Jesuthasan, « Friday et Friday : nouvelles »

éd. Zulma, Paris

éd. Zulma, Pa­ris

Il s’agit du «Che­va­lier de Kandy» («Kandy Vee­ran» 1) et autres nou­velles de M.  2, ac­teur et au­teur d’expression ta­moule et fran­çaise, en­gagé à l’adolescence dans le mou­ve­ment des Tigres ta­mouls, é en . Il na­quit en 1967 au vil­lage d’Allaipiddy 3, tout au Nord du , près de Jaffna. C’était un lieu pai­sible cerné par les ri­zières et les fo­rêts. «Les ga­mins de trois ou quatre ans se pro­me­naient seuls dans la rue; ils ne ris­quaient rien, car tout le se connais­sait et tout le monde sa­vait qui était le fils de qui.» 4 En 1979, notre ga­min com­prit qu’une ci­vile, quelque grand mal­heur cou­vait sous la cendre. La po­lice cin­gha­laise ve­nait d’arrêter deux sé­pa­ra­tistes ta­mouls, de les tor­tu­rer, puis de je­ter leurs ca­davres dé­ca­pi­tés sur le bord de la route. Au ma­tin, M. Je­su­tha­san vit tout le vil­lage y ac­cou­rir. «Aujourd’hui en­core, je me rap­pelle les de ces deux re­belles : In­pam et Sel­vam… J’avais alors douze ans, et mon en­fance s’achevait bru­ta­le­ment.» 5 En 1981, une autre émeute anti-ta­moule éclata. La bi­blio­thèque de Jaffna dont les flèches ma­jes­tueuses étaient vi­sibles de­puis le vil­lage, fut in­cen­diée par la po­lice et les émeu­tiers en re­pré­sailles de l’ de deux po­li­ciers. Le em­porta 95 000 ou­vrages, parmi les­quels des sur feuilles de pal­mier n’existant nulle part ailleurs et per­dus sans re­tour pour l’. «Tout le monde avait . L’atmosphère était très ten­due. Nous étions si près de Jaffna, et la pe­tite bande de qui nous [en] sé­pa­rait sem­blait ré­tré­cir de jour en jour. Et si les émeu­tiers fran­chis­saient le pont?… Les mi­li­taires étaient les pires : cer­tains jours, à Jaffna, ils pas­saient en voi­ture et mi­traillaient la foule au ha­sard.» Puis, il y eut juillet 1983. «Juillet noir». Les Tigres ta­mouls, consti­tués en ré­sis­tance ar­mée, ve­naient de tuer treize mi­li­taires lors d’une at­taque. Tan­dis que les étaient ra­pa­triés, le cin­gha­lais dé­cré­tait le couvre-feu à Co­lombo et dans la pro­vince du Nord, qu’il li­vrait à la vin­dicte po­pu­laire. Du­rant les se­maines sui­vantes, des foules dé­chaî­nées s’en pre­naient aux Ta­mouls, brû­lant leurs , leurs com­merces, leurs voi­tures. Com­bien de vic­times? L’ambassade d’ si­gna­lait 1 500 tués; les es­ti­ma­tions «of­fi­cielles» — 371 tués et 100 000 autres sans abri 6. Et voilà qui acheva de convaincre les in­dé­cis à em­bras­ser la cause des Tigres ta­mouls. M. Je­su­tha­san en fut. Il quitta sa mai­son en pleine , comme un vo­leur, lais­sant seule­ment ces quelques mots d’adieu : «Je vais me battre pour mon ».

  1. En «கண்டி வீரன்». Par­fois trans­crit «Kandi Vee­ran». Icône Haut
  2. En ta­moul அன்ரனிதாசன் யேசுதாசன். Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Shoba Sak­thi (ஷோபா சக்தி). Icône Haut
  3. En ta­moul அல்லைப்பிட்டி. Icône Haut
  1. «Shoba, iti­né­raire d’un ré­fu­gié», p. 11. Icône Haut
  2. id. p. 27. Icône Haut
  3. «Ré­sumé par le re­qué­rant de la si­tua­tion au Sri Lanka» dans Com­mis­sion eu­ro­péenne des de l’ (Cour eu­ro­péenne des droits de l’homme), «Dé­ci­sions et Rap­ports», vol. 52. Icône Haut

Jesuthasan, « La Sterne rouge : roman »

