Icône CatégorieOuvrages peu soignés ou mal finis

Erfan, « Sans ombre : roman »

éd. de l’Aube, coll. Regards croisés, La Tour d’Aigues

éd. de l’Aube, coll. Re­gards croi­sés, La Tour d’Aigues

Il s’agit de «Sans ombre» de M. , écri­vain de fran­çaise. Né à Is­pa­han en 1946, il fait par­tie de ces hommes de , ces ci­néastes, ces que l’ de leur pays a me­nés à la pri­son et à l’. Quand son deuxième film a été pro­jeté, le mi­nistre de la ira­nien, pré­sent dans la salle, a dé­claré à la fin : «Le seul mur blanc sur le­quel on n’a pas en­core versé le des im­purs, c’est l’écran de ci­néma. Si on exé­cute ce traître, et que cet écran de­vient rouge, tous les ci­néastes com­pren­dront qu’on ne peut pas jouer avec les in­té­rêts du mu­sul­man» 1. Il a quitté alors l’ pour pour­suivre une d’écrivain à Pa­ris. Bien que cette car­rière soit loin d’être fi­nie, je m’autorise, dès à pré­sent, à ré­su­mer les prin­ci­pales et dif­fé­rentes qua­li­tés de M. Er­fan et comme les élé­ments consti­tu­tifs de son . 1º Le goût de l’intrigue trou­blante, ra­pide, sombre. «Mon ré­cit», dit M. Er­fan, «sera ra­pide comme l’ange de la lorsqu’il sur­git par la fe­nêtre ou par la fente sous la porte, s’empare de l’ du pire des ty­rans et dis­pa­raît aus­si­tôt par le même che­min, en em­por­tant l’âme d’un poète» 2. 2º La de la pa­trie, de la langue na­tale, de l’enfance. Chaque fois qu’il en­tre­prend d’écrire, M. Er­fan cherche le de sa pre­mière . Il goûte l’extase de la , le plai­sir de re­trou­ver les choses per­dues et ou­bliées dans la langue na­tale. Et comme cette mé­moire re­trou­vée ne ra­conte pas ce qui s’est passé réel­le­ment, mais ce qui au­rait pu se pas­ser, c’est elle le vé­ri­table écri­vain; et M. Er­fan est son pre­mier lec­teur : «Main­te­nant, je connais [la langue fran­çaise]. Mais je ne veux pas par­ler… Ma­dame dit : “Mon chéri, dis : jas­min”. Je ne veux pas. Je veux pro­non­cer le nom de la fleur qui était dans notre mai­son. Com­ment s’appelait-elle? Pour­quoi est-ce que je ne me sou­viens pas? Cette grande fleur qui pous­sait au coin de la cour. Qui mon­tait, qui tour­nait. Elle grim­pait par-des­sus la porte de notre mai­son, et elle re­tom­bait dans la rue… Com­ment s’appelait-elle? Elle sen­tait bon. Ma­dame dit en­core : “Dis, mon chéri”. , je pleure, je pleure…» 3 3º L’absence de , d’, de sen­ti­ment re­li­gieux. Si M. Er­fan n’a pas la de croire, c’est là son dé­faut, ou plu­tôt son mal­heur, mais un mal­heur te­nant à une cause fort grave, je veux dire les crimes que M. Er­fan a vu com­mettre au nom d’une dont les pré­ceptes ont été dé­na­tu­rés et dé­tour­nés de leur pro­pos et de leur vé­ri­table si­gni­fi­ca­tion : «Il ou­vrit sans hâte l’un des épais dos­siers [de la is­la­mique], en re­tira un feuillet, l’examina et, tout d’un coup, s’écria : “En­fer­mez cette femme dans un sac de jute et je­tez-lui des pierres jusqu’à ce qu’elle crève comme un chien… Que le père étrangle son fils de ses propres mains… Vio­lez la fillette de douze ans mal­gré son re­pen­tir et, entre ses jambes, ti­rez son foie”»

  1. Dans Ma­thieu Lin­don, «L’Enfer pa­ra­di­siaque d’Ali Er­fan». Icône Haut
  2. «Le Der­nier Poète du », p. 11. Icône Haut
  1. id. p. 82. Icône Haut

Pamuk, « Cette chose étrange en moi : roman »

éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Du en­tier, Pa­ris

Il s’agit du «Cette chose étrange en » («Ka­famda Bir Tu­ha­flık») de M. , écri­vain pour le­quel le centre du monde est Is­tan­bul, non seule­ment parce qu’il y a passé toute sa , mais aussi parce que toute sa vie il en a ra­conté les re­coins les plus in­times. En 1850, Gus­tave Flau­bert, en ar­ri­vant à Is­tan­bul, frappé par la gi­gan­tesque bi­gar­rure de cette ville, par le cô­toie­ment de «tant d’individualités sé­pa­rées, dont l’addition for­mi­dable apla­tit la vôtre», avait écrit que de­vien­drait «plus tard la ca­pi­tale de la » 1. Cette naïve pré n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de dis­pa­raître, et la ca­pi­tale de perdre son nom de Constan­ti­nople, vi­dée de ses Grecs, ses Ar­mé­niens, ses Juifs. À la nais­sance de M. Pa­muk, tout juste un siècle après le sé­jour de Flau­bert, Is­tan­bul, en tant que ville mon­diale, n’était plus qu’une ombre cré­pus­cu­laire et vi­vait les jours les plus faibles, les moins glo­rieux de ses deux mille ans d’. La douce tris­tesse de ses rues fa­nées et flé­tries, de son passé tombé en dis­grâce per­çait de toute part; elle avait une pré­sence vi­sible dans le et chez les gens; elle re­cou­vrait tel un brouillard «les vieilles fon­taines bri­sées ici et là, ta­ries de­puis des an­nées, les bou­tiques de bric et de broc ap­pa­rues… aux abords im­mé­diats des vieilles mos­quées…, les trot­toirs sales, tout tor­dus et dé­fon­cés…, les vieux ci­me­tières égre­nés sur les hau­teurs…, les lam­pa­daires fa­lots», dit M. Pa­muk 2. Parce que cette tris­tesse était cau­sée par le fait d’être des re­je­tons d’un an­cien Em­pire, les Stam­bou­liotes pré­fé­raient faire table rase du passé. Ils ar­ra­chaient des pierres aux mu­railles et aux vé­né­rables édi­fices afin de s’en ser­vir pour leurs propres construc­tions. Dé­truire, brû­ler, éri­ger à la place un im­meuble oc­ci­den­tal et mo­derne était leur ma­nière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour ef­fa­cer le dou­lou­reux d’une an­cienne maî­tresse, se dé­bar­rasse en hâte des , des bi­joux, des et des meubles. Au bout du compte, ce trai­te­ment de choc et ces des­truc­tions par le ne fai­saient qu’accroître le sen­ti­ment de tris­tesse, en lui ajou­tant le ton du déses­poir et de la mi­sère. «L’effort d’occidentalisation», dit M. Pa­muk 3, «ou­vrit la voie… à la trans­for­ma­tion des in­té­rieurs do­mes­tiques en mu­sées d’une ja­mais vé­cue. Des an­nées après, j’ai éprouvé toute cette in­con­gruité… Ce sen­ti­ment de tris­tesse, en­foui dé­fi­ni­ti­ve­ment dans les tré­fonds de la ville, me fit prendre de la né­ces­sité de construire mon propre ima­gi­naire, si je ne vou­lais pas être pri­son­nier…» Un soir, après avoir poussé la porte de la mai­son fa­mi­liale, fran­chi le seuil et lon­gue­ment mar­ché dans ces rues qui lui ap­por­taient et ré­con­fort, M. Pa­muk ren­tra au mi­lieu de la et s’assit à sa table pour res­ti­tuer quelque chose de leur at­mo­sphère et de leur . Le len­de­main, il an­nonça à sa qu’il se­rait écri­vain.

  1. «Lettre à Louis Bouil­het du 14.XI.1850». Icône Haut
  2. «Is­tan­bul», p. 68-69. Icône Haut
  1. id. p. 54-55. Icône Haut

Ibn Rushd (Averroès), « Abrégé du “Mustaṣfā” »

éd. De Gruyter, coll. Corpus philosophorum Medii Ævi-Scientia græco-arabica, Berlin

éd. De Gruy­ter, coll. Cor­pus phi­lo­so­pho­rum Me­dii Ævi-Scien­tia græco-ara­bica, Ber­lin

Il s’agit du «Muḫtaṣar al-Mus­taṣfâ» 1 d’Ibn Ru­shd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.), abrégé du livre de de Ghazâli in­ti­tulé «Mus­taṣfâ». De tous les que l’ donna à l’, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la des peuples, grâce à ses re­mar­quables sur les d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès 3. Dans son na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du , le goût des et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. «Chré­tiens, juifs, par­laient la même , chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et . Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la com­mune», dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf 4, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son . L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande et en pro­fita pour y at­ti­rer les de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter . Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’ ne sera plus ; il sera . «Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la ]», dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un  : «Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’», pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’«im­pie», de «mé­créant», etc.; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. En arabe «مختصر المستصفى». Éga­le­ment connu sous le titre d’«Iḫtiṣâr al-Mus­taṣfâ» («اختصار المستصفى»). Icône Haut
  2. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Icône Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Icône Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Icône Haut

« Daryush Ashouri : un intellectuel hétérodoxe iranien »

