Icône CatégorieOuvrages peu soignés ou mal finis

le père de Angelis, « Relation du royaume d’Iezo »

dans « Histoire de ce qui s’est passé au Japon, tirée des lettres écrites ès années 1619, 1620 et 1621 » (XVIIᵉ siècle), p. 365-380

dans « de ce qui s’est passé au , ti­rée des lettres écrites ès an­nées 1619, 1620 et 1621» (XVIIe siècle), p. 365-380

Il s’agit de la «Re­la­tion du royaume d’Iezo» («Re­la­zione del re­gno di Iezo») du bien­heu­reux père Gi­ro­lamo de An­ge­lis, dit Jé­rôme de An­ge­lis 1, prêtre jé­suite, que le shô­gun fit brû­ler vif le 4 dé­cembre 1623. Le père de An­ge­lis était na­tif d’Enna, en Si­cile. Il en­tra dans la Com­pa­gnie de Jé­sus à l’âge de dix-huit ans. Pen­dant ses études en et avant même d’être prêtre, on lui ac­corda de par­tir pour la mis­sion du Ja­pon. Il s’embarqua avec le père Charles Spi­nola pour Lis­bonne, d’où ils firent voile le 10 avril 1596. Une très vio­lente tem­pête les as­saillit au cap de Bonne-Es­pé­rance et en­dom­ma­gea gra­ve­ment leur vais­seau, qui dut tour­ner en ar­rière pour être ré­paré au Bré­sil, puis aban­donné à Porto Rico à cause d’une ava­rie. Le 21 août 1597, ils s’embarquèrent sur un na­vire mar­chand; mais quelques cor­saires les sur­prirent en che­min et ame­nèrent pri­son­niers à Londres. Re­mis en presque aus­si­tôt, nos re­tour­nèrent à Lis­bonne et re­par­tirent pour le Ja­pon, où ils ar­ri­vèrent en 1602 au terme de ce voyage si long, si tra­versé, qui leur de­manda, comme vous voyez, six an­nées. Le père de An­ge­lis mit en­core une an­née à ap­prendre le , après quoi il par­cou­rut plu­sieurs fois le pays. Bra­vant et sur­mon­tant tous les obs­tacles, il fit d’innombrables conver­sions. Les fi­dèles ne pou­vant le vi­si­ter ou­ver­te­ment, il se dé­gui­sait et al­lait les at­tendre à des lieux dé­ter­mi­nés. Le tout pre­mier, il porta la chré­tienne jusque dans l’île d’ ou Iezo 2 (l’actuel Hok­kaidô) où il fut en 1618, puis en 1621. Cette île in­té­res­sait ses su­pé­rieurs, d’autant qu’elle ne sem­blait pas en­core re­ven­di­quée par les Ja­po­nais, dont la pré­sence se can­ton­nait dans le fief de ou Mat­su­mai 3. Tout le reste, de­puis Mat­su­mae jusqu’à la pointe sep­ten­trio­nale, sans comp­ter les en­core plus au Nord, Sa­kha­line et les Kou­riles, était ha­bité par des in­di­gènes à demi sau­vages, nom­més Aï­nous; la «Re­la­tion» les ap­pelle Ie­zois. D’autre part, les routes d’Ezo n’étaient pas des che­mins bat­tus comme au Ja­pon, mais des sen­tiers ro­cailleux qui bor­daient des pré­ci­pices ef­frayants, «tel­le­ment que ce n’est pas [éton­nant] que les Ie­zois mettent plus de jour­nées pour al­ler de Mat­su­mai jusqu’[à l’autre bout de leur île] que les Ja­po­nais n’en mettent pour al­ler de Nii­gata jusqu’à la pointe de » 4. Pour toutes ces rai­sons, les Ja­po­nais ne connais­saient ces terres que par des ouï-dire contra­dic­toires et par cer­tains ar­ticles de qu’ils re­ce­vaient des mains des Aï­nous : des , des peaux de phoques, des ha­bits faits avec l’écorce des , des peaux de cerfs… Et ils igno­raient même «si le royaume d’Iezo est une île ou non»

