Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome II. De la vie heureuse • De la brièveté de la vie »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de « De la briè­veté de la vie »1 (« De bre­vi­tate vitæ ») et « De la vie heu­reuse »2 (« De vita beata ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe3, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »4. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »5. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)6. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit « De la briè­veté de la vie hu­maine » ou « Dis­cours de la briè­veté de la vie ». Haut
  2. Par­fois tra­duit « Traité de la vie heu­reuse » ou « Le Bon­heur ». Haut
  3. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  1. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  2. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  3. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome I. “De ira” »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de « De la co­lère » (« De ira ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe1, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »2. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »3. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)4. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  2. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Des bienfaits. Tome II »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de « Des bien­faits » (« De be­ne­fi­ciis ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe1, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »2. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »3. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)4. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  2. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Des bienfaits. Tome I »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de « Des bien­faits » (« De be­ne­fi­ciis ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe1, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »2. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »3. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)4. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  2. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « De la clémence »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de « De la clé­mence » (« De cle­men­tia ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe1, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »2. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »3. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)4. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  2. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome V. Livres XIX-XX »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit des « Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius »1 (« Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales) ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »4. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit « Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius » ou « Épîtres ». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome IV. Livres XIV-XVIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit des « Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius »1 (« Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales) ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »4. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit « Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius » ou « Épîtres ». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome III. Livres VIII-XIII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit des « Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius »1 (« Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales) ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »4. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit « Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius » ou « Épîtres ». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome II. Livres V-VII »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit des « Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius »1 (« Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales) ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »4. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit « Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius » ou « Épîtres ». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, « Lettres à Lucilius. Tome I. Livres I-IV »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit des « Lettres (mo­rales) à Lu­ci­lius »1 (« Ad Lu­ci­lium epis­tulæ (mo­rales) ») de Sé­nèque le phi­lo­sophe2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont « un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie »3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses dis­cours ora­toires — « de pures ti­rades théâ­trales ». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier ; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta de re­ve­nir à la car­rière pu­blique. Celle-ci mena Sé­nèque de com­pro­mis en com­pro­mis et d’épreuve en épreuve, dont la plus fa­tale sur­vint lorsqu’il se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Ja­mais Sé­nèque ne put faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève « mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux »4. Né­ron en re­vanche fit de notre au­teur un « ami » forcé, un col­la­bo­ra­teur in­vo­lon­taire, un conseiller mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. En l’an 62 apr. J.-C., Sé­nèque cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne en re­non­çant à tous ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus ré­ité­rés de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite du pré­cep­teur se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. « En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers ; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous » (« At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem »)5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Au­tre­fois tra­duit « Cent Vingt-quatre Épîtres, ou Di­vers Dis­cours phi­lo­so­phiques à Lu­ci­lius » ou « Épîtres ». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, « Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin) ». Haut
  1. René Waltz, « Vie de Sé­nèque » (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2. Haut

Ibn Rushd (Averroès), « L’Incohérence de “L’Incohérence” »

dans « L’Islam et la Raison : anthologie de textes juridiques, théologiques et polémiques » (éd. Flammarion, coll. GF, Paris)

dans « L’Islam et la Rai­son : an­tho­lo­gie de textes ju­ri­diques, théo­lo­giques et po­lé­miques » (éd. Flam­ma­rion, coll. GF, Pa­ris)

