Il s’agit de « “Pianto” » et « La Harpe magique » de Siméon Froug 1, poète juif, qui a défini lui-même les motifs de son éternel « lamento » sur le sort de son peuple dans ces vers : « Je suis la harpe éolienne du sort de mon peuple, je suis l’écho de ses douleurs et souffrances » 2. On suppose aux tsars russes Alexandre III et Nicolas II quelque haine personnelle pour les Juifs. Et un examen impartial de leurs décrets les montre bien résolus, non à relever leurs ouailles orthodoxes, comme on aurait pu l’espérer, mais à rabaisser et mortifier le reste de leurs sujets. Un de leurs actes les plus importants — déjà prévu sous Catherine II, mais jamais tout à fait appliqué dans toute sa cruauté et sa barbarie — fut de refuser le droit aux Juifs de séjourner ailleurs que dans un fatal et tristement célèbre « parc humain », la « zone de résidence (juive) » 3 (« tcherta (iévreïskoï) ossedlosti » 4). La vie de ces familles, comprimée, enserrée dans l’étau d’une « zone » surpeuplée et moisie, où elles étaient réduites à mendier le pain quotidien, et aggravée par une série interminable de vexations et d’avanies, basses et mesquines, se prêtait très médiocrement à la poésie. La chape de monotonie qui écrasait ces misérables, le zèle capricieux des autorités locales, puis bientôt, la bestialité des pogroms — conséquence directe de la politique du mensonge et de la violence à laquelle le régime s’employait avec tant d’énergie — faisaient oublier les travaux des muses. Froug fut l’un des rares à mener à bien cet effroyable labeur de créer, tantôt en russe tantôt en yiddish, une langue poétique. Il osa y exprimer de la sensiblerie que de piètres esprits ont qualifiée de « mignonne et féminine » et il transporta son public vers les hauteurs où son génie l’entraînait lui-même. Né en 1860 comme fils d’humbles cultivateurs de la prairie ukrainienne, Froug cultiva son chant en serre chaude, à l’abri des courants littéraires. Ses premières poésies peignaient le paysan labourant la terre, ou se reposant dans un sommeil profond et mérité. « N’étaient les conditions de la vie, qui en ont fait un poète de jérémiades, Froug aurait pu devenir un Koltsov juif », dit Meyer Isser Pinès. Ce ne fut que lorsque les misères physiques et le désespoir de son peuple, rappelant ceux de l’ancienne Judée, menacèrent de l’étouffer, que ses poésies changèrent d’âme et de sujet, et qu’il accorda sa harpe aux complaintes du ghetto. « Rien dans notre vie triste », écrit notre poète 5, « rien ne me fait tant de peine que l’aspect extérieur d’un Juif : son dos voûté, ses joues creuses, ses mains maigres, sa poitrine étroite… l’ombre noire de la peur qui est continuellement sur son visage. Ces yeux… moitié rêveurs et moitié craintifs, qui courent sans cesse d’un point à l’autre, comme s’ils cherchaient un abri, pour se cacher, se sauver d’un danger énorme et imminent ; ces lèvres pâles qui… semblent prêtes à chaque instant à prononcer les mots : “Me voilà, je me sauve !” Tout cet être qui tremble au bruit d’une feuille… me fait éternellement saigner le cœur. »
Froug, « Le Mortier : pages de mon enfance »
dans « Anthologie des conteurs yiddish » (éd. F. Rieder et Cie, Paris), p. 79-97
Il s’agit du « Mortier : pages de mon enfance » de Siméon Froug 1, poète juif, qui a défini lui-même les motifs de son éternel « lamento » sur le sort de son peuple dans ces vers : « Je suis la harpe éolienne du sort de mon peuple, je suis l’écho de ses douleurs et souffrances » 2. On suppose aux tsars russes Alexandre III et Nicolas II quelque haine personnelle pour les Juifs. Et un examen impartial de leurs décrets les montre bien résolus, non à relever leurs ouailles orthodoxes, comme on aurait pu l’espérer, mais à rabaisser et mortifier le reste de leurs sujets. Un de leurs actes les plus importants — déjà prévu sous Catherine II, mais jamais tout à fait appliqué dans toute sa cruauté et sa barbarie — fut de refuser le droit aux Juifs de séjourner ailleurs que dans un fatal et tristement célèbre « parc humain », la « zone de résidence (juive) » 3 (« tcherta (iévreïskoï) ossedlosti » 4). La vie de ces familles, comprimée, enserrée dans l’étau d’une « zone » surpeuplée et moisie, où elles étaient réduites à mendier le pain quotidien, et aggravée