éd. Zulma, Paris

éd. Zulma, Pa­ris

Il s’agit de «La Sterne rouge» («Ichaa» 1), de M.  2, ac­teur et au­teur d’expression ta­moule et fran­çaise, en­gagé à l’adolescence dans le mou­ve­ment des Tigres ta­mouls, é en . Il na­quit en 1967 au vil­lage d’Allaipiddy 3, tout au Nord du , près de Jaffna. C’était un lieu pai­sible cerné par les ri­zières et les fo­rêts. «Les ga­mins de trois ou quatre ans se pro­me­naient seuls dans la rue; ils ne ris­quaient rien, car tout le se connais­sait et tout le monde sa­vait qui était le fils de qui.» 4 En 1979, notre ga­min com­prit qu’une ci­vile, quelque grand mal­heur cou­vait sous la cendre. La po­lice cin­gha­laise ve­nait d’arrêter deux sé­pa­ra­tistes ta­mouls, de les tor­tu­rer, puis de je­ter leurs ca­davres dé­ca­pi­tés sur le bord de la route. Au ma­tin, M. Je­su­tha­san vit tout le vil­lage y ac­cou­rir. «Aujourd’hui en­core, je me rap­pelle les de ces deux re­belles : In­pam et Sel­vam… J’avais alors douze ans, et mon en­fance s’achevait bru­ta­le­ment.» 5 En 1981, une autre émeute anti-ta­moule éclata. La bi­blio­thèque de Jaffna dont les flèches ma­jes­tueuses étaient vi­sibles de­puis le vil­lage, fut in­cen­diée par la po­lice et les émeu­tiers en re­pré­sailles de l’ de deux po­li­ciers. Le em­porta 95 000 ou­vrages, parmi les­quels des sur feuilles de pal­mier n’existant nulle part ailleurs et per­dus sans re­tour pour l’. «Tout le monde avait . L’atmosphère était très ten­due. Nous étions si près de Jaffna, et la pe­tite bande de qui nous [en] sé­pa­rait sem­blait ré­tré­cir de jour en jour. Et si les émeu­tiers fran­chis­saient le pont?… Les mi­li­taires étaient les pires : cer­tains jours, à Jaffna, ils pas­saient en voi­ture et mi­traillaient la foule au ha­sard.» Puis, il y eut juillet 1983. «Juillet noir». Les Tigres ta­mouls, consti­tués en ré­sis­tance ar­mée, ve­naient de tuer treize mi­li­taires lors d’une at­taque. Tan­dis que les étaient ra­pa­triés, le cin­gha­lais dé­cré­tait le couvre-feu à Co­lombo et dans la pro­vince du Nord, qu’il li­vrait à la vin­dicte po­pu­laire. Du­rant les se­maines sui­vantes, des foules dé­chaî­nées s’en pre­naient aux Ta­mouls, brû­lant leurs , leurs com­merces, leurs voi­tures. Com­bien de vic­times? L’ambassade d’ si­gna­lait 1 500 tués; les es­ti­ma­tions «of­fi­cielles» — 371 tués et 100 000 autres sans abri 6. Et voilà qui acheva de convaincre les in­dé­cis à em­bras­ser la cause des Tigres ta­mouls. M. Je­su­tha­san en fut. Il quitta sa mai­son en pleine , comme un vo­leur, lais­sant seule­ment ces quelques mots d’adieu : «Je vais me battre pour mon ».

  1. En «இச்சா». Icône Haut
  2. En ta­moul அன்ரனிதாசன் யேசுதாசன். Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Shoba Sak­thi (ஷோபா சக்தி). Icône Haut
  3. En ta­moul அல்லைப்பிட்டி. Icône Haut
  1. «Shoba, iti­né­raire d’un ré­fu­gié», p. 11. Icône Haut
  2. id. p. 27. Icône Haut
  3. «Ré­sumé par le re­qué­rant de la si­tua­tion au Sri Lanka» dans Com­mis­sion eu­ro­péenne des de l’ (Cour eu­ro­péenne des droits de l’homme), «Dé­ci­sions et Rap­ports», vol. 52. Icône Haut

Takeyama, « La Harpe de Birmanie : roman »

