éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit du traité «Art rhétorique» («Technê rhêtorikê»1) et autres fragments de Cassius Longin2, érudit d’expression grecque, mêlé à presque toutes les discussions littéraires et philologiques du IIIesiècle apr. J.-C. et devenu dans sa vieillesse le ministre d’une reine. L’année de sa naissance n’est pas plus connue que sa patrie; sa mère, en tout cas, était Syrienne. Après avoir passé sa vie à enseigner les belles-lettres à Athènes, il fut appelé en Orient, à la Cour de Palmyre3. La reine Zénobie, qui le prit auprès d’elle pour s’instruire dans la langue grecque, en fit son principal ministre et s’abandonna à ses conseils. C’est lui qui encouragea cette reine à défendre son titre de reine contre les armées d’Aurélien. On dit même qu’il lui dicta la réponse noble et fière qu’elle écrivit à cet Empereur romain qui la pressait de se rendre: «Jadis, Cléopâtre a préféré la mort au pompeux esclavage que vous m’offrez. La Perse m’envoie des auxiliaires; les Arabes et les Arméniens mourront pour ma cause… Que sera-ce quand les troupes alliées que j’attends seront venues?» Cette réponse hautaine coûta la vie à Longin; car devenu, à la fin d’un long siège, le maître de Palmyre et de Zénobie, Aurélien réserva cette reine pour son triomphe et envoya Longin au supplice (273 apr. J.-C.). Selon un historien, Longin montra dans sa mort le même courage qu’il sut inspirer au cours de sa vie; il souffrit les plus cruels tourments «avec une telle fermeté qu’il réconforta même ceux qui s’affligeaient de son malheur»
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit du traité «Du sublime» («Peri hypsous»1). Ce petit traité mystérieux constitue le sommet de la critique littéraire gréco-romaine. Nous ne savons pas s’il a eu beaucoup de succès à l’époque de sa rédaction; mais depuis sa traduction par Boileau, il en a eu énormément et qu’il mérite. Non seulement les philosophes des Lumières ont été charmés par les beaux fragments littéraires qui y sont cités; mais ils ont été surpris par la hauteur, par la force, par la véhémence des jugements qui y sont portés sur tous les grands écrivains de l’Antiquité. L’auteur inconnu de ce traité, quel qu’il soit2, ne s’amusait pas, comme les rhéteurs de son temps (Iersiècle apr. J.-C.), à faire des divisions minutieuses des parties du discours; et il ne se contentait pas, comme Aristote ou comme Hermogène, à nous énumérer des préceptes tout secs et dépouillés d’ornements. Au contraire: en traitant des beautés littéraires, il employait toutes les finesses littéraires: «Souvent il fait la figure qu’il enseigne, et en parlant du sublime, il est lui-même très sublime», comme dit Boileau3. Chez ce Grec, point de préjugés nationaux. Il lisait les écrivains latins et il savait se passionner pour eux: il comparait Cicéron à Démosthène et il sentait fort bien les qualités de l’un et de l’autre. Chose plus surprenante: il n’était pas étranger aux premiers versets de la Bible. Enfin, admirons en lui l’honnête homme. Nul Ancien n’a mieux que lui compris et exprimé à quel point la grandeur littéraire est liée à celle du cœur et de l’esprit. Et c’est un honneur pour ce critique ingénieux de s’être rencontré en cela avec Platon, et d’avoir défendu la noblesse et la pureté de l’art d’écrire, en commençant par donner aux écrivains la conscience de leur devoir humain et le respect de ce même devoir.
Les plus anciens manuscrits du traité «Du sublime» n’en indiquent pas l’auteur avec certitude: ils nous laissent le choix entre «Denys ou Longin» (Διονυσίου ἢ Λογγίνου). Mais les premiers éditeurs, n’ayant pas eu sous les yeux ces anciens manuscrits, ont suivi aveuglément les manuscrits où la particule «ou» avait disparu par la négligence des copistes, et pendant trois cents ans, ce traité a été édité, traduit, commenté comme l’œuvre de «Denys Longin».
«Préface au “Traité du sublime, ou Du merveilleux dans le discours”».