éd. L’Harmattan, coll. L’Iran en transition, Paris

éd. L’Harmattan, coll. L’ en tran­si­tion, Pa­ris

Il s’agit de «La Théo­rie de “l’occidentalite” et la Crise de en Iran» («Na­za­rieh-ye gharb­za­degi va boh­rân-e ta­fak­kor dar Iran» 1) et autres ar­ticles de M. Da­ryoush Ashouri 2, in­tel­lec­tuel et tra­duc­teur , ins­tallé en de­puis 1987. La pen­sée ira­nienne mo­derne est en grande par­tie ti­raillée entre son re­jet de l’ et sa fas­ci­na­tion pour lui. Au siècle der­nier, elle de­vi­sait avec op­ti­misme d’un ave­nir où elle se­rait plus oc­ci­den­ta­li­sée; à pré­sent, elle s’en prend, en des termes dé­fai­tistes et ré­cri­mi­nants, aux per­ver­si­tés de l’Occident, dont elle vou­drait faire un épou­van­tail. M. Ashouri traite de cette di­cho­to­mie et il dit ne pou­voir mieux la dé­fi­nir que comme un «res­sen­ti­ment» pa­tho­lo­gique («kin-touzi» 3) qui a af­fligé à la fois les pen­seurs et les masses po­pu­laires en Iran tout au long de l’ ré­cente. M. Ashouri em­prunte ce terme de «res­sen­ti­ment» à Frie­drich Nietzsche et il l’applique au cas ira­nien. Dans «La de la », Nietzsche op­pose l’ ac­tif ou sur­homme, qui crée triom­pha­le­ment ses propres va­leurs, aux hommes im­puis­sants, à qui la vraie ac­tion est in­ter­dite, et qui ne trouvent de com­pen­sa­tion que dans leur haine ren­trée et dans leur ran­cune en­vers le sur­homme. Ces hommes du «res­sen­ti­ment», étant in­ca­pables d’agir, de­meurent du­ra­ble­ment rem­plis de ré­ac­tions hos­tiles et ve­ni­meuses. Telle est l’attitude de beau­coup d’Iraniens qui, de­puis les an­nées 1960, ne par­viennent plus à af­fir­mer po­si­ti­ve­ment leur propre «» : au lieu de cela, ils cherchent un ad­ver­saire dans ce qui se si­tue en de­hors, dans ce qui est leur «autre que soi», et tout d’abord, dans une oc­ci­den­tale trans­for­mée en une vé­ri­table ca­ri­ca­ture, en un monstre. Et M. Ashouri de don­ner comme exemple deux pen­seurs ira­niens de re­nom, Dja­lal Âl-e Ah­mad et Ali Sha­riati, et leur théo­rie de «l’occidentalite» ou «ma­la­die oc­ci­den­tale». «Comme j’y ai déjà fait al­lu­sion», dit M. Ashouri, «“l’occidentalite” est ba­sée sur cette concep­tion qu’il existe un “Oc­ci­dent” là-bas et un “nous” ici, dont la re­la­tion est qua­li­fiée de do­mi­nant-do­miné… Le pro­blème fon­da­men­tal de cette théo­rie est qu’elle n’a pas de connais­sance [ni] de l’un, ni de l’autre, et dans un cercle vi­cieux, ne par­vient pas à se don­ner une ou­ver­ture au . Je vou­drais ci­ter deux fi­gures qui re­pré­sentent cette ten­dance, Âl-e Ah­mad et Sha­riati. Les deux se ré­fé­rent à l’ pour cri­ti­quer l’Occident, mais leur dé­marche est-elle si­mi­laire à celle de Ghazâli? La grande dif­fé­rence entre ces deux et Ghazâli consiste dans le fait que, pour ce der­nier, la est le but; alors que, pour eux, celle-ci est un moyen de com­bat … À l’opposé de Ghazâli, qui cherche la ra­cine et les concepts les plus fon­da­men­taux, on [ne voit au­cun] sou­bas­se­ment phi­lo­so­phique [chez Âl-e Ah­mad et chez Sha­riati]. Par exemple, ils ne peuvent plus consul­ter Des­cartes, et… de ce fait, ils de­viennent au socle de la , alors qu’eux-mêmes sont in­cons­ciem­ment sous son »

  1. En «نظریهٔ غرب‌زدگی و بحران تفکر در ایران». Icône Haut
  2. En per­san داریوش آشوری. Par­fois trans­crit Da­rioush Ashouri, Da­riush Ashoori ou Da­ryush Ashuri. Icône Haut
  1. En per­san کین توزی. Par­fois trans­crit «kine-touzi». Icône Haut

