Josèphe, « Antiquités judaïques. Tome I. Livres I à V »

éd. E. Leroux, coll. Publications de la Société des études juives, Paris

éd. E. Le­roux, coll. Pu­bli­ca­tions de la des études juives, Pa­ris

Il s’agit des «An­ti­qui­tés ju­daïques» («Iou­daïkê ar­chaio­lo­gia» 1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien , plus connu sous le sur­nom de  2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’ ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de , et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende «Judæa capta, Judæa de­victa» («la cap­tive, la Ju­dée vain­cue»). «Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces , il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses , le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs», dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce des­cen­dant de illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef «des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala» 4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi; aban­donna ses de chef, d’ d’ et de pa­triote; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : «Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de , mais de la , de la et de tout le genre hu­main» 5; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. «Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie; que ce ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays», dit Phi­la­rète Chasles

  1. En «Ἰουδαϊκὴ ἀρχαιολογία». Icône Haut
  2. En Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Icône Haut
  3. « des œuvres de Jo­sèphe», p. 366. Icône Haut
  1. En grec «τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα». « des Juifs», liv. II, sect. 568. Icône Haut
  2. En grec «Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους». «Guerre des Juifs», liv. III, sect. 402. Icône Haut

Firdousi, « Le Livre des rois. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des rois» («Schah-na­meh» 1) d’ 2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’ de la (l’), de­puis ses jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les des Arabes . La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de , est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’, elle offre des ana­lo­gies avec «quelques grands ro­mans en vers du , le “ de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de », comme le dit  3. Avec «Le Livre des rois», la vieille per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête . Celle-ci avait re­foulé, pour quelque , cette culture dans les , où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. «L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la de la . Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste», ex­plique Er­nest Re­nan 4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle et une sorte de ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. «Ô !», dit l’une d’elles 5, «n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé? Tu hausses un au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la obs­cure.» «Ko­bad», dit une autre 6, «n’avait plus que sept mois à vivre; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité].»

  1. En «شاهنامه». Par­fois trans­crit «Shah Namu», «Çah­name», «Chah­namè», «Scheh­name», «Schah-namé», «Schah­nama», «Schah-na­mah», «Shah-na­meh», «Shah Name», «Shah­na­mah», «Shah­nama», «Šāh-nāma», «Šāhnā­mah», «Şeh­name», «Şāh-nāme» ou «Šah-na­meh». Icône Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Icône Haut
  3. «Compte rendu sur “Le Livre des rois”», 1841, p. 398-399. Icône Haut
  1. «Le Schah­na­meh», p. 139. Icône Haut
  2. «Tome I», p. 32. Icône Haut
  3. «Tome VII», p. 287-288. Icône Haut

Nosaka, « Contes de guerre »

éd. du Seuil, Paris

éd. du Seuil, Pa­ris

Il s’agit des « de » («Sensô dô­wa­shû» 1) de M.  2, écri­vain de ta­lent, mais qui, har­celé par le sen­ti­ment de , a semé dans presque toutes les pages de ses ré­cits l’obscénité la plus gro­tesque et la plus ani­male. Ce sen­ti­ment de culpa­bi­lité est né en lui au len­de­main de la Se­conde Guerre mon­diale, quand il a vu mou­rir sa sœur âgée d’un an et quatre mois, toute dé­char­née après des mois de fa­mine : «Quand je pense com­ment ma sœur, qui n’avait plus que les os et la peau, ne par­ve­nait plus à re­le­ver la tête ni même à pleu­rer, com­ment elle mou­rut seule, com­ment en­fin il ne res­tait que des cendres après sa cré­ma­tion, je me rends compte que j’avais été trop pré­oc­cupé par ma propre sur­vie. Dans les hor­reurs de la fa­mine, j’avais mangé ses parts de nour­ri­ture» 3. Son tra­vail d’écrivain s’est en­tiè­re­ment construit sur cette qu’il a ce­pen­dant tra­ves­tie, nar­rée en se fai­sant plai­sir à lui-même, dans «La Tombe des lu­cioles». Car, en , il n’était pas aussi tendre que l’adolescent du ré­cit. Il était cruel : c’est en man­geant le dû de sa sœur qu’il a sur­vécu, et c’est en re­fou­lant cette qu’il a écrit «La Tombe des lu­cioles» qui lui a per­mis par la suite de ga­gner sa  : «J’ai tri­ché avec cette — la plus grande, je crois, qui se puisse ima­gi­ner — celle d’[un pa­rent plongé] dans l’incapacité de nour­rir son en­fant. Et qui suis plu­tôt d’un na­tu­rel al­lègre, j’en garde une dette, une bles­sure pro­fonde, même si les sou­ve­nirs à la longue s’estompent» 4. C’est cette bles­sure in­fec­tée, sa­tu­rée d’odeurs nau­séa­bondes, que M. No­saka ouvre au dans ses ré­cits et qu’il met sous le nez de son pu­blic, en criant aussi haut qu’il peut, la bouche en­core amère des ab­sinthes hu­maines : Re­gar­dez!

