Icône Mot-clef20ᵉ siècle

Kitahara, « Chansons pour l’enfance »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Bibliothèque japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions de , coll. Bi­blio­thèque ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit de Ki­ta­hara Ha­ku­shû 1, poète qui, par la créa­tion du genre «dôyô» 2chan­son en­fan­tine») et par l’adoption d’images et de rythmes di­rec­te­ment em­prun­tés aux sym­bo­listes oc­ci­den­taux, donna à la ja­po­naise une di­rec­tion et une im­pul­sion nou­velles. De son vrai nom Ki­ta­hara Ryû­ki­chi 3, il na­quit en 1885. Sa ville na­tale, Ya­na­gawa, était sillon­née d’innombrables ca­naux et fai­sait par­tie de ces pe­tites flu­viales, pai­sibles et mortes, qui res­semblent à des cer­cueils flot­tant sur l’ : «Ya­na­gawa, avec ses ca­naux», dit-il dans une pré­face 4, «c’est d’abord mon vil­lage na­tal… C’est aussi le creu­set de mon œuvre . Oui, c’est de l’entrecroisement de [ses] ca­naux, de cette même, qu’a jailli ma phrase, que s’est formé mon ». Mais sa pas­sion pour la poé­sie le poussa, dès 1904, à quit­ter ces pay­sages du Sud et à s’installer à Tô­kyô, champ de toutes les ex­pé­ri­men­ta­tions lit­té­raires. Les an­nées sui­vantes, un re­cueil de poèmes eu­ro­péens tra­duit par Ueda Bin, «Kai­chôon» 5Mur­mures de »), ainsi qu’un autre re­cueil concen­tré cette fois sur la et pré­paré par Na­gai Kafû, «San­go­shû» 6Co­raux»), firent connaître au le . Ki­ta­hara, ex­tra­or­di­nai­re­ment ré­cep­tif à ce nou­veau cou­rant, s’en ins­pira dès ses pre­mières œuvres. Celles-ci furent sa­luées par le même Ueda Bin comme une «syn­thèse entre la tra­di­tion des an­ciennes et les formes les plus nou­velles de l’art »

  1. En 北原白秋. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 童謡. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 北原隆吉. Icône Haut
  1. p. 112. Icône Haut
  2. En ja­po­nais «海潮音». Icône Haut
  3. En ja­po­nais «珊瑚集». Icône Haut

Kyôka, « La Ronde nocturne de l’agent de police, “Yakô junsa” »

dans « Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines. Tome II » (éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris)

dans « de contem­po­raines. Tome II» (éd. Gal­li­mard, coll. Du en­tier, Pa­ris)

Il s’agit de «La Ronde noc­turne de l’agent de po­lice» («Yakô junsa» 1) et autres œuvres d’ 2, écri­vain (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses fan­tas­tiques que dans ses nou­velles proches du poème en prose, un monde fait d’êtres sur­na­tu­rels, de in­quié­tants et de sen­suelles, un monde sans en par­tie ins­piré de sa mère ar­tiste, qu’il per­dit à l’âge de neuf ans. Fan­tasque, ca­pri­cieux, Kyôka vi­vait en­touré de ses peurs et su­per­sti­tions; il crai­gnait les chiens et les éclairs et en­le­vait les lu­nettes quand il pas­sait de­vant un , pour que rien ne brouillât son contact avec le di­vin. Il idéa­lisa le monde des gei­shas, au point d’en prendre une pour femme, en ajour­nant son jusqu’au dé­cès de son maître Ozaki Kôyô qui désap­prou­vait cette union. De l’, il ré­vé­rait les des­seins étranges et dé­ca­dents d’Aubrey Beard­sley; du — les vieilles es­tampes et scènes de nô. Hé­las! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka res­tent pour l’heure in­édites en . Tel est le cas de «Ni­hon­ba­shi» 3, l’ d’un jeune à la de sa sœur qui lui avait payé ses études en de­ve­nant gei­sha; ou bien «L’Ermite du mont Kôya» («Kôya hi­jiri» 4), les confes­sions d’un moine sou­mis à la par une ma­gi­cienne vo­lup­tueuse, une sorte de Circé, qui avait le pou­voir de mé­ta­mor­pho­ser les hommes en bêtes. Même au Ja­pon, mal­gré la po­pu­la­rité de ses œuvres, adap­tées très tôt au et au ci­néma, Kyôka s’éteignit dans une re­la­tive in­dif­fé­rence, laissé de côté par ses contem­po­rains. Sa pré­di­lec­tion pour le , ses étranges types fé­mi­nins qui rap­pe­laient sou­vent, par leur beauté té­né­breuse et trou­blante, les «belles dames sans merci» du oc­ci­den­tal, ne cor­res­pon­daient plus aux goûts du  : «Quand je songe à Izumi Kyôka», dit un  5, «ce qui ne cesse de me sur­prendre, c’est cet en­thou­siasme et cette in­flexible [obs­ti­na­tion] à vou­loir pré­ser­ver un tel uni­vers fan­tas­tique et plein de , dans un Ja­pon où, de­puis [l’ère] Meiji, le cou­rant prin­ci­pal était le réa­lisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de , reste, me semble-t-il, en der­nier lieu, un au­teur réa­liste. En par exemple, même au XIXe siècle où le réa­lisme était le cou­rant lit­té­raire prin­ci­pal, [il] exis­tait un cer­tain nombre de fan­tas­tiques — Ner­val, parmi d’autres… Dans la contem­po­raine, Kyôka fait de cas unique et isolé».