Milizia, « Vies des architectes anciens et modernes. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mé­moires des an­ciens et mo­dernes» («Me­mo­rie de­gli ar­chi­tetti an­ti­chi e mo­derni») éga­le­ment connus sous le titre de «Vies des plus cé­lèbres ar­chi­tectes» («Vite de’ più ce­le­bri ar­chi­tetti») de , théo­ri­cien de l’, par­ti­san de la sim­pli­cité an­tique (XVIIIe siècle). Pour ce théo­ri­cien , la beauté de l’architecture naît dans le né­ces­saire et l’utile. La pro­fu­sion des or­ne­ments et le manque de dans leur choix, tout ce qui est exa­géré et qui n’est pas com­mandé par la né­ces­sité ou l’utilité, ne fait que des­ser­vir une construc­tion déjà conçue, «à peu près comme la pa­rure ne sert qu’à en­lai­dir et faire re­mar­quer une laide femme» 1. Le grand , c’est ce­lui qui n’exprime que les grandes et utiles par­ties d’un su­jet; prin­cipe clair, d’une im­por­tance ca­pi­tale, et fré­quem­ment né­gligé non seule­ment dans l’art de l’architecture, mais en­core dans ce­lui de la et la . De même que les mau­vais lé­gis­la­teurs com­pliquent l’échafaudage lé­gis­la­tif «pour que nous n’entendions ja­mais rien aux » 2; de même, les mau­vais ar­chi­tectes com­pliquent «une grande cou­pole de cou­poles plus pe­tites, de cou­po­lettes, de cou­po­li­nettes» («una cu­pola con cu­po­lino, con cu­po­lette, con cu­po­lucce») pour que nous n’entendions ja­mais rien aux plans de leurs construc­tions ex­tra­va­gantes. Ordre, sim­pli­cité, , tels sont les cri­tères qui dé­ter­minent la beauté pour Mi­li­zia. Aussi blâme-t-il tout édi­fice qui a quelque chose de dé­rai­son­nable et de lour­de­ment raf­finé, «aussi éloi­gné de la lé­gè­reté go­thique que de la ma­jesté et de l’élégance grecque» («ugual­mente lon­tana dalla svel­tezza go­tica e dalla maes­tosa ele­ganza greca»); tan­dis qu’un édi­fice qui cor­res­pond exac­te­ment à son but et à sa vo­ca­tion, même lorsqu’il est dé­pourvu d’ornementations et des­tiné aux usages les plus vils et les plus re­pous­sants, peut être beau, comme l’est la «Cloaca maxima», le Grand égout bâti par Tar­quin l’Ancien. Dans ses trai­tés, Mi­li­zia pro­pose pour mo­dèles les de la , ex­horte à étu­dier ce qui reste de ceux de l’ et s’élève contre Mi­chel-Ange et les ar­chi­tectes de la qui, se­lon lui, n’ont étu­dié les An­ciens que de se­conde main et ont ainsi in­tro­duit des élé­ments de , que leurs écoles ont consa­crés sous forme de , de ca­price, de fo­lie : «Voilà pour­quoi [ces] écoles sont si de », dit Mi­li­zia; et pour­quoi, en al­lant du Grand égout à la cou­pole de Saint-, on va «du meilleur au plus mau­vais»

  1. «De l’art de voir dans les beaux-», p. 88. Icône Haut
  1. id. p. 26. Icône Haut

Milizia, « Vies des architectes anciens et modernes. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mé­moires des an­ciens et mo­dernes» («Me­mo­rie de­gli ar­chi­tetti an­ti­chi e mo­derni») éga­le­ment connus sous le titre de «Vies des plus cé­lèbres ar­chi­tectes» («Vite de’ più ce­le­bri ar­chi­tetti») de , théo­ri­cien de l’, par­ti­san de la sim­pli­cité an­tique (XVIIIe siècle). Pour ce théo­ri­cien , la beauté de l’architecture naît dans le né­ces­saire et l’utile. La pro­fu­sion des or­ne­ments et le manque de dans leur choix, tout ce qui est exa­géré et qui n’est pas com­mandé par la né­ces­sité ou l’utilité, ne fait que des­ser­vir une construc­tion déjà conçue, «à peu près comme la pa­rure ne sert qu’à en­lai­dir et faire re­mar­quer une laide femme» 1. Le grand , c’est ce­lui qui n’exprime que les grandes et utiles par­ties d’un su­jet; prin­cipe clair, d’une im­por­tance ca­pi­tale, et fré­quem­ment né­gligé non seule­ment dans l’art de l’architecture, mais en­core dans ce­lui de la et la . De même que les mau­vais lé­gis­la­teurs com­pliquent l’échafaudage lé­gis­la­tif «pour que nous n’entendions ja­mais rien aux » 2; de même, les mau­vais ar­chi­tectes com­pliquent «une grande cou­pole de cou­poles plus pe­tites, de cou­po­lettes, de cou­po­li­nettes» («una cu­pola con cu­po­lino, con cu­po­lette, con cu­po­lucce») pour que nous n’entendions ja­mais rien aux plans de leurs construc­tions ex­tra­va­gantes. Ordre, sim­pli­cité, , tels sont les cri­tères qui dé­ter­minent la beauté pour Mi­li­zia. Aussi blâme-t-il tout édi­fice qui a quelque chose de dé­rai­son­nable et de lour­de­ment raf­finé, «aussi éloi­gné de la lé­gè­reté go­thique que de la ma­jesté et de l’élégance grecque» («ugual­mente lon­tana dalla svel­tezza go­tica e dalla maes­tosa ele­ganza greca»); tan­dis qu’un édi­fice qui cor­res­pond exac­te­ment à son but et à sa vo­ca­tion, même lorsqu’il est dé­pourvu d’ornementations et des­tiné aux usages les plus vils et les plus re­pous­sants, peut être beau, comme l’est la «Cloaca maxima», le Grand égout bâti par Tar­quin l’Ancien. Dans ses trai­tés, Mi­li­zia pro­pose pour mo­dèles les de la , ex­horte à étu­dier ce qui reste de ceux de l’ et s’élève contre Mi­chel-Ange et les ar­chi­tectes de la qui, se­lon lui, n’ont étu­dié les An­ciens que de se­conde main et ont ainsi in­tro­duit des élé­ments de , que leurs écoles ont consa­crés sous forme de , de ca­price, de fo­lie : «Voilà pour­quoi [ces] écoles sont si de », dit Mi­li­zia; et pour­quoi, en al­lant du Grand égout à la cou­pole de Saint-, on va «du meilleur au plus mau­vais»

  1. «De l’art de voir dans les beaux-», p. 88. Icône Haut
  1. id. p. 26. Icône Haut