éd. Le Serpent à plumes, coll. Motifs, Paris

éd. Le Ser­pent à plumes, coll. Mo­tifs, Pa­ris

Il s’agit de «La Harpe de Bir­ma­nie» («Bi­ruma no ta­te­goto» 1) de M. Mi­chio Ta­keyama 2, au­teur , tra­duc­teur d’Albert Schweit­zer, de Frie­drich Nietzsche, de Tho­mas Mann…, pro­fes­seur d’ au Ly­cée su­pé­rieur d’Ichikô qui as­su­rait, avant-, la for­ma­tion des élites. M. Ta­keyama na­quit à Ôsaka. Mais c’est à Séoul, en co­lo­niale, que s’écoula son en­fance. Sa y te­nait la suc­cur­sale d’une grande banque ja­po­naise. Pour ses études, il jeta son dé­volu sur la pres­ti­gieuse Uni­ver­sité de Tô­kyô. Rien de plus na­tu­rel, sauf que son père le des­ti­nait à la Fa­culté de . Au lieu de cela, il s’inscrivit à la Fa­culté des lettres, dé­par­te­ment de , sans pré­ve­nir son père qui, en l’apprenant, lui dit avec dé­pit : «J’ai perdu l’un de mes fils» 3. Son di­plôme en poche, M. Ta­keyama par­tit en , pour deux ans, en 1927. Ber­lin, avec son in­hu­ma­nité, son agi­ta­tion sté­rile, son culte de la , sa «bar­ba­rie», lui dé­plut. Notre au­teur sen­tait l’atmosphère suf­fo­cante de «cette es­pèce de nou­veau » (Hein­rich Mann) qui sem­blait pré­pa­rer l’orage du na­zisme. Il mul­ti­plia ses ex­cur­sions en — un pays qui cor­res­pon­dait bien mieux à ses propres idéaux : «Chaque fois qu’il en tra­ver­sait la fron­tière, son mo­ral re­mon­tait» (M. Su­ke­hiro Hi­ra­kawa). Quand plus tard, lors de la Se­conde Guerre mon­diale, le mi­nis­tère de l’Éducation im­pé­rial re­com­manda la fin de tout en , M. Ta­keyama aida à main­te­nir les cours dans cette au Ly­cée su­pé­rieur d’Ichikô et il écri­vit «L’Allemagne : un nou­veau Moyen Âge?» («Doitsu : ata­ra­shiki Chû­sei?» 4), un es­sai ou­ver­te­ment an­ti­nazi. Mais si la pos­té­rité n’oublia pas tout à fait ses ef­forts cou­ra­geux, tou­te­fois elle les tint pour vains. Et c’est «La Harpe de Bir­ma­nie» qui lui donna la cé­lé­brité. Pu­blié en feuille­ton dans un ma­ga­zine pour de 1947 à 1948, ce fut en­suite po­pu­la­risé par le ci­néma en 1956 et 1985 et par la té­lé­vi­sion en 1986. «La Harpe de Bir­ma­nie» est un vi­brant hymne à la , où un ca­po­ral ja­po­nais son fu­sil contre une harpe. Dé­guisé en Bir­man et en moine, il de­vient peu à peu les deux : «Ar­rié­rés? Les Bir­mans? Il m’arrive sou­vent de pen­ser que nous, les Ja­po­nais, nous sommes bien plus qu’eux… Eh oui! il est cer­tain que nous pos­sé­dons les ou­tils de la , mais qu’en avons-nous fait? Une guerre dé­vas­ta­trice, qui nous a me­nés jusqu’ici et qui a causé chez les Bir­mans de ter­ribles souf­frances» 5. Re­non­çant à ren­trer au , le ca­po­ral dé­cide seule­ment de si­gni­fier, une der­nière fois, aux siens sa pré­sence, en jouant de sa harpe, ca­ché dans un im­mense dont les yeux semblent les fixer. Chan­tant en chœur avec lui, les com­prennent que «l’ connu sous le nom de ca­po­ral Mi­zu­shima n’existe plus»

  1. En ja­po­nais «ビルマの竪琴». Par­fois tra­duit «La Harpe bir­mane». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 竹山道雄. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «息子を一人失った». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «独逸・新しき中世?» Icône Haut
  2. p. 91. Icône Haut

Der Alexanian, « Des choses à vivre, une histoire française : roman »

éd. Edilivre, Paris

éd. Edi­livre, Pa­ris

Il s’agit de «Des choses à vivre, une fran­çaise», de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’histoire turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « Il s’est écoulé un siècle : roman »

