Il s’agit de « Pages sur la chambre » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Le Festin des mendiants »
Il s’agit du « Festin des mendiants » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « La Couleur de ma mort »
Il s’agit de « La Couleur de ma mort » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Le Spectateur enchanté : poèmes »
Il s’agit du « Spectateur enchanté » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Le Sacrifice du cheval : roman »
Il s’agit du « Sacrifice du cheval » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Dieu à quatre têtes »
Il s’agit du « Dieu à quatre têtes » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
« La Ballade de Mulan »
Il s’agit de « La Ballade de Mulan » (« Mulan Ci » 1) ou « Poème de Mulan » (« Mulan Shi » 2), une chanson populaire célébrant les mérites de l’héroïne Mulan, la Jeanne d’Arc chinoise. On trouve la première copie de cette chanson dans le « Recueil de musique ancienne et moderne » (« Gu Jin Yue Lu » 3), compilé sous la dynastie Chen (557-589 apr. J.-C.). Depuis, l’héroïne continue de jouir d’une immense popularité, perpétuée dans les romans et sur la scène. Cependant, on ne sait ni son lieu d’origine ni son nom de famille. Mulan signifiant « magnolia », quelqu’un a supposé qu’elle s’appelait Hua Mulan 4 (« fleur de magnolia »). Le contexte de son aventure semblant être celui de la dynastie des Wei du Nord (386-534 apr. J.-C.), un autre a supposé qu’elle s’appelait Wei Mulan 5. Le voilà bien l’esprit de déduction chinois ! Tenons-nous-en à l’histoire. Une fille part pour le service militaire déguisée en homme, parce que son père malade est hors d’état de porter les armes et n’a pas de fils adulte qui pourrait le remplacer : « Père n’a pas de fils adulte, et je n’ai pas de frère aîné. Qu’on m’équipe avec cheval et selle : je partirai en campagne à la place de père ! » Elle achète, au marché de l’Est, un beau cheval ; au marché de l’Ouest, une selle feutrée. Quand tous les préparatifs de départ sont terminés, elle fait ses adieux à sa famille et se rend au front. Elle y passe douze ans, sans que personne ait pu se douter de son sexe. Elle est félicitée personnellement par l’Empereur. Elle lui demande pour seule récompense le droit de rentrer chez elle. Elle est accueillie par sa famille qui lui ôte son manteau du temps de guerre et lui remet ses vêtements du temps jadis. Devant son miroir, elle ajuste sa brillante coiffure et y colle une fleur d’or. Le dernier couplet, trop rustique pour ne pas être authentique, dit qu’il y a moyen de distinguer un lapin d’une lapine, mais que « lorsque les deux lapins courent à ras de terre, bien fin qui reconnaît le mâle et la femelle » ! « L’œuvre antique touche [ainsi] à une double thématique à laquelle notre époque est sensible », explique M. Chun-Liang Yeh, « celle de l’identité et du genre. » La séduction qu’exerce Mulan dans l’imaginaire chinois n’est donc pas réductible à un message de piété filiale ou de dévotion patriotique, auquel les confucéens réduisent trop souvent le texte ; elle est liée au défi social qu’elle adresse à la différenciation des sexes et à l’attrait érotique de sa figure de travesti.
- En chinois « 木蘭辭 ».
- En chinois « 木蘭詩 ».
- En chinois « 古今樂錄 », inédit en français.