Volney, « La Loi naturelle, ou Principes physiques de la morale »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «La Loi na­tu­relle, ou Prin­cipes phy­siques de la » 1 de Constan­tin-Fran­çois de Chas­sebœuf, voya­geur et lit­té­ra­teur , plus connu sous le sur­nom de Vol­ney (XVIIIe-XIXe siècle). Il per­dit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille pa­rente, qui l’abandonna dans un pe­tit col­lège d’Ancenis. Le ré­gime de ce col­lège était fort mau­vais, et la des y était à peine soi­gnée; le di­rec­teur était un bru­tal, qui ne par­lait qu’en gron­dant et ne gron­dait qu’en frap­pant. Vol­ney souf­frait d’autant plus que son père ne ve­nait ja­mais le voir et ne pa­rais­sait ja­mais avoir pour lui cette sol­li­ci­tude que té­moigne un père en­vers son fils. L’enfant avan­çait pour­tant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par , soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plai­sait dans la so­li­taire et ta­ci­turne, et son n’attendait que d’être li­béré pour se dé­ve­lop­per et pour prendre un es­sor ra­pide. L’occasion ne tarda pas à se pré­sen­ter : une mo­dique somme d’argent lui échut. Il ré­so­lut de l’employer à ac­qué­rir, dans un grand voyage, un fonds de connais­sances nou­velles. La et l’ lui pa­rurent les pays les plus propres aux ob­ser­va­tions his­to­riques et mo­rales dont il vou­lait s’occuper. «Je me sé­pa­re­rai», se pro­mit-il 2, «des so­cié­tés cor­rom­pues; je m’éloignerai des où l’ se dé­prave par la sa­tiété, et des ca­banes où elle s’avilit par la mi­sère; j’irai dans la vivre parmi les ruines; j’interrogerai les an­ciens… par quels mo­biles s’élèvent et s’abaissent les Em­pires; de quelles naissent la pros­pé­rité et les mal­heurs des na­tions; sur quels prin­cipes en­fin doivent s’établir la des so­cié­tés et le des hommes.» Mais pour vi­si­ter ces pays avec fruit, il fal­lait en connaître la  : «Sans la langue, l’on ne sau­rait ap­pré­cier le gé­nie et le ca­rac­tère d’une  : la tra­duc­tion des in­ter­prètes n’a ja­mais l’effet d’un en­tre­tien di­rect», pen­sait-il 3. Cette dif­fi­culté ne re­buta point Vol­ney. Au lieu d’apprendre l’ en , il alla s’enfermer du­rant huit mois dans un couvent du Li­ban, jusqu’à ce qu’il fût en état de par­ler cette langue com­mune à tant d’Orientaux.

  1. Éga­le­ment connu sous le titre de «Ca­té­chisme du ci­toyen fran­çais». Icône Haut
  2. «Les Ruines», p. 19. Icône Haut
  1. «Pré­face à “Voyage en Sy­rie et en Égypte”». Icône Haut

« Jean Tarin, recteur de l’Université de Paris (1590-1666) : notice biographique »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Jean Ta­rin, hel­lé­niste , rec­teur de l’Université de Pa­ris, lec­teur royal en grecque et la­tine 1. Il a laissé une édi­tion et tra­duc­tion la­tine d’Iso­crate, si­gnées mo­des­te­ment «I. T. B. A.» («Jean Ta­rin de Beau­fort en An­jou») ou «I. T. A.» («Jean Ta­rin d’Anjou»), et qui sont res­tées, pour cette , in­con­nues des deux ou trois qui ont parlé de lui. Ta­rin était fils d’un meu­nier et na­quit en l’an 1590. Dès son en­fance, se sen­tant un goût très pro­noncé pour les études, il pressa vi­ve­ment sa de l’envoyer à l’école; mais il ne put rien ob­te­nir de ses pa­rents, qui y étaient op­po­sés. Ce­pen­dant, peu après la fon­da­tion d’un col­lège de à La Flèche, il vint s’y pré­sen­ter comme étu­diant, pieds nus, n’ayant autre chose qu’une che­mise sur les épaules et un sac plein de noix et de pièces de pain. Il fut mis, par , entre les ba­layeurs des classes du col­lège; de là, il fut mar­mi­ton des pen­sion­naires, puis la­quais d’un des . Fut-il mal­traité? En tout cas, il vouera par la suite à la Com­pa­gnie de Jé­sus une haine pro­fonde, que celle-ci lui ren­dra bien, si l’on en juge par le por­trait peu flat­teur qu’a tracé de lui le père Fran­çois Ga­rasse : «[C’est] un de néant, nommé Ta­rin», dit le père 2, «à demi géant, qui porte un vi­sage de cy­clope et une de tau­reau, par la­quelle il ton­nait contre nous…; il est de fort bas lieu, fils d’un meu­nier de Ro­che­fort [li­sez Beau­fort]». Son ache­vée avec tous les prix, Ta­rin s’en vint à Pa­ris, où il s’accosta d’un autre pa­ria de la Com­pa­gnie de Jé­sus, qui lui ou­vrit grand les portes du pro­fes­so­rat. N’ayant pas tardé à mon­trer l’excellence de son es­prit, il ac­quit la ré­pu­ta­tion d’«un abîme de science et un des hommes du » : «Plût à que je susse au­tant de et de que [lui]», dit un de ses contem­po­rains 3. Sa ré­pu­ta­tion fut por­tée jusqu’au roi Louis XIII, qui, l’ayant fait lec­teur royal, lui pro­posa plu­sieurs évê­chés; mais Ta­rin, qui ne se croyait pas ap­pelé à l’état ec­clé­sias­tique, re­fusa de se rendre à cette offre et il prit le parti du . Il fut plus d’une fois rec­teur de l’Université de Pa­ris, dont il dé­fen­dit tou­jours les avec force et fer­meté. Une anec­dote illustre ce que je viens de dire : Un jour, étant à un acte de , il avait, comme c’était son , pris la place d’, lorsque de hauts pré­lats ar­ri­vèrent et vou­lurent la lui faire quit­ter ou en prendre une au-des­sus de lui. «La que vous fou­lez ici aux pieds, ô illustres princes d’, est à , et je ne souf­fri­rai point que vous fou­liez aussi de la sorte ma di­gnité!» («Terra hæc, quam concul­ca­tis, o illus­tris­simi Ec­cle­siæ prin­cipes, mea est; nec pa­tiar meam di­gni­ta­tem sic a vo­bis conta­mi­nari!»), leur dit-il. Et il fit ces­ser l’acte.