Il s’agit de «La Petite Étude» («Xiao Xue»1), recueil de trois cent quatre-vingt-six sentences, préceptes et exemples. Jadis, c’était l’un des livres incontournables de la littérature chinoise, parce qu’il servait à former l’éducation de la nation entière. Dès qu’un enfant, de quelque condition qu’il fût — depuis le fils de l’Empereur jusqu’au fils du moindre de ses sujets — avait atteint l’âge de huit ans, c’était ce livre, en effet, qu’on lui mettait entre les mains pour lui enseigner la façon dont il fallait interroger, et celle dont il fallait répondre aux interrogations des autres; pour l’instruire des devoirs de la civilité, des coutumes et des rites; pour lui faire des leçons sur la procédure et la forme qu’il devait observer devant les autres, suivant ce qu’ils étaient — ou ses supérieurs, ou ses inférieurs, ou simplement ses égaux. Tout cela formait ce qu’on appelait «la petite étude», c’est-à-dire l’enseignement inférieur, la petite école; c’était à quoi on occupait l’enfant jusqu’à l’âge de quinze ans. Parvenu à cet âge, on l’appliquait à «la grande étude», ce qui est d’ailleurs le titre d’un des quatre classiques rédigés par les disciples de Confucius. Les sentences, préceptes et exemples de «La Petite Étude» sont empruntés pour la plupart au «Mémorial des rites» et rangés dans un ordre assez défectueux, tel chapitre contenant souvent ce qui devrait se trouver dans tel autre. On ne peut nier que les principes en soient, en général, édifiants, et qu’il y ait des modèles d’une vertu réelle; mais on y trouve, en même temps, l’observation de certaines pratiques établies par les préjugés et par la routine, qui paraissent assez puériles. Un des disciples de Zhu Xi2, Liu Qingzhi3 (XIIesiècle), a composé ce livre. Zhu Xi l’a ensuite mis dans l’ordre où nous le voyons et a ajouté une introduction où il dit4: «Puisque l’homme, pendant l’enfance, ne peut encore ni savoir, ni réfléchir, ni régler ses actes, il faut que, prenant les discours profonds des sages, leurs traités fondamentaux, on les lui mette tous les jours sous les yeux, on les lui infiltre dans les oreilles, on en remplisse son intérieur. Si l’on tarde, il s’habitue à se former selon son caprice et il reste obstinément ce qu’il s’est habitué à être».
En chinois 朱熹. Autrefois transcrit Tchou Hi, Tchu Hi, Chu-hi ou Chu Hsi. Également connu sous le titre honorifique de Zhu Wen Gong (朱文公), c’est-à-dire «Zhu, prince de la littérature». Autrefois transcrit Chu Ven Kum, Chu Wen-kung, Tchou-wen-koung ou Tchou Wen Kong.
Il s’agit de Yi Hwang1, un des néo-confucianistes les plus connus de la Corée; celui, en tout cas, qui contribua le plus à implanter dans ce pays, d’une manière parfois doctrinaire et intransigeante, l’école chinoise de Zhu Xi2. Pendant la première moitié de sa vie, Yi Hwang fit carrière de fonctionnaire lettré, et après plusieurs promotions, il acquit une réputation d’intégrité et de courage. Mais son intérêt était ailleurs que dans la vie active, et comme en 1543 apr. J.-C. il était tombé malade, il acheta les «Œuvres complètes» de Zhu Xi, dont il ne connaissait pas encore le contenu, et il décida de se construire à T’oegye3 un petit ermitage et de se consacrer à leur lecture. «Jour après jour je fermais ma porte, m’asseyais calmement et lisais les livres. Je réalisai peu à peu combien le contenu en était savoureux et combien leur sens n’avait pas de limites. Par ailleurs, j’éprouvais beaucoup d’émotions à la lecture des lettres», raconte-t-il4. Et ailleurs: «Ah! si seulement, dans ma jeunesse, je m’étais fermement décidé à vivre dans les endroits reculés, en construisant une hutte et en me consacrant à étudier et à remédier aux déficiences de ma culture spirituelle, j’aurais gagné trois décennies, ma santé se serait améliorée, mon étude aurait porté des fruits et aujourd’hui toutes les créatures terrestres me rempliraient de joie! Comment n’ai-je pas pu comprendre cela…?»5 Cette seconde partie de sa vie, dévouée à l’étude, fut ponctuée de nombreuses publications, où Yi Hwang suivit, jusque dans les plus minutieux détails, les enseignements de Zhu Xi. Il faut avouer qu’il n’y offrait pas toujours la largeur d’esprit et l’accent propre et autochtone qui caractérisaient son grand contemporain Yulgok. Sa logique était claire et pénétrante, mais en ce qui concernait les enseignements de Zhu Xi, il ne faisait aucun compromis, les érigeant en stricte orthodoxie. «Les résultats furent dévastateurs. La version de Yi Hwang du néo-confucianisme de Zhu Xi — idéologie dominante de la Corée Chosŏn, à la fin du XVIesiècle — était par essence une doctrine intolérante. Ses adeptes furent particulièrement rapides à rejeter et à supprimer les autres enseignements… Cela aboutit, à la fin, à la réduction du monde à un “concept unique” et à la préoccupation croissante de l’idéologie correcte, récompensant la scolastique la plus aride ou bien l’orthodoxie.»
