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« Sagas islandaises »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit de la « d’Eiríkr le Rouge» («Eiríks Saga rauða») et autres sa­gas is­lan­daises. Du­rant le siècle et demi de leur ré­dac­tion, entre les an­nées 1200 et 1350 apr. J.-C., les sa­gas s’imposent par leur in­ten­sité dra­ma­tique, par leur ra­massé et presque bourru, par leur réa­lisme dur, tem­péré d’ et d’exemples de , comme la lec­ture fa­vo­rite des hommes du Nord et comme le fleu­ron de l’art nar­ra­tif eu­ro­péen. Le mot «saga» vient du verbe «segja» («dire», «ra­con­ter»), qu’on re­trouve dans toutes les langues du Nord : da­nois, «sige»; , «säga»; , «sa­gen»; néer­lan­dais, «zeg­gen»; , «say». On au­rait tort ce­pen­dant d’attribuer à la en­tière la pa­ter­nité de ce genre qui, à une ou deux ex­cep­tions près, est ty­pi­que­ment et ex­clu­si­ve­ment . Il faut avouer que l’ est peu connue, en de­hors de quelques spé­cia­listes. Il n’est donc pas éton­nant que le vul­gaire re­garde les ha­bi­tants de cette île loin­taine presque avec dé­dain. Il les consi­dère comme des demi- ha­billés de peaux de bêtes. Et puis, lorsqu’on vient lui dire que ces mi­sé­rables sau­vages nous ont donné l’ensemble des sa­gas et tout ce que nous li­sons de plus an­cien sur les ci­vi­li­sa­tions nor­diques, à telle en­seigne que la vieille de ces ci­vi­li­sa­tions est sur­nom­mée «le vieil is­lan­dais», cela lui pa­raît un . Mais es­sayons de ré­ta­blir la ! En 874 apr. J.-C. les Nor­vé­giens prirent pied en Is­lande, où ils ne tar­dèrent pas à éta­blir une aris­to­cra­tique. Quel était le nombre des pre­miers co­lons? C’est ce que rien n’indique. On sait seule­ment que, parmi ceux qui y construi­sirent leur de­meure, on comp­tait une ma­jo­rité de fa­milles nobles fuyant le des­pote Ha­rald Ier 1, trop lasses de sa ou trop fières pour l’accepter : «Vers la fin de la de Ke­till», dit une saga 2, «s’éleva la puis­sance du roi Ha­rald à la Belle Che­ve­lure, si bien qu’aucun [sei­gneur], non plus qu’aucun autre d’importance, ne pros­pé­rait dans le pays si le roi ne dis­po­sait à lui seul de [toutes les] pré­ro­ga­tives… Lorsque Ke­till ap­prit que le roi Ha­rald lui des­ti­nait le même lot qu’aux autres puis­sants hommes, [il dit à ses proches] : “J’ai des in­for­ma­tions vé­ri­diques sur la haine que nous voue le roi Ha­rald…; j’ai l’impression que l’on nous donne à choi­sir entre deux choses : fuir le pays ou être tués cha­cun chez ». Tous ceux qui ne vou­laient pas cour­ber la tête sous le sceptre du roi, s’en al­laient à tra­vers les flots cher­cher une heu­reuse « de glace» où il n’y avait en­core ni au­to­rité ni mo­narque; où chaque chef de pou­vait ré­gner en dans sa de­meure, sans avoir du roi : «Il y avait là de bonnes terres, et il n’y avait pas be­soin d’argent pour les ache­ter…; on y pre­nait du et d’autres pois­sons à lon­gueur d’année», ajoute la même saga. Les émi­gra­tions de­vinrent en peu de si fré­quentes et si nom­breuses, que Ha­rald Ier, crai­gnant de voir la Nor­vège se dé­peu­pler, im­posa un tri­but à tous ceux qui la quit­te­raient et par­fois s’empara de leurs biens.

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Ha­ral­dur et Ha­raldr. Icône Haut
  1. «Saga des gens du Val-au-Sau­mon». Icône Haut

« Oracles sibyllins. Livres VI, VII et VIII »

dans « Écrits apocryphes chrétiens. Tome II » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris), p. 1045-1083

dans «Écrits apo­cryphes chré­tiens. Tome II» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 1045-1083