  1. On ap­pe­lait «lec­teurs royaux» les pro­fes­seurs du Col­lège royal, l’actuel Col­lège de . Icône Haut
  2. «Mé­moires», p. 104. Icône Haut
  1. Guy Pa­tin. Icône Haut

le père de Beaurecueil, « Je crois en l’étoile du matin »

éd. du Cerf, coll. Épiphanie, Paris

éd. du Cerf, coll. Épi­pha­nie, Pa­ris

Il s’agit de «Je crois en l’étoile du ma­tin» du père , re­li­gieux , grand connais­seur de l’. En en­trant dans l’Ordre de saint Do­mi­nique en 1935 et en en­ten­dant pour la pre­mière fois le père Chenu lui par­ler de l’, où il par­tit en 1946, com­ment le père de Beau­re­cueil au­rait-il pu sup­po­ser que sa pa­trie spi­ri­tuelle, sa pro­mise se­rait beau­coup plus loin, dans les de l’ Cen­trale? l’y condui­sit pas à pas et presque sans qu’il s’en aper­çût. La «ren­contre» for­tuite d’un du XIe siècle apr. J.-C., An­sârî, fut dé­ci­sive. Le père de Beau­re­cueil n’y vit au dé­but qu’un bon su­jet d’étude à pour­suivre au couvent du Caire. Il en­tre­prit d’éditer ri­gou­reu­se­ment, à par­tir de tous les exis­tants, les textes ori­gi­naux d’Ansârî, en et en , ce mys­tique ayant écrit dans les deux langues. Il en ap­prit même les plus beaux pas­sages par cœur pour nour­rir ses ; ce­lui-ci par exemple : «Com­ment au­rais-je su que la est mère de la , et que sous une dé­cep­tion se cachent mille ?» 1, qu’il rap­pro­chait du psaume bi­blique : «Ceux qui sèment dans les larmes, mois­sonnent avec des cris de joie» 2. Ses tra­vaux ma­gis­traux lui va­lurent d’être in­vité à Ka­boul pour un sé­mi­naire sur An­sârî, en 1962. On lui sug­géra de res­ter, ce qu’il fit une bonne ving­taine d’années. La ville de Ka­boul, ren­dez-vous de tant d’ethnies, in­vi­tées à se re­con­naître, à vivre en­semble, avec évi­dem­ment tous les heurts pos­sibles, le fas­cina : «Ka­boul, ma fian­cée, mon épouse, dont je porte la bague, don­née il y a bien long­temps par un pe­tit bon­homme épi­lep­tique que j’avais fait soi­gner!… Quel entre nous! Avec bien­tôt vingt ans de fi­dé­lité», écrit-il dans un hymne consa­cré à cette ville

  1. «Cris du cœur, “Mu­nâ­jât”», nº 28. Icône Haut
  1. «Livre des psaumes», CXXVI, 5. Icône Haut

le père de Beaurecueil, « Mes enfants de Kaboul »