En chinois朱熹. Autrefois transcrit Tchou Hi, Tchu Hi, Chu-hi ou Chu Hsi. Également connu sous le titre honorifique de Zhu Wen Gong (朱文公), c’est-à-dire «Zhu, prince de la littérature». Autrefois transcrit Chu Ven Kum, Chu Wen-kung, Tchou-wen-koung ou Tchou Wen Kong.
En coréen 퇴계.
Dans Philippe Thiébault, «La Pensée coréenne», p.136.
Dans Tcho Hye-young, «Préface à l’“Étude de la sagesse en dix diagrammes”», p.15.
éd. Librairie du savoir, coll. Philosophia perennis, Paris
Il s’agit des «Différentielles divines» («Diferențialele divine») de Lucian Blaga, poète, dramaturge et philosophe roumain, dont l’œuvre sublime se résume en un vers: «Je crois que l’éternité est née au village»1. Né en 1895 au village de Lancrăm, dont le nom, dit-il, rappelle «la sonorité des larmes» («sunetele lacrimei»), fils d’un prêtre orthodoxe, Blaga fit son entrée à l’Académie roumaine sans prononcer, comme de coutume, l’éloge de son prédécesseur. Son discours de réception fut un éloge du village romain, comme le fut aussi toute son œuvre. Pour l’auteur de «L’Âme du village» («Sufletul satului»), les paysages campagnards, les chemins de terre et de boue sont «le seuil du monde» («prag de lume»), le village-idée d’où partent les vastes horizons de la création artistique et poétique. Les regards rêveurs des paysans sondent l’univers, se perdant dans l’infini. L’homme de la ville au contraire vit «dans le fragment, la relativité, le concret mécanique, dans une tristesse constante et dans une superficialité lucide». Cet éloge de l’âme du village comme creuset, comme âme de la nation est doublé de l’angoisse devant le mystère de ce que Blaga appelle «le Grand Anonyme» («Marele Anonim»), c’est-à-dire Dieu. Face à cette angoisse-là, la solution qu’il ébauche, en s’inspirant des romantiques allemands, passe par le sacrifice de l’individu en tant qu’individu au profit d’une spiritualité collective, anonyme et spontanée. Puisque les grandes questions du monde restent sans réponse, la sagesse serait de se taire et de se fondre avec la terre dans les sillons de l’éternité:
«Regarde, c’est le soir», dit Blaga2. «L’âme du village palpite près de nous Comme une odeur timide d’herbe coupée, Comme une chute de fumée des avant-toits de paille…»
éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris
Il s’agit des «Principes essentiels pour éduquer les jeunes gens» («Kyŏngmong yogyŏl»1, littéralement «Principes essentiels pour repousser l’ignorance juvénile»), ouvrage qui appartient à l’apogée du néo-confucianismecoréen. Son auteur Yi I2, plus connu sous le surnom de Yulgok3 («la Vallée des châtaigniers»), aurait pu poursuivre une existence de moine; car en 1551 apr. J.-C., après la mort prématurée de sa mère Sin Sa-imdang4, femme de lettres et l’une des artistes-peintres les plus respectées, alors que le chagrin et le deuil le plongèrent dans une sombre méditation, il se retira dans un monastère bouddhique sur les monts de Diamants (Kumgangsan5). Mais un moine qu’il rencontra là-bas le fit changer d’avis: «Alors que je visitais [un des monts], je pénétrais seul un jour, durant quelques “li”, dans une profonde vallée et y découvris un petit ermitage. Un vieux moine, qui portait l’habit, était assis dans une position correcte, me regardant, sans dire un mot et sans se lever. Furetant partout dans l’ermitage, je ne remarquai aucun objet. Et dans la cuisine, il semblait qu’on n’avait pas préparé de repas depuis plusieurs jours»6. Yulgok se rendit compte, en conversant avec cet homme, qu’une vie retirée et solitaire aurait été une vie stérile, qui n’aurait pu lui apporter un bonheur complet; elle aurait consisté à négliger ses devoirs envers la société laïque, si lourds soient-ils. «Je n’ai pas encore achevé mes relations avec le monde», dit-il7 à son retour. Et après une période d’hésitation, où