  1. En ja­po­nais «夜行巡査». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 泉鏡花. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «日本橋». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «高野聖». Par­fois tra­duit «Le Saint du mont Kôya». Icône Haut
  2. Iku­shima Ryûi­chi dans Fran­çois La­chaud, «“L’Ermite du mont Kôya”, une lec­ture d’Izumi Kyôka», p. 71-72. Icône Haut

Kyôka, « Les Noix glacées, “Kurumi” »

dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 15-22

dans «[]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Ci­tron (1910-1926)» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 15-22

Il s’agit des «Noix gla­cées» («Ku­rumi» 1) et autres œuvres d’ 2, écri­vain (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses fan­tas­tiques que dans ses nou­velles proches du poème en prose, un fait d’êtres sur­na­tu­rels, de in­quié­tants et de sen­suelles, un monde sans en par­tie ins­piré de sa mère ar­tiste, qu’il per­dit à l’âge de neuf ans. Fan­tasque, ca­pri­cieux, Kyôka vi­vait en­touré de ses peurs et su­per­sti­tions; il crai­gnait les chiens et les éclairs et en­le­vait les lu­nettes quand il pas­sait de­vant un , pour que rien ne brouillât son contact avec le di­vin. Il idéa­lisa le monde des gei­shas, au point d’en prendre une pour femme, en ajour­nant son jusqu’au dé­cès de son maître Ozaki Kôyô qui désap­prou­vait cette union. De l’, il ré­vé­rait les des­seins étranges et dé­ca­dents d’Aubrey Beard­sley; du — les vieilles es­tampes et scènes de nô. Hé­las! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka res­tent pour l’heure in­édites en . Tel est le cas de «Ni­hon­ba­shi» 3, l’ d’un jeune à la de sa sœur qui lui avait payé ses études en de­ve­nant gei­sha; ou bien «L’Ermite du mont Kôya» («Kôya hi­jiri» 4), les confes­sions d’un moine sou­mis à la par une ma­gi­cienne vo­lup­tueuse, une sorte de Circé, qui avait le pou­voir de mé­ta­mor­pho­ser les hommes en bêtes. Même au Ja­pon, mal­gré la po­pu­la­rité de ses œuvres, adap­tées très tôt au et au ci­néma, Kyôka s’éteignit dans une re­la­tive in­dif­fé­rence, laissé de côté par ses contem­po­rains. Sa pré­di­lec­tion pour le , ses étranges types fé­mi­nins qui rap­pe­laient sou­vent, par leur beauté té­né­breuse et trou­blante, les «belles dames sans merci» du oc­ci­den­tal, ne cor­res­pon­daient plus aux goûts du  : «Quand je songe à Izumi Kyôka», dit un  5, «ce qui ne cesse de me sur­prendre, c’est cet en­thou­siasme et cette in­flexible [obs­ti­na­tion] à vou­loir pré­ser­ver un tel uni­vers fan­tas­tique et plein de , dans un Ja­pon où, de­puis [l’ère] Meiji, le cou­rant prin­ci­pal était le réa­lisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de , reste, me semble-t-il, en der­nier lieu, un au­teur réa­liste. En par exemple, même au XIXe siècle où le réa­lisme était le cou­rant lit­té­raire prin­ci­pal, [il] exis­tait un cer­tain nombre de fan­tas­tiques — Ner­val, parmi d’autres… Dans la contem­po­raine, Kyôka fait de cas unique et isolé».