Il s’agit des vers apo­cryphes qu’on ap­pelle « si­byl­lins» («Si­byl­lia­koi Chrês­moi» 1) et qui ne sont que le fruit de la pieuse des juifs et des chré­tiens pour pas­ti­cher les « si­byl­lins» des païens. La si­bylle était une femme ins­pi­rée qui, en­trant en ex­tase, an­non­çait aux mor­tels les choses de l’avenir. Elle met­tait ses par écrit sur des feuilles vo­lantes qu’elle pla­çait à l’entrée de sa grotte. Ceux qui ve­naient la consul­ter, de­vaient faire vite pour s’emparer de ces feuilles dans le même ordre où elle les avait lais­sées, avant qu’elles ne fussent dis­per­sées par les quatre vents. Le pre­mier té­moi­gnage la concer­nant est ce­lui d’Hé­ra­clite, qui dit : «La si­bylle, ni sou­riante, ni far­dée, ni par­fu­mée, de sa bouche dé­li­rante se fai­sant en­tendre, fran­chit mille ans par sa grâce au ». On ne lo­ca­li­sait pas de fa­çon cer­taine cette de­vi­ne­resse se­crète, cette in­car­na­tion sur­hu­maine, presque dé­ga­gée de l’ et du , de sorte qu’on ar­riva à en comp­ter plu­sieurs : la si­bylle phry­gienne, la cu­méenne, celle d’Érythrées, etc. S’il faut en croire les , l’une d’entre elles vint à et pro­posa à Tar­quin le Su­perbe de lui vendre neuf «Livres» de pro­phé­ties qu’elle lui as­sura être au­then­tiques; Tar­quin lui en de­manda le prix. La bonne femme mit un prix si haut, que le roi de Rome crut qu’elle ra­do­tait. Alors, elle jeta trois des vo­lumes dans le et pro­posa à Tar­quin les six autres pour le même prix. Tar­quin la crut en­core plus folle; mais lorsqu’elle en brûla en­core trois autres, sans bais­ser le prix, ce pro­cédé pa­rut si ex­tra­or­di­naire à Tar­quin, qu’il ac­cepta. Quel était le contenu de ces «Livres si­byl­lins»? On n’a ja­mais cessé à Rome de gar­der là-des­sus un se­cret , en consi­dé­ra­tion du dan­ger qu’il au­rait pu y avoir à in­ter­pré­ter les oracles de fa­çon ar­bi­traire, et on a tou­jours ré­servé aux mo­ments d’urgence na­tio­nale la consul­ta­tion de ces «Livres». Deux ma­gis­trats ap­pe­lés «duum­viri sa­cris fa­ciun­dis» avaient pour charge d’en dé­ga­ger le sens et les consé­quences pour les af­faires de l’État si l’occasion s’en pré­sen­tait et à la condi­tion que le sé­nat l’ordonnât. Au­tre­ment, il ne leur était pas per­mis de les ou­vrir. Vers 400 apr. J.-C. ces vo­lumes sa­crés se trou­vaient en­core à Rome, et le cré­dit dont ils jouis­saient ne pa­rais­sait pas de­voir fai­blir de si­tôt, quand Sti­li­con, cé­dant à la pro­pa­gande chré­tienne, or­donna leur des­truc­tion. Il faut lais­ser par­ler le poète Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus pour sa­voir à quel point les païens s’offusquèrent de ce crime : «Il n’en est que plus cruel, le for­fait du si­nistre Sti­li­con», dit Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 2, «car le traître a li­vré le cœur de l’Empire, [en] brû­lant les oracles se­cou­rables de la si­bylle [et en] dé­trui­sant le gage ir­ré­vo­cable de la éter­nelle [de Rome]».

  1. En «Σιϐυλλιακοὶ Χρησμοί». Icône Haut
  1. «Sur son re­tour», liv. II, v. 41-60. Icône Haut

« Oracles sibyllins. Fragments • Livres III, IV et V »

dans « La Bible. Écrits intertestamentaires » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris), p. 1035-1140

dans «La . Écrits in­ter­tes­ta­men­taires» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 1035-1140

Il s’agit des vers apo­cryphes qu’on ap­pelle «» («Si­byl­lia­koi Chrês­moi» 1) et qui ne sont que le fruit de la pieuse des juifs et des chré­tiens pour pas­ti­cher les « si­byl­lins» des païens. La si­bylle était une femme ins­pi­rée qui, en­trant en ex­tase, an­non­çait aux mor­tels les choses de l’avenir. Elle met­tait ses par écrit sur des feuilles vo­lantes qu’elle pla­çait à l’entrée de sa grotte. Ceux qui ve­naient la consul­ter, de­vaient faire vite pour s’emparer de ces feuilles dans le même ordre où elle les avait lais­sées, avant qu’elles ne fussent dis­per­sées par les quatre vents. Le pre­mier té­moi­gnage la concer­nant est ce­lui d’Hé­ra­clite, qui dit : «La si­bylle, ni sou­riante, ni far­dée, ni par­fu­mée, de sa bouche dé­li­rante se fai­sant en­tendre, fran­chit mille ans par sa grâce au ». On ne lo­ca­li­sait pas de fa­çon cer­taine cette de­vi­ne­resse se­crète, cette in­car­na­tion sur­hu­maine, presque dé­ga­gée de l’ et du , de sorte qu’on ar­riva à en comp­ter plu­sieurs : la si­bylle phry­gienne, la cu­méenne, celle d’Érythrées, etc. S’il faut en croire les , l’une d’entre elles vint à et pro­posa à Tar­quin le Su­perbe de lui vendre neuf «Livres» de pro­phé­ties qu’elle lui as­sura être au­then­tiques; Tar­quin lui en de­manda le prix. La bonne femme mit un prix si haut, que le roi de Rome crut qu’elle ra­do­tait. Alors, elle jeta trois des vo­lumes dans le et pro­posa à Tar­quin les six autres pour le même prix. Tar­quin la crut en­core plus folle; mais lorsqu’elle en brûla en­core trois autres, sans bais­ser le prix, ce pro­cédé pa­rut si ex­tra­or­di­naire à Tar­quin, qu’il ac­cepta. Quel était le contenu de ces «Livres si­byl­lins»? On n’a ja­mais cessé à Rome de gar­der là-des­sus un se­cret , en consi­dé­ra­tion du dan­ger qu’il au­rait pu y avoir à in­ter­pré­ter les de fa­çon ar­bi­traire, et on a tou­jours ré­servé aux mo­ments d’urgence na­tio­nale la consul­ta­tion de ces «Livres». Deux ma­gis­trats ap­pe­lés «duum­viri sa­cris fa­ciun­dis» avaient pour charge d’en dé­ga­ger le sens et les consé­quences pour les af­faires de l’État si l’occasion s’en pré­sen­tait et à la condi­tion que le sé­nat l’ordonnât. Au­tre­ment, il ne leur était pas per­mis de les ou­vrir. Vers 400 apr. J.-C. ces vo­lumes sa­crés se trou­vaient en­core à Rome, et le cré­dit dont ils jouis­saient ne pa­rais­sait pas de­voir fai­blir de si­tôt, quand Sti­li­con, cé­dant à la pro­pa­gande chré­tienne, or­donna leur des­truc­tion. Il faut lais­ser par­ler le poète Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus pour sa­voir à quel point les païens s’offusquèrent de ce crime : «Il n’en est que plus cruel, le for­fait du si­nistre Sti­li­con», dit Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 2, «car le traître a li­vré le cœur de l’Empire, [en] brû­lant les oracles se­cou­rables de la si­bylle [et en] dé­trui­sant le gage ir­ré­vo­cable de la éter­nelle [de Rome]».