il relut l’ensemble des traditions chinoises et coréennes, dans la multitude de leurs textes, il décida d’agir par toutes ses forces à la transformation de son pays selon l’éthique de l’école néo-confucéenne. Regardé dans son pays comme le modèle de cette école, Yulgok fut plusieurs fois ministre. Politicien engagé et grand moraliste, il laissa derrière lui une dizaine d’ouvrages ayant pour thème principal l’élévation des esprits et le développement des consciences à travers l’étude: «Sans étude, nul homme ne pourrait devenir humain», dit-il dans une célèbre phrase8. Par «étude», Yulgok n’entend rien d’insolite ni d’extraordinaire: «Il suffit», précise-t-il, «de se conduire à tout moment du quotidien, en fonction [des] circonstances, en père tendre, en fils filial, en sujet loyal, en époux soucieux des distinctions de rôles, en frère attentionné, en jeune homme respectueux des aînés ou en ami de confiance.» Dans notre monde actuel où l’on ne comprend plus que l’étude réside dans le quotidien et où on la croit exagérément malaisée, la pensée de Yulgok si pure, si belle, si concrète peut être un admirable soutien.
éd. Autres Temps, coll. Le Temps de la pensée, Gémenos
Il s’agit de l’«Anthologie de la sagesse extrême-orientale» («Sŏnghak chipyo»1, littéralement «Recueil essentiel de l’étude de la sagesse»), ouvrage qui appartient à l’apogée du néo-confucianismecoréen. Son auteur Yi I2, plus connu sous le surnom de Yulgok3 («la Vallée des châtaigniers»), aurait pu poursuivre une existence de moine; car en 1551 apr. J.-C., après la mort prématurée de sa mère Sin Sa-imdang4, femme de lettres et l’une des artistes-peintres les plus respectées, alors que le chagrin et le deuil le plongèrent dans une sombre méditation, il se retira dans un monastère bouddhique sur les monts de Diamants (Kumgangsan5). Mais un moine qu’il rencontra là-bas le fit changer d’avis: «Alors que je visitais [un des monts], je pénétrais seul un jour, durant quelques “li”, dans une profonde vallée et y découvris un petit ermitage. Un vieux moine, qui portait l’habit, était assis dans une position correcte, me regardant, sans dire un mot et sans se lever. Furetant partout dans l’ermitage, je ne remarquai aucun objet. Et dans la cuisine, il semblait qu’on n’avait pas préparé de repas depuis plusieurs jours»6. Yulgok se rendit compte, en conversant avec cet homme, qu’une vie retirée et solitaire aurait été une vie stérile, qui n’aurait pu lui apporter un bonheur complet; elle aurait consisté à négliger ses devoirs envers la société laïque, si lourds soient-ils. «Je n’ai pas encore achevé mes relations avec le monde», dit-il7 à son retour. Et après une période d’hésitation, où il relut l’ensemble des traditions chinoises et coréennes, dans la multitude de leurs textes, il décida d’agir par toutes ses forces à la transformation de son pays selon l’éthique de l’école néo-confucéenne. Regardé dans son pays comme le modèle de cette école, Yulgok fut plusieurs fois ministre. Politicien engagé et grand moraliste, il laissa derrière lui une dizaine d’ouvrages ayant pour thème principal l’élévation des esprits et le développement des consciences à travers l’étude: «Sans étude, nul homme ne pourrait devenir humain», dit-il dans une célèbre phrase8. Par «étude», Yulgok n’entend rien d’insolite ni d’extraordinaire: «Il suffit», précise-t-il, «de se conduire à tout moment du quotidien, en fonction [des] circonstances, en père tendre, en fils filial, en sujet loyal, en époux soucieux des distinctions de rôles, en frère attentionné, en jeune homme respectueux des aînés ou en ami de confiance.» Dans notre monde actuel où l’on ne comprend plus que l’étude réside dans le quotidien et où on la croit exagérément malaisée, la pensée de Yulgok si pure, si belle, si concrète peut être un admirable soutien.