éd. du Cerf, Paris

éd. du Cerf, Pa­ris

Il s’agit de «Mes de Ka­boul» du père , re­li­gieux , grand connais­seur de l’. En en­trant dans l’Ordre de saint Do­mi­nique en 1935 et en en­ten­dant pour la pre­mière fois le père Chenu lui par­ler de l’, où il par­tit en 1946, com­ment le père de Beau­re­cueil au­rait-il pu sup­po­ser que sa pa­trie spi­ri­tuelle, sa pro­mise se­rait beau­coup plus loin, dans les de l’? l’y condui­sit pas à pas et presque sans qu’il s’en aper­çût. La «ren­contre» for­tuite d’un du XIe siècle apr. J.-C., An­sârî, fut dé­ci­sive. Le père de Beau­re­cueil n’y vit au dé­but qu’un bon su­jet d’étude à pour­suivre au couvent du Caire. Il en­tre­prit d’éditer ri­gou­reu­se­ment, à par­tir de tous les exis­tants, les textes ori­gi­naux d’Ansârî, en et en , ce mys­tique ayant écrit dans les deux langues. Il en ap­prit même les plus beaux pas­sages par cœur pour nour­rir ses ; ce­lui-ci par exemple : «Com­ment au­rais-je su que la est mère de la , et que sous une dé­cep­tion se cachent mille ?» 1, qu’il rap­pro­chait du psaume bi­blique : «Ceux qui sèment dans les larmes, mois­sonnent avec des cris de joie» 2. Ses tra­vaux ma­gis­traux lui va­lurent d’être in­vité à Ka­boul pour un sé­mi­naire sur An­sârî, en 1962. On lui sug­géra de res­ter, ce qu’il fit une bonne ving­taine d’années. La ville de Ka­boul, ren­dez-vous de tant d’ethnies, in­vi­tées à se re­con­naître, à vivre en­semble, avec évi­dem­ment tous les heurts pos­sibles, le fas­cina : «Ka­boul, ma fian­cée, mon épouse, dont je porte la bague, don­née il y a bien long­temps par un pe­tit bon­homme épi­lep­tique que j’avais fait soi­gner!… Quel d’ entre nous! Avec bien­tôt vingt ans de fi­dé­lité», écrit-il dans un hymne consa­cré à cette ville

  1. «Cris du cœur, “Mu­nâ­jât”», nº 28. Icône Haut
  1. «Livre des psaumes», CXXVI, 5. Icône Haut

Pompignan, « Œuvres. Tome III »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de «La de Di­don» et autres œuvres de Jean-Jacques Le Franc, mar­quis de Pom­pi­gnan, poète et ma­gis­trat , tra­duc­teur de l’, du , du , de l’ et de l’, traîné dans la boue par Vol­taire et par les (XVIIIe siècle). «Nous avons pris l’habitude de por­ter sur le XVIIIe siècle un som­maire et sans ap­pel», dit un his­to­rien 1. «Vol­taire, Di­de­rot, d’Alembert donnent à cette pé­riode in­tel­lec­tuelle sa si­gni­fi­ca­tion do­mi­nante. L’effort de ces puis­sants fut si violent; l’appui ta­cite… qu’ils ren­con­trèrent chez leurs contem­po­rains fut si bien concerté; la pro­tec­tion dont les cou­vrirent les po­ten­tats aida si bien leur pro­pa­gande… qu’à eux seuls les En­cy­clo­pé­distes pa­raissent ex­pri­mer les ten­dances mo­rales de [tout] leur siècle». Mais à côté de cette uni­for­mité dans les ten­dances se dis­tinguent des fi­gures di­ver­gentes, comme celle de Pom­pi­gnan : éclai­rées, mais fa­rou­che­ment chré­tiennes; pro­tec­trices des in­té­rêts po­pu­laires, mais ri­gou­reu­se­ment dé­vouées au Roi de ; des fi­gures moyennes qui, sans re­nier les nou­veaux ac­quis de l’esprit hu­main, de­meu­raient res­pec­tueuses en­vers les vieux sym­boles, et qui re­fu­saient de croire que, pour al­lu­mer le flam­beau de la , on de­vait éteindre ce­lui de la chré­tienté. Ces fi­gures moyennes, dit Pom­pi­gnan, par­lant donc de lui-même 2, «qui [ont peut-être réussi] mé­dio­cre­ment dans [leur] genre, n’ont pas du moins à se re­pro­cher d’avoir in­sulté les mœurs, ni la . Quoi qu’en disent les plai­sants du siècle, il vaut mieux en­core en­nuyer un peu son pro­chain, que de lui gâ­ter le cœur ou l’esprit.» Telle était la po­si­tion de Pom­pi­gnan lorsqu’arriva le 10 mars 1760, le jour de sa ré­cep­tion à l’ au fau­teuil de Mau­per­tuis. Porté à l’apogée de sa gloire, il crut un mo­ment au et eut l’audace d’ouvrir son dis­cours de ré­cep­tion par des at­taques im­per­son­nelles contre les des , qu’il ac­cusa de por­ter l’empreinte «d’une lit­té­ra­ture dé­pra­vée, d’une cor­rom­pue et d’une phi­lo­so­phie al­tière, qui sape éga­le­ment le trône et l’autel». At­ta­quer ainsi en pleine séance les livres des gens de lettres dont il de­ve­nait le col­lègue, était une er­reur ou à tout le moins une in­con­ve­nance, que Pom­pi­gnan paya au cen­tuple. Une pluie d’, de li­belles, de quo­li­bets, de fa­cé­ties et, mal­heu­reu­se­ment, d’accusations men­son­gères s’abattit sur lui de la part des En­cy­clo­pé­distes. «Il ne faut pas seule­ment le rendre ri­di­cule», écri­vait Vol­taire à d’Alembert dans une lettre 3, «il faut qu’il soit odieux. Met­tons-le hors d’état de nuire…» Le si­gnal était donné. Vol­taire, tou­jours adroit à ma­nier l’arme de la ma­lice, épuisa, en prose et en vers, tous les moyens de aux dé­pens de Pom­pi­gnan et de ses «Poé­sies sa­crées». Pas un jour ne se passa sans qu’un trait acéré ne vînt s’ajouter à ceux de la veille

