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Roûmî, « Le Livre du dedans, “Fîhi-mâ-fîhi” »

éd. Actes Sud-Leméac, coll. Babel, Arles-Montréal

éd. Actes Sud-Le­méac, coll. Ba­bel, Arles-Mont­réal

Il s’agit du «Livre du de­dans» («Fîhi-mâ-fîhi» 1) de  2, poète d’expression per­sane, qui n’est pas seule­ment l’inspirateur d’une confré­rie, celle des «», mais le di­rec­teur spi­ri­tuel de tout le XIIIe siècle. «Un si grand poète, ai­mable, har­mo­nieux, étin­ce­lant, exalté; un es­prit d’où émanent des par­fums, des , des mu­siques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la ma­nière dont sa strophe prend le dé­part et s’élève au , a déjà trans­porté son lec­teur», dit M. Mau­rice Bar­rès 3. Ré­fu­gié à Ko­nya 4 en Ana­to­lie (Roûm), Djé­lâl-ed-dîn trouva dans cette ville ha­bi­tée de Grecs, de Turcs, d’Arméniens, de Juifs et de Francs un adonné à la , à la , aux danses, et il em­ploya cette poé­sie, cette mu­sique, ces danses pour lui faire connaître . Son ac­tion im­mense en jeta, pour ainsi dire, des ra­cines si pro­fondes dans toutes les âmes que, même jusqu’aujourd’hui, les fruits et les de ses en­sei­gne­ments n’ont rien perdu de leur fraî­cheur ni de leur par­fum; il se sur­vit dans ses dis­ciples et ses suc­ces­seurs qui, de­puis plus de sept siècles, ré­pètent ses plus beaux dé­lires au­tour de son tom­beau en l’appelant «notre Maître» (Maw­lânâ 5). La beauté et l’esprit to­lé­rant de ses œuvres ont sur­pris les oc­ci­den­taux, et tourné la tête aux plus sobres parmi eux. «Tous les cœurs sur les­quels souffle ma brise s’épanouissent comme un jar­din plein de lu­mière», dit-il avec

  1. En «فیه مافیه». Par­fois trans­crit «Fih-é mâ fih». Icône Haut
  2. En per­san جلال‌الدین رومی. Par­fois trans­crit Jelālu-’d-Dīn er-Rūmī, Jel­la­lud­din Rumi, Je­la­lud­din Rumi, Ja­lal-ud-Din Rumi, Jal­la­lud­din Rumi, Dja­lâl-ud-Dîn Rûmî, Dže­la­lud­din Rumi, Dscha­lal ad-din Rumi, Ca­la­laddīn Rūmī, Ja­lâl ad dîn Roûmî, Ya­lal ad-din Rumí, Ga­lal al-din Rumi, Dja­lâl-od-dîn Rûmî, Ja­lâ­lod­dîn Rûmî, Djé­la­lid­din-Roumi, Ja­lel Id­dine Roumi, Dsche­lâl-ed-dîn Rumi, Ce­la­le­din Rumi, Ce­la­led­din-i Rumi, Je­la­led­din Rumi, Dje­la­let­tine Roumî, Djé­lal­le­din-i-Roumi ou Djel­lal-ed-Dine Roumi. Icône Haut
  3. «Une En­quête aux pays du . Tome II», p. 74. Icône Haut
  1. On ren­contre aussi les gra­phies Co­gni, Cogne, Co­nia, Ko­nia et Ko­nié. C’est l’ancienne Ico­nium. Icône Haut
  2. En per­san مولانا. Par­fois trans­crit Mau­lana, Mow­lânâ, Mev­lana ou Mew­lânâ. Icône Haut

Aflâkî, « Les Saints des derviches tourneurs : récits. Tome II »