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Jé­rosme des Anges et Hié­rosme de An­ge­lis. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 蝦夷. Par­fois trans­crit Iéso, Yezo, Yesso, Yéso, Jeso ou Jesso. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 松前藩. Par­fois trans­crit Mats­maï, Mats­mayé, Mats­mey, Mat­sou­may ou Mat­sou­maï. Icône Haut
  2. p. 376. Icône Haut

Mazilescu, « Le Magasin aux porcelaines »

dans « Liberté », vol. 16, nº 4, p. 12-15

dans «», vol. 16, nº 4, p. 12-15

Il s’agit du «Ma­ga­sin aux por­ce­laines» («Prăvă­lia cu por­ce­la­nuri») de M. , l’un des der­niers sur­réa­listes rou­mains. Exa­gé­rant un peu, je di­rais que la de M. Ma­zi­lescu a com­mencé et fini dans la ta­verne de l’Union des à Bu­ca­rest. La table où il s’asseyait chaque soir n’était pas seule­ment le coin de l’établissement où les plus co­pieuses quan­ti­tés de vodka étaient en­glou­ties; c’était éga­le­ment une sorte d’atelier, un cé­nacle lit­té­raire. Entre deux dis­cours tra­giques, em­pes­tant l’alcool, agré­men­tés de l’invocation de la belle Ro­dica, sa déesse et «la plus grande réa­li­sa­tion de [sa] » 1, ponc­tués, en­fin, de ju­rons, qu’il était le seul à pou­voir se per­mettre en l’éminente pré­sence de MM. Ma­rin Preda et Ni­chita Stă­nescu as­sis de­vant lui, M. Ma­zi­lescu dé­cla­mait sa toute der­nière poé­sie, tout en y opé­rant de pe­tites mais im­por­tantes re­touches. On l’appelait «le tailleur de dia­mants» 2, car il don­nait à sa poé­sie une pre­mière forme, puis il re­tran­chait, ajou­tait, sub­sti­tuait des mots pen­dant des mois, si bien que ses convives fi­nis­saient par l’apprendre par cœur en l’entendant ré­ci­ter si sou­vent. Comme tous les vers d’ivrogne, ceux de M. Ma­zi­lescu ap­pa­raissent tou­jours d’une fa­çon ou d’une autre in­ter­rom­pus, el­lip­tiques, in­ex­pli­ca­ble­ment ac­cro­chés à leur propre dif­fé­rente de la nôtre, échap­pant à la . In­fé­rieurs aux vers lu­cides si l’on veut, ils ont, ce­pen­dant, ce mé­rite qu’ils donnent la ferme convic­tion que la poé­sie, c’est la chose la plus es­sen­tielle qui soit, la chose qui se ré­veille le plus tôt et qui s’éteint en der­nier lieu en nous, quand bien même nous se­rions as­sis dans une ta­verne aux confins du ci­vi­lisé là où les map­pe­mondes in­diquent seule­ment «Ibi sunt leones» («Là se trouvent des lions») : «Qui donc se tient là au bord de l’abîme et dit et parle en re­gar­dant sans cesse à sa montre, comme un vieillard saisi de pa­nique à la tom­bée de la ? Ses pen­sées [sont] plus éteintes qu’une bou­gie éteinte. “Ibi sunt leones.” C’est là que se croisent en ef­fet les deux zones : [celle] de la vie et [celle] de la confiance in­com­men­su­rable en l’éternité. Par là, il pousse des . “Ibi sunt leones”», dit M. Ma­zi­lescu

  1. «Il se fera si­lence, il se fera soir», p. 13. Icône Haut
  1. En «șle­fui­to­rul de dia­mante». Icône Haut

Mazilescu, « Il se fera silence, il se fera soir »