  1. Émile Vaïsse-Ci­biel. Icône Haut
  2. «Dis­cours pré­li­mi­naire aux “Poé­sies sa­crées”» dans «Œuvres. Tome I». Icône Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome VI. 1760-1762», p. 622. Icône Haut

Iqbal, « La Métaphysique en Perse »

éd. Actes Sud, coll. Bibliothèque de l’islam, Arles

éd. Actes Sud, coll. Bi­blio­thèque de l’, Arles

Il s’agit de  1, chef spi­ri­tuel de l’Inde mu­sul­mane, pen­seur et pro­ta­go­niste d’un is­lam ré­nové. Son très di­vers s’exerça aussi bien dans la que dans la , et s’exprima avec une égale maî­trise en prose et en vers, en our­dou et en . On peut ju­ger de l’étendue de son d’après le grand nombre d’études consa­crées à son su­jet. Cette in­fluence, qui se concentre prin­ci­pa­le­ment au , dont il fa­vo­risa la créa­tion, et où il jouit d’un ex­tra­or­di­naire pres­tige, dé­borde ce­pen­dant sur tout le is­la­mique. Ra­bin­dra­nath Ta­gore connut fort bien ce com­pa­triote in­dien, porte- de la , sur qui, au len­de­main de sa , il pu­blia le mes­sage sui­vant : «La mort de M. Mo­ham­mad Iq­bal creuse dans la lit­té­ra­ture un vide qui, comme une bles­sure pro­fonde, met­tra long­temps à gué­rir. L’Inde, dont la place dans le monde est trop étroite, peut dif­fi­ci­le­ment se pas­ser d’un poète dont la poé­sie a une va­leur aussi uni­ver­selle». Quelle était la si­tua­tion quand Iq­bal, sa thèse de doc­to­rat «La en » 2 tout juste ter­mi­née, com­mença à ap­pro­fon­dir et tenta de ré­soudre les pro­blèmes des gou­ver­nés par l’islam, qui le tour­men­taient de­puis quelques an­nées déjà? Les ha­bi­tants de ces États, ou­blieux de leur gloire pas­sée, se trou­vaient plon­gés dans une sorte de som­no­lence morne, faite de las­si­tude et de dé­cou­ra­ge­ment :

«La qui ré­chauf­fait le cœur de l’assemblée
S’est tue, et le luth s’est brisé…
Le mu­sul­man se la­mente sous le porche de la mos­quée
»

  1. En our­dou محمد اقبال. Par­fois trans­crit Mo­ham­med Eq­bâl, Mo­ha­mad Egh­bal, Mou­ham­mad Iq­bâl ou Mu­ham­mad Ik­bal. Icône Haut
  1. En «The De­ve­lop­ment of Me­ta­phy­sics in Per­sia». Icône Haut

Iqbal, « Reconstruire la pensée religieuse de l’islam »

éd. du Rocher-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Monaco-Paris

éd. du Ro­cher-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives, Mo­naco-Pa­ris

Il s’agit de  1, chef spi­ri­tuel de l’Inde mu­sul­mane, pen­seur et pro­ta­go­niste d’un ré­nové. Son très di­vers s’exerça aussi bien dans la que dans la , et s’exprima avec une égale maî­trise en prose et en vers, en our­dou et en . On peut ju­ger de l’étendue de son d’après le grand nombre d’études consa­crées à son su­jet. Cette in­fluence, qui se concentre prin­ci­pa­le­ment au , dont il fa­vo­risa la créa­tion, et où il jouit d’un ex­tra­or­di­naire pres­tige, dé­borde ce­pen­dant sur tout le is­la­mique. Ra­bin­dra­nath Ta­gore connut fort bien ce com­pa­triote in­dien, porte- de la , sur qui, au len­de­main de sa , il pu­blia le mes­sage sui­vant : «La mort de M. Mo­ham­mad Iq­bal creuse dans la lit­té­ra­ture un vide qui, comme une bles­sure pro­fonde, met­tra long­temps à gué­rir. L’Inde, dont la place dans le monde est trop étroite, peut dif­fi­ci­le­ment se pas­ser d’un poète dont la poé­sie a une va­leur aussi uni­ver­selle». Quelle était la si­tua­tion quand Iq­bal, sa thèse de doc­to­rat «La en » 2 tout juste ter­mi­née, com­mença à ap­pro­fon­dir et tenta de ré­soudre les pro­blèmes des gou­ver­nés par l’islam, qui le tour­men­taient de­puis quelques an­nées déjà? Les ha­bi­tants de ces États, ou­blieux de leur gloire pas­sée, se trou­vaient plon­gés dans une sorte de som­no­lence morne, faite de las­si­tude et de dé­cou­ra­ge­ment :

«La qui ré­chauf­fait le cœur de l’assemblée
S’est tue, et le luth s’est brisé…
Le mu­sul­man se la­mente sous le porche de la mos­quée
»

  1. En our­dou محمد اقبال. Par­fois trans­crit Mo­ham­med Eq­bâl, Mo­ha­mad Egh­bal, Mou­ham­mad Iq­bâl ou Mu­ham­mad Ik­bal. Icône Haut
  1. En «The De­ve­lop­ment of Me­ta­phy­sics in Per­sia». Icône Haut