Il s’agit du «Kong-tze Kia-yu»1 («Entretiens familiers de Confucius»2), espèce de supplément aux «Entretiens de Confucius». Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que Confucius, suivant l’usage de son temps, avait toujours à sa suite quelques-uns de ses disciples, même lorsqu’il était admis en présence d’un roi ou d’un prince. C’est au soin que ces disciples ont eu de transmettre par écrit ce qu’ils avaient vu et entendu de la part de leur maître, qu’on est redevable de ce que l’on sait de sa vie privée. Le détail en fut consigné, peu de temps après sa mort, dans le fameux livre des «Entretiens de Confucius». Mais comme ce livre ne renfermait pas tout, on y suppléa dans la suite en recueillant tout ce qui avait été rejeté des grandes éditions et tout ce qu’on put trouver d’un peu intéressant dans les mémoires des premiers disciples ou leurs descendants. On donna à ce supplément le titre de «Kia-yu». Ce livre, comme tant d’autres, fut perdu dans l’incendie général des livreschinois ordonné en 213 av. J.-C par Tsin-chi-hoang-ti — acte de barbarie qui mérite une malédiction aussi éternelle que la perte de la bibliothèque d’Alexandrie. L’ordre fut exécuté avec la plus grande cruauté. Les lamentations, les pleurs mêmes que cette destruction arracha à de nombreux lettrés, en firent périr plus de quatre cents dans les flammes et attirèrent sur les autres une proscription impériale. Avec le temps, le «Kia-yu» reparut, mais tronqué, mutilé, presque informe. Ce ne fut que quatre siècles plus tard, vers 240 apr. J.-C., qu’un lettré, Wang Su3, en reproduisit une partie, tronquée elle-même, et y amalgama d’autres parties, puisées à d’autres sources. «Comment s’opéra cette transformation? On l’ignore. [Mais] comme le nouveau texte [de Wang Su] était accompagné d’un commentaire, et que l’ancien n’existait probablement qu’en très petit nombre d’exemplaires, le premier eut bientôt supplanté complètement l’autre qui tomba dans l’oubli», explique monseigneur Charles de Harlez4. Il résulte de là que le «Kia-yu», dans l’état où il se trouve aujourd’hui, n’a pas l’autorité des autres écrits confucéens, bien que le fond en soit bon.
éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris
Il s’agit d’Hermagoras de Temnos1 et d’Hermagoras disciple de Théodore2, deux figures majeures de la rhétorique grecque.
Le premier Hermagoras, également connu sous le surnom d’Hermagoras l’Ancien3, professait en grec probablement à l’époque où les rhéteurs n’étaient pas encore bien vus à Rome, c’est-à-dire au IIesiècle av. J.-C. Isidore le cite, avec Gorgias et Aristote, comme l’un des inventeurs de la rhétorique. Cicéron et Ælius Théon disent de lui qu’il prenait pour sujets de controverse des questions sans personnes définies ni circonstances précises, comme: «Y a-t-il un bien à part la vertu?», «Les sens sont-ils fiables?», «Quelle est la forme du monde?», «Doit-on se marier?», «Doit-on faire des enfants?», etc. questions qu’il serait tout aussi facile de ranger parmi les thèses d’un philosophe que d’un rhéteur. Ce même Hermagoras publia un traité de rhétorique que Cicéron devait avoir entre les mains, puisqu’il en parle maintes fois, et qui «n’était pas tout à fait sans mérite» («non mendosissime scripta»); c’était un abrégé des rhétoriques antérieures où «l’intelligence et le soin» («ingeniose et diligenter») ne faisaient pas défaut, et où, de plus, l’auteur «donnait plus d’une preuve de nouveauté» («nonnihil ipse quoque novi protulisse»). Ailleurs, Cicéron parle de cet ouvrage dans ces termes: «Il donne des règles et des préceptes oratoires précis et sûrs qui, s’ils présentent très peu d’apprêt — car le style en est sec —, suivent malgré tout un ordre, et comportent certaines méthodes qui ne permettent pas de se fourvoyer quand on parle». Ce traité, en six volumes, s’est malheureusement perdu assez vite; il nous est connu uniquement sous la forme de témoignages, non de fragments.