éd. Comp’act, coll. La Polygraphe, Chambéry

éd. Comp’act, coll. La , Cham­béry

Il s’agit des re­cueils «Il se fera si­lence, il se fera soir» («Va fi li­niște, va fi seară»), «Frag­ments de la ré­gion de ja­dis» («Frag­mente din re­giu­nea de odi­nioară») et «Vers» («Ver­suri») de M. , l’un des der­niers sur­réa­listes rou­mains. Exa­gé­rant un peu, je di­rais que la de M. Ma­zi­lescu a com­mencé et fini dans la ta­verne de l’Union des à Bu­ca­rest. La table où il s’asseyait chaque soir n’était pas seule­ment le coin de l’établissement où les plus co­pieuses quan­ti­tés de vodka étaient en­glou­ties; c’était éga­le­ment une sorte d’atelier, un cé­nacle lit­té­raire. Entre deux dis­cours tra­giques, em­pes­tant l’alcool, agré­men­tés de l’invocation de la belle Ro­dica, sa déesse et «la plus grande réa­li­sa­tion de [sa] » 1, ponc­tués, en­fin, de ju­rons, qu’il était le seul à pou­voir se per­mettre en l’éminente pré­sence de MM. Ma­rin Preda et Ni­chita Stă­nescu as­sis de­vant lui, M. Ma­zi­lescu dé­cla­mait sa toute der­nière poé­sie, tout en y opé­rant de pe­tites mais im­por­tantes re­touches. On l’appelait «le tailleur de dia­mants» 2, car il don­nait à sa poé­sie une pre­mière forme, puis il re­tran­chait, ajou­tait, sub­sti­tuait des mots pen­dant des mois, si bien que ses convives fi­nis­saient par l’apprendre par cœur en l’entendant ré­ci­ter si sou­vent. Comme tous les vers d’ivrogne, ceux de M. Ma­zi­lescu ap­pa­raissent tou­jours d’une fa­çon ou d’une autre in­ter­rom­pus, el­lip­tiques, in­ex­pli­ca­ble­ment ac­cro­chés à leur propre dif­fé­rente de la nôtre, échap­pant à la . In­fé­rieurs aux vers lu­cides si l’on veut, ils ont, ce­pen­dant, ce mé­rite qu’ils donnent la ferme convic­tion que la poé­sie, c’est la chose la plus es­sen­tielle qui soit, la chose qui se ré­veille le plus tôt et qui s’éteint en der­nier lieu en nous, quand bien même nous se­rions as­sis dans une ta­verne aux confins du ci­vi­lisé là où les map­pe­mondes in­diquent seule­ment «Ibi sunt leones» («Là se trouvent des lions») : «Qui donc se tient là au bord de l’abîme et dit et parle en re­gar­dant sans cesse à sa montre, comme un vieillard saisi de pa­nique à la tom­bée de la ? Ses pen­sées [sont] plus éteintes qu’une bou­gie éteinte. “Ibi sunt leones.” C’est là que se croisent en ef­fet les deux zones : [celle] de la vie et [celle] de la confiance in­com­men­su­rable en l’éternité. Par là, il pousse des . “Ibi sunt leones”», dit M. Ma­zi­lescu

  1. «Il se fera si­lence, il se fera soir», p. 13. Icône Haut
  1. En «șle­fui­to­rul de dia­mante». Icône Haut

Shiki, « Un Lit de malade six pieds de long (5 mai-17 septembre 1902) »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Non fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. -Sé­rie Non , Pa­ris