Jñân-dev, « L’Invocation, le “Haripāṭh” »
éd. École française d’Extrême-Orient, coll. Publications de l’École française d’Extrême-Orient, Paris
Il s’agit de « L’Invocation » (« Haripāṭh » 1) de Jñân-dev 2, le père de la poésie religieuse marathe (XIIIe siècle apr. J.-C.). On l’appelle aussi Jñân-eśvar 3, « eśvar » et « dev » étant des titres d’honneur presque synonymes et signifiant « divin ». Le père de Jñân-dev s’était vu excommunié de la caste des brahmanes pour avoir adopté la vie ascétique contre la volonté des siens et sans avoir accompli ses devoirs. Rappelé dans le siècle, il eut quatre enfants qui tous devaient hériter de ses goûts monastiques. La situation d’excommunié, cependant, lui pesait sur le cœur : aussi prit-il un jour, en compagnie de sa fidèle épouse, un raccourci vers l’au-delà en se jetant dans les eaux sacrales du Gange. Abandonnés, les quatre enfants ne perdirent pas courage et résolurent même de reconquérir leur rang par la littérature. Jñân-dev inventa le genre de poèmes appelé « Abhang » 4 (« Psaumes ») servant à exprimer la dévotion passionnée à Dieu. Inventa, c’est peut-être trop dire. Il lui donna ses lettres de créance et il en fit le genre poétique particulier de la langue marathe. En choisissant cette langue orale, il permit à la religion hindoue de pénétrer dans tous les foyers de ses concitoyens : « Sans Jñân-dev », explique le père Guy-Aphraate Deleury 5, « l’hindouisme aurait perdu le contact avec la grande masse du peuple qui, en tous pays et à toutes les époques de l’histoire, est le réservoir de la vie : il serait devenu l’apanage d’une petite secte de lettrés, l’orgueil d’un petit groupe d’initiés gardant jalousement pour eux un héritage devenu stérile ». Les pèlerins ne tardèrent pas à adopter les « Abhang » pour accompagner leurs longues marches, et comme ils n’hésitaient pas à ajouter au répertoire des vers de leur propre composition, c’est un immense trésor poétique qui se constitua ainsi de siècle en siècle, de Jñân-dev à Toukâ-râm, en passant par Nâm-dev. Dans l’avant-dernier vers de chaque « Abhang » apparaît le nom de son auteur ; mais cela n’en garantit pas l’authenticité, n’importe quel chantre pouvant signer du nom de son auteur favori. Parmi les neuf cents « Abhang » qui sont attribués expressément à Jñân-dev, il y en a aussi certainement qui ne sont pas de sa main ; mais ce n’est pas une raison pour supposer l’existence de deux ou trois Jñân-dev portant le même nom, comme l’ont supposé quelques savants.
- En marathe « हरिपाठ ». Parfois transcrit « Haripatha ».
- En marathe ज्ञानदेव. Parfois transcrit Jnan Déva, Jnanadeva, Dñāndev ou Dñyāndev.
- En marathe ज्ञानेश्वर. Parfois transcrit Jnan Iswar, Jnaneshwar, Jnaneshwara, Jnaneshvara, Jnaneshvar, Jnaneswara, Jnaneswar, Jnâneçvar, Jñâneçvara, Gyaneswar, Gyaneshwar, Gyaneshwara, Gyaneshvara, Dnyáneshvar, Dnyaneshwara, Dnyāneshwar, Dnyáneśvara ou Dñyāneśvar.
Nâm-dev, « Psaumes du tailleur, ou la Religion de l’Inde profonde »
éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris
Il s’agit de Nâm-dev 1, poète dévot hindou (XIVe siècle apr. J.-C.). On lui doit un nombre important de poèmes, surtout des « Psaumes » (« Abhang » 2), dont soixante et un sont repris dans le « Gourou Granth Sahib », le livre saint des sikhs. On le surnomme « le tailleur de Pandharpour », car il naquit au sein d’une famille de tailleurs, dont il embrassa d’abord la profession. En ce temps-là, les simples gens n’étaient plus satisfaits de leurs dieux ni de leurs prêtres : ils réclamaient un seul Dieu et qui parlât une langue orale qui Le dispensât des interprètes, des traducteurs, des imposteurs. Alors, Dieu Se mit à parler marathe ; et les orfèvres, tisseurs et autres fabricants de belles choses se mirent à danser de joie et à fabriquer des poèmes au lieu de bijoux et d’étoffes. « Pourquoi pas moi ? », se dit Nâm-dev, et de tailleur, il devint poète. « Je ne fais que coudre les habits de [Dieu]… Aiguilles et fils, mètres et ciseaux sont les