Il s’agit d’«Ernst et Falk: causeries pour francs-maçons» («Ernst und Falk: Gespräche für Freimaurer») de Gotthold Ephraim Lessing, écrivain hostile aux conventions en vogue, aux préjugés de classe, à l’esprit de servilité et de routine, à tout ce qui paralysait le génieallemand (XVIIIesiècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, celui qui a mérité que Henri Heine dise de lui: «Lessing, de tous les écrivains allemands, est celui que je chéris le plus»1 a certainement le droit d’être considéré comme l’un des pères de cette Allemagne triomphante où, selon le mot de la baronne de Staël2, «[même] les écrivains du second et du troisième ordre ont encore des connaissances assez approfondies pour être chefs ailleurs». Il fut tour à tour philosophe, critique, traducteur, dramaturge, fabuliste, secrétaire d’un général, bibliothécaire d’un duc, ouvrant dans toutes les directions des voies nouvelles, poursuivant partout la vérité. Car Lessing eut une passion pour la vérité. Il la chercha «avec caractère, avec énergique constance», comme dit Gœthe3, et il eut même plus de joie à la chercher qu’à la trouver, comme le chasseur qui prend plus de plaisir à courir le lièvre qu’à l’attraper. «Si Dieu», dit Lessing4, «tenait dans sa main droite toutes les vérités et dans sa main gauche l’effort infatigable vers la vérité… et qu’il me disait: “Choisis!”, je m’inclinerais avec désespoir vers sa main gauche, en lui disant: “Père, donne! La pure vérité n’est que pour toi seul!”» Tel Luther, Lessing fut un émancipateur, qui ne se contentait pas de sa liberté personnelle, mais qui souhaitait également celle de ses lecteurs. Il pensait tout haut devant eux et leur donnait envie de penser. Il estimait qu’ils étaient non moins habiles que lui à gérer leurs opinions et leurs goûts. «La liberté fut l’âme de tous ses ouvrages; on citerait difficilement une ligne de lui qui ne vise quelque servitude», explique Victor Cherbuliez5. En religion, il lutta pour l’avènement d’une religion humanitaire et universelle. Il imagina une grande famille humaine, une franc-maçonnerie de tous les croyants unis plutôt dans la pratique de la vertu que dans celle du culte. En littérature, il affranchit son pays de la rigidité, de l’imitation servile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène allemande que des adaptations de pièces françaises, elles-mêmes imitées du grec; il fit voir le ridicule de cette fausse Antiquité, empruntée de seconde main. Il contribua au contraire à révéler au public les tragédies de Shakespeare, dont le caractère terrible avait infiniment plus de rapport avec celui des Allemands. Il assura que Shakespeare seul pouvait susciter un théâtre original et populaire; et que, si Shakespeare ignorait Aristote, que Corneille avait si bien étudié, des deux tragédiens c’est Shakespeare qui l’avait le mieux suivi! Cependant, quels que fussent les paradoxes auxquels Lessing se laissa entraîner par l’ardeur et par les nécessités de la controverse, il sema des vues neuves, des aperçus féconds.