  1. En ja­po­nais «戦争童話集». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 野坂昭如. Icône Haut
  1. Akiyuki No­saka, «五十歩の距離» («La Dis­tance de cin­quante pas»), in­édit en . Icône Haut
  2. Phi­lippe Pons, «“Je garde une bles­sure pro­fonde” : un en­tre­tien avec le ro­man­cier». Icône Haut

Sima Qian, « Les Mémoires historiques. Tome III. Chapitres 13-22 »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, coll. UNESCO d’œuvres représentatives, Paris

éd. Li­brai­rie d’ et d’ A. Mai­son­neuve, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires his­to­riques» («Shi Ji» 1) de  2, illustre chro­ni­queur (IIe-Ier siècle av. J.-C.) que ses com­pa­triotes placent au-des­sus de tous en di­sant qu’autant le l’emporte en éclat sur les autres astres, au­tant Sima Qian l’emporte en mé­rite sur les autres ; et que les eu­ro­péens sur­nomment l’«Hé­ro­dote de la ». Fils d’un sa­vant et sa­vant lui-même, Sima Qian fut élevé par l’Empereur à la di­gnité de «grand scribe» («tai shi» 3) en 108 av. J.-C. Son père, qui avait été son pré­dé­ces­seur dans cet em­ploi, sem­blait l’avoir prévu; car il avait fait voya­ger son fils dans tout l’Empire et lui avait laissé un im­mense hé­ri­tage en et en . De plus, dès que Sima Qian prit pos­ses­sion de sa charge, la Bi­blio­thèque im­pé­riale lui fut ou­verte; il alla s’y en­se­ve­lir. «De même qu’un qui porte une cu­vette sur la tête ne peut pas le­ver les yeux vers le , de même je rom­pis toute re­la­tion… car jour et je ne pen­sais qu’à em­ployer jusqu’au bout mes in­dignes ca­pa­ci­tés et j’appliquais tout mon cœur à m’acquitter de ma charge», dit-il 4. Mais une dis­grâce qu’il s’attira en pre­nant la dé­fense d’un mal­heu­reux, ou plu­tôt un mot sur le goût de l’Empereur pour la  5, le fit tom­ber en dis­grâce et le condamna à la cas­tra­tion. Sima Qian était si pauvre, qu’il ne fut pas en état de don­ner les deux cents onces d’argent pour se ré­di­mer du sup­plice in­fa­mant. Ce mal­heur, qui as­som­brit tout le reste de sa , ne fut pas sans exer­cer une pro­fonde sur sa . Non seule­ment Sima Qian n’avait pas pu se ra­che­ter, mais per­sonne n’avait osé prendre sa dé­fense. Aussi loue-t-il fort dans ses «Mé­moires his­to­riques» tous «ceux qui font peu de cas de leur propre vie pour al­ler au se­cours de l’homme de bien qui est en pé­ril» 6. Il ap­prouve sou­vent aussi des hommes qui avaient été ca­lom­niés et mis au ban de la . En­fin, n’est-ce pas l’amertume de son propre cœur, ai­gri par la , qui s’exprime dans ce cri : «Quand Zhufu Yan 7 [mar­chait sur] le che­min des hon­neurs, tous les hauts di­gni­taires l’exaltaient; quand son re­nom fut abattu, et qu’il eut été mis à avec toute sa , les of­fi­ciers par­lèrent à l’envi de ses dé­fauts; c’est dé­plo­rable!»