  1. En ja­po­nais «胡桃». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 泉鏡花. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «日本橋». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «高野聖». Par­fois tra­duit «Le Saint du mont Kôya». Icône Haut
  2. Iku­shima Ryûi­chi dans Fran­çois La­chaud, «“L’Ermite du mont Kôya”, une lec­ture d’Izumi Kyôka», p. 71-72. Icône Haut

Kyôka, « Une Femme fidèle : récits »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit d’«Une Femme fi­dèle» («Bake ichô» 1) et autres œuvres d’ 2, écri­vain (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses fan­tas­tiques que dans ses nou­velles proches du poème en prose, un fait d’êtres sur­na­tu­rels, de in­quié­tants et de sen­suelles, un monde sans en par­tie ins­piré de sa mère ar­tiste, qu’il per­dit à l’âge de neuf ans. Fan­tasque, ca­pri­cieux, Kyôka vi­vait en­touré de ses peurs et su­per­sti­tions; il crai­gnait les chiens et les éclairs et en­le­vait les lu­nettes quand il pas­sait de­vant un , pour que rien ne brouillât son contact avec le di­vin. Il idéa­lisa le monde des gei­shas, au point d’en prendre une pour femme, en ajour­nant son jusqu’au dé­cès de son maître Ozaki Kôyô qui désap­prou­vait cette union. De l’, il ré­vé­rait les des­seins étranges et dé­ca­dents d’Aubrey Beard­sley; du — les vieilles es­tampes et scènes de nô. Hé­las! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka res­tent pour l’heure in­édites en . Tel est le cas de «Ni­hon­ba­shi» 3, l’ d’un jeune à la de sa sœur qui lui avait payé ses études en de­ve­nant gei­sha; ou bien «L’Ermite du mont Kôya» («Kôya hi­jiri» 4), les confes­sions d’un moine sou­mis à la par une ma­gi­cienne vo­lup­tueuse, une sorte de Circé, qui avait le pou­voir de mé­ta­mor­pho­ser les hommes en bêtes. Même au Ja­pon, mal­gré la po­pu­la­rité de ses œuvres, adap­tées très tôt au et au ci­néma, Kyôka s’éteignit dans une re­la­tive in­dif­fé­rence, laissé de côté par ses contem­po­rains. Sa pré­di­lec­tion pour le , ses étranges types fé­mi­nins qui rap­pe­laient sou­vent, par leur beauté té­né­breuse et trou­blante, les «belles dames sans merci» du oc­ci­den­tal, ne cor­res­pon­daient plus aux goûts du  : «Quand je songe à Izumi Kyôka», dit un  5, «ce qui ne cesse de me sur­prendre, c’est cet en­thou­siasme et cette in­flexible [obs­ti­na­tion] à vou­loir pré­ser­ver un tel uni­vers fan­tas­tique et plein de , dans un Ja­pon où, de­puis [l’ère] Meiji, le cou­rant prin­ci­pal était le réa­lisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de , reste, me semble-t-il, en der­nier lieu, un au­teur réa­liste. En par exemple, même au XIXe siècle où le réa­lisme était le cou­rant lit­té­raire prin­ci­pal, [il] exis­tait un cer­tain nombre de fan­tas­tiques — Ner­val, parmi d’autres… Dans la contem­po­raine, Kyôka fait de cas unique et isolé».