Il s’agit du «Laocoon, ou Des limites respectives de la poésie et de la peinture» («Laokoon, oder Über die Grenzen der Malerei und Poesie») de Gotthold Ephraim Lessing, écrivain hostile aux conventions en vogue, aux préjugés de classe, à l’esprit de servilité et de routine, à tout ce qui paralysait le génieallemand (XVIIIesiècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, celui qui a mérité que Henri Heine dise de lui: «Lessing, de tous les écrivains allemands, est celui que je chéris le plus»1 a certainement le droit d’être considéré comme l’un des pères de cette Allemagne triomphante où, selon le mot de la baronne de Staël2, «[même] les écrivains du second et du troisième ordre ont encore des connaissances assez approfondies pour être chefs ailleurs». Il fut tour à tour philosophe, critique, traducteur, dramaturge, fabuliste, secrétaire d’un général, bibliothécaire d’un duc, ouvrant dans toutes les directions des voies nouvelles, poursuivant partout la vérité. Car Lessing eut une passion pour la vérité. Il la chercha «avec caractère, avec énergique constance», comme dit Gœthe3, et il eut même plus de joie à la chercher qu’à la trouver, comme le chasseur qui prend plus de plaisir à courir le lièvre qu’à l’attraper. «Si Dieu», dit Lessing4, «tenait dans sa main droite toutes les vérités et dans sa main gauche l’effort infatigable vers la vérité… et qu’il me disait: “Choisis!”, je m’inclinerais avec désespoir vers sa main gauche, en lui disant: “Père, donne! La pure vérité n’est que pour toi seul!”» Tel Luther, Lessing fut un émancipateur, qui ne se contentait pas de sa liberté personnelle, mais qui souhaitait également celle de ses lecteurs. Il pensait tout haut devant eux et leur donnait envie de penser. Il estimait qu’ils étaient non moins habiles que lui à gérer leurs opinions et leurs goûts. «La liberté fut l’âme de tous ses ouvrages; on citerait difficilement une ligne de lui qui ne vise quelque servitude», explique Victor Cherbuliez5. En religion, il lutta pour l’avènement d’une religion humanitaire et universelle. Il imagina une grande famille humaine, une franc-maçonnerie de tous les croyants unis plutôt dans la pratique de la vertu que dans celle du culte. En littérature, il affranchit son pays de la rigidité, de l’imitation servile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène allemande que des adaptations de pièces françaises, elles-mêmes imitées du grec; il fit voir le ridicule de cette fausse Antiquité, empruntée de seconde main. Il contribua au contraire à révéler au public les tragédies de Shakespeare, dont le caractère terrible avait infiniment plus de rapport avec celui des Allemands. Il assura que Shakespeare seul pouvait susciter un théâtre original et populaire; et que, si Shakespeare ignorait Aristote, que Corneille avait si bien étudié, des deux tragédiens c’est Shakespeare qui l’avait le mieux suivi! Cependant, quels que fussent les paradoxes auxquels Lessing se laissa entraîner par l’ardeur et par les nécessités de la controverse, il sema des vues neuves, des aperçus féconds.
éd. Aubier-Montaigne, coll. bilingue des classiques étrangers, Paris
Il s’agit de «L’Éducation du genre humain»1 («Die Erziehung des Menschengeschlechts») de Gotthold Ephraim Lessing, écrivain hostile aux conventions en vogue, aux préjugés de classe, à l’esprit de servilité et de routine, à tout ce qui paralysait le génieallemand (XVIIIesiècle). Sans être le plus grand d’entre les plus grands, celui qui a mérité que Henri Heine dise de lui: «Lessing, de tous les écrivains allemands, est celui que je chéris le plus»2 a certainement le droit d’être considéré comme l’un des pères de cette Allemagne triomphante où, selon le mot de la baronne de Staël3, «[même] les écrivains du second et du troisième ordre ont encore des connaissances assez approfondies pour être chefs ailleurs». Il fut tour à tour philosophe, critique, traducteur, dramaturge, fabuliste, secrétaire d’un général, bibliothécaire d’un duc, ouvrant dans toutes les directions des voies nouvelles, poursuivant partout la vérité. Car Lessing eut une passion pour la vérité. Il la chercha «avec caractère, avec énergique constance», comme dit Gœthe4, et il eut même plus de joie à la chercher qu’à la trouver, comme le chasseur qui prend plus de plaisir à courir le lièvre qu’à l’attraper. «Si Dieu», dit Lessing5, «tenait dans sa main droite toutes les vérités et dans sa main gauche l’effort infatigable vers la vérité… et qu’il me disait: “Choisis!”, je m’inclinerais avec désespoir vers sa main gauche, en lui disant: “Père, donne! La pure vérité n’est que pour toi seul!”» Tel Luther, Lessing fut un émancipateur, qui ne se contentait pas de sa liberté personnelle, mais qui souhaitait également celle de ses lecteurs. Il pensait tout haut devant eux et leur donnait envie de penser. Il estimait qu’ils étaient non moins habiles que lui à gérer leurs opinions et leurs goûts. «La liberté fut l’âme de tous ses ouvrages; on citerait difficilement une ligne de lui qui ne vise quelque servitude», explique Victor Cherbuliez6. En religion, il lutta pour l’avènement d’une religion humanitaire et universelle. Il imagina une grande famille humaine, une franc-maçonnerie de tous les croyants unis plutôt dans la pratique de la vertu que dans celle du culte. En littérature, il affranchit son pays de la rigidité, de l’imitation servile. Jusque-là, on n’avait joué sur la scène allemande que des adaptations de pièces françaises, elles-mêmes imitées du grec; il fit voir le ridicule de cette fausse Antiquité, empruntée de seconde main. Il contribua au contraire à révéler au public les tragédies de Shakespeare, dont le caractère terrible avait infiniment plus de rapport avec celui des Allemands. Il assura que Shakespeare seul pouvait susciter un théâtre original et populaire; et que, si Shakespeare ignorait Aristote, que Corneille avait si bien étudié, des deux tragédiens c’est Shakespeare qui l’avait le mieux suivi! Cependant, quels que fussent les paradoxes auxquels Lessing se laissa entraîner par l’ardeur et par les nécessités de la controverse, il sema des vues neuves, des aperçus féconds.