  1. En chi­nois «史記». Au­tre­fois trans­crit «Che Ki», «Se-ki», «Sée-ki», «Ssé-ki», «Schi Ki», «Shi Ki» ou «Shih Chi». Icône Haut
  2. En chi­nois 司馬遷. Au­tre­fois trans­crit Sy-ma Ts’ien, Sé­mat­siene, Ssé­mat­sien, Se-ma Ts’ien, Sze-ma Csien, Sz’ma Ts’ien, Sze-ma Ts’ien, Sseû-ma Ts’ien, Sse-ma-thsien, Ssé ma Tsian ou Ssu-ma Ch’ien. Icône Haut
  3. En chi­nois 太史. Au­tre­fois trans­crit «t’ai che». Icône Haut
  4. «Lettre à Ren An» («報任安書»). Icône Haut
  1. Sima Qian avait cri­ti­qué tous les im­pos­teurs qui jouis­saient d’un grand cré­dit à la Cour grâce aux fables qu’ils dé­bi­taient : tels étaient un ma­gi­cien qui pré­ten­dait mon­trer les em­preintes lais­sées par les pieds gi­gan­tesques d’êtres sur­na­tu­rels; un de­vin qui par­lait au nom de la prin­cesse des , et en qui l’Empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul avec lui; un char­la­tan qui pro­met­tait l’; etc. Icône Haut
  2. ch. CXXIV. Icône Haut
  3. En chi­nois 主父偃. Au­tre­fois trans­crit Tchou-fou Yen ou Chu- Yen. L’Empereur Wu avait nommé, au­près de chaque roi, des conseillers qui étaient en des rap­por­teurs. Leur tâche était sou­vent pé­rilleuse : le conseiller Zhufu Yan fut mis à mort avec toute sa fa­mille à cause des faits qu’il avait rap­por­tés. Icône Haut

« Un Haïku satirique : le “senryû” »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Bibliothèque japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. Bi­blio­thèque ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Ton­neau de saule» («Ya­na­gi­daru» 1), de la «Fleur du bout» («Suet­su­mu­hana» 2) et d’autres re­cueils de «» 3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le «sen­ryû» est un poème sa­ti­rique ou éro­tique, de forme si­mi­laire au haïku. Mais si le haïku est la com­po­si­tion d’un gen­til­homme sé­rieux, sou­cieux du qu’en-dira-t-on, le «sen­ryû» est celle d’un bour­geois rieur et éhonté, li­vré à ses seuls plai­sirs, pas­sant des heures, à vi­sage dé­cou­vert, sous les lam­pions et les lan­ternes des quar­tiers de dis­trac­tion. Ces quar­tiers, dis­pa­rus seule­ment au XXe siècle, étaient de vraies cu­rio­si­tés à vi­si­ter, aussi in­té­res­santes que les les plus fa­meux de l’Empire du . C’étaient des sortes d’îlots dans les mêmes, des coins soi­gneu­se­ment cir­cons­crits «à la fois fée­riques et la­men­tables… char­mants, lu­mi­neux… et naïfs en leur im­mo­ra­lité» 4, où s’offraient aux yeux des pas­sants, as­sises dans des cages do­rées et sur des nattes éblouis­santes, des somp­tueu­se­ment pa­rées. Chaque ville pos­sé­dait un quar­tier af­fecté à ces éta­lages. Ce­lui d’Edo (Tô­kyô), nommé le Yo­shi­wara 5, était le plus beau de l’Empire  : oblige. On ne s’y ren­dait pas sur l’impulsion du mo­ment. Seul un pro­vin­cial égaré dans la ville, ou un sol­dat de gar­ni­son, pou­vait s’imaginer trou­ver sa­tis­fac­tion de la sorte. Le bour­geois éclairé et rompu aux plai­sirs dé­li­cats sa­vait qu’il fal­lait com­men­cer par l’achat et la lec­ture ap­pro­fon­die du «Ca­ta­logue», où fi­gu­raient, avec un sys­tème de éla­boré, les et les rangs des dis­po­nibles. «Rien des “En­tre­tiens de Confu­cius” [il] ne com­prend, mais [il] sait tout lire dans le “Ca­ta­logue”», dit un «sen­ryû». Le Yo­shi­wara étant loin du centre-ville, on s’y ren­dait le plus sou­vent en chaise à por­teurs : le voyage ne coû­tait pas cher, et on évi­tait la fa­tigue du che­min à pied. Mais on pre­nait la pré­cau­tion de mon­ter et de des­cendre à quelque dis­tance de chez , pour ne pas se faire sur­prendre par son épouse soup­çon­neuse : «En plein [che­min], nez à nez avec l’épouse; ah, ca­la­mité!», dit un «sen­ryû». On pou­vait alors ten­ter de se jus­ti­fier : «Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un pa­rent», mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce «sen­ryû» : «Au mi­lieu [du che­min] “lettre de sé­pa­ra­tion tu m’écris de suite!”» Quant au fils pro­digue, pris en fla­grant dé­lit par ses pa­rents : «Bou­clé dans sa chambre, en rêve en­core il par­court le quar­tier des », dit un «sen­ryû», en pa­ro­diant ce cé­lèbre haïku com­posé par Ba­shô avant sa  : «En rêve en­core je par­cours les landes dé­so­lées».