Il s’agit du «Un Lit de ma­lade six pieds de long» («Byô­shô ro­ku­shaku» 1) de Ma­saoka Shiki, de son vrai nom Ma­saoka Tsu­ne­nori 2, poète . Il ne fut pas, je crois, un grand au­teur; mais on ne peut lui nier d’avoir re­nou­velé l’intérêt pour le haïku, dont il fit à la fois une arme of­fen­sive et un ferme bou­clier dans sa lutte contre la tu­ber­cu­lose qui al­lait l’emporter à trente-cinq ans. Il cra­cha du dès 1889, ce qui lui ins­pira le pseu­do­nyme de Shiki 3le Cou­cou»), oi­seau qui, quand il chante, laisse ap­pa­raître sa gorge rou­geoyante. Sa pre­mière ten­ta­tive lit­té­raire fut un au titre ro­man­tique, «La Ca­pi­tale de la lune» («Tsuki no miyako» 4), qu’il alla mon­trer à Kôda Ro­han. Ce der­nier, au faîte de sa gloire, mon­tra une telle ab­sence d’enthousiasme, que Shiki se li­vra au dé­cou­ra­ge­ment et au déses­poir et re­nonça tout à fait au ro­man; mais étant un être im­pul­sif, il prit alors une dé­ci­sion qui al­lait chan­ger le reste de sa , puisque c’est au cours de cette an­née 1892 qu’il dé­cida, d’une part, de se consa­crer en­tiè­re­ment au haïku et, d’autre part, d’accepter un poste au jour­nal «Ni­hon» («Ja­pon») en tant que de . Dans une co­lonne de ce quo­ti­dien, il dé­ve­loppa pen­dant une dé­cen­nie ses sur les an­ciens. Sa fut in­flexible jusqu’à la du­reté, vé­hé­mente jusqu’à la . Il est même per­mis de se de­man­der s’il n’était pas en proie à quelque dé­mence lorsqu’il af­fir­mait «que Ki no Tsu­rayuki en tant que poète était nul, et le “Ko­kin-shû” — une af­freuse»; ou bien «que les vers de Ba­shô conte­naient le meilleur et le pire». En même que ces ar­ticles théo­riques, Shiki pro­dui­sit ses propres et in­vita ses lec­teurs à en faire tout au­tant : «Shiki s’[engagea] dans un tra­vail, au fond, de poé­sie col­lec­tive qui mé­rite d’être rap­pelé… Il de­mande aux lec­teurs d’envoyer leurs textes. Il les pu­blie, les cri­tique. D’emblée, la créa­tion n’est pas chose unique, mais cha­cun a le — et doit — com­po­ser dix, vingt, trente haï­kus dans la même jour­née, et avec les mêmes mots, les mêmes images… Ce qui donne des cen­taines de poèmes qui se­ront pu­bliés dans le jour­nal… En l’ de cinq ans, on verra ainsi se consti­tuer des di­zaines de groupes, pour ainsi dire dans toutes les ré­gions du Ja­pon», ex­plique M. Jean-Jacques Ori­gas 5. Aus­si­tôt après la de Shiki, ces groupes se virent re­lé­gués dans l’oubli; mais ils furent, un temps, le creu­set de l’avant-gardisme et de la ré­no­va­tion du haïku.

  1. En ja­po­nais «病牀六尺». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 正岡常規. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 子規. Par­fois trans­crit Chiki ou Šiki. Re­mar­quez que l’idéogramme se re­trouve à la fois dans Tsu­ne­nori et dans Shiki. Icône Haut
  1. En ja­po­nais «月の都». Titre em­prunté au «Conte du cou­peur de bam­bous». Icône Haut
  2. «Une », p. 159. Icône Haut

« Les Auteurs du printemps russe. Galitch »