instruments de mon constant bonheur », écrit-il 3. Et plus loin : « À coudre ainsi le Nom [divin] sans me lasser, les nœuds de la mort se dénouent. Je couds, je couds encore, je couds toujours ; comment pourrais-je vivre sans [le Seigneur] ? Mon aiguille est ma jouissance ; mon fil est mon amour » 4. Le jeune tailleur tissa tant de poèmes, que sa renommée se répandit à travers toute l’Inde. On vint de partout l’écouter, on le proclama « le premier poète-saint de notre âge kali » 5. On raconte plusieurs événements qui montrent sa sainteté. Une fois, par exemple, il alla faire ses dévotions dans le temple de Pandharpour, où se rendaient les pèlerins et les dévots les plus célèbres. Mais ce temple était devenu la propriété des brahmanes badvé, appelés par le peuple les « matraqueurs » en raison de leur propension à user de leurs gourdins pour empêcher les fidèles de basses castes d’y pénétrer. Quand Nâm-dev voulut entrer, les employés du temple, mécontents, lui donnèrent cinq à sept coups sur la tête et le mirent dehors en le repoussant. Mais lui, il n’en conçut pas la moindre colère dans son cœur ; s’étant retiré derrière le temple, il s’assit et se mit à chanter ses « Psaumes ». Lorsqu’il acheva son chant, il dit : « Ô Seigneur, cette punition est peut-être juste, mais néanmoins, dès aujourd’hui, ceci sera le lieu où je ferai entendre mon [chant]. Que Vous l’écoutiez ou non, je ne retournerai plus [à la façade de] Votre temple » 6. La légende dit qu’à ces mots, l’Invisible tourna le sanctuaire de façon que Nâm-dev fût en face, et que les brahmanes fussent à dos. Ces derniers se couvrirent de confusion ; et tombant aux pieds de Nâm-dev, ils lui demandèrent le pardon de leur faute.
- En marathe नामदेव. Parfois transcrit Nāmadeva, Nam Déo ou Namdhaio.
- En marathe « अभंग ». Parfois transcrit « Abhanga » ou « Abhaṃg ». Littéralement « Vers ininterrompus ».
- Psaume « Du bonheur d’être tailleur ».
- Psaume « À quoi bon la caste… ».
- En hindi « कलिजुगि प्रथमि नामदे भईयौ » (Anantadâs, « Nâm-dev parcaî », inédit en français).
- Dans Garcin de Tassy, « Histoire de la littérature hindoui et hindoustani, 2e édition. Tome II », p. 437.
Narasiṃha, « Au point du jour : les “prabhātiyāṃ” »
éd. École française d’Extrême-Orient, coll. Publications de l’École française d’Extrême-Orient, Paris
Il s’agit des « Prières du matin » (« Prabhâtiyâṃ » 1) de Narasiṃha Mahetâ 2, poète et saint hindou (XVe siècle apr. J.-C.), également connu sous le nom simplifié de Narsi Mehta. L’État du Gujarat vénère en lui son plus grand écrivain, son « âdi kavi » (son « premier poète »). Narasiṃha ne fut pas, en réalité, le premier. Les découvertes modernes ont révélé toute une littérature gujaratie datant déjà du XIIe siècle. Mais il reste vrai que Narasiṃha est le premier en importance, et le seul dont l’œuvre a été transmise de génération en génération, jouissant toujours d’une grande popularité. Gandhi, l’autre fils célèbre du Gujarat, s’est référé à lui à maintes reprises et lui a emprunté le terme « fidèles de Dieu » pour désigner les intouchables. En effet, dans un de ses poèmes autobiographiques, Narasiṃha nous raconte comment les intouchables le supplièrent, un jour, de venir faire un récital chez eux, et comment il accepta d’y aller, en faisant fi des interdits. Toute sa vie ensuite, il fut persécuté par les sarcasmes et le mépris des brahmanes nâgara, auxquels il appartenait, et qui formaient la caste la plus élevée du Gujarat ; une fois, il se vit forcé de leur répondre dans une discussion publique : « Je suis ainsi, je suis tel que vous me dites ! Le seul mauvais, plus mauvais que le plus mauvais ! Traitez-moi comme vous voudrez, mais mon amour est encore plus fort. Je suis ce Narasiṃha qui agit à la légère, mais… tous ceux qui se croient supérieurs aux “fidèles de Dieu”, vainement passent leur vie » 3. La légende rapporte qu’à ces mots, Viṣṇu Lui-même apparut au milieu du cénacle et, en guise d’approbation, jeta une guirlande autour du cou de notre poète.