par une série interminable de vexations et d’avanies, basses et mesquines, se prêtait très médiocrement à la poésie. La chape de monotonie qui écrasait ces misérables, le zèle capricieux des autorités locales, puis bientôt, la bestialité des pogroms — conséquence directe de la politique du mensonge et de la violence à laquelle le régime s’employait avec tant d’énergie — faisaient oublier les travaux des muses. Froug fut l’un des rares à mener à bien cet effroyable labeur de créer, tantôt en russe tantôt en yiddish, une langue poétique. Il osa y exprimer de la sensiblerie que de piètres esprits ont qualifiée de « mignonne et féminine » et il transporta son public vers les hauteurs où son génie l’entraînait lui-même. Né en 1860 comme fils d’humbles cultivateurs de la prairie ukrainienne, Froug cultiva son chant en serre chaude, à l’abri des courants littéraires. Ses premières poésies peignaient le paysan labourant la terre, ou se reposant dans un sommeil profond et mérité. « N’étaient les conditions de la vie, qui en ont fait un poète de jérémiades, Froug aurait pu devenir un Koltsov juif », dit Meyer Isser Pinès. Ce ne fut que lorsque les misères physiques et le désespoir de son peuple, rappelant ceux de l’ancienne Judée, menacèrent de l’étouffer, que ses poésies changèrent d’âme et de sujet, et qu’il accorda sa harpe aux complaintes du ghetto. « Rien dans notre vie triste », écrit notre poète 5, « rien ne me fait tant de peine que l’aspect extérieur d’un Juif : son dos voûté, ses joues creuses, ses mains maigres, sa poitrine étroite… l’ombre noire de la peur qui est continuellement sur son visage. Ces yeux… moitié rêveurs et moitié craintifs, qui courent sans cesse d’un point à l’autre, comme s’ils cherchaient un abri, pour se cacher, se sauver d’un danger énorme et imminent ; ces lèvres pâles qui… semblent prêtes à chaque instant à prononcer les mots : “Me voilà, je me sauve !” Tout cet être qui tremble au bruit d’une feuille… me fait éternellement saigner le cœur. »
Ji Kang, « Se délivrer des sentiments personnels »
dans « La Vie et la Pensée de Hi K’ang [ou Ji Kang] (223-262 apr. J.-C.) », éd. E. J. Brill, Leyde, p. 122-130
Il s’agit de « Se délivrer des sentiments personnels » 1 (« Shisi lun » 2) de Ji Kang 3, virtuose de la cithare, fervent taoïste, poète attachant par ses opinions et ses manières de voir autant que par son talent, chef de file des « Sept Sages du bosquet de bambous » (fameux cénacle dont je parlerai ailleurs). Fier, indépendant, Ji Kang était un homme de la haute société, époux d’une princesse, mais alliant un amour mystique, presque religieux, de la nature et un profond dégoût pour les règles et les idées reçues. Il proclamait haut et fort, seize siècles avant Flaubert dans sa « Correspondance » 4, que « les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». Dans sa « Lettre de rupture avec Shan Tao », il confiait que l’éducation libertaire qu’il a reçue dans son enfance a fait de lui « un cerf sauvage » qui devient comme fou à la vue des liens rigides que porte au cou tout fonctionnaire en poste : « Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué, pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se débattra comme un dément, pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante ». Ji Kang se jugeait, en somme, totalement inapte au service mandarinal. Aux yeux de ses contemporains, pour un homme de sa classe et de sa condition, c’était un véritable crime de ne pas être fonctionnaire — un crime non seulement contre la tradition, mais contre les assises mêmes de l’autorité confucianiste. Ji Kang s’en rendait compte, mais son esprit excentrique et rebelle l’entraînait irrésistiblement vers la poésie, la musique céleste, les ébats dans la nature, les promenades heureuses au cours desquelles il se perdait au point d’oublier le retour. La légende se plaît à le représenter vagabondant dans le bosquet de bambous de Shanyang où il réunissait ses amis, tous plus bizarres les uns que les autres, recherchant des plantes dont il préparait des drogues d’immortalité, et « se nourrissant des vapeurs roses de l’aurore » (« can xia » 5).
- Parfois traduit « Essai sur la déprise de l’ego », « Traité sur la déprise du moi » ou « Se délivrer du moi ».