éd. Desjonquères, coll. Textes du XVIIIesiècle, Paris
Il s’agit des «Pensées diverses»1 d’Antoine Rivaroli, dit de Rivarol, improvisateur français, un des plus éblouissants esprits de la fin du XVIIIesiècle. «Il y a parmi les gens du monde certaines personnes qui doivent tout [leur] bonheur à leur réputation de gens d’esprit, et toute leur réputation à leur paresse». En plaçant ces mots en tête du «Petit Almanach de nos grands hommes», Rivarol pensait-il à lui-même? Probablement. Il était paresseux et il le savait; mais c’était le dieu de la conversation en cette fin de siècle où la conversation était le suprême plaisir et la suprême gloire, et il était chaque jour traversé d’inspirations fulgurantes. On rapporte qu’il notait ses «Pensées diverses» sur de petites feuilles volantes, sur des morceaux de papier, qu’il rangeait ensuite dans des sacs posés sur sa table de nuit. Avec ces sacs, qu’il renversait périodiquement, tel un chercheur d’or comptant ses pépites, il visait au premier rang dans les lettres et il était bien capable d’y atteindre; mais il fréquentait trop une société dissipée, mondaine, une société qui ne voulait qu’être amusée; et en quelques heures de conversation, il gaspillait avec éclat la matière de dix livres. «On n’avait qu’à le toucher sur un point, qu’à lui donner la note, et le merveilleux clavier répondait à l’instant par toute une sonate», explique un critique2. Ces succès commodes, qu’il remportait chaque soir en causant sur n’importe quel sujet, et qui n’avaient besoin, pour être renouvelés, que des improvisations de son esprit légèrement occupé, lui ont ravi ses plus belles années. «Sans cesse arraché à lui-même, il a sacrifié tantôt à la frivolité, tantôt à la fidélité, tantôt à la nécessité, les heures sacrées de l’inspiration. Il a perpétuellement manqué les occasions de devenir un grand homme», explique un autre critique3.
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« Ah ! la lumière ! la lumière toujours ! la lumière partout ! Le besoin de tout c’est la lumière. La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. » — Victor Hugo
« Qui connaît les autres et lui-même doit aussi reconnaître que l’Orient et l’Occident sont désormais inséparables. J’admets que l’on se berce en rêvant entre les deux mondes : aller et venir du couchant au levant soit donc pour le mieux ! » — Johann Wolfgang von Gœthe
« Miracle du livre et de l’informatique. Dieu parle toutes les langues, chacun écrit la sienne. L’ordinateur rapproche, mélange, brouille les pistes. Et nous voici à l’aube d’un autre millénaire qui se moque des distances et se nourrit de tous les héritages. » — M. le père Guy-Aphraate Deleury
« Le mystère contenu dans ce proverbe : “Celui qui aime un peuple en fait partie” s’est réalisé pour moi… » — Chems-ed-dîn Aḥmed Aflâkî
« Une synthèse originale — vivante surtout — de deux humanités, de deux mondes : de l’Orient et de l’Occident, c’est ce que j’ai résolu d’être, c’est ce que je m’efforce d’être, c’est ce que je suis en train d’être. » — M. Hoàng Xuân Nhị