éd. Noir sur blanc, Montricher

éd. Noir sur blanc, Mon­tri­cher

Il s’agit de M. Alexandre Ga­litch 1, poète-chan­son­nier (XXe siècle). Avec son pen­chant à la cor­ro­sive, son ma­nie­ment de l’argot des camps, son art de sai­sir les dé­tails pi­quants de la des classes in­fé­rieures ou per­sé­cu­tées aux­quelles il ap­par­te­nait, M. Ga­litch a inau­guré, gui­tare au poing, le genre du court sketch mis en vers et rendu avec une sû­reté éton­nante dans les ac­cents et l’intonation. Dis­si­dentes, sub­ver­sives, ses bal­lades gê­naient le pou­voir, qui ne pou­vait leur par­don­ner de dire à haute ce que l’ de la masse, l’homme de la rue pen­sait tout bas. Ré­pan­dues très vite grâce à la du ma­gné­to­phone, elles raillaient la no­menk­la­tura bu­reau­cra­tique et ses pri­vi­lèges («pri­vi­lèges no­menk­la­tu­raux, tra­hi­sons no­menk­la­tu­rales», chan­taient-elles en re­frain) ainsi que l’humeur peu­reuse des pe­tits comme ce­lui qui, ayant rêvé qu’il était le géant At­las, ne parla de son rêve «ni à sa fille ni à sa femme» («ni dot­cheri ni jené» 2) pour ne pas éveiller de soup­çons. Aussi, en dé­pit de leur qua­lité , en dé­pit de la po­pu­la­rité de leur au­teur, de­venu l’une des «voix de che­vet» des étu­diants et an­ti­con­for­mistes so­vié­tiques, elles n’avaient au­cune d’être im­pri­mées dans les re­vues au­to­ri­sées. On ne les pu­blia qu’à l’étranger : en 1969, 1972 et 1974 à Franc­fort sous le titre de «» («Pesni» 3) ou «La Gé­né­ra­tion per­due» 4Po­ko­lé­nié obret­chion­nykh» 5) de même qu’en 1971 à Pa­ris sous le titre de «Poèmes de » («Poemy Ros­sii» 6). Ces pa­ru­tions clan­des­tines ag­gra­vèrent en­core le cas de M. Ga­litch aux yeux des au­to­ri­tés. Ex­pulsé de l’Union des et celle des ci­néastes, vi­sité par des agents de sur­veillance, convo­qué au KGB, rayé des scènes où il avait par­ti­cipé en tant qu’acteur, sans par­ler des en­re­gis­tre­ments de ses bal­lades qu’on confis­quait chez ses amis, M. Ga­litch se vit contraint en 1974 de quit­ter cette Rus­sie à la­quelle il était pour­tant vis­cé­ra­le­ment at­ta­ché.

  1. En russe Александр Галич. Par­fois trans­crit Alexan­der Ga­lich, Alek­sandr Ga­licz ou Alek­sandr Ga­lič. De son vrai nom Alexandre Aro­no­vitch Guinz­bourg (Александр Аронович Гинзбург). Par­fois trans­crit Gins­burg, Guins­bourg, Ginz­burg ou Ginz­bourg. Icône Haut
  2. En russe «ни дочери ни жене» Icône Haut
  3. En russe «Песни» Icône Haut
  1. Au­tre­fois tra­duit «La Gé­né­ra­tion des condam­nés». Icône Haut
  2. En russe «Поколение обречённых». Par­fois trans­crit «Po­ko­le­nie obret­chen­nych» ou «Po­ko­le­nie obre­chen­nykh». Icône Haut
  3. En russe «Поэмы России». Icône Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome IX. Les Consultations du Docteur-Noir, part. 2. Daphné »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de «Daphné» d’, poète à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les de ces deux rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses «Poé­sies», mais un as­sez mau­vais drame — «Chat­ter­ton» en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : «[Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion», dé­clare un  1. «L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste», ajoute un autre cri­tique 2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la . Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la  : « faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe!», dit-il 3. Et aussi : «J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins; re­viennent les sou­ve­nirs…; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour»

  1. Émile Mon­té­gut. Icône Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Icône Haut
  1. «Tome VI. Jour­nal d’un poète», p. 132. Icône Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome VIII. Théâtre, part. 2. Quitte pour la peur • Le More De Venise • Shylock »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de «Quitte pour la » et autres œuvres d’, poète à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les de ces deux rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses «Poé­sies», mais un as­sez mau­vais drame — «Chat­ter­ton» en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : «[Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion», dé­clare un  1. «L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste», ajoute un autre cri­tique 2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la . Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la  : « faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe!», dit-il 3. Et aussi : «J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins; re­viennent les sou­ve­nirs…; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour»

  1. Émile Mon­té­gut. Icône Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Icône Haut
  1. «Tome VI. Jour­nal d’un poète», p. 132. Icône Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome VII. Théâtre, part. 1. Chatterton • La Maréchale d’Ancre »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de «La Ma­ré­chale d’Ancre» et autres œuvres d’, poète à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les de ces deux rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses «Poé­sies», mais un as­sez mau­vais drame — «Chat­ter­ton» en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : «[Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion», dé­clare un  1. «L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste», ajoute un autre cri­tique 2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la . Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la  : « faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe!», dit-il 3. Et aussi : «J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins; re­viennent les sou­ve­nirs…; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour»