éd. E. Leroux, coll. Études d’hagiographie musulmane, Paris

éd. E. Le­roux, coll. Études d’hagiographie mu­sul­mane, Pa­ris

Il s’agit du «Ménâqib-el-‘ârifîn» 1Les des », ou lit­té­ra­le­ment «Les des ini­tiés» 2) de  3. C’est un ré­cit ha­gio­gra­phique, une sorte de lé­gende do­rée por­tant sur les « tour­neurs», c’est-à-dire sur l’inspirateur de cette confré­rie, Djé­lâl-ed-dîn Roûmî, sur son père, sur son ami Chems-ed-dîn Té­brîzi, sur cer­tains des , des , des hommes pieux de son en­tou­rage et sur ses suc­ces­seurs im­mé­diats. Aflâkî lui-même était rat­ta­ché aux «der­viches tour­neurs» et dis­ciple du pe­tit-fils de Roûmî, sur l’invitation du­quel il en­tre­prit cette ha­gio­gra­phie, qu’il com­mença d’écrire en l’an 1318 et qu’il acheva en l’an 1353 apr. J.-C. Le «Ménâqib-el-‘ârifîn» s’ouvre avec les mo­tifs qui ont obligé Roûmî à quit­ter Balkh et la , ainsi que le dé­sastre qui a at­teint cette contrée et les pertes qu’a su­bies la au sens large, quand les Mon­gols, «troupes de pa­reilles à des sau­te­relles ré­pan­dues sur la , dont il a été dit : “Je les ai créées de Ma puis­sance et de Ma » 4, dé­vas­tèrent cette ré­gion. Balkh, la pre­mière ville que les hordes de Gen­gis Khan trou­vèrent sur leur pas­sage, était, en même que la pa­trie de Roûmî, l’un des hauts lieux cultu­rels d’ : elle était pleine de , d’ouvrages ex­quis, et de tout ce qui pou­vait ser­vir d’ornement à une grande ville, parce qu’elle avait été le sé­jour de plu­sieurs gens illustres en toutes sortes d’, qui avaient contri­bué à sa beauté. Gen­gis Khan avait une grande haine pour cette ville, parce qu’elle avait of­fert re­fuge au Sul­tan du Khâ­rezm, son en­nemi. Il donna l’ordre de mettre à les jeunes, les vieux; de fendre le ventre des en­ceintes; de sa­cri­fier en en­tier les qui se trou­ve­raient dans cette ville; en­suite, de ra­ser en­tiè­re­ment celle-ci. On rap­porte qu’on mit le à douze mille mos­quées de quar­tier, et qu’au mi­lieu de cet in­cen­die, qua­torze mille textes com­plets du furent brû­lés; qu’on mit à mort près de cin­quante mille , étu­diants et «ha­fiz» («hommes ou femmes sa­chant de le Co­ran»), sans comp­ter le com­mun du . Roûmî était alors âgé de cinq ans. Son père par­tit avec toute sa par la route de Ko­nya vers l’Anatolie (Roûm), comme firent un grand nombre d’autres sa­vants qui quit­tèrent la Perse : «Au mi­lieu des contem­po­rains, il ne resta plus trace de plai­sir… L’ et les têtes furent em­por­tés par le vent; les [écoles] et les [col­lèges] de­vinrent des hô­tel­le­ries; la béné dis­pa­rut du , et les té­nèbres de la ty­ran­nie s’appesantirent sur l’univers, qui fut bou­le­versé»

  1. En «مناقب‌العارفین». Par­fois trans­crit «Ma­nâ­qeb ol-âre­fin», «Me­nâkıb-ül-âri­fîn», «Ma­nâ­qib ul-‘ârifîn», «Menāqibu’l ‘ārifīn», «Ma­nâ­qeb al-’ârefin» ou «Manāḳib al-‘ārifīn». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit « des mys­tiques» ou «Les Ver­tus des mys­tiques». Icône Haut
  1. En per­san شمس‌الدین احمد افلاکی. Par­fois trans­crit Şem­sed­dîn Ah­med Eflâkî, Shems-ud-din Ah­med Eflaki, Shemsu-’d-Dīn Ah­med Eflākī, Chams ud­din Ah­mad Aflaki, Šams-al-dīn Aḥ­mad Aflākī ou Shams al-Dīn Aḥ­mad Aflākī. Icône Haut
  2. «Tome I», p. 9. Icône Haut

Aflâkî, « Les Saints des derviches tourneurs : récits. Tome I »