- En chinois « 釋私論 ». Autrefois transcrit « Shih-ssû-lun », « Shih-tzu-lun » ou « Che sseu louen ».
- En chinois 嵇康. Parfois transcrit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang.
« Réponse de Hsi K’ang [ou Ji Kang] à la réfutation par Hsiang Tseu-ts’i [ou Xiang Ziqi] de son essai sur l’art de nourrir le principe vital »
dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIe siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 75-92
Il s’agit de la « Réponse à la réfutation (par Xiang Ziqi) de l’essai sur l’art de nourrir le principe vital » 1 (« Da (Xiang Ziqi) nan yangsheng lun » 2) de Ji Kang 3, virtuose de la cithare, fervent taoïste, poète attachant par ses opinions et ses manières de voir autant que par son talent, chef de file des « Sept Sages du bosquet de bambous » (fameux cénacle dont je parlerai ailleurs). Fier, indépendant, Ji Kang était un homme de la haute société, époux d’une princesse, mais alliant un amour mystique, presque religieux, de la nature et un profond dégoût pour les règles et les idées reçues. Il proclamait haut et fort, seize siècles avant Flaubert dans sa « Correspondance » 4, que « les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». Dans sa « Lettre de rupture avec Shan Tao », il confiait que l’éducation libertaire qu’il a reçue dans son enfance a fait de lui « un cerf sauvage » qui devient comme fou à la vue des liens rigides que porte au cou tout fonctionnaire en poste : « Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué, pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se débattra comme un dément, pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante ». Ji Kang se jugeait, en somme, totalement inapte au service mandarinal. Aux yeux de ses contemporains, pour un homme de sa classe et de sa condition, c’était un véritable crime de ne pas être fonctionnaire — un crime non seulement contre la tradition, mais contre les assises mêmes de l’autorité confucianiste. Ji Kang s’en rendait compte, mais son esprit excentrique et rebelle l’entraînait irrésistiblement vers la poésie, la musique céleste, les ébats dans la nature, les promenades heureuses au cours desquelles il se perdait au point d’oublier le retour. La légende se plaît à le représenter vagabondant dans le bosquet de bambous de Shanyang où il réunissait ses amis, tous plus bizarres les uns que les autres, recherchant des plantes dont il préparait des drogues d’immortalité, et « se nourrissant des vapeurs roses de l’aurore » (« can xia » 5).
- Parfois traduit « Réponse à la réfutation du traité sur l’entretien du principe vital », « Réponse à la réfutation du traité sur l’art de nourrir sa vie », « Réponse à la critique de l’essai “Nourrir la vie” » ou « Réponse à la critique du “Nourrir la vie” ».
- En chinois « 答(向子期)難養生論 ». Autrefois transcrit « Ta nan yang cheng louen ».
- En chinois 嵇康. Parfois transcrit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang.
Ji Kang, « Essai sur l’art de nourrir le principe vital »
dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIe siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 65-70
Il s’agit de l’« Essai sur l’art de nourrir le principe vital » 1 (« Yangsheng lun » 2) de Ji Kang 3, virtuose de la cithare, fervent taoïste, poète attachant par ses opinions et ses manières de voir autant que par son talent, chef de file des « Sept Sages du bosquet de bambous » (fameux cénacle dont je parlerai ailleurs). Fier, indépendant, Ji Kang était un homme de la haute société, époux d’une princesse, mais alliant un amour mystique, presque religieux, de la nature et un profond dégoût pour les règles et les idées reçues. Il proclamait haut et fort, seize siècles avant Flaubert dans sa « Correspondance » 4, que « les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». Dans sa « Lettre de rupture avec Shan Tao », il confiait que l’éducation libertaire qu’il a reçue dans son enfance a fait de lui « un cerf sauvage » qui devient comme fou à la vue des liens rigides que porte au cou tout fonctionnaire en poste : « Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué, pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se débattra comme un dément, pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante ». Ji Kang se jugeait, en somme, totalement inapte au service mandarinal. Aux yeux de ses contemporains, pour un homme de sa classe et de sa condition, c’était un véritable crime de ne pas être fonctionnaire — un crime non seulement contre la tradition, mais contre les assises mêmes de l’autorité confucianiste. Ji Kang s’en rendait compte, mais son esprit excentrique et rebelle l’entraînait irrésistiblement vers la poésie, la musique céleste, les ébats dans la nature, les promenades heureuses au cours desquelles il se perdait au point d’oublier le retour. La légende se plaît à le représenter vagabondant dans le bosquet de bambous de Shanyang où il réunissait ses amis, tous plus bizarres les uns que les autres, recherchant des plantes dont il préparait des drogues d’immortalité, et « se nourrissant des vapeurs roses de l’aurore » (« can xia » 5).