  1. Émile Mon­té­gut. Icône Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Icône Haut
  1. «Tome VI. Jour­nal d’un poète», p. 132. Icône Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome V. Les Consultations du Docteur-Noir, part. 1. Stello »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de «Stello» d’, poète à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les de ces deux rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses «Poé­sies», mais un as­sez mau­vais drame — «Chat­ter­ton» en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : «[Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion», dé­clare un  1. «L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste», ajoute un autre cri­tique 2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la . Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la  : « faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe!», dit-il 3. Et aussi : «J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins; re­viennent les sou­ve­nirs…; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour»

  1. Émile Mon­té­gut. Icône Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Icône Haut
  1. «Tome VI. Jour­nal d’un poète», p. 132. Icône Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome III. Cinq-Mars, part. 2 »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de «Cinq-Mars» d’, poète à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les de ces deux rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses «Poé­sies», mais un as­sez mau­vais drame — «Chat­ter­ton» en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : «[Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion», dé­clare un  1. «L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste», ajoute un autre cri­tique 2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la . Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la  : « faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe!», dit-il 3. Et aussi : «J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins; re­viennent les sou­ve­nirs…; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour»

  1. Émile Mon­té­gut. Icône Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Icône Haut
  1. «Tome VI. Jour­nal d’un poète», p. 132. Icône Haut

Rosny, « L’Énigme de Givreuse • La Haine surnaturelle »

éd. Bibliothèque nationale de France, coll. Les Orpailleurs, Paris

éd. Bi­blio­thèque na­tio­nale de , coll. Les Or­pailleurs, Pa­ris

Il s’agit de «L’Énigme de Gi­vreuse» et autres œuvres de . Sous le pseu­do­nyme de Rosny se masque la col­la­bo­ra­tion lit­té­raire entre deux  : Jo­seph-Henri-Ho­noré Boëx et Sé­ra­phin-Jus­tin-Fran­çois Boëx. Ils na­quirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une fran­çaise, hol­lan­daise et es­pa­gnole ins­tal­lée en . Ces di­verses, leur ins­tinct de , un âpre de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vi­gueur mus­cu­laire —, leur han­tise de la , et jusque la fas­ci­na­tion qu’exerçaient sur eux les terres in­hos­pi­ta­lières et sau­vages, firent naître chez eux le rêve de re­joindre les tri­bus in­diennes qui han­taient en­core les éten­dues loin­taines du . Londres d’abord et Pa­ris en­suite n’étaient dans leur tête qu’une es­cale; mais le des­tin les y fixa pour la et fit d’eux des pri­son­niers de ces ten­ta­cu­laires que les Rosny al­laient fouiller en pro­fon­deur, avec toute la pas­sion que sus­citent des contrées in­con­nues, des contrées hu­maines et bru­tales. Ils pé­né­trèrent dans les fau­bourgs sor­dides; ils connurent les four­naises, les usines, les fa­briques fa­rouches et re­pous­santes, cra­chant leurs noires fu­mées dans le , les dé­po­toirs à perte de vue, au­tour des­quels grouillaient des hommes de fer et de . Cette vi­sion exal­tait les Rosny jusqu’aux larmes : «Le front contre sa vitre, il contem­plait le fau­bourg si­nistre, les hautes che­mi­nées d’usine, avec l’impression d’une tue­rie lente et in­vin­cible. Au­rait-on le de sau­ver les hommes?… De vastes es­pé­rances ba­layaient cette crainte» 1. À ja­mais éga­rés des ho­ri­zons ca­na­diens, les Rosny se conso­lèrent en créant une des ban­lieues, à la­quelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une fo­rêt vierge, d’une sa­vane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ra­mures et de fauves, ils la ti­rèrent, aussi vierge, de l’étrange re­mous de la in­dus­trielle. Le sif­fle­ment des , le re­ten­tis­se­ment des en­clumes, la des foules de­vint pour eux un bruit aussi re­li­gieux que l’appel des cloches. L’aspect fé­roce, puis­sant des tra­vailleurs, à la sor­tie des ate­liers, leur évo­qua les temps pri­mi­tifs où les pre­miers hommes se dé­bat­taient dans des com­bats vio­lents contre les forces élé­men­taires de la . Dans leurs ro­mans aux dé­cors sub­ur­bains, qui re­joignent d’ailleurs leurs ré­cits pré­his­to­riques et , puisqu’ils se penchent sur «tout l’antique mys­tère» 2 des de­ve­nirs de la vie — dans leurs ro­mans, dis-je, les Rosny font voir que «la fo­rêt vierge et les grandes in­dus­tries ne sont pas des choses op­po­sées, ce sont des choses ana­logues»; qu’un «mor­ceau de Pa­ris, où s’entasse la gran­deur de nos sem­blables, doit faire pal­pi­ter les au­tant que la chute du Rhin à Schaff­house» 3; que l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture — ou plu­tôt, il est im­pos­sible de sé­pa­rer l’une de l’autre.