éd. E. Leroux, coll. Études d’hagiographie musulmane, Paris

éd. E. Le­roux, coll. Études d’hagiographie mu­sul­mane, Pa­ris

Il s’agit du «Ménâqib-el-‘ârifîn» 1Les des », ou lit­té­ra­le­ment «Les des ini­tiés» 2) de  3. C’est un ré­cit ha­gio­gra­phique, une sorte de lé­gende do­rée por­tant sur les « tour­neurs», c’est-à-dire sur l’inspirateur de cette confré­rie, Djé­lâl-ed-dîn Roûmî, sur son père, sur son ami Chems-ed-dîn Té­brîzi, sur cer­tains des , des , des hommes pieux de son en­tou­rage et sur ses suc­ces­seurs im­mé­diats. Aflâkî lui-même était rat­ta­ché aux «der­viches tour­neurs» et dis­ciple du pe­tit-fils de Roûmî, sur l’invitation du­quel il en­tre­prit cette ha­gio­gra­phie, qu’il com­mença d’écrire en l’an 1318 et qu’il acheva en l’an 1353 apr. J.-C. Le «Ménâqib-el-‘ârifîn» s’ouvre avec les mo­tifs qui ont obligé Roûmî à quit­ter Balkh et la , ainsi que le dé­sastre qui a at­teint cette contrée et les pertes qu’a su­bies la au sens large, quand les Mon­gols, «troupes de pa­reilles à des sau­te­relles ré­pan­dues sur la , dont il a été dit : “Je les ai créées de Ma puis­sance et de Ma » 4, dé­vas­tèrent cette ré­gion. Balkh, la pre­mière ville que les hordes de Gen­gis Khan trou­vèrent sur leur pas­sage, était, en même que la pa­trie de Roûmî, l’un des hauts lieux cultu­rels d’ : elle était pleine de , d’ouvrages ex­quis, et de tout ce qui pou­vait ser­vir d’ornement à une grande ville, parce qu’elle avait été le sé­jour de plu­sieurs gens illustres en toutes sortes d’, qui avaient contri­bué à sa beauté. Gen­gis Khan avait une grande haine pour cette ville, parce qu’elle avait of­fert re­fuge au Sul­tan du Khâ­rezm, son en­nemi. Il donna l’ordre de mettre à les jeunes, les vieux; de fendre le ventre des en­ceintes; de sa­cri­fier en en­tier les qui se trou­ve­raient dans cette ville; en­suite, de ra­ser en­tiè­re­ment celle-ci. On rap­porte qu’on mit le à douze mille mos­quées de quar­tier, et qu’au mi­lieu de cet in­cen­die, qua­torze mille textes com­plets du furent brû­lés; qu’on mit à mort près de cin­quante mille , étu­diants et «ha­fiz» («hommes ou femmes sa­chant de le Co­ran»), sans comp­ter le com­mun du . Roûmî était alors âgé de cinq ans. Son père par­tit avec toute sa par la route de Ko­nya vers l’Anatolie (Roûm), comme firent un grand nombre d’autres sa­vants qui quit­tèrent la Perse : «Au mi­lieu des contem­po­rains, il ne resta plus trace de plai­sir… L’ et les têtes furent em­por­tés par le vent; les [écoles] et les [col­lèges] de­vinrent des hô­tel­le­ries; la béné dis­pa­rut du , et les té­nèbres de la ty­ran­nie s’appesantirent sur l’univers, qui fut bou­le­versé»

  1. En «مناقب‌العارفین». Par­fois trans­crit «Ma­nâ­qeb ol-âre­fin», «Me­nâkıb-ül-âri­fîn», «Ma­nâ­qib ul-‘ârifîn», «Menāqibu’l ‘ārifīn», «Ma­nâ­qeb al-’ârefin» ou «Manāḳib al-‘ārifīn». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit « des mys­tiques» ou «Les Ver­tus des mys­tiques». Icône Haut
  1. En per­san شمس‌الدین احمد افلاکی. Par­fois trans­crit Şem­sed­dîn Ah­med Eflâkî, Shems-ud-din Ah­med Eflaki, Shemsu-’d-Dīn Ah­med Eflākī, Chams ud­din Ah­mad Aflaki, Šams-al-dīn Aḥ­mad Aflākī ou Shams al-Dīn Aḥ­mad Aflākī. Icône Haut
  2. «Tome I», p. 9. Icône Haut

« Anthologie de la poésie persane (XIᵉ-XXᵉ siècle) »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit d’une per­sane (XIe-XXe siècle). La est le ta­lent propre et par­ti­cu­lier des Per­sans, et la par­tie de leur lit­té­ra­ture où ils ex­cellent : la vi­va­cité de leur , la po­li­tesse de leurs mœurs, la dou­ceur de leur , telles sont peut-être les de leur fé­con­dité . Un qui ne sait pas un mot de ne lais­sera pas, en en­ten­dant ré­ci­ter des vers per­sans, d’être épris du son et de la ca­dence qui y est très sen­sible. Al­lez en , par­lez aux gens dans la rue, aux bou­chers, aux mar­chands; ils fe­ront en­trer dans leur ré­ponse des tour­nures qui suf­fi­ront à vous plon­ger dans une rê­ve­rie pro­fonde. Comme dit Hâ­fez :

«Le se­cret de que le gnos­tique pè­le­rin ne dit à per­sonne,
Je suis stu­pé­fait, ne sa­chant d’où le mar­chand de l’a en­tendu
» 1.

Si les belles-lettres de l’ comptent parmi les plus re­mar­quables du , c’est avant tout grâce au . Les pre­miers maîtres dans l’art de la étaient d’origine per­sane, même s’ils avaient passé leur dans la pra­tique de la langue . Tous les qui ont des prin­cipes fon­da­men­taux de la science, tous ceux qui se sont dis­tin­gués dans la , et la plu­part de ceux qui ont cultivé l’exégèse co­ra­nique, ap­par­te­naient à la race per­sane ou s’étaient as­si­mi­lés aux Per­sans par les ma­nières et par l’. Cela suf­fit pour dé­mon­trer la de la at­tri­buée au pro­phète Ma­ho­met : «Si la science était sus­pen­due au haut du , il y au­rait des gens parmi les Per­sans pour s’en em­pa­rer» 2. Comme dit Jan Rypka : «Les Ira­niens sont les de l’Orient. Chez les uns comme chez les autres, la pro­duc­tion lit­té­raire et ar­tis­tique pré­sente une éten­due et une va­leur in­ap­pré­ciables…

  1. «Le Di­van : œuvre ly­rique d’un spi­ri­tuel en Perse au XIVe siècle», p. 639. Icône Haut
  1. Dans Ibn Khal­doun, «Pro­lé­go­mènes». Icône Haut