- Parfois traduit « Traité sur l’entretien du principe vital », « Traité sur l’art de nourrir sa vie », « Nourrir la vie » ou « Nourrir le principe vital ».
- En chinois « 養生論 ». Autrefois transcrit « Yang cheng louen ».
- En chinois 嵇康. Parfois transcrit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang.
Ji Kang, « Réfutation de l’essai sur le caractère inné du goût pour l’étude »
dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIe siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 59-62
Il s’agit de la « Réfutation de l’essai sur le caractère inné du goût pour l’étude » 1 (« Nan ziran haoxue lun » 2) de Ji Kang 3, virtuose de la cithare, fervent taoïste, poète attachant par ses opinions et ses manières de voir autant que par son talent, chef de file des « Sept Sages du bosquet de bambous » (fameux cénacle dont je parlerai ailleurs). Fier, indépendant, Ji Kang était un homme de la haute société, époux d’une princesse, mais alliant un amour mystique, presque religieux, de la nature et un profond dégoût pour les règles et les idées reçues. Il proclamait haut et fort, seize siècles avant Flaubert dans sa « Correspondance » 4, que « les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». Dans sa « Lettre de rupture avec Shan Tao », il confiait que l’éducation libertaire qu’il a reçue dans son enfance a fait de lui « un cerf sauvage » qui devient comme fou à la vue des liens rigides que porte au cou tout fonctionnaire en poste : « Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué, pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se débattra comme un dément, pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante ». Ji Kang se jugeait, en somme, totalement inapte au service mandarinal. Aux yeux de ses contemporains, pour un homme de sa classe et de sa condition, c’était un véritable crime de ne pas être fonctionnaire — un crime non seulement contre la tradition, mais contre les assises mêmes de l’autorité confucianiste. Ji Kang s’en rendait compte, mais son esprit excentrique et rebelle l’entraînait irrésistiblement vers la poésie, la musique céleste, les ébats dans la nature, les promenades heureuses au cours desquelles il se perdait au point d’oublier le retour. La légende se plaît à le représenter vagabondant dans le bosquet de bambous de Shanyang où il réunissait ses amis, tous plus bizarres les uns que les autres, recherchant des plantes dont il préparait des drogues d’immortalité, et « se nourrissant des vapeurs roses de l’aurore » (« can xia » 5).
- Parfois traduit « Réfutation du traité sur le goût spontané pour l’étude », « Critique de l’essai sur l’amour naturel de l’étude », « Critique de l’essai “Aimer les études est naturel” » ou « Critique de l’essai “Il est naturel d’aimer les études” ».
- En chinois « 難自然好學論 ». Autrefois transcrit « Nan tzu-jan hao hsüeh lun » ou « Nan tseu-jan hao hio louen ».
- En chinois 嵇康. Parfois transcrit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang.
« Une Voix pour l’évasion : Tsi K’ang [ou Ji Kang] et sa lettre de rupture »
Il s’agit de la « Lettre de rupture avec Shan Juyuan [ou Shan Tao] » 1 (« Yu Shan Juyuan [Tao] juejiao shu » 2) de Ji Kang 3, virtuose de la cithare, fervent taoïste, poète attachant par ses opinions et ses manières de voir autant que par son talent, chef de file des « Sept Sages du bosquet de bambous » (fameux cénacle dont je parlerai ailleurs). Fier, indépendant, Ji Kang était un homme de la haute société, époux d’une princesse, mais alliant un amour mystique, presque religieux, de la nature et un profond dégoût pour les règles et les idées reçues. Il proclamait haut et fort, seize siècles avant Flaubert dans sa « Correspondance » 4, que « les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». Dans sa « Lettre de rupture avec Shan Tao », il confiait que l’éducation libertaire qu’il a reçue dans son enfance a fait de lui « un cerf sauvage » qui devient comme fou à la vue des liens rigides que porte au cou tout fonctionnaire en poste : « Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué, pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se débattra comme un dément, pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante ». Ji Kang se jugeait, en somme, totalement inapte au service mandarinal. Aux yeux de ses contemporains, pour un homme de sa classe et de sa condition, c’était un véritable crime de ne pas être fonctionnaire — un crime non seulement contre la tradition, mais contre les assises mêmes de l’autorité confucianiste. Ji Kang s’en rendait compte, mais son esprit excentrique et rebelle l’entraînait irrésistiblement vers la poésie, la musique céleste, les ébats dans la nature, les promenades heureuses au cours desquelles il se perdait au point d’oublier le retour. La légende se plaît à le représenter vagabondant dans le bosquet de bambous de Shanyang où il réunissait ses amis, tous plus bizarres les uns que les autres, recherchant des plantes dont il préparait des drogues d’immortalité, et « se nourrissant des vapeurs roses de l’aurore » (« can xia » 5).