  1. «La Vague rouge». Icône Haut
  2. «L’Aube du fu­tur». Icône Haut
  1. «La Vague rouge». Icône Haut

Béliaev, « L’Île des navires perdus »

éd. Lingva, coll. Classiques populaires, Lisieux

éd. Lingva, coll. Clas­siques po­pu­laires, Li­sieux

Il s’agit du «L’Île des per­dus» («Os­trov po­guib­chikh ko­ra­bleï» 1) d’ 2, un des seuls so­vié­tiques à avoir consa­cré toute son œuvre à la science-. Il y a un épi­sode tra­gique dans la de Bé­liaev sans le­quel nous ne com­pren­drions ja­mais que la moi­tié de cet écri­vain; sans le­quel un côté de cet nous échap­pe­rait tou­jours. Un après-midi, le gar­çon qui por­tait le pré­nom or­di­naire d’Alexandre, eut le ex­tra­or­di­naire de s’envoler dans les airs. Aus­si­tôt dé­cidé, aus­si­tôt fait. Il at­ta­cha des ba­lais à ses bras, monta sur le toit de la grange, et presque sans hé­si­ta­tion… sauta en bas. Loin de trou­ver le saut désa­gréable, il en fit, tout ex­cité, un se­cond et un troi­sième; mais au der­nier, il se frac­tura la co­lonne ver­té­brale et fut cloué au lit. Il sem­bla en voie de ; mais en 1916 se dé­clara une tu­ber­cu­lose os­seuse — ma­la­die grave, dont les at­taques dou­lou­reuses l’obligèrent à por­ter un cor­set or­tho­pé­dique jusqu’à la fin de sa vie. Rien ne put ar­rê­ter, ce­pen­dant, l’envol de son . Af­fran­chir les hommes des li­mites que la leur a po­sées, dans l’espoir — illu­soire sans — que cet af­fran­chis­se­ment les ren­drait maîtres de leur des­tin, telle fut l’ambition de Bé­liaev en­fermé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital. Ainsi, «La Tête du pro­fes­seur Do­well» («Go­lova pro­fes­sora Dooué­lia» 3) dé­bar­rasse l’esprit hu­main du ; «L’Homme qui ne dort ja­mais» («Tché­lo­vek, ko­to­ryi né spit» 4) le li­bère du som­meil; «Le Maître du » («Vlas­té­line mira» 5) en­vi­sage la brillante pers­pec­tive de l’homme de­venu té­lé­pathe; «L’Homme am­phi­bie» («Tché­lo­vek-am­fi­bia» 6) dé­crit le pre­mier pois­son parmi les hommes ou le pre­mier homme parmi les pois­sons : «L’idée est tou­jours la même», dit Bé­liaev dans ce ro­man, son plus im­por­tant et son plus cé­lèbre, «l’être hu­main n’est pas par­fait. Tout en ayant ac­quis au cours de l’ bon nombre d’avantages en com­pa­rai­son de ses pré­da­teurs , [il] a dans le même perdu beau­coup de ce qu’il pos­sé­dait dans les stades plus an­ciens de son dé­ve­lop­pe­ment… Pour­quoi ne pas rendre à l’être hu­main [ces] fa­cul­tés?»