« Les Premiers Poètes persans (IXᵉ-Xᵉ siècle) : fragments »

éd. Département d’iranologie de l’Institut franco-iranien-Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, Téhéran-Paris

éd. Dé­par­te­ment d’iranologie de l’Institut franco--Li­brai­rie d’ et d’ A. Mai­son­neuve, Té­hé­ran-Pa­ris

Il s’agit d’une per­sane (IXe-Xe siècle). La est le ta­lent propre et par­ti­cu­lier des Per­sans, et la par­tie de leur lit­té­ra­ture où ils ex­cellent : la vi­va­cité de leur , la po­li­tesse de leurs mœurs, la dou­ceur de leur , telles sont peut-être les de leur fé­con­dité . Un qui ne sait pas un mot de ne lais­sera pas, en en­ten­dant ré­ci­ter des vers per­sans, d’être épris du son et de la ca­dence qui y est très sen­sible. Al­lez en , par­lez aux gens dans la rue, aux bou­chers, aux mar­chands; ils fe­ront en­trer dans leur ré­ponse des tour­nures qui suf­fi­ront à vous plon­ger dans une rê­ve­rie pro­fonde. Comme dit Hâ­fez :

«Le se­cret de que le gnos­tique pè­le­rin ne dit à per­sonne,
Je suis stu­pé­fait, ne sa­chant d’où le mar­chand de l’a en­tendu
» 1.

Si les belles-lettres de l’ comptent parmi les plus re­mar­quables du , c’est avant tout grâce au ira­nien. Les pre­miers maîtres dans l’art de la étaient d’origine per­sane, même s’ils avaient passé leur dans la pra­tique de la langue . Tous les qui ont des prin­cipes fon­da­men­taux de la science, tous ceux qui se sont dis­tin­gués dans la , et la plu­part de ceux qui ont cultivé l’exégèse co­ra­nique, ap­par­te­naient à la race per­sane ou s’étaient as­si­mi­lés aux Per­sans par les ma­nières et par l’. Cela suf­fit pour dé­mon­trer la de la at­tri­buée au pro­phète Ma­ho­met : «Si la science était sus­pen­due au haut du , il y au­rait des gens parmi les Per­sans pour s’en em­pa­rer» 2. Comme dit Jan Rypka : «Les Ira­niens sont les de l’Orient. Chez les uns comme chez les autres, la pro­duc­tion lit­té­raire et ar­tis­tique pré­sente une éten­due et une va­leur in­ap­pré­ciables…

  1. «Le Di­van : œuvre ly­rique d’un spi­ri­tuel en Perse au XIVe siècle», p. 639. Icône Haut
  1. Dans Ibn Khal­doun, «Pro­lé­go­mènes». Icône Haut

Abou-Nowâs, « Le Vin, le Vent, la Vie : choix de poèmes »

éd. Actes Sud-Sindbad, Arles

éd. Actes Sud-Sind­bad, Arles

Il s’agit d’ 1 (VIIIe-IXe siècle apr. J.-C.), poète d’expression , «ivrogne, pé­dé­raste, li­ber­tin, demi-fou de Hâ­roun al-Ra­chîd, aussi connu par ses bons mots et ses fa­cé­ties, que par ses vers» 2. Il na­quit à Ah­vaz, d’un père arabe qui le laissa or­phe­lin, et d’une mère per­sane qui le ven­dit à un mar­chand d’épices de Bas­so­rah. L’enfant, ce­pen­dant, n’avait au­cune es­pèce d’aptitude pour le ; il ne pre­nait in­té­rêt qu’aux choses de l’esprit et af­fec­tion­nait par­ti­cu­liè­re­ment les belles lettres. Il n’avait qu’un  : ce­lui d’approcher le poète Wâ­liba ibn al-Hou­bab. , il ad­vint qu’un jour ce poète li­ber­tin et ama­teur de gar­çons s’arrêta de­vant la bou­tique d’épices et dis­tin­gua le jeune Abou-Nowâs pour sa mine. Il lui pro­posa de l’emmener avec lui à  : «J’ai re­mar­qué en toi les signes non équi­voques d’un grand ta­lent qui ne de­mande qu’à s’épanouir», lui dit-il 3. Plus tard, le bruit de son ta­lent étant par­venu aux oreilles de Hâ­roun al-Ra­chîd, ce prince le fit ve­nir à sa Cour, où il le lo­gea et ré­pan­dit sur lui ses bien­faits. Abou-Nowâs, par ses saillies aussi heu­reuses que har­dies, par son sa­voir des ex­pres­sions rares et par le charme de ses poé­sies, fit les dé­lices de la Cour brillante de ce prince. Al-Ja­hiz, l’un des hommes les plus éru­dits de ce , di­sait : «Je ne connais pas à Abou-Nowâs d’égal pour la connais­sance de la arabe». Et Abou-Nowâs di­sait lui-même : «Je n’ai pas dit un vers avant d’avoir étu­dié soixante , dont al-Khansâ et Laylâ, et que dire du nombre des !» 4 Ja­mais il ne re­nia, pour au­tant, ses per­sanes : il se mo­qua sans re­te­nue de la gloire des Arabes «qui ne sont pas les seuls élus de »; il at­ta­qua cet es­prit de race, cet tri­bal si im­por­tant dans la arabe, et dont s’armait un Fé­raz­dak peu de temps au­pa­ra­vant; en­fin, sa raf­fi­née et dis­so­lue re­fusa de se plier aux mœurs aus­tères du Bé­douin «man­geur de lé­zard et bu­veur d’ de puits dans les outres» me­nant une pré­caire sur une « aride peu­plée d’hyènes et de cha­cals»