  1. En «Σιϐυλλιακοὶ Χρησμοί». Icône Haut
  1. «Sur son re­tour», liv. II, v. 41-60. Icône Haut

Julien le Chaldéen et Julien le Théurge, « La Sagesse des Chaldéens : les “Oracles chaldaïques” »

éd. Les Belles Lettres, coll. Aux sources de la tradition, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Aux de la tra­di­tion, Pa­ris

Il s’agit des « chal­daïques» («Lo­gia chal­daïka» 1), un pot-pourri de toute es­pèce d’ésotérismes de l’, un mé­lange de oc­culte, de , d’ dé­li­rante, de ri­tuels théur­giques, de ré­vé­la­tions cen­sées pro­ve­nir de la bouche des eux-mêmes. Pour­quoi ces «Oracles» s’appellent-ils donc «chal­daïques»? Les Chal­déens étaient consi­dé­rés comme les plus des Ba­by­lo­niens et for­maient, dans la di­vi­sion so­ciale de la , une classe à peu près com­pa­rable à celle des . Choi­sis pour exer­cer les fonc­tions du culte pu­blic des dieux, ils pas­saient leur ap­pli­qués aux études as­tro­lo­giques. De par ces études et de par les coïn­ci­dences mer­veilleuses qu’ils croyaient re­con­naître entre, d’un côté, le mou­ve­ment si com­pli­qué et pour­tant si ré­gu­lier des astres, de l’autre côté, la des­ti­née hu­maine et les ac­ci­dents de l’, leur de­vint su­bor­don­née aux pré­sages et à la . La pré­pon­dé­rance de ces pra­tiques frappa tant l’esprit des vi­si­teurs de Ba­by­lone que, dès avant notre ère, le mot «Chal­déen» per­dit son sens eth­nique et vint à si­gni­fier chez les Grecs et les Ro­mains «un mage, un de­vin». Puis, par une même confu­sion, il de­vint sy­no­nyme de «ma­gi­cien». De là, le titre tau­to­lo­gique d’«Oracles ma­giques des mages» («Ma­gika lo­gia tôn ma­gôn» 2) que porte une des édi­tions des «Oracles chal­daïques». On fait re­mon­ter l’origine de ce livre à deux Ju­liens — père et fils — qui vi­vaient au IIe siècle apr. J.-C., en . Le père, sur­nommé «le Chal­déen», était phi­lo­sophe pla­to­ni­cien en plus d’être mage; quant au fils, sur­nommé «le Théurge», il avait été fait mé­dium dans les cir­cons­tances ex­tra­or­di­naires que voici : «Son père, au mo­ment où il était sur le point de l’engendrer, de­manda au ras­sem­bleur de l’univers une ar­chan­gé­lique pour l’ de son fils; et, une fois né, il le mit au contact de tous les dieux et de l’âme de Pla­ton… Par moyen de l’art hié­ra­tique, il l’éleva jusqu’à l’époptie [c’est-à-dire la vi­sion im­mé­diate] de cette âme de Pla­ton pour pou­voir l’interroger sur ce qu’il vou­lait» 3. Bref, Pla­ton et les dieux, in­ter­ro­gés par le père, ré­pon­daient par la bouche du fils, qui n’était plus lui-même quand il par­lait. Ils pro­non­çaient leurs pré­dic­tions et leurs avis, qu’ils psal­mo­diaient en vers; et ayant dit, ils s’en al­laient.