éd. L’Harmattan, Paris

éd. L’Harmattan, Pa­ris

Il s’agit d’«Il s’est écoulé un siècle», de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « Arménie, Arménies. [Tome III.] Un Nom pour héritage (1987-2000) »

éd. L’Harmattan, Paris-Montréal-Budapest-Turin

éd. L’Harmattan, Pa­ris-Mont­réal-Bu­da­pest-Tu­rin

Il s’agit d’«Ar­mé­nie, Ar­mé­nies», d’après le ca­hier de son père de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « Arménie, Arménies. Tome II. Les Héritiers du pays oublié (1922-1987) »

éd. R. Laffont, Paris

éd. R. Laf­font, Pa­ris

Il s’agit d’«Ar­mé­nie, Ar­mé­nies», d’après le ca­hier de son père de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « [Arménie, Arménies.] Tome I. Le ciel était noir sur l’Euphrate »

éd. R. Laffont, Paris

éd. R. Laf­font, Pa­ris

Il s’agit d’«Ar­mé­nie, Ar­mé­nies», d’après le ca­hier de son père de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

« Susanne-Catherine de Klettenberg et les “Confessions d’une belle âme” »

dans « Le Chrétien évangélique », vol. 23, p. 21-33 & 75-88 & 119-134 & 223-229

dans «Le Chré­tien évan­gé­lique», vol. 23, p. 21-33 & 75-88 & 119-134 & 223-229

Il s’agit du poème «Re­gards je­tés dans l’éternité» («Blicke der Ewig­keit») et autres de Su­sanna von Klet­ten­berg, dite Su­sanne de Klet­ten­berg 1 (XVIIIe siècle), al­le­mande, pié­tiste et oc­cul­tiste, exal­tée s’adonnant à l’, amie de la mère de Gœthe. Les deux fa­milles, Gœthe et Klet­ten­berg, étaient ap­pa­ren­tées. Se­lon toute ap­pa­rence, Su­sanne de Klet­ten­berg connut dès son plus jeune âge l’enfant pré­coce qui de­vait, un jour, sub­ju­guer l’ et le en­tier; se­lon toute ap­pa­rence aussi, Gœthe dut à cette noble re­li­gieuse beau­coup des im­pres­sions qui en­tou­rèrent son en­fance et sa . Elle se trouve mê­lée, de ma­nière très in­time, à tout son et in­tel­lec­tuel. Écou­tons la que l’immense poète a lais­sée d’elle dans ses mé­moires : «Elle était», dit-il 2, «d’une taille svelte, de gran­deur moyenne… Sa mise très soi­gnée rap­pe­lait le des sœurs her­nutes 3. La et le re­pos de l’âme ne la quit­taient ja­mais. Elle consi­dé­rait sa ma­la­die comme un élé­ment né­ces­saire de sa pas­sa­gère ter­restre; elle souf­frait avec la plus grande pa­tience, et dans les in­ter­valles, elle était vive et cau­sante». Su­sanne de Klet­ten­berg ap­par­te­nait par sa nais­sance au monde le plus dis­tin­gué de Franc­fort; mais elle s’en était éloi­gnée de bonne heure. Sa faible, son re­le­vée, la vi­va­cité et l’originalité de son es­prit, son pen­chant pour le sur­na­tu­rel l’avaient pous­sée au mys­ti­cisme chré­tien; aux de l’ aussi : c’était le où le comte de Ca­glios­tro sé­dui­sait toutes les ima­gi­na­tions. Elle écri­vait en 1769 : «Le Sei­gneur n’est pas in­ac­tif dans notre ville, non plus; Il souffle de mille fa­çons sur les pe­tites étin­celles et les ral­lume… Il n’a cesse jusqu’à ce qu’Il ait trouvé la der­nière de Ses bre­bis» 4. Le fils de son amie al­lait de­ve­nir pour elle cette «bre­bis» éga­rée. Aux en­vi­rons de sa ving­tième an­née, Gœthe était un étu­diant tour­menté, désem­paré, «en quelque sorte comme un nau­fragé» («als ein Schiff­brü­chi­ger»), qui sem­blait «plus souf­frir en­core de l’âme que du » 5. Elle trouva en ce jeune que la avait déçu tout ce qu’elle de­man­dait : une jeune et im­pres­sion­nable, qui as­pi­rât comme elle à quelque fé­li­cité in­con­nue, et sur qui elle pût prendre de l’ascendant. «Déjà, elle avait étu­dié en se­cret l’“Opus mago-ca­ba­lis­ti­cum” de Wel­ling», dit Gœthe 6, «mais comme [cet] au­teur obs­cur­cit et fait dis­pa­raître aus­si­tôt la lu­mière qu’il com­mu­nique, elle cher­chait un ami qui lui tînt com­pa­gnie dans ces al­ter­na­tives de lu­mière et d’obscurité; elle n’eut pas be­soin de grands ef­forts pour m’inoculer aussi ce [germe]». Sous sa di­rec­tion, Gœthe porta à cette ca­ba­lis­tique l’ardeur qu’il met­tait en toutes choses.