Farrokhzad, « La Conquête du jardin : poèmes (1951-1965) »
Il s’agit des poèmes de Mme Forough Farrokhzad 1, « l’enfante terrible » de la poésie persane, une des écrivaines les plus discutées de l’Iran, morte dans un accident tragique à trente-deux ans (XXe siècle). Elle consacra tout son être à la poésie — l’on peut même dire qu’elle se sacrifia pour elle et pour l’idée qu’elle s’en faisait — en exprimant sans aucune retenue ses émois féminins dans une société iranienne qui refusait aux femmes de cultiver leurs talents et leurs goûts. Elle estimait qu’un poème ne méritait ce nom que lorsqu’on y jetait la flamme de son cœur et les vibrations de son âme. La modernité de Forough laissa rarement les lecteurs impartiaux : elle suscita une forte attirance ou une vive aversion ; une hostilité exagérée ou un éloge exalté. Alors que les uns la considéraient comme une femme dépravée, dangereuse dans ses paroles et dans la pratique de son art ; les autres, au contraire, la voyaient en héroïne culturelle, en rebelle qui, ayant fait l’expérience de la ruine des conventions, était à la recherche de progrès émancipateur. « Je voulais être “une femme” et “un être humain”. Je voulais dire que j’avais le droit de respirer, de crier… Les autres voulaient étouffer mes cris sur mes lèvres et mon souffle dans ma poitrine », dit-elle 2. Elle savait qu’en prenant une attitude de défi, elle se ferait beaucoup d’ennemis, qu’elle s’attirerait des ennuis et des ruptures ; mais elle croyait qu’il fallait enfin briser les barrières et tenir droit face aux agitations des faux dévots. C’est ce qu’elle fit pour la première fois dans un poème intitulé « Le Péché » (« Gonâh » 3) :
« J’ai péché, péché dans le plaisir,
Dans des bras chauds et enflammés.
J’ai péché, péché dans des bras de fer,
Dans des bras brûlants et rancuniers.
Dans ce lieu calme, sombre et muet,
J’ai regardé ses yeux pleins de mystère,
Et des supplications de ses yeux
Mon cœur, impatiemment, a tremblé… »
Farrokhzad, « La Nuit lumineuse : écrits »
Il s’agit des lettres et entretiens de Mme Forough Farrokhzad 1, « l’enfante terrible » de la poésie persane, une des écrivaines les plus discutées de l’Iran, morte dans un accident tragique à trente-deux ans (XXe siècle). Elle consacra tout son être à la poésie — l’on peut même dire qu’elle se sacrifia pour elle et pour l’idée qu’elle s’en faisait — en exprimant sans aucune retenue ses émois féminins dans une société iranienne qui refusait aux femmes de cultiver leurs talents et leurs goûts. Elle estimait qu’un poème ne méritait ce nom que lorsqu’on y jetait la flamme de son cœur et les vibrations de son âme. La modernité de Forough laissa rarement les lecteurs impartiaux : elle suscita une forte attirance ou une vive aversion ; une hostilité exagérée ou un éloge exalté. Alors que les uns la considéraient comme une femme dépravée, dangereuse dans ses paroles et dans la pratique de son art ; les autres, au contraire, la voyaient en héroïne culturelle, en rebelle qui, ayant fait l’expérience de la ruine des conventions, était à la recherche de progrès émancipateur. « Je voulais être “une femme” et “un être humain”. Je voulais dire que j’avais le droit de respirer, de crier… Les autres voulaient étouffer mes cris sur mes lèvres et mon souffle dans ma poitrine », dit-elle 2. Elle savait qu’en prenant une attitude de défi, elle se ferait beaucoup d’ennemis, qu’elle s’attirerait des ennuis et des ruptures ; mais elle croyait qu’il fallait enfin briser les barrières et tenir droit face aux agitations des faux dévots. C’est ce qu’elle fit pour la première fois dans un poème intitulé « Le Péché » (« Gonâh » 3) :
« J’ai péché, péché dans le plaisir,
Dans des bras chauds et enflammés.