  1. En ja­po­nais «化銀杏». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 泉鏡花. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «日本橋». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «高野聖». Par­fois tra­duit «Le Saint du mont Kôya». Icône Haut
  2. Iku­shima Ryûi­chi dans Fran­çois La­chaud, «“L’Ermite du mont Kôya”, une lec­ture d’Izumi Kyôka», p. 71-72. Icône Haut

Kyôka, « La Femme ailée : récits »

éd. Ph. Picquier, coll. Picquier poche, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Pic­quier poche, Arles

Il s’agit de «La Femme ai­lée» («Ke­chô» 1) et autres œuvres d’ 2, écri­vain (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses fan­tas­tiques que dans ses nou­velles proches du poème en prose, un fait d’êtres sur­na­tu­rels, de in­quié­tants et de sen­suelles, un monde sans en par­tie ins­piré de sa mère ar­tiste, qu’il per­dit à l’âge de neuf ans. Fan­tasque, ca­pri­cieux, Kyôka vi­vait en­touré de ses peurs et su­per­sti­tions; il crai­gnait les chiens et les éclairs et en­le­vait les lu­nettes quand il pas­sait de­vant un , pour que rien ne brouillât son contact avec le di­vin. Il idéa­lisa le monde des gei­shas, au point d’en prendre une pour femme, en ajour­nant son jusqu’au dé­cès de son maître Ozaki Kôyô qui désap­prou­vait cette union. De l’, il ré­vé­rait les des­seins étranges et dé­ca­dents d’Aubrey Beard­sley; du — les vieilles es­tampes et scènes de nô. Hé­las! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka res­tent pour l’heure in­édites en . Tel est le cas de «Ni­hon­ba­shi» 3, l’ d’un jeune à la de sa sœur qui lui avait payé ses études en de­ve­nant gei­sha; ou bien «L’Ermite du mont Kôya» («Kôya hi­jiri» 4), les confes­sions d’un moine sou­mis à la par une ma­gi­cienne vo­lup­tueuse, une sorte de Circé, qui avait le pou­voir de mé­ta­mor­pho­ser les hommes en bêtes. Même au Ja­pon, mal­gré la po­pu­la­rité de ses œuvres, adap­tées très tôt au et au ci­néma, Kyôka s’éteignit dans une re­la­tive in­dif­fé­rence, laissé de côté par ses contem­po­rains. Sa pré­di­lec­tion pour le , ses étranges types fé­mi­nins qui rap­pe­laient sou­vent, par leur beauté té­né­breuse et trou­blante, les «belles dames sans merci» du oc­ci­den­tal, ne cor­res­pon­daient plus aux goûts du  : «Quand je songe à Izumi Kyôka», dit un  5, «ce qui ne cesse de me sur­prendre, c’est cet en­thou­siasme et cette in­flexible [obs­ti­na­tion] à vou­loir pré­ser­ver un tel uni­vers fan­tas­tique et plein de , dans un Ja­pon où, de­puis [l’ère] Meiji, le cou­rant prin­ci­pal était le réa­lisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de , reste, me semble-t-il, en der­nier lieu, un au­teur réa­liste. En par exemple, même au XIXe siècle où le réa­lisme était le cou­rant lit­té­raire prin­ci­pal, [il] exis­tait un cer­tain nombre de fan­tas­tiques — Ner­val, parmi d’autres… Dans la contem­po­raine, Kyôka fait de cas unique et isolé».

  1. En ja­po­nais «化鳥». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 泉鏡花. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «日本橋». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «高野聖». Par­fois tra­duit «Le Saint du mont Kôya». Icône Haut
  2. Iku­shima Ryûi­chi dans Fran­çois La­chaud, «“L’Ermite du mont Kôya”, une lec­ture d’Izumi Kyôka», p. 71-72. Icône Haut

Pilinszky, « De quelques problèmes fondamentaux de l’art hongrois contemporain à la lumière de la pensée de Simone Weil »

dans « Liberté », vol. 14, nº 6, p. 14-19

dans «», vol. 14, nº 6, p. 14-19

Il s’agit de «De quelques pro­blèmes fon­da­men­taux de l’art hon­grois contem­po­rain à la lu­mière de la de Si­mone Weil» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la pen­sée sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’ créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Pilinszky, « Extraits de “Journal d’un lyrique” »