  1. En ja­po­nais «柳多留». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «末摘花». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 川柳. Icône Haut
  1. Ma­ti­gnon, «La Pros­ti­tu­tion au  : le quar­tier du “Yo­shi­wara” de To­kio». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 吉原. Icône Haut

« Haïku érotiques : extraits de la “Fleur du bout” et du “Tonneau de saule” »

éd. Ph. Picquier, coll. Picquier poche, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Pic­quier poche, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Ton­neau de saule» («Ya­na­gi­daru» 1), de la «Fleur du bout» («Suet­su­mu­hana» 2) et d’autres re­cueils de «» 3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le «sen­ryû» est un poème sa­ti­rique ou éro­tique, de forme si­mi­laire au haïku. Mais si le haïku est la com­po­si­tion d’un gen­til­homme sé­rieux, sou­cieux du qu’en-dira-t-on, le «sen­ryû» est celle d’un bour­geois rieur et éhonté, li­vré à ses seuls plai­sirs, pas­sant des heures, à vi­sage dé­cou­vert, sous les lam­pions et les lan­ternes des quar­tiers de dis­trac­tion. Ces quar­tiers, dis­pa­rus seule­ment au XXe siècle, étaient de vraies cu­rio­si­tés à vi­si­ter, aussi in­té­res­santes que les les plus fa­meux de l’Empire du . C’étaient des sortes d’îlots dans les mêmes, des coins soi­gneu­se­ment cir­cons­crits «à la fois fée­riques et la­men­tables… char­mants, lu­mi­neux… et naïfs en leur im­mo­ra­lité» 4, où s’offraient aux yeux des pas­sants, as­sises dans des cages do­rées et sur des nattes éblouis­santes, des somp­tueu­se­ment pa­rées. Chaque ville pos­sé­dait un quar­tier af­fecté à ces éta­lages. Ce­lui d’Edo (Tô­kyô), nommé le Yo­shi­wara 5, était le plus beau de l’Empire  : oblige. On ne s’y ren­dait pas sur l’impulsion du mo­ment. Seul un pro­vin­cial égaré dans la ville, ou un sol­dat de gar­ni­son, pou­vait s’imaginer trou­ver sa­tis­fac­tion de la sorte. Le bour­geois éclairé et rompu aux plai­sirs dé­li­cats sa­vait qu’il fal­lait com­men­cer par l’achat et la lec­ture ap­pro­fon­die du «Ca­ta­logue», où fi­gu­raient, avec un sys­tème de éla­boré, les et les rangs des dis­po­nibles. «Rien des “En­tre­tiens de Confu­cius” [il] ne com­prend, mais [il] sait tout lire dans le “Ca­ta­logue”», dit un «sen­ryû». Le Yo­shi­wara étant loin du centre-ville, on s’y ren­dait le plus sou­vent en chaise à por­teurs : le voyage ne coû­tait pas cher, et on évi­tait la fa­tigue du che­min à pied. Mais on pre­nait la pré­cau­tion de mon­ter et de des­cendre à quelque dis­tance de chez , pour ne pas se faire sur­prendre par son épouse soup­çon­neuse : «En plein [che­min], nez à nez avec l’épouse; ah, ca­la­mité!», dit un «sen­ryû». On pou­vait alors ten­ter de se jus­ti­fier : «Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un pa­rent», mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce «sen­ryû» : «Au mi­lieu [du che­min] “lettre de sé­pa­ra­tion tu m’écris de suite!”» Quant au fils pro­digue, pris en fla­grant dé­lit par ses pa­rents : «Bou­clé dans sa chambre, en rêve en­core il par­court le quar­tier des », dit un «sen­ryû», en pa­ro­diant ce cé­lèbre haïku com­posé par Ba­shô avant sa  : «En rêve en­core je par­cours les landes dé­so­lées».