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de « L’Effondrement de “L’Effondrement” »1 (« Ta­hâ­fut al-Ta­hâ­fut »2) d’Ibn Ru­shd3 (XIIe siècle apr. J.-C.), ré­fu­ta­tion du livre de ré­fu­ta­tion de Ghazâli in­ti­tulé « L’Effondrement des phi­lo­sophes ». De tous les phi­lo­sophes que l’islam donna à l’Espagne, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la mé­moire des peuples, grâce à ses re­mar­quables com­men­taires sur les écrits d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les noms cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès4. Dans son An­da­lou­sie na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une to­lé­rance dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. « Chré­tiens, juifs, mu­sul­mans par­laient la même langue, chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et scien­ti­fiques. Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées ; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la ci­vi­li­sa­tion com­mune », dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf5, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son temps. L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande in­fluence et en pro­fita pour y at­ti­rer les sa­vants de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter Aris­tote. Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la phi­lo­so­phie] », dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un homme : « Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’« im­pie », de « mé­créant », etc. ; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. Par­fois tra­duit « L’Écroulement de “L’Écroulement” », « Des­truc­tion de “La Des­truc­tion” », « La Ré­fu­ta­tion de “La Ré­fu­ta­tion” », « L’Inconsistance de “L’Inconsistance” » ou « L’Incohérence de “L’Incohérence” ». Haut
  2. En arabe « تهافت التهافت ». Au­tre­fois trans­crit « Ta­hâ­fute at-Ta­hâ­fute » ou « Ta­hâ­fot et-Ta­hâ­fot ». Haut
  3. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Haut

Ibn Rushd (Averroès), « Dévoilement des méthodes de démonstration des dogmes de la religion musulmane »

dans « L’Islam et la Raison : anthologie de textes juridiques, théologiques et polémiques » (éd. Flammarion, coll. GF, Paris)

dans « L’Islam et la Rai­son : an­tho­lo­gie de textes ju­ri­diques, théo­lo­giques et po­lé­miques » (éd. Flam­ma­rion, coll. GF, Pa­ris)

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « (Livre) du dé­voi­le­ment des mé­thodes de preuve tou­chant les dogmes de la re­li­gion »1 (« (K.) al-ka­shf ‘an ma­nâ­hij al-adilla fî ‘aqâ’id al-milla »2) d’Ibn Ru­shd3 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les phi­lo­sophes que l’islam donna à l’Espagne, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la mé­moire des peuples, grâce à ses re­mar­quables com­men­taires sur les écrits d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les noms cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès4. Dans son An­da­lou­sie na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une to­lé­rance dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. « Chré­tiens, juifs, mu­sul­mans par­laient la même langue, chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et scien­ti­fiques. Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées ; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la ci­vi­li­sa­tion com­mune », dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf5, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son temps. L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande in­fluence et en pro­fita pour y at­ti­rer les sa­vants de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter Aris­tote. Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la phi­lo­so­phie] », dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un homme : « Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’« im­pie », de « mé­créant », etc. ; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. Par­fois tra­duit « (Le Livre) de l’exposition des mé­thodes dé­mons­tra­tives re­la­tives aux dogmes de la re­li­gion », « (Livre) de l’enlèvement du voile qui couvre les mé­thodes de preuve tou­chant les dogmes de la re­li­gion » ou « Dé­voi­le­ment des mé­thodes de dé­mons­tra­tion des dogmes de la re­li­gion mu­sul­mane ». Haut
  2. En arabe « (كتاب) الكشف عن مناهج الأدلة في عقائد الملة ». Au­tre­fois trans­crit « (K.) al-kašf ‘an manā­hiǧ al-adilla fī ‘aqā’id al-milla », « (K.) el ka­chf ‘an ma­nâ­hidj el adilla fy ‘aqâïd el milla » ou « (K.) el ka­chf ‘an ma­nâ­hidj el-adilla fî ‘aqâ’id el-milla ». Haut
  3. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Haut

« Crémutius Cordus »

dans « Les Suicidés illustres : biographie des personnages remarquables de tous les pays qui ont péri volontairement » (XIXᵉ siècle), p. 188-189

dans « Les Sui­ci­dés illustres : bio­gra­phie des per­son­nages re­mar­quables de tous les pays qui ont péri vo­lon­tai­re­ment » (XIXe siècle), p. 188-189