- Parfois traduit « Lettre de rupture avec Chan Kiu-yuan [ou Chan T’ao] » ou « Lettre de refus à Shan Juyuan [ou Shan Tao] ».
- En chinois « 與山巨源[濤]絕交書 ». Autrefois transcrit « Yü Shan Chü-yüan [T’ao] chüeh-chiao shu ».
- En chinois 嵇康. Parfois transcrit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang.
« La Poésie de Ji Kang »
Il s’agit d’« Angoisse au cachot » 1 (« Youfen shi » 2) et autres poèmes de Ji Kang 3, virtuose de la cithare, fervent taoïste, poète attachant par ses opinions et ses manières de voir autant que par son talent, chef de file des « Sept Sages du bosquet de bambous » (fameux cénacle dont je parlerai ailleurs). Fier, indépendant, Ji Kang était un homme de la haute société, époux d’une princesse, mais alliant un amour mystique, presque religieux, de la nature et un profond dégoût pour les règles et les idées reçues. Il proclamait haut et fort, seize siècles avant Flaubert dans sa « Correspondance » 4, que « les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit ». Dans sa « Lettre de rupture avec Shan Tao », il confiait que l’éducation libertaire qu’il a reçue dans son enfance a fait de lui « un cerf sauvage » qui devient comme fou à la vue des liens rigides que porte au cou tout fonctionnaire en poste : « Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué, pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se débattra comme un dément, pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante ». Ji Kang se jugeait, en somme, totalement inapte au service mandarinal. Aux yeux de ses contemporains, pour un homme de sa classe et de sa condition, c’était un véritable crime de ne pas être fonctionnaire — un crime non seulement contre la tradition, mais contre les assises mêmes de l’autorité confucianiste. Ji Kang s’en rendait compte, mais son esprit excentrique et rebelle l’entraînait irrésistiblement vers la poésie, la musique céleste, les ébats dans la nature, les promenades heureuses au cours desquelles il se perdait au point d’oublier le retour. La légende se plaît à le représenter vagabondant dans le bosquet de bambous de Shanyang où il réunissait ses amis, tous plus bizarres les uns que les autres, recherchant des plantes dont il préparait des drogues d’immortalité, et « se nourrissant des vapeurs roses de l’aurore » (« can xia » 5).
- Parfois traduit « Rage de mon cachot », « Rage en mon cachot », « Rage au cachot », « Rage d’un prisonnier », « Tristesse obscure », « Rancœur secrète » ou « Noire Exaspération ».
- En chinois « 幽憤詩 ». Autrefois transcrit « Yu-fên-shih » ou « Yeou-fen che ».
- En chinois 嵇康. Parfois transcrit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang.