  1. En arabe أبو نواس. Par­fois trans­crit Abou-Na­vas, Abou Na­was, Abou-Nao­vas, Ebu Nü­vas, Abou Nouas, Aboû Nouwâs ou Abū Nuwās. Icône Haut
  2. An­dré Gide, « cri­tiques» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 105. Icône Haut
  1. Dans Wa­cyf Bou­tros Ghali, «Le Jar­din des », p. 212. Icône Haut
  2. Dans id. p. 213. Icône Haut

Abou-Nowâs, « Poèmes bachiques et libertins »

éd. Verticales, Paris

éd. Ver­ti­cales, Pa­ris

Il s’agit d’ 1 (VIIIe-IXe siècle apr. J.-C.), poète d’expression , «ivrogne, pé­dé­raste, li­ber­tin, demi-fou de Hâ­roun al-Ra­chîd, aussi connu par ses bons mots et ses fa­cé­ties, que par ses vers» 2. Il na­quit à Ah­vaz, d’un père arabe qui le laissa or­phe­lin, et d’une mère per­sane qui le ven­dit à un mar­chand d’épices de Bas­so­rah. L’enfant, ce­pen­dant, n’avait au­cune es­pèce d’aptitude pour le ; il ne pre­nait in­té­rêt qu’aux choses de l’esprit et af­fec­tion­nait par­ti­cu­liè­re­ment les belles lettres. Il n’avait qu’un  : ce­lui d’approcher le poète Wâ­liba ibn al-Hou­bab. , il ad­vint qu’un jour ce poète li­ber­tin et ama­teur de gar­çons s’arrêta de­vant la bou­tique d’épices et dis­tin­gua le jeune Abou-Nowâs pour sa mine. Il lui pro­posa de l’emmener avec lui à  : «J’ai re­mar­qué en toi les signes non équi­voques d’un grand ta­lent qui ne de­mande qu’à s’épanouir», lui dit-il 3. Plus tard, le bruit de son ta­lent étant par­venu aux oreilles de Hâ­roun al-Ra­chîd, ce prince le fit ve­nir à sa Cour, où il le lo­gea et ré­pan­dit sur lui ses bien­faits. Abou-Nowâs, par ses saillies aussi heu­reuses que har­dies, par son sa­voir des ex­pres­sions rares et par le charme de ses poé­sies, fit les dé­lices de la Cour brillante de ce prince. Al-Ja­hiz, l’un des hommes les plus éru­dits de ce , di­sait : «Je ne connais pas à Abou-Nowâs d’égal pour la connais­sance de la arabe». Et Abou-Nowâs di­sait lui-même : «Je n’ai pas dit un vers avant d’avoir étu­dié soixante , dont al-Khansâ et Laylâ, et que dire du nombre des !» 4 Ja­mais il ne re­nia, pour au­tant, ses per­sanes : il se mo­qua sans re­te­nue de la gloire des Arabes «qui ne sont pas les seuls élus de »; il at­ta­qua cet es­prit de race, cet tri­bal si im­por­tant dans la arabe, et dont s’armait un Fé­raz­dak peu de temps au­pa­ra­vant; en­fin, sa raf­fi­née et dis­so­lue re­fusa de se plier aux mœurs aus­tères du Bé­douin «man­geur de lé­zard et bu­veur d’ de puits dans les outres» me­nant une pré­caire sur une « aride peu­plée d’hyènes et de cha­cals»

  1. En arabe أبو نواس. Par­fois trans­crit Abou-Na­vas, Abou Na­was, Abou-Nao­vas, Ebu Nü­vas, Abou Nouas, Aboû Nouwâs ou Abū Nuwās. Icône Haut
  2. An­dré Gide, « cri­tiques» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 105. Icône Haut
  1. Dans Wa­cyf Bou­tros Ghali, «Le Jar­din des », p. 212. Icône Haut
  2. Dans id. p. 213. Icône Haut

Hamadhânî, « Le Livre des vagabonds : séances d’un beau parleur impénitent »