  1. En «Λόγια χαλδαϊκά». Icône Haut
  2. En grec «Μαγικὰ λόγια τῶν μάγων». Icône Haut
  1. Mi­chel Psel­los, «La Chaîne d’ chez » («Περὶ τῆς χρυσῆς ἁλύσεως τῆς παρ’ Ὁμήρῳ»). Icône Haut

Jean de Nikiou, « Chronique »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la Chro­nique de l’évêque Jean de Ni­kiou 1, uni­ver­selle qui com­mence à Adam et Ève pour al­ler jusqu’au VIIe siècle apr. J.-C., où elle fut écrite. Comme on s’y at­ten­drait, l’étendue des cha­pitres et leur in­té­rêt vont crois­sant à me­sure qu’on ap­proche de l’époque de l’auteur et culminent avec la conquête de l’ par les , dont la Chro­nique offre un té­moi­gnage ocu­laire de pre­mière im­por­tance. L’original copte fut, à une époque in­cer­taine, tra­duit en , et de l’arabe en . Nous n’avons plus que cette der­nière ver­sion (XVIIe siècle apr. J.-C.). Elle est due à un diacre (nommé Ga­briel) émi­gré en Éthio­pie et qui de­vait sa­voir la in­di­gène, car il a vu sa co­pie ré­vi­sée par un let­tré éthio­pien (nommé Mĕḫĕrkā Dĕngĕl 2). Nous sa­vons peu de choses sur l’auteur ori­gi­nal (Jean) qui s’est mo­des­te­ment abs­tenu de par­ler de lui-même. La ville dont il était l’évêque s’appelait Ni­kious ou Ni­kiou 3, et ses ruines se si­tuent près de l’actuelle ville de Me­nouf, au Nord de l’Égypte. Dans la pré­face pla­cée au com­men­ce­ment du livre par le tra­duc­teur arabe et re­pro­duite dans la ver­sion éthio­pienne, le nom de Jean est ac­com­pa­gné du titre de «mu­dab­bar» 4 ou «mu­dabbĕr» 5, du mot arabe «mu­dab­bir» 6ad­mi­nis­tra­teur»), qui dé­signe ici un «rec­teur des cou­vents». , l’évêque Sé­vère, dans son «His­toire des pa­triarches d’Alexandrie», dit que ce titre de «mu­dab­bir» avait été conféré à Jean par le pa­triarche Si­mon, mais qu’il en fut dé­chu sous ce même pa­triarche dans les cir­cons­tances que voici : Il ar­riva que quelques moines en­le­vèrent une jeune re­li­gieuse, l’amenèrent dans la val­lée de Ha­bib et la vio­lèrent. Sur l’ordre de Jean, les au­teurs du mé­fait su­birent une si sé­vère, que l’un d’eux en mou­rut dix jours après. Alors, les autres évêques de la contrée se réunirent; et Jean, pour avoir ex­cédé les li­mites du châ­ti­ment cor­po­rel per­mis, fut privé de son titre de «mu­dab­bir», in­ter­dit des fonc­tions épis­co­pales et ré­duit à la condi­tion d’un simple moine. On peut donc pré­su­mer qu’il écri­vit sa Chro­nique peu avant sa des­ti­tu­tion, entre les an­nées 692 et 700.

  1. Par­fois trans­crit Jean de Ni­kiu. Icône Haut
  2. En éthio­pien ምኅርካ ፡ ድንግል ፡. Icône Haut
  3. En Νικίους ou Νικίου. Icône Haut
  1. En éthio­pien ሙደበር ፡. Au­tre­fois trans­crit «mou­dab­bar». Icône Haut
  2. En éthio­pien ሙደብር ፡. Au­tre­fois trans­crit «mou­dab­ber». Icône Haut
  3. En arabe مدبّر. Au­tre­fois trans­crit «mou­dab­bir». Icône Haut

Hô Chi Minh (Nguyên Ai Quôc), « Le Procès de la colonisation française et Autres Textes de jeunesse »