  1. En ja­po­nais «柳多留». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «末摘花». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 川柳. Icône Haut
  1. Ma­ti­gnon, «La Pros­ti­tu­tion au  : le quar­tier du “Yo­shi­wara” de To­kio». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 吉原. Icône Haut

« Courtisanes du Japon »

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des cu­rieux, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Ton­neau de saule» («Ya­na­gi­daru» 1), de la «Fleur du bout» («Suet­su­mu­hana» 2) et d’autres re­cueils de «» 3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le «sen­ryû» est un poème sa­ti­rique ou éro­tique, de forme si­mi­laire au haïku. Mais si le haïku est la com­po­si­tion d’un gen­til­homme sé­rieux, sou­cieux du qu’en-dira-t-on, le «sen­ryû» est celle d’un bour­geois rieur et éhonté, li­vré à ses seuls plai­sirs, pas­sant des heures, à vi­sage dé­cou­vert, sous les lam­pions et les lan­ternes des quar­tiers de dis­trac­tion. Ces quar­tiers, dis­pa­rus seule­ment au XXe siècle, étaient de vraies cu­rio­si­tés à vi­si­ter, aussi in­té­res­santes que les les plus fa­meux de l’Empire du . C’étaient des sortes d’îlots dans les mêmes, des coins soi­gneu­se­ment cir­cons­crits «à la fois fée­riques et la­men­tables… char­mants, lu­mi­neux… et naïfs en leur im­mo­ra­lité» 4, où s’offraient aux yeux des pas­sants, as­sises dans des cages do­rées et sur des nattes éblouis­santes, des somp­tueu­se­ment pa­rées. Chaque ville pos­sé­dait un quar­tier af­fecté à ces éta­lages. Ce­lui d’Edo (Tô­kyô), nommé le Yo­shi­wara 5, était le plus beau de l’Empire  : oblige. On ne s’y ren­dait pas sur l’impulsion du mo­ment. Seul un pro­vin­cial égaré dans la ville, ou un sol­dat de gar­ni­son, pou­vait s’imaginer trou­ver sa­tis­fac­tion de la sorte. Le bour­geois éclairé et rompu aux plai­sirs dé­li­cats sa­vait qu’il fal­lait com­men­cer par l’achat et la lec­ture ap­pro­fon­die du «Ca­ta­logue», où fi­gu­raient, avec un sys­tème de éla­boré, les et les rangs des dis­po­nibles. «Rien des “En­tre­tiens de Confu­cius” [il] ne com­prend, mais [il] sait tout lire dans le “Ca­ta­logue”», dit un «sen­ryû». Le Yo­shi­wara étant loin du centre-ville, on s’y ren­dait le plus sou­vent en chaise à por­teurs : le voyage ne coû­tait pas cher, et on évi­tait la fa­tigue du che­min à pied. Mais on pre­nait la pré­cau­tion de mon­ter et de des­cendre à quelque dis­tance de chez , pour ne pas se faire sur­prendre par son épouse soup­çon­neuse : «En plein [che­min], nez à nez avec l’épouse; ah, ca­la­mité!», dit un «sen­ryû». On pou­vait alors ten­ter de se jus­ti­fier : «Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un pa­rent», mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce «sen­ryû» : «Au mi­lieu [du che­min] “lettre de sé­pa­ra­tion tu m’écris de suite!”» Quant au fils pro­digue, pris en fla­grant dé­lit par ses pa­rents : «Bou­clé dans sa chambre, en rêve en­core il par­court le quar­tier des », dit un «sen­ryû», en pa­ro­diant ce cé­lèbre haïku com­posé par Ba­shô avant sa  : «En rêve en­core je par­cours les landes dé­so­lées».