éd. Phébus, coll. Domaine arabe, Paris

éd. Phé­bus, coll. Do­maine , Pa­ris

Il s’agit des «Ma­qâ­mât» 1Séances») de Ha­madhânî 2 (Xe siècle apr. J.-C.), lit­té­ra­teur d’expression arabe, éga­le­ment connu sous le sur­nom de Badî‘ al-Za­mân 3le mi­racle de son siècle»). Les «Ma­qâ­mât» sont des al­lo­cu­tions d’apparat ou joutes d’, des acro­ba­ties poé­tiques ou pres­ti­di­gi­ta­tions lexi­co­gra­phiques, que pra­ti­quaient en­semble les gens de lettres. Cette ma­nière de briller, dans les cercles et les com­pa­gnies, par des pièces en vers et en prose était aussi fré­quente parmi les Orien­taux, qu’elle l’avait été au­tre­fois chez les Athé­niens, et qu’elle le sera plus tard dans les sa­lons mon­dains de Pa­ris. Les Orien­taux ont plu­sieurs de ces «Ma­qâ­mât», qui passent parmi eux pour des -d’œuvre du bel es­prit et du beau . Ha­madhânî a été le pre­mier à en pu­blier. Ha­rîrî l’a imité et, de l’avis gé­né­ral, sur­passé; en sorte que M. , tra­duc­teur arabe, dit que «le livre de Ha­rîrî est sans , aux cô­tés des “Mille et une Nuits”, la meilleure in­tro­duc­tion que nous sa­chions aux mys­tères de l’ arabe, et aux se­crets de l’arme qu’elle a tou­jours pri­vi­lé­giée : la » 4. Il n’est pas pos­sible, en ef­fet, de pé­né­trer et d’approfondir les fi­nesses de la arabe sans l’étude préa­lable de ces «Ma­qâ­mât», sortes d’écrins de la mu­sul­mane. Le ca­ne­vas sur le­quel Ha­madhânî et Ha­rîrî ont brodé ces com­po­si­tions est un des plus ori­gi­naux de la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. C’est la sé­rie des mé­ta­mor­phoses et des tra­ves­tis­se­ments d’un men­diant let­tré, sorte de co­quin éhonté, aussi exercé en sub­ti­li­tés gram­ma­ti­cales qu’en es­cro­que­ries, ne fai­sant ser­vir sa science lit­té­raire qu’à ex­tor­quer quelque au­mône, et payant ses dî­ners en bons mots et en ti­rades dé­nuées de points dia­cri­tiques. Tour à tour imam ou pè­le­rin, mar­chand am­bu­lant ou faux mé­de­cin, aveugle ou pied-bot, ri­gide cen­seur ou vo­leur avide, il sait re­tour­ner sa veste et contre­faire sa , gri­mer sa et far­der son es­prit, chan­ger ses mé­tiers et va­rier ses prin­cipes se­lon la cir­cons­tance. «Aujourd’hui ver­tueux et dé­vot, il édi­fie par son hu­mi­lité ceux que la veille il scan­da­li­sait par son ef­fronté», dit Au­guste Cher­bon­neau 5. «Tan­tôt re­vêtu de haillons, il vante la fru­gale et prêche la ; tan­tôt paré des ha­bits de l’opulence, il chante la bonne chère et les joyeux plai­sirs. Vi­vant d’artifices… il raille les sots, dupe les âmes cré­dules, et par­vient tou­jours à mettre les rieurs de son côté.»

  1. En arabe «مقامات». Par­fois trans­crit «Me­qâ­mât», «Mé­ka­mat», «Mé­ca­mat», «Mo­ca­mat», «Ma­qua­mates», «Ma­quâmes», «Ma­ca­mat» ou «Maḳāmāt». Icône Haut
  2. En per­san همدانی. Par­fois trans­crit Ha­ma­dâny ou Ha­madānī. Icône Haut
  3. En per­san بدیع‌الزمان. Par­fois trans­crit Bédi-al­zé­man, Badi uz-Za­man, Bady-l-ze­mân, Badī‘ az-Zamān ou Badî al-Za­mâne. Icône Haut
  1. «Pré­face au “Livre des ma­lins : séances d’un va­ga­bond de de Ha­rîrî», p. 10. Icône Haut
  2. «Pré­face à “Ex­trait des Mé­ka­mat de Ha­riri. XXXe séance : la noce des men­diants”», p. IV. Icône Haut

« La Courtoisie dans la poésie irakienne : un poète de transition, Baššār b. Burd »

dans Jean-Claude Vadet, « L’Esprit courtois en Orient » (éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, Paris), p. 159-193

dans Jean-Claude Va­det, «L’Esprit cour­tois en » (éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, Pa­ris), p. 159-193