éd. Le Temps des cerises, Pantin

éd. Le des ce­rises, Pan­tin

Il s’agit du « de la fran­çaise», des «Re­ven­di­ca­tions du an­na­mite» et autres textes de d’Hô Chi Minh 1. Ainsi que l’a re­mar­qué un bio­graphe d’Hô Chi Minh 2, «tout ce qui touche à la du fu­tur pré­sident de la dé­mo­cra­tique du jusqu’en 1941 est frag­men­taire, ap­proxi­ma­tif, contro­versé». À ce jour, au­cune étude sys­té­ma­tique n’a été en­tre­prise, au­cune pu­bli­ca­tion ex­haus­tive n’a été faite sur la pé­riode pa­ri­sienne du cé­lèbre ré­vo­lu­tion­naire , pé­riode pour­tant dé­ci­sive en ce qui concerne sa for­ma­tion idéo­lo­gique — la vie dans un en­tre­sol de la rue du Mar­ché-des-Pa­triarches, la fré­quen­ta­tion as­si­due de la Bi­blio­thèque na­tio­nale, «où il s’installait de 10 à 17 heures, presque chaque jour» 3, les mee­tings guet­tés par la po­lice, les ar­ticles pour «L’», «La Re­vue com­mu­niste», «Le Li­ber­taire», etc., en­fin, la fon­da­tion du «Pa­ria», jour­nal an­ti­co­lo­nia­liste, dont il fut à la fois le di­rec­teur et le plus fé­cond des contri­bu­teurs 4. Les dates mêmes de cette pé­riode sont pleines d’obscurités, si étrange que cela puisse pa­raître, s’agissant d’une des per­son­na­li­tés les plus en vue de tout le XXe siècle. Re­joi­gnit-il Pa­ris en 1917, comme le sup­posent la plu­part de ses bio­graphes, ou en 1919, an­née de ses pre­miers ar­ticles si­gnés? En tout cas, la pre­mière qu’il eut en ar­ri­vant, c’est qu’en aussi il y avait des ou­vriers ex­ploi­tés — des gens qui pou­vaient prendre parti pour le peuple viet­na­mien. C’est là que lui vint à l’esprit cette de la sang­sue ca­pi­ta­liste, si fa­meuse de­puis «Le Pro­cès» : «Le ca­pi­ta­lisme est une sang­sue ayant une ven­touse ap­pli­quée sur le pro­lé­ta­riat de la mé­tro­pole, et une autre sur le pro­lé­ta­riat des . Si l’on veut tuer la bête, on doit cou­per les deux ven­touses à la fois». Alors, il s’attacha aux pro­lé­taires par le double lien de l’intérêt et de l’affection; et le jour où, après de longues dé­cen­nies, la sé­pa­ra­tion fa­tale, in­évi­table, se fit entre les co­lo­ni­sa­teurs et les co­lo­ni­sés, la France per­dit en lui un su­jet, mais conserva un ami, un al­lié, un confrère. «En se ré­cla­mant de la pro­tec­tion du peuple fran­çais», dit Hô Chi Minh dans «Les Re­ven­di­ca­tions du peuple an­na­mite», «le peuple an­na­mite, bien loin de s’humilier, s’honore au contraire : car il sait que le peuple fran­çais re­pré­sente la et la , et ne re­non­cera ja­mais à son de uni­ver­selle. En consé­quence, en écou­tant la des op­pri­més, le peuple fran­çais fera son de­voir en­vers la France et en­vers l’humanité».

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Nguyên Ai Quôc. «Nguyên, c’est le pa­tro­nyme le plus ré­pandu en An­nam…; “Ai”, le pré­fixe qui si­gni­fie l’affection; “Quôc”, la pa­trie», dit M. Jean La­cou­ture. Au­tre­fois trans­crit Nguyen Ai Quac. Icône Haut
  2. M. Jean La­cou­ture. Icône Haut
  1. Louis Rou­baud, «Viêt-nam : la in­do­chi­noise; suivi d’autres sur le co­lo­nia­lisme». Icône Haut
  2. Les contri­bu­teurs du «Pa­ria» se com­po­saient en­tiè­re­ment de mi­li­tants ori­gi­naires des co­lo­nies, qui ve­naient, bé­né­vo­le­ment, après leurs heures de tra­vail. Icône Haut

« Kabir : une expérience mystique au-delà des religions »

éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris

éd. A. Mi­chel, coll. Spi­ri­tua­li­tés vi­vantes, Pa­ris

Il s’agit de  1, sur­nommé «le tis­se­rand de Bé­na­rès», l’un des les plus po­pu­laires de l’Inde, et l’un des fon­da­teurs de la lit­té­ra­ture , bien qu’il n’ait peut-être ja­mais rien écrit (XVe-XVIe siècle apr. J.-C.). Non seule­ment il a em­ployé le hindi, mais il a in­sisté sur l’avantage de se ser­vir de cette orale, en s’é contre l’emploi du et de toute autre langue sa­vante. Car, comme So­crate, Ka­bîr se mé­fiait de l’, qui était pour lui une lettre morte, un si­mu­lacre, et ne ju­geait vraie que la in­té­rieure de l’ : «Je n’ai ja­mais tou­ché», dit-il 2, «ni encre, ni pa­pier. Ma main ja­mais n’a tenu de plume. La gran­deur des quatre âges, Ka­bîr la fait naître des pa­roles de sa bouche». Sa re­nom­mée re­pose sur les cinq cents cou­plets («do­hâs» 3) et les cent stances («pa­das» 4) trans­crits par ses dis­ciples, et dont des mor­ceaux choi­sis fi­gurent dans le «Gou­rou Granth Sa­hib», le livre saint des . Ils se dis­tinguent par leur va­leur , par leur conci­sion et in­ten­sité, mais aussi et sur­tout par la ren­contre des deux tra­di­tions is­la­mique et hin­doue. Fils illé­gi­time d’une veuve brah­mane, adopté par un tis­se­rand mu­sul­man, Ka­bîr rê­vait d’amalgamer et en une seule et même . Lui-même se di­sait «l’enfant d’Allah et de Râma» et es­ti­mait que les deux tra­di­tions, mal­gré leurs dif­fé­rents, étaient des «pots de la même ar­gile» 5. On ra­conte que lorsqu’il fut sur le point de mou­rir, les hin­douistes dé­cla­rèrent qu’il fal­lait le brû­ler; les — qu’il fal­lait l’enterrer. Il s’éteignit re­cou­vert par son drap. Les deux par­tis, après d’interminables que­relles, fi­nirent par s’approcher du ca­davre et sou­le­vèrent le lin­ceul; mais ils virent qu’il n’y avait que des , et pas de . Les hin­douistes prirent la moi­tié des fleurs, les brû­lèrent et éle­vèrent en cet en­droit un mau­so­lée. Les mu­sul­mans prirent l’autre moi­tié et construi­sirent un sanc­tuaire pour les y mettre. «Il y a donc aujourd’hui à Ma­ghar 6 deux dé­diés à Ka­bîr», dit Mme  7. «Dres­sés l’un à côté de l’autre, ils té­moignent de l’irréductible contra­dic­tion que le même du ré­for­ma­teur de­vait être fi­na­le­ment im­puis­sant à ré­soudre. Tra­gique des­tin de ce pro­phète de l’!»