J’ai péché, péché dans des bras de fer,
Dans des bras brûlants et rancuniers.
Dans ce lieu calme, sombre et muet,
J’ai regardé ses yeux pleins de mystère,
Et des supplications de ses yeux
Mon cœur, impatiemment, a tremblé… »
« Le Veda : premier livre sacré de l’Inde. Tome II »
éd. Gérard et Cie, coll. Marabout université-Trésors spirituels de l’humanité, Verviers
Il s’agit du « Ṛgveda » 1, de l’« Atharvaveda » 2 et autres hymnes hindous portant le nom de Védas (« sciences sacrées ») — nom dérivé de la même racine « vid » qui se trouve dans nos mots « idée », « idole ». Il est certain que ces hymnes sont le plus ancien monument de la littérature de l’Inde (IIe millénaire av. J.-C.). On peut s’en convaincre déjà par leur langue désuète qui arrête à chaque pas interprètes et traducteurs ; mais ce qui le prouve encore mieux, c’est qu’on n’y trouve aucune trace du culte aujourd’hui omniprésent de Râma et de Kṛṣṇa. Je ne voudrais pas, pour autant, qu’on se fasse une opinion trop exagérée de leur mérite. On a affaire à des bribes de magie décousues, à des formules de rituel déconcertantes, sortes de balbutiements du verbe, dont l’originalité finit par agacer. « Les savants, depuis [Abel] Bergaigne surtout, ont cessé d’admirer dans les Védas les premiers hymnes de l’humanité ou de la “race aryenne” en présence [de] la nature… À parler franc, les trois quarts et demi du “Ṛgveda” sont du galimatias. Les indianistes le savent et en conviennent volontiers entre eux », dit Salomon Reinach 3. La rhétorique védique est, en effet, une rhétorique bizarre, qui effarouche les meilleurs savants par la disparité des images et le chevauchement des sens. Elle se compose de métaphores sacerdotales, compliquées et obscures à dessein, parce que les prêtres védiques, qui vivaient de l’autel, entendaient s’en réserver le monopole. Souvent, ces métaphores font, comme nous dirions, d’une pierre deux coups. Deux idées, associées quelque part à une troisième, sont ensuite associées l’une à l’autre, alors qu’elles hurlent de dégoût de se voir ensemble. Voici un exemple dont l’étrangeté a, du moins, une saveur mythologique : Le « soma » (« liqueur céleste ») sort de la nuée. La nuée est une vache. Le « soma » est donc un lait, ou plutôt, c’est un beurre qui a des « pieds », qui a des « sabots », et qu’Indra trouve dans la vache. Le « soma » est donc un veau qui sort d’un « pis », et ce qui est plus fort, du pis d’un mâle, par suite de la substitution du mot « nuée » avec le mot « nuage ». De là, cet hymne :
« Voilà le nom secret du beurre :
“Langue des dieux”, “nombril de l’immortel”.
Proclamons le nom du beurre,
Soutenons-le de nos hommages en ce sacrifice !…
Le buffle aux quatre cornes l’a excrété.
Il a quatre cornes, trois pieds…
Elles jaillissent de l’océan spirituel,
Ces coulées de beurre cent fois encloses,
Invisibles à l’ennemi. Je les considère :
La verge d’or est en leur milieu », etc.
- En sanscrit « ऋग्वेद ». Parfois transcrit « Rk Veda », « Rak-véda », « Ragveda », « Rěgveda », « Rik-veda », « Rick Veda » ou « Rig-ved ».
- En sanscrit « अथर्ववेद ».
- « Orpheus : histoire générale des religions », p. 77-78. On peut joindre à cette opinion celle de Voltaire : « Les Védas sont le plus ennuyeux fatras que j’aie jamais lu. Figurez-vous la “Légende dorée”, les “Conformités de saint François d’Assise”, les “Exercices spirituels” de saint Ignace et les “Sermons” de Menot joints ensemble, vous n’aurez encore qu’une idée très imparfaite des impertinences des Védas » (« Lettres chinoises, indiennes et tartares », lettre IX).