  1. En ja­po­nais «柳多留». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «末摘花». Icône Haut
  3. En ja­po­nais 川柳. Icône Haut
  1. Ma­ti­gnon, «La Pros­ti­tu­tion au  : le quar­tier du “Yo­shi­wara” de To­kio». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 吉原. Icône Haut

Josèphe, « Contre Apion »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du «Contre Apion» («Kata Apiô­nos» 1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien , plus connu sous le sur­nom de  2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’ ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de , et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende «Judæa capta, Judæa de­victa» («la cap­tive, la Ju­dée vain­cue»). «Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces , il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses , le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs», dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce des­cen­dant de illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef «des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala» 4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi; aban­donna ses de chef, d’ d’ et de pa­triote; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : «Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de , mais de la , de la et de tout le genre hu­main» 5; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. «Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie; que ce ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays», dit Phi­la­rète Chasles

  1. En «Κατὰ Ἀπίωνος». «Le “Contre Apion”, tel est le titre in­exact, mais com­mode, sous le­quel, s’inspirant de deux pas­sages de saint Jé­rôme, on a pris l’habitude de dé­si­gner le der­nier opus­cule de Fla­vius Jo­sèphe, dont le titre vé­ri­table pa­raît avoir été “De l’ du juif” (“Περὶ τῆς τῶν Ἰουδαίων ἀρχαιότητος”)», ex­plique Théo­dore Rei­nach. Icône Haut
  2. En Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Icône Haut
  3. « des œuvres de Jo­sèphe», p. 366. Icône Haut
  1. En grec «τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα». « des Juifs», liv. II, sect. 568. Icône Haut
  2. En grec «Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους». «Guerre des Juifs», liv. III, sect. 402. Icône Haut

« Le Livre des récompenses et des peines »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des ré­com­penses et des » («Tai­shang ga­nying­pian» 1, lit­té­ra­le­ment «Écrit sur la ré­tri­bu­tion par le Très-Haut» 2), pré­cis de syn­cré­tique chi­noise, mê­lant croyances ïstes, confu­céenne et doc­trine du (XIIe siècle apr. J.-C.). Le «Ca­non taoïste» («Dao­zang» 3) com­prend une mul­ti­tude de trai­tés de mo­rale pour ex­hor­ter les lec­teurs à la plus haute et leur en­sei­gner que «la ré­com­pense du bien et la du sont comme l’ombre qui suit le » 4; mais il n’y a au­cun parmi ces trai­tés qui ait joui d’une aussi grande po­pu­la­rité, et qu’on ait ré­im­primé aussi sou­vent que «Le Livre des ré­com­penses et des peines». Ce­pen­dant, il est rare qu’on l’ait ré­im­primé d’une ma­nière pu­re­ment dés­in­té­res­sée. Sa pro­pa­ga­tion était, d’après la su­per­sti­tion po­pu­laire, une œuvre mé­ri­toire et un moyen d’obtenir ce qu’on dé­si­rait. En dis­tri­buant vingt ou trente exem­plaires du «Livre des ré­com­penses et des peines», on ob­te­nait ou bien une longue , ou bien la d’un père, ou bien la nais­sance d’un fils. «Ho­no­rez-le donc», dit la pré­face d’un édi­teur  5, «et met­tez-le en pra­tique, et vous aug­men­te­rez votre , aussi bien que la du­rée de votre vie. En un mot, tout ce que vous sou­hai­te­rez vous sera ac­cordé.» Il n’en reste pas moins que c’est un beau et lu­mi­neux livre, rem­pli de conseils mo­raux et de des vieux , pour ap­prendre à l’être hu­main d’être bon vis-à-vis d’; de se te­nir dans l’ et le ; de dé­li­vrer les autres de leurs dan­gers et de les as­sis­ter dans leurs né­ces­si­tés; d’abandonner ses ri­chesses pour faire des heu­reux; de ne pas faire souf­frir non seule­ment un ani­mal, mais en­core un in­secte. Un com­men­ta­teur et poète com­pare ce livre à «une barque de sur la­quelle nous pou­vons pas­ser une im­mense» ou bien «un arbre qui porte ses branches jusque dans les nues [et ou­vrant] nos cœurs aux plus dignes ef­forts»

  1. En chi­nois «太上感應篇». Par­fois trans­crit «Thaï-chang kan ing phian», «Thaï chang kan yng pian», «Tae shang kan ying peen», «T’ai shang kan yin p’ien», «Thaï-chang kan ing phian», «Thaï-chang-kan-ing-pien» ou «Thai chang kan ying phien». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit « du Très-Haut sur la ré­tri­bu­tion des actes». Icône Haut
  3. En chi­nois «道藏». Au­tre­fois trans­crit «Tao-tchang» ou «Tao Tsang». Icône Haut
  1. p. 21. Icône Haut
  2. p. 19. Icône Haut