  1. En hindi कबीर. Au­tre­fois trans­crit Ca­bir. Icône Haut
  2. «Ka­bir : une mys­tique au-delà des re­li­gions», p. 151. Icône Haut
  3. En hindi दोहा. Icône Haut
  4. En hindi पद. Icône Haut
  1. «Ka­bir : une ex­pé­rience mys­tique au-delà des re­li­gions», p. 95 & 11. Icône Haut
  2. En hindi मगहर. Par­fois trans­crit Ma­ga­har. Ville si­tuée dans le dis­trict ac­tuel de Sant Ka­bîr Na­gar. Icône Haut
  3. «Pré­face à “Au ca­ba­ret de l’ : pa­roles de Ka­bîr”», p. 16. Icône Haut

Haribhadra, « Ballade des coquins, “Dhuttakkhāṇa” »

éd. Flammarion, coll. GF, Paris

éd. Flam­ma­rion, coll. GF, Pa­ris

Il s’agit de la « des co­quins» («Dhûr­tâ­khyâna» 1) d’Haribhadra Sûri 2, l’une des rares œuvres d’intention et de forme sa­ti­riques dans la (VIIIe siècle apr. J.-C.). L’auteur, qui s’est dé­tourné du et qui veut nous en dé­tour­ner à notre tour, pro­pose une sé­rie d’histoires ab­surdes dont il nous ré­vèle, après coup, qu’elles concordent avec la lit­té­ra­ture des brah­manes. Il veut ainsi nous prou­ver que cette der­nière est sans va­leur et ir­ra­tion­nelle. Le ca­ne­vas sur le­quel il brode sa dé­mons­tra­tion est re­mar­quable par sa com­plexité : À la sai­son des pluies, alors qu’il est im­pos­sible de voya­ger, des cen­taines de «co­quins» («dhûrta» 3, d’où le titre de la «Bal­lade») se réunissent dans un parc à proxi­mité de la ville d’Ujjain. Ce sont des maîtres en illu­sions et en men­songes, constam­ment oc­cu­pés à faire le , igno­rant la pi­tié, rui­nant la confiance que vieillards, et placent en eux, amis uni­que­ment de la fraude qu’ils pra­tiquent à l’aide d’encens, d’onguents et de ma­gies noires telles que l’hypnotisme et l’art de pa­ra­ly­ser, ex­perts, en­fin, à chan­ger leur et leur ap­pa­rence. Leurs or­ga­nisent, à l’occasion, une sorte de jeu-concours dont la règle est la sui­vante : Cha­cun doit ra­con­ter une aven­ture qu’il a vé­cue, si in­vrai­sem­blable et si peu digne de soit-elle. Le ga­gnant sera ce­lui dont l’ n’a pas d’équivalente dans les du «Ma­hâb­hâ­rata», du «Râmâyaṇa» et du reste de la lit­té­ra­ture brah­ma­nique. L’un des co­quins ra­conte avoir vu, un jour, un vil­lage en­tier échap­per à des ban­dits en trou­vant re­fuge dans un concombre, que dé­vora une chèvre gi­gan­tesque, ava­lée à son tour par un boa, lui-même happé par une grue, qui s’envola et se posa dans la cour du roi… Rien d’étonnant, ré­torquent les autres par­ti­ci­pants, à ce qu’un concombre contienne un vil­lage : se­lon la «Chân­do­gya Upa­niṣad» et le «Viṣṇu Purâṇa», le à son ori­gine n’était-il pas contenu dans un œuf? Quant au co­quin qui ra­conte être re­venu à la après qu’il eut eu la tête tran­chée et je­tée dans un ju­ju­bier, il n’impressionne guère plus : se­lon le «Râmâyaṇa», le Ha­nu­mân ne fit-il pas res­sus­ci­ter les morts au com­bat et qui avaient eu les membres cou­pés et bri­sés? Bref, les lé­gendes brah­ma­niques ne sont ni moins sus­pectes ni plus réus­sies que les his­toires ra­con­tées par ces fief­fés co­quins : telle est la conclu­sion à la­quelle veut ar­ri­ver la «Bal­lade».