  1. Par­fois trans­crit Su­zanne de Klet­ten­berg. Icône Haut
  2. «Œuvres; trad. par Jacques Por­chat. Tome VIII. Mé­moires», p. 293. Icône Haut
  3. Les her­nutes, plus com­mu­né­ment ap­pe­lés mo­raves, étaient des sec­taires chré­tiens d’une grande pu­reté de mœurs. Icône Haut
  1. , «L’Évolution de Gœthe : les an­nées de libre for­ma­tion (1749-1794)» (éd. F. Al­can, Pa­ris), p. 98. Icône Haut
  2. «Œuvres; trad. par Jacques Por­chat. Tome VIII. Mé­moires», p. 292. Icône Haut
  3. id. p. 295. Icône Haut

« Auguste et Athénodore »

dans « Revue des études anciennes », vol. 47, p. 261-273 ; vol. 48, p. 62-79

dans «Re­vue des études an­ciennes», vol. 47, p. 261-273; vol. 48, p. 62-79

Il s’agit d’Athénodore (le) Ca­na­nite 1 ou Athé­no­dore de Tarse 2, phi­lo­sophe , pré­cep­teur et ami in­time d’Auguste. Plu­sieurs hommes ont porté le nom d’Athénodore. Ce­lui dont je me pro­pose de rendre compte ici est le plus cé­lèbre, ayant fait une par­tie de sa à , dans l’entourage im­mé­diat d’Auguste. Il est per­mis de pen­ser qu’il fut pour quelque chose dans la clé­mence et la dou­ceur que cet Em­pe­reur fit pa­raître au cours de son règne. Ayant at­teint un grand âge, Athé­no­dore de­manda à Au­guste la per­mis­sion de re­tour­ner à Tarse, sa pa­trie, et conseilla en par­tant à son élève «d’attendre, quand il était en , pour par­ler ou pour agir qu’il eût ré­cité à basse les vingt-quatre lettres de l’alphabet» (Plu­tarque). Le géo­graphe Stra­bon joint tou­jours le nom de Po­si­do­nius à ce­lui d’Athénodore comme deux des plus grands stoï­ciens de leur siècle. Il at­tri­bue à ces deux plu­sieurs opi­nions com­munes, tant sur la de l’océan, que sur les du flux et du re­flux. Et lorsque Ci­cé­ron a be­soin de ren­sei­gne­ments bi­blio­gra­phiques sur les pro­blèmes mo­raux et les so­lu­tions pro­po­sées par Po­si­do­nius, c’est aussi à Athé­no­dore qu’il a re­cours. Tout porte à croire que le pre­mier a été le maître du se­cond. Athé­no­dore a com­posé plu­sieurs ou­vrages. Mal­heu­reu­se­ment, la pos­té­rité ne s’est pas donné la peine de conser­ver même leurs titres. Il faut se ré­si­gner aux tra­di­tions de la «pe­tite », aux . L’une des plus cu­rieuses met en scène Athé­no­dore dans une mai­son han­tée d’Athènes 3 peut-être à l’occasion de son sé­jour dans cette ville pour une confé­rence. Les lo­ge­ments à Athènes étaient rares; Athé­no­dore ris­quait de n’en trou­ver au­cun, si le ha­sard ne l’avait guidé vers une mai­son à bas prix, mais que per­sonne ne vou­lait louer. On lui ap­prit qu’un ter­rible fan­tôme s’était em­paré de ce lo­gis, et que ses ap­pa­ri­tions avaient fait fuir les plus braves. Il au­rait été hon­teux pour un phi­lo­sophe, sur­tout pour un stoï­cien, de té­moi­gner de la frayeur. Athé­no­dore loua la mai­son sans tar­der. Vers le mi­lieu de la , il était en train de lire et d’écrire, quand le re­ve­nant, s’annonçant par un fra­cas ef­froyable, en­tra dans la chambre. Notre phi­lo­sophe se re­tourna, vit et re­con­nut le spectre tel qu’on l’avait dé­crit. Il était là, dressé et lui fai­sant signe de le suivre. Il avait l’aspect d’un vieillard d’une mai­greur re­pous­sante, avec une grande barbe et des che­veux hé­ris­sés, por­tant des chaînes aux pieds et aux mains qu’il se­couait hor­ri­ble­ment. Athé­no­dore, à son tour, lui fit com­prendre, par des gestes, qu’il lui res­tait en­core du tra­vail et re­prit, im­per­tur­bable, son sty­let et ses . Of­fensé de tant de flegme, l’autre se mit à son­ner ses chaînes au-des­sus de la tête d’Athénodore. En­fin, ce der­nier se leva, prit la lu­mière et l’accompagna d’un pas lent jusqu’à la cour où le fan­tôme dis­pa­rut. Le len­de­main, il alla trou­ver des ma­gis­trats et les pria de faire fouiller la en ce lieu pré­cis. On le fit et on y trouva des os­se­ments char­gés de chaînes. On leur donna pu­bli­que­ment la sé­pul­ture. Il n’y eut plus, de­puis, d’apparitions dans ce lo­gis.

