riété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il ve­nait de conduire à la vic­toire, notre pa­triote se fit er­mite et poète : «Je ne cours point après les hon­neurs ni ne re­cherche les pré­bendes; [je] ne suis ni joyeux de ga­gner ni triste de perdre. Les eaux ho­ri­zonnent ma fe­nêtre, les mon­tagnes — ma porte. Les poèmes em­plissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition ta­lon­nait sans ré­pit? Des tombes à l’abandon sous l’herbe épaisse» 3. Toute sa vie, Nguyễn Trãi eut cette seule pré­oc­cu­pa­tion : l’amour de la pa­trie qui, dans son cœur, était in­sé­pa­rable de l’amour du peuple. Res­tant as­sis, ser­rant une froide cou­ver­ture sur lui, il pas­sait des nuits sans som­meil, son­geant com­ment re­le­ver le pays et pro­cu­rer au peuple une paix du­rable après ces longues guerres : «Dans mon cœur, une seule pré­oc­cu­pa­tion sub­siste : les af­faires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux pre­miers tin­te­ments de cloche» 4. On tient gé­né­ra­le­ment la «Grande Pro­cla­ma­tion de la pa­ci­fi­ca­tion des Chi­nois» pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans le­quel, aujourd’hui en­core, chaque Viet­na­mien re­con­naît avec émo­tion l’une des sources les plus ra­fraî­chis­santes de son iden­tité na­tio­nale : «Notre pa­trie, le Grand Viêt, de­puis tou­jours, était terre de vieille culture. Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses mon­tagnes, ses mœurs et ses cou­tumes dis­tincts de ceux du Nord…» Mais son «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale» qui dé­crit, avec par­fois une teinte d’amertume, les charmes de la vie ver­tueuse et so­li­taire, et qui change en ta­bleaux en­chan­teurs les scènes de la na­ture sau­vage et né­gli­gée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un pu­blic étran­ger.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Re­cueil des poé­sies en langue na­tio­nale» ou «Col­lec­tion de poèmes en langue na­tio­nale». Haut
  2. Dans Dương Thu Hương, «Les Col­lines d’eucalyptus : ro­man». Haut
  1. «Re­cueil de poèmes en langue na­tio­nale», p. 200. Haut
  2. id. p. 132. Haut

Pham Duy Khiêm, «La Jeune Femme de Nam Xuong»

éd. Taupin, Hanoï

éd. Tau­pin, Ha­noï

Il s’agit de «La Jeune Femme de Nam Xuong» de M. Pham Duy Khiêm 1, écri­vain viet­na­mien d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en France ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des co­lo­nies, eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un amour im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’échec. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au Viêt-nam qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une an­goisse, qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun homme», dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine mé­lan­co­lie, s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa jeu­nesse, ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde Guerre, par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très mal et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la vie mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme moi, en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Haut

Pham Duy Khiêm, «Légendes des terres sereines»

éd. Mercure de France, Paris

éd. Mer­cure de France, Pa­ris

Il s’agit des «Lé­gendes des terres se­reines» de M. Pham Duy Khiêm 1, écri­vain viet­na­mien d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en France ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des co­lo­nies, eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un amour im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’échec. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au Viêt-nam qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une an­goisse, qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun homme», dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine mé­lan­co­lie, s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa jeu­nesse, ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde Guerre, par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très mal et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la vie mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme moi, en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Haut