Doubnov, « Précis d’histoire juive : des origines à nos jours [complété par Marc Jarblum] »
éd. Service technique pour l’éducation, Paris
Il s’agit du « Précis d’histoire juive », ou littéralement « L’Histoire juive racontée aux enfants » (« Yidishe Geshikhte dertseylt far Kinder » 1) de Simon Doubnov 2, l’un des plus éminents historiens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet historiographe, né du temps des pogromes russes et mort dans les camps de la barbarie nazie, est celle de toute une génération de Juifs de l’Europe orientale. Qu’au milieu du carnage et « du fond du gouffre », comme il dit lui-même 3, cet homme ait songé à des travaux historiques de si grande envergure, cela peut paraître étrange. Mais cela témoigne simplement de la pérennité du judaïsme, de sa vivacité dans la mort. Doubnov avait une hauteur de vues, une élévation de pensées, une piété qui l’obligeaient à chercher l’indestructible au milieu des destructions ; il disait comme Archimède au soldat romain : « Ne dérange pas mes cercles ! » « Que de fois », dit Doubnov 4, « la douleur causée par les brûlants soucis quotidiens a été apaisée par mes rêves ardents du moment où un grandiose édifice 5 s’élèverait, et où ces milliers de faits et de combinaisons se mêleraient en un vif tableau dépeignant huit cents ans de la vie de notre peuple en Europe orientale ! » Des témoins rapportent que même après son arrestation par les agents de la Gestapo, malade et grelottant de fièvre, Doubnov n’arrêta pas son travail : avec le stylo qui lui avait servi pendant tant d’années, il remplit un carnet de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de revolver, on le vit marchant et répétant : « Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, racontez, bonnes gens, écrivez ! » 6 De ceux à qui s’adressaient ces paroles, presque aucun ne survécut. « Les pensées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et grandit de la terre. Elles ont besoin de temps et d’un lieu pour être semées, elles ont besoin d’un hiver pour prendre des forces et d’un printemps pour sortir et s’épanouir. Il y a les historiens de l’hiver et les historiens du printemps… Doubnov est un historien de l’hiver », dit M. Marc-Alain Ouaknin
- On rencontre aussi les graphies « Idishe Geshikhte dertseylt far Kinder », « Jidische Geschichte derzeilt far Kinder », « Idische Geschichte derzejlt far Kinder » et « Yiddische Geschichte derzeilt far Kinder ».
- En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Parfois transcrit Semyon Dubnow, Simeon Dubnow, Shimeon Dubnow, Shimon Dubnov ou Semën Dubnov. Le nom de Doubnov, conformément à une pratique bien établie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses ancêtres étaient originaires : Doubno (Дубно), en Ukraine.
- « Le Livre de ma vie : souvenirs et réflexions, matériaux pour l’histoire de mon temps », p. 737.
- id. p. 359.
- La grandiose somme en dix volumes, « Histoire universelle du peuple juif », sur laquelle Doubnov ne cessa de travailler de 1901 jusqu’à son assassinat.
- Dans Sophie Erlich-Doubnov, « La Vie de Simon Dubnov », p. 25.
Doubnov, « Histoire du hassidisme : une étude fondée sur des sources directes, des documents imprimés et des manuscrits »
Il s’agit de l’« Histoire du hassidisme : une étude fondée sur des sources directes, des documents imprimés et des manuscrits » (« Toldot ha’chasidut : al yesod mekorot rishonim, nidpasim ve’kitvei-yad » 1) de Simon Doubnov 2, l’un des plus éminents historiens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet historiographe, né du temps des pogromes russes et mort dans les camps de la barbarie nazie, est celle de toute une génération de Juifs de l’Europe orientale. Qu’au milieu du carnage et « du fond du gouffre », comme il dit lui-même 3, cet homme ait songé à des travaux historiques de si grande envergure, cela peut paraître étrange. Mais cela témoigne simplement de la pérennité du judaïsme, de sa vivacité dans la mort. Doubnov avait une hauteur de vues, une élévation de pensées, une piété qui l’obligeaient à chercher l’indestructible au milieu des destructions ; il disait comme Archimède au soldat romain : « Ne dérange pas mes cercles ! » « Que de fois », dit Doubnov 4, « la douleur causée par les brûlants soucis quotidiens a été apaisée par mes rêves ardents du moment où un grandiose édifice 5 s’élèverait, et où ces milliers de faits et de combinaisons se mêleraient en un vif tableau dépeignant huit cents ans de la vie de notre peuple en Europe orientale ! » Des témoins rapportent que même après son arrestation par les agents de la Gestapo, malade et grelottant de fièvre, Doubnov n’arrêta pas son travail : avec le stylo qui lui avait servi pendant tant d’années, il remplit un carnet de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de revolver, on le vit marchant et répétant : « Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, racontez, bonnes gens, écrivez ! » 6 De ceux à qui s’adressaient ces paroles, presque aucun ne survécut. « Les pensées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et grandit de la terre. Elles ont besoin de temps et d’un lieu pour être semées, elles ont besoin d’un hiver pour prendre des forces et d’un printemps pour sortir et s’épanouir. Il y a les historiens de l’hiver et les historiens du printemps… Doubnov est un historien de l’hiver », dit M. Marc-Alain Ouaknin
- En hébreu « תולדות החסידות : על יסוד מקורות ראשונים, נדפסים וכתבי-יד ». Parfois transcrit « Toledot ha hasidut : al jesod mekorot riszonim, nidpasim wekitwe-jad » ou « Toldot ha’hassidut : al yesod mekorot rishonim, nidpasim u’ktav yad ».