  1. En grec Ἀθηνόδωρος (ὁ) Κανανίτης. Par­fois trans­crit Athe­no­do­ros Ka­na­nites. Éga­le­ment connu sous le sur­nom d’Athénodore fils de San­don (Ἀθηνόδωρος ὁ Σάνδωνος ou Ἀθηνόδωρος ὁ τοῦ Σάνδωνος). Icône Haut
  2. En Athe­no­do­rus Tar­sen­sis. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Cal­vus ou le Chauve, parce qu’en ef­fet il était chauve. Icône Haut
  1. Pline le Jeune, «Lettres», liv. VII, lettre XXVII. Icône Haut

« Recherches sur la vie et sur les ouvrages d’Athénodore »

dans « Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres. Tome XIX » (XVIIIᵉ siècle), p. 77-94

dans «Mé­moires de lit­té­ra­ture, ti­rés des re­gistres de l’Académie royale des et belles-lettres. Tome XIX» (XVIIIe siècle), p. 77-94

Il s’agit d’Athénodore (le) Ca­na­nite 1 ou Athé­no­dore de Tarse 2, phi­lo­sophe , pré­cep­teur et ami in­time d’Auguste. Plu­sieurs hommes ont porté le nom d’Athénodore. Ce­lui dont je me pro­pose de rendre compte ici est le plus cé­lèbre, ayant fait une par­tie de sa à , dans l’entourage im­mé­diat d’Auguste. Il est per­mis de pen­ser qu’il fut pour quelque chose dans la clé­mence et la dou­ceur que cet Em­pe­reur fit pa­raître au cours de son règne. Ayant at­teint un grand âge, Athé­no­dore de­manda à Au­guste la per­mis­sion de re­tour­ner à Tarse, sa pa­trie, et conseilla en par­tant à son élève «d’attendre, quand il était en , pour par­ler ou pour agir qu’il eût ré­cité à basse les vingt-quatre lettres de l’alphabet» (Plu­tarque). Le géo­graphe Stra­bon joint tou­jours le nom de Po­si­do­nius à ce­lui d’Athénodore comme deux des plus grands stoï­ciens de leur siècle. Il at­tri­bue à ces deux plu­sieurs opi­nions com­munes, tant sur la de l’océan, que sur les du flux et du re­flux. Et lorsque Ci­cé­ron a be­soin de ren­sei­gne­ments bi­blio­gra­phiques sur les pro­blèmes mo­raux et les so­lu­tions pro­po­sées par Po­si­do­nius, c’est aussi à Athé­no­dore qu’il a re­cours. Tout porte à croire que le pre­mier a été le maître du se­cond. Athé­no­dore a com­posé plu­sieurs ou­vrages. Mal­heu­reu­se­ment, la pos­té­rité ne s’est pas donné la peine de conser­ver même leurs titres. Il faut se ré­si­gner aux tra­di­tions de la «pe­tite », aux . L’une des plus cu­rieuses met en scène Athé­no­dore dans une mai­son han­tée d’Athènes 3 peut-être à l’occasion de son sé­jour dans cette ville pour une confé­rence. Les lo­ge­ments à Athènes étaient rares; Athé­no­dore ris­quait de n’en trou­ver au­cun, si le ha­sard ne l’avait guidé vers une mai­son à bas prix, mais que per­sonne ne vou­lait louer. On lui ap­prit qu’un ter­rible fan­tôme s’était em­paré de ce lo­gis, et que ses ap­pa­ri­tions avaient fait fuir les plus braves. Il au­rait été hon­teux pour un phi­lo­sophe, sur­tout pour un stoï­cien, de té­moi­gner de la frayeur. Athé­no­dore loua la mai­son sans tar­der. Vers le mi­lieu de la , il était en train de lire et d’écrire, quand le re­ve­nant, s’annonçant par un fra­cas ef­froyable, en­tra dans la chambre. Notre phi­lo­sophe se re­tourna, vit et re­con­nut le spectre tel qu’on l’avait dé­crit. Il était là, dressé et lui fai­sant signe de le suivre. Il avait l’aspect d’un vieillard d’une mai­greur re­pous­sante, avec une grande barbe et des che­veux hé­ris­sés, por­tant des chaînes aux pieds et aux mains qu’il se­couait hor­ri­ble­ment. Athé­no­dore, à son tour, lui fit com­prendre, par des gestes, qu’il