éd. La Différence, coll. Orphée, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Or­phée, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Jour­nal» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’ créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Pilinszky, « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice »

dans Fondation pour une entraide intellectuelle européenne, « L’Imagination créatrice : actes » (éd. La Baconnière, coll. Langages, Neuchâtel), p. 247-252

dans Fon­da­tion pour une en­traide in­tel­lec­tuelle eu­ro­péenne, «L’ créa­trice : actes» (éd. La Ba­con­nière, coll. Lan­gages, Neu­châ­tel), p. 247-252

Il s’agit du « mo­derne et l’Imagination créa­trice» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le monde concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’Imagination créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Pilinszky, « Poèmes choisis »

éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Du en­tier, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Poèmes» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le monde concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’ créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Akutagawa, « Jambes de cheval »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. -Sé­rie , Pa­ris

Il s’agit de «Jambes de » («Uma no ashi» 1) et autres nou­velles d’ 2. L’œuvre de cet écri­vain, dis­crè­te­ment in­tel­lec­tuelle, tein­tée d’une in­sou­ciante, cache as­sez , sous une ap­pa­rence lé­gère et élé­gante, quelque chose de ner­veux, d’obsédant, un sourd ma­laise, une «vague in­quié­tude» («bo­nyari-shita fuan» 3), se­lon les mots mêmes par les­quels Aku­ta­gawa tien­dra à dé­fi­nir le mo­tif de son . Pour­tant, de tous les , nul n’était mieux dis­posé qu’Akutagawa à trou­ver re­fuge dans l’art. Il se dé­cri­vait comme avide de lec­ture, ju­ché sur l’échelle d’une li­brai­rie, toi­sant de là-haut les pas­sants qui lui pa­rais­saient étran­ge­ment pe­tits et aussi tel­le­ment mi­sé­rables : «La hu­maine ne vaut pas même une ligne de Bau­de­laire!», di­sait-il 4. Très tôt, il avait com­pris que rien de sé­dui­sant ne se fait sans qu’y col­la­bore une . L’œuvre d’art, plu­tôt qu’à la pré­cieuse, se com­pare à la flamme qui a be­soin d’un ali­ment vi­vant. Et Aku­ta­gawa mit son à s’en faire la vic­time vo­lon­taire. Comme il écrira dans la «Lettre adres­sée à un vieil ami» («Aru kyûyû e okuru shuki» 5) im­mé­dia­te­ment avant sa  : «Dans cet état ex­trême où je suis, la me semble plus émou­vante que ja­mais. Peut-être ri­ras-tu de la contra­dic­tion dans la­quelle je me trouve, qui, tout en ai­mant la beauté de la na­ture, dé­cide de me sup­pri­mer. Mais la na­ture est belle parce qu’elle se re­flète dans mon ul­time » Et Ya­su­nari Ka­wa­bata de com­men­ter : «Le plus sou­vent ma­la­dif et af­fai­bli, [l’artiste] s’enflamme au der­nier mo­ment avant de s’éteindre tout à fait. C’est quelque chose de tra­gique en » 6. Le moins qu’on puisse en dire, c’est que c’est jus­te­ment ce «quelque chose de tra­gique» qui exerce sa puis­sante fas­ci­na­tion sur l’ et sur l’imaginaire des lec­teurs d’Akutagawa. «Ces der­niers sentent que leurs pré­oc­cu­pa­tions pro­fondes — ou plu­tôt… “exis­ten­tielles” — se trouvent sai­sies et par­ta­gées par l’auteur qui, en les pré­ci­sant et en les am­pli­fiant jusqu’à une sorte de han­tise, les pro­jette sur un fond im­pré­gné d’un “spleen” qui lui est par­ti­cu­lier», dit M. Ari­masa Mori

  1. En «馬の脚». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 芥川龍之介. Au­tre­fois trans­crit Riu­noské Aku­ta­gawa, Akou­ta­gawa Ryu­no­souké, Akou­ta­gaoua Ryou­no­souké ou Akou­ta­gava Ryou­no­souke. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «ぼんやりした不安». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «人生は一行のボオドレエルにも若かない». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «或旧友へ送る手記». Icône Haut
  3. «Ro­mans et Nou­velles», p. 26. Icône Haut