  1. En «Остров погибших кораблей». Icône Haut
  2. En russe Александр Беляев. Par­fois trans­crit Bel­jaev, Be­lyaev, Be­lâev, Be­lyayev, Bel­ja­jew, Bel­ja­jev, Be­liaew ou Bé­liaïev. Icône Haut
  3. En russe «Голова профессора Доуэля». Icône Haut
  1. En russe «Человек, который не спит», in­édit en . Icône Haut
  2. En russe «Властелин мира», in­édit en fran­çais. Icône Haut
  3. En russe «Человек-амфибия». Icône Haut

Tản Đà (Nguyễn Khắc Hiếu), « Le Petit Rêve : roman »

éd. Decrescenzo, coll. Roman, Fuveau

éd. De­cres­cenzo, coll. , Fu­veau

Il s’agit du «Pe­tit Rêve» («Giấc mộng con») de Nguyễn Khắc Hiếu, poète, ro­man­cier et jour­na­liste (XIXe-XXe siècle) qui se donna le sur­nom de Tản Đà, en as­so­ciant le nom de la mon­tagne Tản Viên à ce­lui de la ri­vière Đà près des­quelles il na­quit. Sa mère l’éleva seule. Bien qu’égarée dans le quar­tier famé des chan­teuses, c’était une ex­cel­lente can­ta­trice, une ar­tiste re­cher­chée, et même très ver­sée en lit­té­ra­ture. Il hé­rita d’elle cette ca­dence, cette har­mo­nie mu­si­cale dont il se dis­tin­gua. Au­tant en prose, il était d’un es­prit mal­adroit et lourd; au­tant en , il sa­vait ti­rer de la viet­na­mienne, si mu­si­cale en elle-même, un ef­fet in­égalé. «Ses poé­sies, pu­bliées dans la et trans­mises de bouche à l’oreille, do­mi­naient sans jusqu’à l’avènement de la “ poé­sie” au dé­but des an­nées 1930…», dit Mme Nguyen Phuong Ngoc 1. «La sim­pli­cité des mots, proche des chants po­pu­laires… la sin­cé­rité des ex­pri­més, une… exempte de dis­cours mo­ra­li­sa­teur — tout cela est sans le se­cret du de Tản Đà dans une co­lo­niale en tran­si­tion.» Mais le mé­pris de l’argent pré­ci­pita Tản Đà au comble de la mi­sère. Il était pro­digue et ai­mait la bonne chère, quoiqu’il — ou parce qu’il — était tou­jours dans le be­soin. À tra­vers ses poches per­cées s’engouffrait le peu qui de­vait pour­voir à sa femme et ses huit . Un jour, après des de­mandes ré­ité­rées et pres­santes de son pro­prié­taire pour payer le loyer, Tản Đà dut se rendre à Saï­gon pour se pro­cu­rer la somme né­ces­saire. Mais vers onze heures du soir, il re­vint avec un ca­nard rôti, une bou­teille de rhum, et quelques autres vic­tuailles. Dès la porte, il dit à ses amis sur un ton déses­péré : «Tout est perdu!» Ils lui de­man­dèrent ce qui n’allait pas, et il ré­pon­dit avec aplomb : «Je n’ai pu em­prun­ter que vingt piastres, tout à fait in­suf­fi­santes pour payer le loyer. Aussi ai-je pré­féré ache­ter quelque chose à boire, ce qui nous a coûté un peu plus de dix piastres» 2. Voici la ma­nière dont il s’exprime dans un poème in­ti­tulé «En­core ivre» («Lại say») : «Je sais bien que c’est mal de tom­ber dans l’ivresse. Tant pis! Je re­con­nais mon tort, mais ne puis m’empêcher… Ne vois-je pas la ivre qui roule sur elle-même, et le dont le vi­sage ru­ti­lant tra­hit l’ivresse? Qui en rit?»

  1. «Pré­face au “Pe­tit Rêve”». Icône Haut
  1. «Poèmes», p. 11. Icône Haut