Il s’agit de Ba­char ibn Bourd 1, poète d’expression (VIIIe siècle apr. J.-C.). Il na­quit en , où son père avait été amené comme es­clave. Lui-même était es­clave, mais ayant ob­tenu son af­fran­chis­se­ment de la femme arabe dont il était la pro­priété, il vé­cut tan­tôt à Bas­so­rah, sa ville na­tale, tan­tôt à . Tou­te­fois, quand on lui de­man­dait d’où pro­ve­nait le mé­rite des poé­sies qu’il com­po­sait, il en fai­sait re­mon­ter l’origine à la li­gnée des an­ciens rois de , à la­quelle il se rat­ta­chait. C’était un zo­roas­trien qui ne ca­chait pas sa haine en­vers les et qui re­mer­ciait le de l’avoir privé de la vue «pour ne pas voir ceux que je hais», di­sait-il 2. Car, en ef­fet, Ba­char était aveugle de nais­sance. À cette in­fir­mité, qui avait placé deux mor­ceaux de chair rouge à la place de ses yeux, s’ajoutaient éga­le­ment les lai­deurs d’une va­riole, qu’il avait eue dans sa . Et ce­pen­dant, «la l’[avait doté] d’une pro­di­gieuse in­ven­tion ver­bale, d’une sans faille et d’une qui lui fai­sait pé­né­trer tout ce qu’elle tou­chait ou de­vi­nait», dit M. Ré­gis Bla­chère 3. Avant de ré­ci­ter une , Ba­char frap­pait dans ses mains comme un fou, tous­sait et cra­chait à droite et à gauche; mais dès qu’il avait ou­vert la bouche, il pro­vo­quait l’admiration. Ses séances de poé­sie étaient par­ti­cu­liè­re­ment fré­quen­tées par les , et il lui ar­ri­vait de s’éprendre d’ au seul son d’une ou à la qu’on lui fai­sait d’une beauté. On lui de­manda : «Com­ment peux-tu ai­mer sans même avoir vu?» Il ré­pon­dit : «Sou­vent l’oreille aime avant l’» 4. Et aussi :

«Lais­sez mon cœur à son choix et conten­te­ment!
C’est par le cœur, non par les yeux, que re­garde l’amant.
Dans l’instance d’amour, les yeux ne voient, les oreilles n’entendent que par le cœur
»

  1. En arabe بشار بن برد. Par­fois trans­crit Ba­ch­châr ibn Bourd, Ba­ch­char b. Bord, Ba­char-ben-Berd, Bas­schâr ibn Bord, Basch­schar ibn Burd, Ba­shar ibnu Bourd ou Baššār b. Burd. Icône Haut
  2. Dans , «», p. 68. Icône Haut
  1. «Le Cas Baššâr dans le dé­ve­lop­pe­ment de la ». Icône Haut
  2. Dans «La Poé­sie arabe; éta­blie, tra­duite et pré­sen­tée par » (éd. Phé­bus, coll. Do­maine arabe, Pa­ris), p. 128. Icône Haut

Bâyazîd, « Les Dits, “Shatahât” »

éd. Fayard, coll. L’Espace intérieur, Paris

éd. Fayard, coll. L’ in­té­rieur, Pa­ris

Il s’agit des «Dits ex­ta­tiques» («Sha­ta­hât» 1) de Bâyazîd Bis­tâmî 2, l’un des pre­miers de la , et aussi l’un des plus cé­lèbres (IXe siècle apr. J.-C.). Cet so­li­taire at­tei­gnit le plus haut de­gré du , c’est-à-dire l’union avec , au point qu’il di­sait être de­venu Dieu Lui-même : «Je me suis dé­pouillé de mon “” comme la vi­père de sa peau. Puis je me suis é : j’étais Lui» 3. Et plus loin : «Louange à moi, louange à moi! je suis [le] Sei­gneur Très-Haut» 4Sub­hânî, sub­hânî! mâ a’zam sha’nî» 5). Ces pa­roles au­da­cieuses, qu’il faut prendre au sens al­lé­go­rique, faillirent lui coû­ter la ; elles coû­te­ront celle de Hal­lâj. Un maître soufi et un contem­po­rain de Bâyazîd, Ju­nayd Bagh­dâdî, les tra­duira en , dans la­quelle elles sont par­ve­nues jusqu’à nous. La du dé­pouille­ment se ma­ni­fes­tait chez Bâyazîd par le re­non­ce­ment au et par la su­bli­ma­tion des actes spi­ri­tuels tels que la . Chaque fois qu’il sou­hai­tait mé­di­ter, Bâyazîd s’enfermait dans sa mai­son et en bou­chait tous les ori­fices, pour qu’aucun bruit n’y pé­né­trât. Si, mal­gré tout, quelque cu­rieux frap­pait à sa porte, il criait : «Qui cherches-tu? — Bâyazîd Bis­tâmî. — Mon en­fant, Bâyazîd Bis­tâmî cherche Bâyazîd Bis­tâmî de­puis qua­rante ans» 6. Comme on ne le voyait ja­mais aux cé­ré­mo­nies ni aux ré­cep­tions, on le lui re­pro­cha : «Ja­dis, les ren­daient vi­site aux ma­lades, as­sis­taient aux fu­né­railles et al­laient pré­sen­ter leurs condo­léances». À quoi il ré­pon­dit : «Ils agis­saient ainsi gui­dés par leur ; ils ne sont pas comme moi qui suis dé­pos­sédé de ma rai­son» 7. On lui de­manda d’où lui ve­nait l’état de , dans le­quel il se trou­vait : «J’ai ras­sem­blé toutes les né­ces­si­tés de la vie, je les ai fa­go­tées avec la corde du conten­te­ment… et je les ai lan­cées dans l’océan du déses­poir. Alors, je fus sou­lagé»