Erfan, « La 602ᵉ Nuit : nouvelles »

éd. de l’Aube, coll. Regards croisés, La Tour d’Aigues

éd. de l’Aube, coll. Re­gards croi­sés, La Tour d’Aigues

Il s’agit de «La 602e » de M. , écri­vain de fran­çaise. Né à Is­pa­han en 1946, il fait par­tie de ces hommes de , ces ci­néastes, ces que l’ de leur pays a me­nés à la pri­son et à l’. Quand son deuxième film a été pro­jeté, le mi­nistre de la ira­nien, pré­sent dans la salle, a dé­claré à la fin : «Le seul mur blanc sur le­quel on n’a pas en­core versé le des im­purs, c’est l’écran de ci­néma. Si on exé­cute ce traître, et que cet écran de­vient rouge, tous les ci­néastes com­pren­dront qu’on ne peut pas jouer avec les in­té­rêts du mu­sul­man» 1. Il a quitté alors l’ pour pour­suivre une d’écrivain à Pa­ris. Bien que cette car­rière soit loin d’être fi­nie, je m’autorise, dès à pré­sent, à ré­su­mer les prin­ci­pales et dif­fé­rentes qua­li­tés de M. Er­fan et comme les élé­ments consti­tu­tifs de son . 1º Le goût de l’intrigue trou­blante, ra­pide, sombre. «Mon ré­cit», dit M. Er­fan, «sera ra­pide comme l’ange de la lorsqu’il sur­git par la fe­nêtre ou par la fente sous la porte, s’empare de l’ du pire des ty­rans et dis­pa­raît aus­si­tôt par le même che­min, en em­por­tant l’âme d’un poète» 2. 2º La de la pa­trie, de la langue na­tale, de l’enfance. Chaque fois qu’il en­tre­prend d’écrire, M. Er­fan cherche le de sa pre­mière . Il goûte l’extase de la , le plai­sir de re­trou­ver les choses per­dues et ou­bliées dans la langue na­tale. Et comme cette mé­moire re­trou­vée ne ra­conte pas ce qui s’est passé réel­le­ment, mais ce qui au­rait pu se pas­ser, c’est elle le vé­ri­table écri­vain; et M. Er­fan est son pre­mier lec­teur : «Main­te­nant, je connais [la langue fran­çaise]. Mais je ne veux pas par­ler… Ma­dame dit : “Mon chéri, dis : jas­min”. Je ne veux pas. Je veux pro­non­cer le nom de la fleur qui était dans notre mai­son. Com­ment s’appelait-elle? Pour­quoi est-ce que je ne me sou­viens pas? Cette grande fleur qui pous­sait au coin de la cour. Qui mon­tait, qui tour­nait. Elle grim­pait par-des­sus la porte de notre mai­son, et elle re­tom­bait dans la rue… Com­ment s’appelait-elle? Elle sen­tait bon. Ma­dame dit en­core : “Dis, mon chéri”. , je pleure, je pleure…» 3 3º L’absence de , d’, de sen­ti­ment re­li­gieux. Si M. Er­fan n’a pas la de croire, c’est là son dé­faut, ou plu­tôt son mal­heur, mais un mal­heur te­nant à une cause fort grave, je veux dire les crimes que M. Er­fan a vu com­mettre au nom d’une dont les pré­ceptes ont été dé­na­tu­rés et dé­tour­nés de leur pro­pos et de leur vé­ri­table si­gni­fi­ca­tion : «Il ou­vrit sans hâte l’un des épais dos­siers [de la is­la­mique], en re­tira un feuillet, l’examina et, tout d’un coup, s’écria : “En­fer­mez cette femme dans un sac de jute et je­tez-lui des pierres jusqu’à ce qu’elle crève comme un chien… Que le père étrangle son fils de ses propres mains… Vio­lez la fillette de douze ans mal­gré son re­pen­tir et, entre ses jambes, ti­rez son foie”»

  1. Dans Ma­thieu Lin­don, «L’Enfer pa­ra­di­siaque d’Ali Er­fan». Icône Haut
  2. «Le Der­nier Poète du », p. 11. Icône Haut
  1. id. p. 82. Icône Haut