Josèphe, « Guerre des Juifs. Tome III »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit de la « des Juifs» («Peri tou Iou­daï­kou po­le­mou» 1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien , plus connu sous le sur­nom de  2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’ ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de , et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende «Judæa capta, Judæa de­victa» («la cap­tive, la Ju­dée vain­cue»). «Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces , il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses , le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs», dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce des­cen­dant de illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef «des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala» 4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi; aban­donna ses de chef, d’ d’ et de pa­triote; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : «Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de , mais de la , de la et de tout le genre hu­main» 5; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. «Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie; que ce ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays», dit Phi­la­rète Chasles

  1. En «Περὶ τοῦ Ἰουδαϊκοῦ πολέμου». Icône Haut
  2. En Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Icône Haut
  3. « des œuvres de Jo­sèphe», p. 366. Icône Haut
  1. En grec «τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα». «Guerre des Juifs», liv. II, sect. 568. Icône Haut
  2. En grec «Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους». «Guerre des Juifs», liv. III, sect. 402. Icône Haut

Josèphe, « Guerre des Juifs. Tome II »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit de la « des Juifs» («Peri tou Iou­daï­kou po­le­mou» 1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien , plus connu sous le sur­nom de  2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’ ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de , et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende «Judæa capta, Judæa de­victa» («la cap­tive, la Ju­dée vain­cue»). «Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces , il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses , le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs», dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce des­cen­dant de illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef «des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala» 4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi; aban­donna ses de chef, d’ d’ et de pa­triote; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : «Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de , mais de la , de la et de tout le genre hu­main» 5; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. «Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie; que ce ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays», dit Phi­la­rète Chasles

  1. En «Περὶ τοῦ Ἰουδαϊκοῦ πολέμου». Icône Haut
  2. En Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Icône Haut
  3. « des œuvres de Jo­sèphe», p. 366. Icône Haut
  1. En grec «τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα». «Guerre des Juifs», liv. II, sect. 568. Icône Haut
  2. En grec «Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους». «Guerre des Juifs», liv. III, sect. 402. Icône Haut

Josèphe, « Guerre des Juifs. Tome I »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit de la « des Juifs» («Peri tou Iou­daï­kou po­le­mou» 1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien , plus connu sous le sur­nom de  2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’ ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de , et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende «Judæa capta, Judæa de­victa» («la cap­tive, la Ju­dée vain­cue»). «Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces , il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses , le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs», dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce des­cen­dant de illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef «des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala» 4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi; aban­donna ses de chef, d’ d’ et de pa­triote; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : «Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de , mais de la , de la et de tout le genre hu­main» 5; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. «Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie; que ce ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays», dit Phi­la­rète Chasles

  1. En «Περὶ τοῦ Ἰουδαϊκοῦ πολέμου». Icône Haut
  2. En Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Icône Haut
  3. « des œuvres de Jo­sèphe», p. 366. Icône Haut
  1. En grec «τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα». «Guerre des Juifs», liv. II, sect. 568. Icône Haut
  2. En grec «Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους». «Guerre des Juifs», liv. III, sect. 402. Icône Haut

Josèphe, « Autobiographie »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit de l’«» («Bios» 1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien , plus connu sous le sur­nom de  2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’ ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de , et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende «Judæa capta, Judæa de­victa» («la cap­tive, la Ju­dée vain­cue»). «Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces , il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses , le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs», dit le père Louis-Hugues Vincent 3. C’est que ce des­cen­dant de illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef «des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala» 4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi; aban­donna ses de chef, d’ d’ et de pa­triote; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : «Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de , mais de la , de la et de tout le genre hu­main» 5; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. «Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie; que ce ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays», dit Phi­la­rète Chasles

  1. En «Βίος». Icône Haut
  2. En Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Icône Haut
  3. « des œuvres de Jo­sèphe», p. 366. Icône Haut
  1. En grec «τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα». « des Juifs», liv. II, sect. 568. Icône Haut
  2. En grec «Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους». «Guerre des Juifs», liv. III, sect. 402. Icône Haut