Il s’agit de Cré­mu­tius Cor­dus1, his­to­rien et sé­na­teur ro­main, non moins cé­lèbre par son sui­cide exem­plaire que par ses écrits condam­nés au feu. C’était un homme de ca­rac­tère, d’une rare fran­chise et li­berté de lan­gage, et qui, fi­dèle à ses convic­tions ré­pu­bli­caines, s’était au­to­risé dans ses « An­nales » à louer Bru­tus, meur­trier de Cé­sar, et à sa­luer Cas­sius comme le « der­nier des Ro­mains » (« Ro­ma­no­rum ul­ti­mum ») ; il n’avait pas craint non plus de blâ­mer ceux de ses col­lègues qui s’étaient ran­gés du côté du ré­gime im­pé­rial. Ses « An­nales », aujourd’hui per­dues, étaient une his­toire des guerres ci­viles et du règne d’Auguste. D’après le ju­ge­ment ad­mi­ra­tif de Sé­nèque2, « [d’un] ton ma­gni­fique, il y dé­plo­rait les guerres ci­viles et pros­cri­vait pour l’éternité les pros­crip­teurs ». En fait, ni Au­guste ni Ti­bère n’en prirent om­brage ; et Cré­mu­tius au­rait peut-être échappé aux dé­trac­teurs s’il ne s’était pas at­tiré, par quelques piques, la haine mor­telle du pré­fet Sé­jan (de l’an 15 à l’an 31 apr. J.-C.). Oui, le vrai crime de Cré­mu­tius fut d’avoir parlé ou­ver­te­ment de cet homme vil et puis­sant. Il n’avait pu s’empêcher de dire que « Sé­jan n’attend pas qu’on le place sur nos têtes ; il s’y hisse lui-même »3. Un autre jour, comme on ve­nait de dé­cer­ner à Sé­jan une sta­tue qu’on al­lait éri­ger sur les cendres du théâtre de Pom­pée : « Cette fois-ci », s’écria Cré­mu­tius, « c’est bien la fin de ce théâtre » (« Tunc vere thea­trum per­ire »). Sé­nèque ap­prou­vera ces sor­ties : « Pou­vait-il ne pas écla­ter en voyant un sol­dat dé­loyal [c’est-à-dire un Sé­jan] déi­fié dans le mo­nu­ment qui per­pé­tue la mé­moire d’un de nos plus grands gé­né­raux [c’est-à-dire le théâtre de Pom­pée] ? » L’acte d’accusation contre Cré­mu­tius fut si­gné. Une meute de sbires fu­rieux, que Sé­jan, pour se les at­ta­cher et se les rendre fi­dèles, « abreu­vait de sang hu­main », se mirent à « aboyer » au­tour de notre homme, qui ne garda pas moins tout son sang-froid. Que faire ? Pour vivre, il n’y avait qu’un moyen : il fal­lait apai­ser le pré­fet ir­rité en al­lant se je­ter à ses pieds ; et Cré­mu­tius n’était pas homme à le faire. Il s’adressa à ses ac­cu­sa­teurs : « La pos­té­rité rend jus­tice à cha­cun ; et s’il faut que je sois condamné, non seule­ment les noms de Cas­sius et de Bru­tus ne se­ront pas pour cela abo­lis, mais le mien vi­vra avec eux » (« non modo Cas­sii et Bruti, sed etiam mei me­mi­ne­rint »)4. De­vant tout autre pu­blic, ces mots éner­giques et ré­so­lus au­raient éveillé quelque chose de bon, quelque sur­saut de l’esprit ou quelque émoi du cœur ; mais ils n’avaient au­cune prise sur des « loups vo­races » (« avi­dis­si­mo­rum lu­po­rum ») ex­ci­tés par le sang, comme dit Sé­nèque. Cré­mu­tius, qui voyait bien que Rome était à ja­mais plon­gée dans la dé­pra­va­tion gé­né­rale, se donna la mort. À l’instigation de Sé­jan, les sé­na­teurs, in­ven­tant un dé­lit de pen­sée, condam­nèrent ses « An­nales » à être brû­lées et or­don­nèrent d’en re­cher­cher toutes les co­pies qu’il y avait.

  1. En la­tin Au­lus Cre­mu­tius Cor­dus. Haut
  2. « Conso­la­tion à Mar­cia », ch. XXVI. Haut
  1. Dans id. ch. XXII. Haut
  2. Dans Ta­cite, « An­nales », liv. IV, sect. 35. Haut