Erfan, « La Route des infidèles : roman »

éd. de l’Aube, coll. Regards croisés, La Tour d’Aigues

éd. de l’Aube, coll. Re­gards croi­sés, La Tour d’Aigues

Il s’agit de «La Route des in­fi­dèles» de M. , écri­vain de fran­çaise. Né à Is­pa­han en 1946, il fait par­tie de ces hommes de , ces ci­néastes, ces que l’ de leur pays a me­nés à la pri­son et à l’. Quand son deuxième film a été pro­jeté, le mi­nistre de la ira­nien, pré­sent dans la salle, a dé­claré à la fin : «Le seul mur blanc sur le­quel on n’a pas en­core versé le des im­purs, c’est l’écran de ci­néma. Si on exé­cute ce traître, et que cet écran de­vient rouge, tous les ci­néastes com­pren­dront qu’on ne peut pas jouer avec les in­té­rêts du mu­sul­man» 1. Il a quitté alors l’ pour pour­suivre une d’écrivain à Pa­ris. Bien que cette car­rière soit loin d’être fi­nie, je m’autorise, dès à pré­sent, à ré­su­mer les prin­ci­pales et dif­fé­rentes qua­li­tés de M. Er­fan et comme les élé­ments consti­tu­tifs de son . 1º Le goût de l’intrigue trou­blante, ra­pide, sombre. «Mon ré­cit», dit M. Er­fan, «sera ra­pide comme l’ange de la lorsqu’il sur­git par la fe­nêtre ou par la fente sous la porte, s’empare de l’ du pire des ty­rans et dis­pa­raît aus­si­tôt par le même che­min, en em­por­tant l’âme d’un poète» 2. 2º La de la pa­trie, de la langue na­tale, de l’enfance. Chaque fois qu’il en­tre­prend d’écrire, M. Er­fan cherche le de sa pre­mière . Il goûte l’extase de la , le plai­sir de re­trou­ver les choses per­dues et ou­bliées dans la langue na­tale. Et comme cette mé­moire re­trou­vée ne ra­conte pas ce qui s’est passé réel­le­ment, mais ce qui au­rait pu se pas­ser, c’est elle le vé­ri­table écri­vain; et M. Er­fan est son pre­mier lec­teur : «Main­te­nant, je connais [la langue fran­çaise]. Mais je ne veux pas par­ler… Ma­dame dit : “Mon chéri, dis : jas­min”. Je ne veux pas. Je veux pro­non­cer le nom de la fleur qui était dans notre mai­son. Com­ment s’appelait-elle? Pour­quoi est-ce que je ne me sou­viens pas? Cette grande fleur qui pous­sait au coin de la cour. Qui mon­tait, qui tour­nait. Elle grim­pait par-des­sus la porte de notre mai­son, et elle re­tom­bait dans la rue… Com­ment s’appelait-elle? Elle sen­tait bon. Ma­dame dit en­core : “Dis, mon chéri”. , je pleure, je pleure…» 3 3º L’absence de , d’, de sen­ti­ment re­li­gieux. Si M. Er­fan n’a pas la de croire, c’est là son dé­faut, ou plu­tôt son mal­heur, mais un mal­heur te­nant à une cause fort grave, je veux dire les crimes que M. Er­fan a vu com­mettre au nom d’une dont les pré­ceptes ont été dé­na­tu­rés et dé­tour­nés de leur pro­pos et de leur vé­ri­table si­gni­fi­ca­tion : «Il ou­vrit sans hâte l’un des épais dos­siers [de la is­la­mique], en re­tira un feuillet, l’examina et, tout d’un coup, s’écria : “En­fer­mez cette femme dans un sac de jute et je­tez-lui des pierres jusqu’à ce qu’elle crève comme un chien… Que le père étrangle son fils de ses propres mains… Vio­lez la fillette de douze ans mal­gré son re­pen­tir et, entre ses jambes, ti­rez son foie”»

  1. Dans Ma­thieu Lin­don, «L’Enfer pa­ra­di­siaque d’Ali Er­fan». Icône Haut
  2. «Le Der­nier Poète du », p. 11. Icône Haut
  1. id. p. 82. Icône Haut