lui res­tait en­core du tra­vail et re­prit, im­per­tur­bable, son sty­let et ses . Of­fensé de tant de flegme, l’autre se mit à son­ner ses chaînes au-des­sus de la tête d’Athénodore. En­fin, ce der­nier se leva, prit la lu­mière et l’accompagna d’un pas lent jusqu’à la cour où le fan­tôme dis­pa­rut. Le len­de­main, il alla trou­ver des ma­gis­trats et les pria de faire fouiller la en ce lieu pré­cis. On le fit et on y trouva des os­se­ments char­gés de chaînes. On leur donna pu­bli­que­ment la sé­pul­ture. Il n’y eut plus, de­puis, d’apparitions dans ce lo­gis.

  1. En grec Ἀθηνόδωρος (ὁ) Κανανίτης. Par­fois trans­crit Athe­no­do­ros Ka­na­nites. Éga­le­ment connu sous le sur­nom d’Athénodore fils de San­don (Ἀθηνόδωρος ὁ Σάνδωνος ou Ἀθηνόδωρος ὁ τοῦ Σάνδωνος). Icône Haut
  2. En Athe­no­do­rus Tar­sen­sis. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Cal­vus ou le Chauve, parce qu’en ef­fet il était chauve. Icône Haut
  1. Pline le Jeune, «Lettres», liv. VII, lettre XXVII. Icône Haut

le comte de Maistre, « Correspondance diplomatique (1811-1817). Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1811 à 1817» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut

le comte de Maistre, « Correspondance diplomatique (1811-1817). Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1811 à 1817» du comte , am­bas­sa­deur du roi de Sar­daigne en , mi­nistre d’État. Es­prit élevé et pé­né­trant, tou­jours en éveil et tou­jours phi­lo­so­phant, le comte de Maistre est pour­tant resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande la lec­ture aux élèves. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser; et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste et le moins ré­for­mable; mais en­censé en tant que cau­seur vif et écla­tant et de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’ ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et  : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux et aux ; et à plus forte au bas . L’anarchie me­nace dès que l’insolente du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est et ce que nous Lui de­vons; il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices, d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse aveugle qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et sans ap­pel aux­quels elle est as­su­jet­tie; car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. Maistre va bien plus loin. Dans ses «Lettres sur l’», il épouse la cause d’un tri­bu­nal qui a fait cou­ler des tor­rents de , et qu’il ose dé­crire comme le «plus cir­cons­pect» et le «plus hu­main» de tout l’univers. Il lui at­tri­bue le main­tien en de la et de la contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la avait eu le de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la au­raient été évi­tés. De là à croire que «les abus valent in­fi­ni­ment mieux que les » 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite…; il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la per­sua­sive? N’est-ce pas plu­tôt une pro­vo­ca­tion à toute in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», écrira La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Icône Haut
  2. «Tome V», p. 108. Icône Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Icône Haut
  2. «Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique de 1803 à 1810». Icône Haut