Il s’agit de M. Alexandre Galitch 1, poète-chansonnier russe (XXe siècle). Avec son penchant à la satire corrosive, son maniement de l’argot des camps, son art de saisir les détails piquants de la vie des classes inférieures ou persécutées auxquelles il appartenait, M. Galitch a inauguré, guitare au poing, le genre du court sketch mis en vers et rendu avec une sûreté étonnante dans les accents et l’intonation. Dissidentes, subversives, ses ballades gênaient le pouvoir, qui ne pouvait leur pardonner de dire à haute voix ce que l’homme de la masse, l’homme de la rue pensait tout bas. Répandues très vite grâce à la technique nouvelle du magnétophone, elles raillaient la nomenklatura bureaucratique et ses privilèges (« privilèges nomenklaturaux, trahisons nomenklaturales », chantaient-elles en refrain) ainsi que l’humeur peureuse des petits fonctionnaires comme celui qui, ayant rêvé qu’il était le géant Atlas, ne parla de son rêve « ni à sa fille ni à sa femme » (« ni dotcheri ni jené » 2) pour ne pas éveiller de soupçons. Aussi, en dépit de leur qualité poétique, en dépit de la popularité de leur auteur, devenu l’une des « voix de chevet » des étudiants et anticonformistes soviétiques, elles n’avaient aucune chance d’être imprimées dans les revues autorisées. On ne les publia qu’à l’étranger : en 1969, 1972 et 1974 à Francfort sous le titre de « Chansons » (« Pesni » 3) ou « La Génération perdue » 4 (« Pokolénié obretchionnykh » 5) de même qu’en 1971 à Paris sous le titre de « Poèmes de Russie » (« Poemy Rossii » 6). Ces parutions clandestines aggravèrent encore le cas de M. Galitch aux yeux des autorités. Expulsé de l’Union des écrivains et celle des cinéastes, visité par des agents de surveillance, convoqué au KGB, rayé des scènes où il avait participé en tant qu’acteur, sans parler des enregistrements de ses ballades qu’on confisquait chez ses amis, M. Galitch se vit contraint en 1974 de quitter cette Russie à laquelle il était pourtant viscéralement attaché.
- En russe Александр Галич. Parfois transcrit Alexander Galich, Aleksandr Galicz ou Aleksandr Galič. De son vrai nom Alexandre Aronovitch Guinzbourg (Александр Аронович Гинзбург). Parfois transcrit Ginsburg, Guinsbourg, Ginzburg ou Ginzbourg.
- En russe « ни дочери ни жене »
- En russe « Песни »