- En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Parfois transcrit Semyon Dubnow, Simeon Dubnow, Shimeon Dubnow, Shimon Dubnov ou Semën Dubnov. Le nom de Doubnov, conformément à une pratique bien établie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses ancêtres étaient originaires : Doubno (Дубно), en Ukraine.
- « Le Livre de ma vie : souvenirs et réflexions, matériaux pour l’histoire de mon temps », p. 737.
- id. p. 359.
- La grandiose somme en dix volumes, « Histoire universelle du peuple juif », sur laquelle Doubnov ne cessa de travailler de 1901 jusqu’à son assassinat.
- Dans Sophie Erlich-Doubnov, « La Vie de Simon Dubnov », p. 25.
Ibn Rushd (Averroès), « La Doctrine de l’intellect matériel dans le “Commentaire moyen au ‘De anima’ d’Aristote” »
dans « Langages et Philosophie : hommage à Jean Jolivet » (éd. J. Vrin, coll. Études de philosophie médiévale, Paris), p. 281-307
Il s’agit d’une traduction partielle du « Commentaire moyen sur le traité “De l’âme” » (« Talkhîs kitâb al-nafs » 1) d’Ibn Rushd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les philosophes que l’islam donna à l’Espagne, celui qui laissa le plus de traces dans la mémoire des peuples, grâce à ses remarquables commentaires sur les écrits d’Aristote, fut Ibn Rushd, également connu sous les noms corrompus d’Aben-Rost, Averroïs, Averrhoës ou Averroès 3. Dans son Andalousie natale, ce coin privilégié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait établi au Xe siècle une tolérance dont notre époque moderne peut à peine offrir un exemple. « Chrétiens, juifs, musulmans parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études littéraires et scientifiques. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à l’œuvre de la civilisation commune », dit Renan. Abû Ya‘ḳûb Yûsuf 4, calife de l’Andalousie et contemporain d’Ibn Rushd, fut le prince le plus lettré de son temps. L’illustre philosophe Ibn Thofaïl obtint à sa Cour une grande influence et en profita pour y attirer les savants de renom. Ce fut d’après le vœu exprimé par Yûsuf et sur les instances d’Ibn Thofaïl qu’Ibn Rushd entreprit de commenter Aristote. Jamais ce dernier n’avait reçu de soins aussi étendus, aussi sincères et dévoués que ceux que lui prodiguera Ibn Rushd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fatale qui a étouffé chez les musulmans les plus beaux germes de développement intellectuel, le fanatisme religieux, préparait déjà la ruine [de la philosophie] », dit Renan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études rationnelles se déchaîne sur toute la surface du monde musulman. Bientôt il suffira de dire d’un homme : « Un tel travaille à la philosophie ou donne des leçons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui appliquent immédiatement le nom d’« impie », de « mécréant », etc. ; et que, si par malheur il persévère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa maison.
Ibn Rushd (Averroès), « L’Intelligence et la Pensée, [ou] Grand Commentaire du “De anima”, livre III »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Grand Commentaire sur le traité “De l’âme” » (« Sharḥ kitâb al-nafs » 1) d’Ibn Rushd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les philosophes que l’islam donna à l’Espagne, celui qui laissa le plus de traces dans la mémoire des peuples, grâce à ses remarquables commentaires sur les écrits d’Aristote, fut Ibn Rushd, également connu sous les noms corrompus d’Aben-Rost, Averroïs, Averrhoës ou Averroès 3. Dans son Andalousie natale, ce coin privilégié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait établi au Xe siècle une tolérance dont notre époque moderne peut à peine offrir un exemple. « Chrétiens, juifs, musulmans parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études littéraires et scientifiques. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à l’œuvre de la civilisation commune », dit Renan. Abû Ya‘ḳûb Yûsuf 4, calife de l’Andalousie et contemporain d’Ibn Rushd, fut le prince le plus lettré de son temps. L’illustre philosophe Ibn Thofaïl obtint à sa Cour une grande influence et en profita pour y attirer les savants de renom. Ce fut d’après le vœu exprimé par Yûsuf et sur les instances d’Ibn Thofaïl qu’Ibn Rushd entreprit de commenter Aristote. Jamais ce dernier n’avait reçu de soins aussi étendus, aussi sincères et dévoués que ceux que lui prodiguera Ibn Rushd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fatale qui a étouffé chez les musulmans les plus beaux germes de développement intellectuel, le fanatisme religieux, préparait déjà la ruine [de la philosophie] », dit Renan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études rationnelles se déchaîne sur toute la surface du monde musulman. Bientôt il suffira de dire d’un homme : « Un tel travaille à la philosophie ou donne des leçons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui appliquent immédiatement le nom d’« impie », de « mécréant », etc. ; et que, si par malheur il persévère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa maison.