« Mission Pavie. Géographie et Voyages. Tome VII. Journal de marche • Événements du Siam »

éd. E. Leroux, Paris

éd. E. Le­roux, Pa­ris

Il s’agit d’, ex­plo­ra­teur (XIXe-XXe siècle) qui, seul ou avec quelques com­pa­gnons fi­dèles, sillonna pen­dant des dé­cen­nies le et le . La vo­ca­tion d’explorateur de Pa­vie, ti­mide et mo­deste ser­gent, fils de ses œuvres, ne se ré­véla que dans le pe­tit port de Kam­pot 1, où il dé­bar­qua en tant qu’agent du té­lé­graphe. Dans un pre­mier , il vé­cut isolé, seul Eu­ro­péen; mais sé­duit par le charme du pays et des ha­bi­tants, il cher­cha à connaître leur et leurs cou­tumes. Un bonze let­tré lui ser­vit d’initiateur. Pa­vie dé­cou­vrit chez ce der­nier «une sorte de coffre la­qué rouge et noir, orné de do­rures, et [conte­nant] plu­sieurs cen­taines de sur feuilles de pal­mier… : sur l’, l’, la chi­ro­man­cie et la ; ro­mans [re­la­tant] les exis­tences pas­sées du ; [ma­nuels] sur les usages : , codes, » 2. En même temps qu’il était charmé par les édi­fices de la bon­ze­rie qui dor­maient à l’ombre des fi­guiers, Pa­vie en­tre­voyait toute la de cette an­tique khmère dont des «restes de lit­té­ra­ture et de », de «vagues idées de et de » conser­vaient pieu­se­ment «un né­bu­leux» 3. Pa­vie se mit à s’entretenir fa­mi­liè­re­ment avec les ha­bi­tants et ac­quit peu à peu une connais­sance in­time de l’ in­di­gène qui lui ser­vit par la suite. De ses sor­ties au bord de la , il rap­porta en outre une col­lec­tion de et de co­quilles, qu’il en­voya à l’Exposition de Saï­gon. Ces tra­vaux re­tinrent l’attention de Le Myre de Vi­lers, gou­ver­neur de Co­chin­chine. Chargé par ce der­nier en 1880 d’une pre­mière et dure mis­sion, Pa­vie par­cou­rut la ré­gion in­ex­plo­rée qui s’étendait du golfe de Siam au Mé­kong, en dres­sant une carte et une afin d’établir une ligne té­lé­gra­phique. Ce fut chose faite en 1883 avec la ligne Saï­gon-Bang­kok de plus d’un mil­lier de ki­lo­mètres. Pa­vie avait mon­tré de telles dis­po­si­tions, qu’on le char­gea aus­si­tôt d’une autre mis­sion : celle d’explorer le Laos afin d’élaborer la pre­mière carte com­plète de l’. Pa­reilles étaient peut-être un , mais com­bien les au­raient re­fu­sées! Si Pa­vie les ac­cepta, c’est par crainte de se faire de­van­cer; car il vou­lait être le pre­mier in­ven­teur de ces fo­rêts et de ces monts où même les in­di­gènes ne s’aventuraient qu’à contre­cœur. «Faites», dit-il, en avouant la pointe d’ dans ses pro­jets 4, «faites que je sois le pre­mier; que j’aille le plus loin; que je parte tout de suite et tout seul; et qu’on s’en rap­porte à . La et la n’auront ja­mais été mieux ser­vies, dites-le-leur. Le de Co­chin­chine, m’ayant cru, m’a chargé d’unir Saï­gon à Bang­kok; c’est fini. Je veux mar­cher en avant…; chose na­tu­relle, il me faut une tâche plus grande… Si vous vou­lez, je l’aurai. Don­nez donc. Vive la Ré­pu­blique!»

  1. En កំពត. Icône Haut
  2. « et . Tome I», p. 14-15. Icône Haut
  1. «Études di­verses. Tome I», p. XII. Icône Haut
  2. «Lettre à Jules Har­mand du 15.VI.1883» dans Dion, «Au­guste Pa­vie», p. 68. Icône Haut