  1. En prâ­krit «धूर्ताख्यान». Au­tre­fois trans­crit «Dhur­ta­khyan». Icône Haut
  2. En prâ­krit हरिभद्र सूरि. Au­tre­fois trans­crit Ha­rib­ha­dra Soori. Icône Haut
  1. En prâ­krit धूर्त. Icône Haut

Macrobe, « Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome II »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du «Com­men­taire au “Songe de Sci­pion”» («In “Som­nium Sci­pio­nis”») de  1, éru­dit de la fin du IVe siècle et du dé­but du Ve siècle apr. J.-C., com­pi­la­teur au sa­voir en­cy­clo­pé­dique, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du . Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire , comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de . En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» in­di­quait l’appartenance à l’ordre des sé­na­teurs, «illus­tris», lui, était en­core au-des­sus, et il n’y avait guère qu’une poi­gnée de hauts aux­quels il était at­ta­ché. Ces dif­fé­rentes charges n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. Et d’ailleurs, bien qu’à cette époque les et les fussent déjà dans leur , ils avaient néan­moins l’avantage d’être plus que ja­mais culti­vés par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — pré­fets, maîtres de la mi­lice, di­gni­taires du im­pé­rial, pa­trices, consuls —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la face au en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fait par­tie, et qu’il met en scène dans ses «Sa­tur­nales» en qua­lité de convives. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la , si nous avons quelque ; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une et une abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un  4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres » («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis  : en cette qua­lité, je crois avoir sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Icône Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Icône Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Icône Haut
  2. Mar­tin Schanz. Icône Haut

Macrobe, « Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome I »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du «Com­men­taire au “Songe de Sci­pion”» («In “Som­nium Sci­pio­nis”») de  1, éru­dit de la fin du IVe siècle et du dé­but du Ve siècle apr. J.-C., com­pi­la­teur au sa­voir en­cy­clo­pé­dique, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du . Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire , comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de . En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» in­di­quait l’appartenance à l’ordre des sé­na­teurs, «illus­tris», lui, était en­core au-des­sus, et il n’y avait guère qu’une poi­gnée de hauts aux­quels il était at­ta­ché. Ces dif­fé­rentes charges n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. Et d’ailleurs, bien qu’à cette époque les et les fussent déjà dans leur , ils avaient néan­moins l’avantage d’être plus que ja­mais culti­vés par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — pré­fets, maîtres de la mi­lice, di­gni­taires du im­pé­rial, pa­trices, consuls —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la face au en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fait par­tie, et qu’il met en scène dans ses «Sa­tur­nales» en qua­lité de convives. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la , si nous avons quelque ; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une et une abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un  4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres » («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis  : en cette qua­lité, je crois avoir sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Icône Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Icône Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Icône Haut
  2. Mar­tin Schanz. Icône Haut

Macrobe, « Les Saturnales. [Tome I.] Livres I-III »

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à , Pa­ris

Il s’agit des «Sa­tur­nales» («Sa­tur­na­lia») de  1, éru­dit de la fin du IVe siècle et du dé­but du Ve siècle apr. J.-C., com­pi­la­teur au sa­voir en­cy­clo­pé­dique, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du . Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire , comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de . En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» in­di­quait l’appartenance à l’ordre des sé­na­teurs, «illus­tris», lui, était en­core au-des­sus, et il n’y avait guère qu’une poi­gnée de hauts aux­quels il était at­ta­ché. Ces dif­fé­rentes charges n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. Et d’ailleurs, bien qu’à cette époque les et les fussent déjà dans leur , ils avaient néan­moins l’avantage d’être plus que ja­mais culti­vés par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — pré­fets, maîtres de la mi­lice, di­gni­taires du im­pé­rial, pa­trices, consuls —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la face au en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fait par­tie, et qu’il met en scène dans ses «Sa­tur­nales» en qua­lité de convives. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la , si nous avons quelque ; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une et une abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un  4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres » («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis  : en cette qua­lité, je crois avoir sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Icône Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Icône Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Icône Haut
  2. Mar­tin Schanz. Icône Haut