  1. En arabe «شطحات». Par­fois trans­crit «Šaṭaḥāt» ou «Cha­ta­hât». Icône Haut
  2. En بایزید بسطامی. Au­tre­fois trans­crit Baei­zeed Bas­tamy, Baya­zid Bus­tami, Bayé­zid Bis­thâmî, Báya­zyd Bistámy, Baye­zid-Bes­tamy ou Bāyazīd Besṭāmī. En arabe Abû Yazîd Bis­tâmî (أبو يزيد البسطامي). Au­tre­fois trans­crit Abu Ie­zid al Bas­thami, Abu Ya­zid al Bas­tami, Abou-Ye­zid-al-Bos­tami ou Abû-Jezîd el-Bes­thâmî. Icône Haut
  3. p. 59. Icône Haut
  4. p. 44. Icône Haut
  1. En arabe «سبحاني سبحاني ما أعظم شأني». Icône Haut
  2. p. 40. Icône Haut
  3. p. 89. Icône Haut

« Les Paroles remarquables, les Bons Mots et les Maximes des Orientaux »

éd. Maisonneuve et Larose, coll. Dédale, Paris

éd. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Dé­dale, Pa­ris

Il s’agit d’un re­cueil de arabes, per­sans et turcs. Nul genre d’ n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en ; dès qu’ils eurent consti­tué un suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit -Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour sur l’ de la , dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La , qui contient plu­sieurs de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les des » 2. Les de la eurent la même que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le ou l’esprit propre à chaque , et les dé­tails de sa pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du », dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces , très nom­breuses du de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’ de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Icône Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Icône Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Icône Haut

Hallâj, « Recueil du “Dîwân” • Hymnes et Prières • Sentences prophétiques et philosophiques »

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Islam, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-, Pa­ris

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, et poète d’expression , plus connu sous le sur­nom de  1car­deur de co­ton»). «Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre», ex­plique Louis Mas­si­gnon 2. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec , et pour avoir dit de­vant tout le , sous l’empire de l’extase : «Je suis la sou­ve­raine Vé­rité» («Anâ al-Haqq» 3), c’est-à-dire «Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est » 4, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : «illu­sion, illu­sion», jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : «vé­rité, vé­rité» 5. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : «As-tu avec toi ton de prière? — Oui. — Étends-le-moi» 6. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du  : «Toute goû­tera la … car qu’est-ce que la ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés?» 7 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

«Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
»

  1. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Icône Haut
  2. «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 142. Icône Haut
  3. En arabe «اناالحق». Par­fois trans­crit «Ana al­hakk», «Ana’l Hagg» ou «En el-Hak». Icône Haut
  4. «Re­cueil du “Dîwân”», p. 129. Icône Haut
  1. Dans Louis Mas­si­gnon, «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 620. Icône Haut
  2. Dans id. p. 649. Icône Haut
  3. III, 185. Icône Haut

Hallâj, « Le Livre “Tâwasîn” • Le Jardin de la connaissance »

éd. Albouraq, Beyrouth

éd. Al­bou­raq, Bey­routh

Il s’agit du «Livre du Tâ et du Sîn» («Ki­tâb al-Tâ-wa-Sîn» 1) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, et poète d’expression , plus connu sous le sur­nom de  2car­deur de co­ton»). «Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre», ex­plique Louis Mas­si­gnon 3. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec , et pour avoir dit de­vant tout le , sous l’empire de l’extase : «Je suis la sou­ve­raine Vé­rité» («Anâ al-Haqq» 4), c’est-à-dire «Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est » 5, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : «illu­sion, illu­sion», jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : «vé­rité, vé­rité» 6. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : «As-tu avec toi ton de prière? — Oui. — Étends-le-moi» 7. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du  : «Toute goû­tera la … car qu’est-ce que la ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés?» 8 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

«Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
»

  1. En arabe «كتاب الطاوسين». Par suite d’une faute, «كتاب الطواسين», trans­crit «Ki­tâb al Tawâ­sîn» ou «Ki­taab at-Ta­waa­seen». Icône Haut
  2. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Icône Haut
  3. «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 142. Icône Haut
  4. En arabe «اناالحق». Par­fois trans­crit «Ana al­hakk», «Ana’l Hagg» ou «En el-Hak». Icône Haut
  1. «Re­cueil du “Dîwân”», p. 129. Icône Haut
  2. Dans Louis Mas­si­gnon, «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 620. Icône Haut
  3. Dans id. p. 649. Icône Haut
  4. III, 185. Icône Haut