Abaï, « Poésie et Prose »
Il s’agit d’Abaï Kounanbaïouly 1, dit Abaï Kounanbaïev 2, poète éclairé et humaniste, intellectuel musulman, traducteur de Pouchkine, Lermontov et Krylov, père des lettres kazakhes (XIXe siècle). En 1956, Louis Aragon fondait la collection « Littératures soviétiques » chez Gallimard ; et parmi les œuvres choisies se trouvait le roman de Moukhtar Aouézov, « Abaï ». Dans son préambule, Aragon gratifiait le lecteur francophone de quelques aperçus sur le Kazakhstan ; et le roman d’Aouézov l’entraînait au cœur de la steppe, chez les Tobykty 3, la tribu d’Abaï, dont il retraçait la vie. Ce double travail renouvelait l’intérêt pour un poète qui avait ouvert les yeux des Kazakhs sur les choses du monde et suscitait les premières traductions des œuvres d’Abaï. Mais peut-être devrais-je moins parler d’Aragon et d’Aouézov que du poète kazakh qui est mon sujet. Abaï naissait en 1845. L’année suivante, le Kazakhstan était rattaché à la Russie. Le peuple était réduit au dernier degré de la misère ; il ne s’était pas encore délivré des chaînes de l’esclavage féodal, que déjà il tombait sous le joug cruel du tsarisme russe. Âme d’intellectuel, cœur de poète, Abaï comprendra les malheurs de ses compatriotes, et épris des idéaux de liberté, de justice, il brûlera du désir de les répandre autour de lui. Il débutera plein d’empressement, d’espérance. Hélas ! que de désillusions, que d’amères déceptions l’attendront dans la suite. Toute sa jeune énergie, toute sa robuste intelligence se consumera au milieu de l’indifférence générale. Et arrivé au seuil de la mort, « privé de forces » 4, il découvrira que rien n’a changé ; qu’il a trop manqué de soutiens ; que ses bons conseils ont laissé de marbre « tant de légions de [gens] enlisés dans leurs habitudes » 5 « proies faciles » 6 de chefs corrompus, de magistrats malhonnêtes, de mollahs ignares ou bien de leur propre veulerie et négligence. Il criera son désespoir, sa solitude spirituelle, ses vaines luttes contre l’inertie de son siècle dans ses poésies de maturité et surtout dans « Le Livre des dits » 7, ou littéralement « Les Paroles noires » (« Kara sözderi » 8), sorte de testament en prose. Puisant aux sources turco-persanes et russes, faite de sueur et de sang kazakhs, son œuvre littéraire se dressera, solitaire, dans le ciel de la steppe comme l’un de ces « cèdres du Liban altiers et élevés », l’un de ces « chênes du Bachân » célébrés dans la Bible 9.
- En kazakh Абай Құнанбайұлы. Autrefois transcrit Kunanbaïuly ou Kunanbaiuli. On rencontre aussi la graphie Ибраһим (Ibrahim), Abaï étant la déformation de ce prénom musulman. Autrefois transcrit Ibragim, Ibroghim ou Ibraghim.
- En russe Абай Кунанбаев. Parfois transcrit Kounanbaev, Kunanbaev, Qunanbaev, Kunanbaiev, Kunanbayev, Kounanbayev, Qunanbajev ou Kunanbajev.
- En kazakh Тобықты.
- p. 91.
- p. 74.
- p. 23.
- Autrefois traduit « Réflexions en prose », « Sermons » ou « Paroles édifiantes ».
- En kazakh « Қара сөздері ». On rencontre aussi la graphie « Қара сөз » (« Kara söz »). Parfois transcrit « Qara söz ».
- « Livre d’Isaïe », II, 13 ; « Zacharie », XI, 1-2 ; « Livre d’Ézéchiel », XXVII, 5-6 ; etc.