Isocrate, « Œuvres complètes. Tome III »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Dis­cours sur la per­mu­ta­tion» («Peri tês an­ti­do­seôs» 1) et autres dis­cours d’apparat d’, cé­lèbre pro­fes­seur d’ grecque (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Son père, qui pos­sé­dait une fa­brique de flûtes, s’était suf­fi­sam­ment en­ri­chi pour se pro­cu­rer de quoi vivre dans l’abondance et se mettre en état de don­ner à ses la meilleure pos­sible. Chez les Athé­niens, la prin­ci­pale par­tie de l’éducation était alors l’étude de l’éloquence. C’était le par le­quel l’ mon­trait sa su­pé­rio­rité et son mé­rite : «Grâce à [ce] don qui nous est ac­cordé de nous per­sua­der mu­tuel­le­ment et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos vo­lon­tés», dit Iso­crate 2, «non seule­ment nous avons pu nous af­fran­chir de la sau­vage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des , éta­bli des , in­venté des ; et c’est ainsi que nous de­vons à la le bien­fait de presque toutes les créa­tions de notre es­prit… Et s’il faut tout dire en un mot sur cette grande fa­culté de l’homme, rien n’est fait avec sans le se­cours de la pa­role; elle est le guide de nos ac­tions comme de nos pen­sées, et les hommes d’un es­prit su­pé­rieur sont ceux qui s’en servent avec le plus d’avantages.» Ces ré­flexions et d’autres sem­blables dé­ter­mi­nèrent Iso­crate à consa­crer sa à l’éloquence. Mais sa ti­mi­dité in­sur­mon­table et la fai­blesse de sa ne lui per­mirent ja­mais de par­ler en pu­blic, du moins de­vant les grandes foules. Les as­sem­blées pu­bliques, com­po­sées quel­que­fois de six mille ci­toyens, exi­geaient de l’orateur qui s’y pré­sen­tait, non seule­ment de la har­diesse, mais une voix forte et so­nore. Iso­crate man­quait de ces deux qua­li­tés. Ne pou­vant par­ler lui-même, il dé­cida de l’apprendre aux autres et ou­vrit une école à Athènes. Sur la fin de sa vie, et dans le où sa ré­pu­ta­tion ne lais­sait plus rien à dé­si­rer, il di­sait avec un vé­ri­table re­gret : «Je prends dix mines pour mes le­çons, mais j’en paye­rais vo­lon­tiers dix mille à ce­lui qui pour­rait me don­ner de l’assurance et une bonne voix». Et quand on lui de­man­dait com­ment, n’étant pas ca­pable de par­ler, il en ren­dait les autres ca­pables : «Je suis», di­sait-il 3, «comme la à ra­soir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la fa­ci­lité de cou­per».

  1. En «Περὶ τῆς ἀντιδόσεως». Cette œuvre n’est connue en en­tier que de­puis l’édition don­née, en 1812, par An­dré Mous­toxy­dis. Icône Haut
  2. «Ni­co­clès à ses su­jets», sect. 3. Icône Haut
  1. Plu­tarque, «Vies des dix grecs», vie d’Isocrate. Icône Haut

Isocrate, « Œuvres complètes. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de l’«Éloge d’Hélène» («He­le­nês En­kô­mion» 1) et autres dis­cours d’apparat d’, cé­lèbre pro­fes­seur d’ grecque (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Son père, qui pos­sé­dait une fa­brique de flûtes, s’était suf­fi­sam­ment en­ri­chi pour se pro­cu­rer de quoi vivre dans l’abondance et se mettre en état de don­ner à ses la meilleure pos­sible. Chez les Athé­niens, la prin­ci­pale par­tie de l’éducation était alors l’étude de l’éloquence. C’était le par le­quel l’ mon­trait sa su­pé­rio­rité et son mé­rite : «Grâce à [ce] don qui nous est ac­cordé de nous per­sua­der mu­tuel­le­ment et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos vo­lon­tés», dit Iso­crate 2, «non seule­ment nous avons pu nous af­fran­chir de la sau­vage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des , éta­bli des , in­venté des ; et c’est ainsi que nous de­vons à la le bien­fait de presque toutes les créa­tions de notre es­prit… Et s’il faut tout dire en un mot sur cette grande fa­culté de l’homme, rien n’est fait avec sans le se­cours de la pa­role; elle est le guide de nos ac­tions comme de nos pen­sées, et les hommes d’un es­prit su­pé­rieur sont ceux qui s’en servent avec le plus d’avantages.» Ces ré­flexions et d’autres sem­blables dé­ter­mi­nèrent Iso­crate à consa­crer sa à l’éloquence. Mais sa ti­mi­dité in­sur­mon­table et la fai­blesse de sa ne lui per­mirent ja­mais de par­ler en pu­blic, du moins de­vant les grandes foules. Les as­sem­blées pu­bliques, com­po­sées quel­que­fois de six mille ci­toyens, exi­geaient de l’orateur qui s’y pré­sen­tait, non seule­ment de la har­diesse, mais une voix forte et so­nore. Iso­crate man­quait de ces deux qua­li­tés. Ne pou­vant par­ler lui-même, il dé­cida de l’apprendre aux autres et ou­vrit une école à Athènes. Sur la fin de sa vie, et dans le où sa ré­pu­ta­tion ne lais­sait plus rien à dé­si­rer, il di­sait avec un vé­ri­table re­gret : «Je prends dix mines pour mes le­çons, mais j’en paye­rais vo­lon­tiers dix mille à ce­lui qui pour­rait me don­ner de l’assurance et une bonne voix». Et quand on lui de­man­dait com­ment, n’étant pas ca­pable de par­ler, il en ren­dait les autres ca­pables : «Je suis», di­sait-il 3, «comme la à ra­soir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la fa­ci­lité de cou­per».

  1. En «Ἑλένης Ἐγκώμιον». Icône Haut
  2. «Ni­co­clès à ses su­jets», sect. 3. Icône Haut
  1. Plu­tarque, «Vies des dix grecs», vie d’Isocrate. Icône Haut